• Nenhum resultado encontrado

1.4 Mod`eles non-autoadjoints en dimension 1 : oscillateurs anhar-

1.4.3 Op´erateurs PT -sym´etriques

En m´ecanique quantique, l’´etat d’un syst`eme, ses niveaux d’´energie et son

´evolution dans le temps sont d´etermin´es par un op´erateurH appel´e hamiltonien.

Cette th´eorie est bˆatie sur un certain nombre d’axiomes fondamentaux, dont la plupart sont impos´es par des ph´enom`enes physiques. Par exemple, le fait que le spectre deH, qui repr´esente les niveaux d’´energie du syst`eme, doit ˆetre r´eel, est une hypoth`ese naturelle du point de vue physique. L’´evolution de l’´etat d’un syst`eme quantique ´etant d´ecrite par les solutions ψ(t, x) = eitHψ0(x) de l’´equation de Schr¨odinger associ´ee au hamiltonien H, il est ´egalement naturel d’imposer `a l’op´erateur d’´evolutioneitH d’ˆetre unitaire, c’est-`a-dire keitHk= 1

1.4. OSCILLATEURS ANHARMONIQUES ETPT-SYM´ETRIQUES 33

Figure 1.6 – Pseudospectres des oscillateurs harmonique et quartique com- plexes (k= 1 etk= 2 respectivement).

pour toutt∈R. En effet, les solutionsψ(t, x) repr´esentant la densit´e de prob- abilit´e de pr´esence d’une particule quantique au temps t, il est indispensable que leur norme soit pr´eserv´ee dans le temps. Pour ces raisons, les physiciens supposent assez syst´ematiquement que l’op´erateur H est autoadjoint, ce qui garantit ces propri´et´es. N´eanmoins, selon C. M. Bender [18], cette hypoth`ese n’est pas r´eellement justifi´ee du point de vue de la physique, et n’est adopt´ee qu’afin de garantir les axiomes physiques d’´energies r´eelles et d’´evolution uni- taire. Selon certains physiciens, il serait donc possible de donner un sens, dans le cadre de la m´ecanique quantique, `a des th´eories faisant intervenir des op´erateurs non-autoadjoints, pour peu que leur spectre soit r´eel et leur ´evolution dans le temps unitaire.

Ainsi, depuis quelques ann´ees, physiciens et math´ematiciens ont cherch´e `a rem- placer la sym´etrie propre aux op´erateurs autoadjoints par un autre type de sym´etrie dans l’espace-temps, plus faible, appel´eePT-sym´etrie. Pour d´efinir les op´erateursPT-sym´etriques, on se place dans l’espace de HilbertL2(Rn),n≥1.

On noteP l’op´erateur de parit´e

P :u(x)7→u(−x), etT l’op´erateur d’inversion temporelle

T :u(x)7→u(x)

(la conjugaison parT transforme formellementten−tdans le terme d’´evolution i∂tde l’´equation de Schr¨odinger).

D´efinition 1.4.6 L’op´erateur AestPT-sym´etrique si [PT,A] = 0.

Un grand nombre de travaux ont ´et´e consacr´es `a cette recherche de propri´et´es math´ematiques communes aux op´erateurs autoadjoints etPT-sym´etriques : pro- pri´et´es spectrales, pseudospectrales, et propri´et´es des fonctions propres. Si cer- taines analogies peuvent effectivement ˆetre constat´ees, notamment la r´ealit´e du

34 CHAPITRE 1. INTRODUCTION spectre dans certains cas, nous verrons que la propri´et´e dePT-sym´etrie ne per- met pas `a elle seule d’assurer les bonnes propri´et´es physiques attendues.

Les op´erateurs de Schr¨odinger constituent ´evidemment le premier cas d’´etude.

Dans ce cas, l’op´erateur−∆ +V estPT-sym´etrique si et seulement si le poten- tiel v´erifieV(−x) =V(x),pour toutx∈R. L’un des mod`eles de base pour de tels op´erateurs est l’oscillateur cubique complexeAα, qui fera l’objet du chapitre 3 de cette th`ese. Il s’agit de l’op´erateur d´efini surL2(R) par

Aα=− d2

dx2 +ix3+iαx , α∈R. (1.4.26) Il est clair queAαest PT-sym´etrique quandαest r´eel.

L’oscillateur cubique complexeAα, ainsi que ses variantes (le potentielx2+ix3, par exemple), ont fait l’objet d’un int´erˆet particulier au cours des derni`eres d´ecennies (voir [28, 31, 20, 46, 47, 48, 124, 135, 136, 29, 18, 73, 97]). Ces travaux ont souvent ´et´e motiv´es par la conjecture de Bessis-Zinn-Justin, dont les sim- ulations num´eriques avaient laiss´e deviner que le spectre de l’op´erateur anhar- monique impair H=−dxd22 +x2+ix3 ´etait r´eel. Certains travaux de Caliceti, Graffi et Maioli [28], [31] ont ´et´e consacr´es `a cet op´erateur, plus pr´ecis´ement `a la famille d’op´erateursHβ =−dxd22+x2+βx2n+1(β∈C) . Plus tard, la conjecture de Bessis-Zinn-Justin a ´et´e prouv´ee par Shin [124] (voir aussi [46],[47]), dont le r´esultat, qui porte plus g´en´eralement sur les op´erateurs PT-sym´etriques `a potentiels polynomiaux, entraˆıne en particulier :

Th´eor`eme 1.4.7 Pour toutα≥0, on aσ(Aα)⊂R.

Les propri´et´es du spectre deAα sont moins connues pour les valeurs n´egatives du param`etre α. Des simulations num´eriques (voir [46], [47], [48]) reproduites sur la figure 1.7 semblent indiquer que, pour tout n ≥1, il existe une valeur critique αcritn <0 du param`etre telle que λn(α) est r´eel pour α > αcritn . Pour α =αcritn , λncritn ) croiserait une valeur propre cons´ecutive pour former en- suite, pour α < αcritn , une paire complexe conjugu´ee situ´ee en dehors de l’axe r´eel. En ce qui concerne l’´etude `a αfix´e des grandes valeurs propres que nous effectuons dans le chapitre 3, la conjecture voudrait que, pour toutα <0 fix´e, les valeurs propresλn(α) soient toutes r´eelles `a partir d’un certain rangNα, o`u Nα→+∞quand α→ −∞(voir Figure 1.7).

L’oscillateur cubique tel qu’il est pr´esent´e dans cette th`ese a ´egalement ´et´e

´etudi´e dans [48] et [135]. Mentionnons ´egalement [73] qui consid`ere une pertur- bation quadratique du potentiel cubiqueix3.

Par ailleurs, Bender et d’autres auteurs ont ´etudi´e plusieurs op´erateurs PT- sym´etriques, notamment −dxd22 +m2x2−(ix)N avec N > 0 [20], dont le cas m= 0 etN = 3 correspond `a l’oscillateur cubique ´etudi´e ici avecα= 0 . Enfin, le r´ecent article [97] prend l’exemple de l’op´erateur Aα pour r´epondre par la n´egative `a certaines questions concernant la possibilit´e de donner un sens physique aux op´erateursPT-sym´etriques, voir le Th´eor`eme 1.4.10 ci-apr`es.

Les travaux portant sur les op´erateurs PT-sym´etriques ne se limitent pas au seul oscillateur cubique. Par exemple, des crit`eres pour l’existence ou la non-existence de valeurs propres en dehors de l’axe r´eel ont ´et´e formul´es dans [29], dans le cas de certaines perturbations PT-sym´etriques d’op´erateurs de

1.4. OSCILLATEURS ANHARMONIQUES ETPT-SYM´ETRIQUES 35

Figure 1.7 – Parties r´eelles des valeurs propres deAα en fonction deα.

Schr¨odinger autoadjoints. Nous consacrons une partie de l’Annexe D `a l’´etude de cette situation. D’autres crit`eres concernant des questions similaires sont donn´es dans [30].

Signalons ´egalement le travail de Borisov et Krejcirik [22], o`u le caract`ere PT- sym´etrique des op´erateurs non-autoadjoints ´etudi´es provient du choix des con- ditions aux bords. Plus pr´ecis´ement, ils consid`erent le guide d’onde Hα sur Ω =R×]0, d[ d´efini par

Hαψ=−∆ψ sur Ω,

2ψ+iαψ= 0 sur ∂Ω, o`u la fonctionαest born´ee et `a valeurs r´eelles.

Dans certains cas o`uαpeut ˆetre consid´er´e comme perturbation d’une constante α0, les auteurs donnent des crit`eres assurant que le spectre essentiel ou ponctuel est r´eel.

Bien que la propri´et´e de spectre r´eel, rencontr´ee dans de nombreux cas d’op´erateursPT-sym´etriques, soit surprenante pour un op´erateur non-autoadjoint, elle ne permet ´evidemment pas d’´etablir une v´eritable analogie entre op´erateurs PT-sym´etriques et op´erateurs autoadjoints. Les notions d’op´erateurquasi-hermitien et d’op´erateur m´etrique associ´e `a un op´erateur non-autoadjoint ont ´et´e intro- duites (voir [97] et les r´ef´erences qu’il contient) pour d´esigner des op´erateurs similaires, en un certain sens, `a des op´erateurs autoadjoints. On s’appuie sur [97] dans la suite de cette section.

D´efinition 1.4.8 L’op´erateurAest dit quasi-hermitien s’il existe un op´erateur Θpositif et born´e tel que

ΘD(A)⊂ D(A), et

∀ψ∈ D(A), ΘAψ=AΘψ . (1.4.27) Θest alors appel´e op´erateur m´etrique associ´e `aA.

36 CHAPITRE 1. INTRODUCTION L’existence d’un op´erateur m´etrique born´e Θ v´erifiant (1.4.27) n’implique pas en g´en´eral queAposs`ede des propri´et´es spectrales (ou pseudospectrales) com- parables `a celles d’un op´erateur autoadjoint. C’est ce que nous allons constater dans le cas de l’oscillateur cubiqueAα.

En revanche, dans le cas o`u Θ a la propri´et´e suppl´ementaire d’ˆetre inversible et d’inverse born´e, les cons´equences de (1.4.27) sont nombreuses. Nous les r´esumons dans la proposition suivante :

Proposition 1.4.9 Soit A tel qu’il existe un op´erateur Θ positif, born´e, in- versible et d’inverse born´e v´erifiant (1.4.27). Alors :

(i) Le spectre deAest r´eel.

(ii) Le pseudospectre deAest trivial en ce sens qu’il existeR >0tel que, pour toutz∈ρ(A), on a

k(A −z)1k ≤ R

|Imz|. (1.4.28)

De plus,R≤ k√ Θkk√

Θ1k.

(iii) Supposons queAsoit un op´erateur `a r´esolvante compacte et `a valeurs pro- pres simples, et soit(un)n1 la famille des fonctions propres normalis´ees deA. Supposons de plus que la famille(un)n1 soit totale dansH. Alors c’est une base de Riesz.

Rappelons que la famille (un)n1est une base de Riesz si (1.3.8) est v´erifi´ee.

En contredisant les points (ii) et (iii) de cette proposition, Krejcirik et Siegl montrent dans [97] le th´eor`eme suivant :

Th´eor`eme 1.4.10 Pour tout α∈R, l’op´erateurAα est quasi-hermitien, mais il n’existe pas de pas de m´etriqueΘborn´ee et d’inverse born´e v´erifiant (1.4.27).

Ce r´esultat met fin `a l’espoir de mettre en place une th´eorie quantique qui s’ap- pliquerait aux op´erateursPT-sym´etriques ou quasi-hermitiens en toute g´en´eralit´e ; la condition Θ inversible, d’inverse born´e, est en effet essentielle dans cette op- tique.

Au chapitre 3, nous chercherons ´egalement `a comprendre les propri´et´es du pseudospectre et des fonctions propres de l’op´erateurAα, en d´eterminant comme dans les Th´eor`emes 1.4.3 et 1.4.4 le comportement asymptotique de ses indices d’instabilit´e. Plus pr´ecis´ement, nous montrerons le r´esultat suivant :

Th´eor`eme 1.4.11 Pour tout α≥0, on a

nlim+

1

nlogκn(α) = π

√3. (1.4.29)

Le Th´eor`eme 1.4.11 et la Proposition 1.3.3 permettent de retrouver l’absence d’op´erateur m´etrique d’inverse born´e dans le casα≥0 . C’est en effet imm´ediat

`a v´erifier dans ce cas : on peut choisir les fonctions propres (uαn)n1deAαtelles que, pour toutn, m≥1 , huαn, uαmi=δn,m, et on a alorsκn(α) =kuαnk2 d’apr`es la Proposition 1.3.2. En consid´erant la suiteφn=uαn, on a donc

nk2n(α)→+∞ et

+

X

j=1

|hφn, uji|2= 1,