• Nenhum resultado encontrado

De cette présentation de l’installation du peuplement dans les villages de Wuro-Madiu et de Thiago, il faut retenir l’ordre d’arrivée des familles dans chacun de ces villages. Car dans les systèmes fonciers du Fuuta et du Delta, les fondateurs sont les maîtres de terre qui distribuent aux nouveaux arrivant le facteur principal de production (J.L. Boutillier et J. Schmitz, 1987;

A. Dia, 1967; E. Le Roy, 1970; J. Schmitz, 1986). Dès lors, cet ordre va structurer les relations sociales entre les individus dans les systèmes coutumiers, créant notamment des relations de dépendance d’une famille à l’autre. En ce qui concerne le Fuuta, la structure actuelle des relations sociales interfamiliales est compliquée par la prééminence des castes. A Wuro-Madiu comme à Thiago, ces historiques de l’installation des populations tendent à faire penser que le foncier et le religieux sont deux sources principales du pouvoir coutumier. Ces éléments constituent les premières caractéristiques du champ social villageois.

chargée de l’organisation de la cérémonie annuelle en l’honneur du marabout Madihu. Cette cérémonie regroupe l’ensemble de ses disciples et les autorités religieuses et administratives locales et nationales. Le dahira Cheikh Oumar est une association créée en 1964, qui participe à la célébration des fêtes religieuses nationales et organise des conférences publiques pendant le Ramadan.

Notons que le lignage de Madihu était initialement composé uniquement par des membres de la famille Ba, du patronyme de Madihu. C’est bien plus tard que les membres des familles intégrées secondairement (Jop, Ceen, Won, Li, Baro) ont demandé à changer le nom du lignage Babaabe (la famille des Ba) pour l’appellation de la famille Madihu. Cette revendication semble avoir été instituée pour matérialiser l’intégration de ces familles et leur permettre d’acquérir une position équivalente de celle des Babaabe. Mais dans les faits, il apparaît aujourd’hui que des inégalités demeurent et expliquent par exemple que seul un Ba puisse devenir khalife ou imam. L’intégration de ces migrants à la famille Madihu explique également l’importance actuelle en nombre des membres de ce lignage par rapport à ceux des Jaak ou des Jaañ. L’association jokhere enδam a donc été créée pour raffermir les liens sociaux entre les familles Jaak et Jaañ par le développement d’entraide, de solidarités, de rencontres amicales. Les alliances matrimoniales ont également été favorisées de façon à contrebalancer la puissance de la famille Madihu.

Créée en 1971, l'association villageoise de développement (AVD) pinal e bamtaare contribue au développement du village dans les domaines de la santé, de l'éducation/formation, de la culture, du sport, de la promotion féminine, etc. En relation avec de nombreux partenaires (UJAK, le Fedde Service Développement ou FSD, le Projet Intégré de Podor ou PIP, et la SAED), elle occupe une position centrale dans le tissu institutionnel villageois (figure 18).

Elle joue donc un rôle de coordination des actions de développement. L’association est également en relation avec l’association des parents d’élèves, le jaaltaabe et le chef de village. Le groupement féminin est une des commissions de l’AVD. Il s’occupe de la promotion féminine et intervient dans le maraîchage, le commerce et l’épargne crédit. Au sein de l’AVD se trouve également l’association des ressortissants émigrés de Wuro-Madiu, dont le siège se situe à Dakar. Cette association joue un rôle essentiel pour toucher les autorités nationales et des entreprises économiques importantes. Par exemple, elle a permis, après les intempéries de janvier 2002, d’acquérir une nouvelle moto-pompe pour irriguer les parcelles

D’autres institutions interviennent plus spécifiquement dans le domaine agricole. La SUMA51 est une section du périmètre de Nianga qui couvre 1200 ha et regroupe 12 villages. Selon le nombre d'habitants un village peut compter une à trois sections. De même, une section peut regrouper plusieurs villages de petite taille. La SUMA a pour fonction de gérer les aménagements hydro-agricoles, le matériel agricole, la fourniture d'intrants,… Quant à la gestion de l'eau ou l'irrigation des parcelles, elle est assurée par l'Union des sections villageoises. Spécialisée dans la culture du riz, la SUMA entretient des relations avec l'association des parents d'élèves et l'imam. Elle appuie financièrement la construction de salles de classes et de la mosquée et prête son matériel. La SUMA est également liée avec les groupements de producteurs de Mbure Madiu et Kane Cheikh qu’elle aide pour l’entretien et la réfection des aménagements, à qui elle prête du matériel agricole, des GMP voire de l’argent. Mbure Madiu est un périmètre aménagé par les villageois avec l'appui de leur SUMA. Des cultures maraîchères y sont essentiellement produites (oignons, tomates, gombos,…) permettant aux agriculteurs de disposer d'un revenu monétaire. Le périmètre irrigué villageois (PIV) de Kane Cheikh a été aménagé en 1979 par la SAED. Ce PIV est lui aussi spécialisé dans les cultures légumières.

Figure 18 : Diagramme de Venn des institutions et de leurs relations à Wuro-Madiu

51 Section d’Utilisation du Matériel Agricole.

Cette figure 18 montre une structuration des institutions villageoises fortement polarisée autour de l’AVD même si un pôle secondaire apparaît centré sur l’imam et les autres institutions plus traditionnelles. En effet, il ressort que les activités du village sont essentiellement tournées vers le développement local et agricole dans un contexte religieux prégnant qui rythme le quotidien des individus et qui permet d’entretenir des relations particulières avec des niveaux politiques régional voire national.

5.3.2 Le village de Thiago

L’Union hydraulique de Thiago Guiers et le groupement des femmes sont les deux institutions centrales au sein du village de Thiago.

L’Union hydraulique de Thiago-Guiers est subdivisée en six sections villageoises chacune attributaire d’un espace foncier déterminée dans les deux aménagements principaux du village : le grand casier de Ndombo-Thiago (600 ha partagés avec le village voisin de Ndombo) et le casier japonais de Thiago-Guiers (150 ha). L’Union avait initialement pour vocation le développement des activités agricoles dans le périmètre. Elle s’investit aujourd’hui dans d’autres aspects de la vie communautaire : elle contribue financièrement aux travaux d’extension de la grande mosquée villageoise, participe au frais de transport des pèlerins vers Tivaouane ou Touba52, et intervient dans les travaux d’intérêt général (nettoyage public, forage de puits,…). Par sa position centrale, l’Union est en relation avec plusieurs autres institutions villageoises (comité de santé, la cellule école-milieu, l’imam, l’association sportive et culturelle et le GIE Diaksao) ou non (SAED, CNCAS) (figure 19).

Le groupement des femmes n’étant pas attributaire de parcelles dans aucun de ces deux aménagements, il ne possède pas de relation directe avec l’Union. Son rôle principal est de chercher des crédits afin de financer des activités féminines génératrices de revenus (maraîchage, teinture, commerce, tontine). Leurs ressources financières proviennent essentiellement de l’exploitation d’un moulin à mil. Ce groupement a été créé par les femmes pour rompre le silence imposé et changer les tâches d’animation et de distraction dans lesquelles elles étaient confinées lors des assemblées générales villageoises. Elles participent

52 A Tivaouane, capitale de la confrérie Tidjane se déroule tous les ans, le grand Gamul qui célèbre la naissance du prophète Mahommet. A Touba, capitale de la confrérie mouride fondée par Cheikh Amadou Bamba, se

maintenant au développement du village notamment en contribuant financièrement à l’organisation de certaines manifestations villageoises (dahira, accueil des hôtes de marques).

De nombreux GIE existent mais bien peu sont réellement fonctionnels.

Des institutions plus coutumières ont également été identifiées. Le chef de village, fonction héritée en ligne patrilinéaire dans le lignage Fall, occupe aujourd’hui une fonction essentielle de représentant administratif lors des manifestations officielles. Mais du fait du développement de la riziculture irriguée, il a vu ses prérogatives diminuées (notamment en matière de gestion foncière) au profit de celle du président de l’Union. Son âge avancé lui assure cependant une reconnaissance de l’ensemble des villageois. Du point de vue de la résolution des tensions entre villageois, d’autres personnes âgées occupent une fonction de médiateurs sociaux coutumiers, les djubolékat, au sein d’une même famille ou entre différentes familles du village. Mais le recours à ces médiateurs tend à disparaître, les conflits étant de plus en plus souvent portés sur la place publique voire devant les tribunaux.

Figure 19 : Diagramme de Venn des institutions et de leurs relations à Thiago

L’organisation institutionnelle du village semble ici plus bipolaire qu’à Wuro-Madiu et cela s’explique en partie par la séparation forte qui existe entre les activités féminines et

masculines. Autour de ces deux pôles se focalise l’ensemble des activités des villageois qui tout comme dans le village haalpulaar concerne l’agriculture irriguée.

Voyons donc comment se répartit le capital symbolique dans ces deux villages. A Thiago, il semble que le poids religieux soit moins fort que dans le Fuuta. Le système des castes ne paraît pas être un élément déterminant de l’organisation sociale villageoise. Ainsi, le capital symbolique du champ social villageois est composé à Thiago comme à Wuro-Madiu d’un capital social (famille, âge), d’un capital économique (facteurs de production agricole : terre, capital financier, travail et eau), d’un capital politique (capacité à mobiliser des ressources locales voire régionales), d’un capital de connaissance de l’irrigation.

La distinction s’opère surtout quant à la place du religieux dans les activités du groupe social.

Historiquement il détermine les relations de castes dans le Fuuta, système qui perdure actuellement dans l’organisation sociale de Wuro-Madiu et dans l’attribution des postes à responsabilité. Paradoxalement, alors que l’Islam prône la séparation entre les activités des hommes et celles des femmes, c’est à Wuro-Madiu que les échanges sont plus nombreux entre les sexes. Du point de vue du capital politique, les habitants de Wuro-Madiu ont tissé des liens étroits avec leurs migrants à l’échelle nationale alors que les membres de Thiago ne font référence qu’à des relations politiques au niveau régionale. Là encore, le religieux est responsable en partie de cette capacité vu que la mosquée de Madiu est un lieu important de pèlerinage nationale. Mais le fait que le voyage soit un passage obligé des gens de Madiu est un autre facteur d’explication de l’étendu de ce capital social et politique. Ces différents types de capitaux ne sont pas indépendants, leur mobilisation peut se faire de façon différentielle dans le temps pour une même personne.

Maintenant que le système social villageois est décrit pour chacun des deux villages, allons encore un peu plus loin dans la description de l’irrigation pour déterminer de façon plus précise les caractéristiques du champ social des irrigants.