Partie II Définition d’un système d’aide à la décision pour anticiper et gérer des
5.2. Représenter la crise selon une approche systémique
5.2.1. Le paradigme systémique
5.2.1.1. Le premier niveau d’abstraction : le système
Le concept de base de l’approche systémique est le système. Ce dernier correspond à la représentation d’un objet ou d’un projet, construite par un observateur et jugée pertinente face à une situation perçue comme complexe. Le système intègre les différentes logiques d’acteurs et les différents niveaux d’interactions (Aloui, 2007).
La démarche systémique propose de considérer globalement la situation et ses acteurs, comme un système dont les parties ne peuvent être isolées de l’unité à laquelle elles appartiennent et doivent être considérées comme ouvertes sur leur environnement.
La construction de la représentation du système est définie par une procédure de systémographie, plus précisément par une procédure de conception de modèles des phénomènes perçus comme complexes, en le représentant délibérément comme et par un système général (Le Moigne, 1977). La systémographie se décompose en trois phases que sont le cadrage (construction par isomorphie14 - de même forme - avec un système général), le développement (correspondance homomorphique15 du modèle avec les traits perçus du phénomène) et l’interprétation (simulations d’actions possibles sur le modèle pour anticiper les conséquences éventuelles dans les phénomènes) (Le Moigne, 1977) (Cf. Figure 10).
14 Isomorphie : Correspondance bijective telle qu’à tout élément d’un ensemble d’arrivée (le modèle) correspond un élément et un seul de l’ensemble de départ (l’objet).
15 Homomorphisme : Correspondance surjective telle qu’à tout élément de l’ensemble d’arrivée (le modèle) correspondent un élément au moins de l’ensemble de départ (l’objet), sans que la réciproque soit vraie.
Système Général
Modèle du phénomène Phénomène
perçu dans son environnement
Correspondance Isomorphique Correspondance Homomorphique
Modélisation systémique
Figure 10 : Systémographier un phénomène complexe non identifiable (Le Moigne, 1977) Ainsi, le modélisateur procède par isomorphie et homomorphie avec les propriétés de l’archétype de modèle qu’est le système général représenté figure 11.
Système général Finalités
Transformations Fonctions
Environnements Système général Finalités
Transformations Fonctions
Environnements Système général Finalités
Transformations Fonctions
Environnements
Figure 11 : Forme canonique du système général (Le Moigne, 1977)
La crise est donc un système complexe que l’on cherche à appréhender. En effet, la variété des éléments, de leurs comportements et de leurs interactions augmente la difficulté à comprendre et analyser le système. La systémique offre le moyen de réduire cette complexité,
Archétype du modèle
tant pour permettre une meilleure compréhension que pour conduire une analyse efficace. Les connaissances du système sont organisées en suivant les différents niveaux de modélisation présentés en figure 12.
Evolution
Environnement Finalité
Comportement
Structure
Fonction Evolution
Environnement Finalité
Comportement
Structure
Fonction Evolution
Environnement Finalité
Comportement
Structure
Fonction
Figure 12 : Les différents niveaux de modélisation (Le Moigne, 1977) Les trois niveaux de modélisation se décomposent comme suit :
1) niveau fonctionnel : ce que fait le système au contact de son environnement ; 2) niveau structurel : l’ensemble des organes dont l’agencement est le produit d’une organisation ;
3) niveau comportemental : la dynamique du système.
Après avoir identifié le système grâce au premier niveau, il est nécessaire d’aller plus loin et d’intégrer le second niveau d’abstraction permettant de définir le modèle.
5.2.1.2. Le second niveau d’abstraction : le modèle
Un modèle est l’image d’un système. Il est construit selon une intention particulière afin de répondre à des questions sur le système modélisé (Bézivin, 2001). Selon Naslin (1974, in Aloui, 2007), « un modèle d’un phénomène ou d’un processus est essentiellement un mode de représentation tel qu’il permette, d’une part, de rendre compte de toutes les observations faites et, d’autre part, de prévoir le comportement du système considéré dans des conditions plus variées que celles qui ont donné naissance aux observations. ». En effet, le modèle est réalisé
afin de se comporter de manière identique au système réel (Cf. Figure 13). Il représente alors un support de base pour le raisonnement. La modélisation nécessite de disposer d’un modèle défini par un formalisme, des règles d’écriture (syntaxe) et des règles d’évolution (sémantique opérationnelle).
Système
Modèle Perturbations
Entrées Système Sorties
Modèle Perturbations
Entrées Système Sorties
Modèle Perturbations
Entrées Sorties
Figure 13 : Représentation d’un modèle
Différents types de modèles existent selon l’objectif et l’usage attendu du modèle, le degré de formalisation et de structuration des connaissances. (Chapurlat, 2007 ; Aloui, 2007) (Cf.
Tableau 14).
Tableau 14 : Les différents types de modèles (Walliser, 1977, Chapurlat, 2007 ; Aloui, 2007)
Modèle normatif Modèle prédictif ou prospectif
Types de modèle
Modèle cognitif
Modèle
prescriptif Modèle
construct Modèle formel Modèle analytique
Usages des modèles
Analyser Comprendre
Identifier l’environnement
Explorer Simuler Valider les concepts
opérationnels.
Formaliser le problème et les besoins ; Prescrire les exigences
Construire les architectures fonctionnelles et
physiques
Prévoir Valider Prouver des comportements
Simuler
Estimer les performances, la fiabilité et la sûreté de fonctionnement
Simuler.
Objectifs du modèle
Fournir une représentation d’un système existant qui mette en évidence les
propriétés intéressantes de ce
système
Fournir une représentation d’un système à créer qui mette en
évidence les propriétés souhaitées de ce système
A partir des connaissances que l’on a d’un état d’un système, déduire son
comportement dans des situations nouvelles
Une situation perçue comme complexe ne peut être directement analysée sans détruire sa compréhension. En effet, la complexité induit une représentation non exhaustive du système
puisqu’une grande partie de ses propriétés ne peuvent être décrites. L’approche systémique permet donc de réduire la complexité en construisant un modèle.
Le système général permet de percevoir le phénomène de crise dans son environnement. Le second niveau d’abstraction propose des modèles permettant une représentation de la crise. Ce travail s’appuiera sur le modèle de type cognitif puisque le but visé est de fournir une représentation de la crise afin de mettre en évidence les propriétés et les paramètres qui conditionnent l’émergence de ces situations.
5.2.2. Représentation du système global de crise : de l’état initial à l’état