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Quelle unité pour quelle analyse ?

No documento Nathalie Colineau (páginas 41-47)

LA DEMARCHE SUIVIE

3. Une unité minimale d’analyse

3.1. Quelle unité pour quelle analyse ?

coordonner leurs actions verbales individuelles (Bange, 1992). La notion de tour de parole sert en particulier à définir la paire adjacente, et à expliquer comment s’organise l’enchaînement des énoncés.

Sans entrer dans les détails de la notion d’enchaînement (nous aurons l’occasion d’y revenir dans la section 2.2 de la première partie), l’analyse conversationnelle définit la paire adjacente comme étant constituée de deux tours de parole en position de succession immédiate, prononcés par deux locuteurs différents et tels qu’il existe un élément reconnaissable comme le premier et un autre reconnaissable comme le second. Sacks et Schegloff (Schegloff &

Sacks, 1973) montrent que par la paire adjacente, le locuteur exerce un ensemble de contraintes sur ce qui doit être fait au tour de parole suivant. Ainsi, les tours de parole se succèdent non seulement en vertu de mécanismes d’alternance, mais aussi en vertu du principe de dépendance conditionnelle, qui stipule que certains types de tours en appellent d’autres.

Cependant, la difficulté que présente le tour de parole comme unité d’analyse, est qu’il n’est pas toujours clairement défini en raison du chevauchement des énoncés de chaque locuteur.

En effet, dans la plupart des cas, les locuteurs se coupent la parole et anticipent sur ce que l’autre va dire, si bien qu’il est souvent difficile d’arriver à un découpage en tour de parole qui soit satisfaisant. On essaie alors de regrouper dans la mesure du possible les énoncés et de faire intervenir la coupure, c’est-à-dire le changement de tour, un peu avant ou un peu après la fin de l’énoncé courant.

Du point de vue de l’analyse, le tour de parole ne permet pas de rendre compte de la structuration du dialogue, ni même de la valeur discursive de chaque énonciation. En effet, un tour de parole peut être constitué de plusieurs énonciations (cf. (1b) à (1d)), dont une aura pour rôle de clore l’échange courant et une autre pour rôle d’ouvrir un nouvel échange.

(1a) M geste d’exécution (C6égypte.14) action

(b) I « voilà » (C6égypte.15) validation de l’action (c) I « c’est la même distance » (C6égypte.16) information sur la tâche

(d) I « ensuite une pyramide petite » (C6égypte.17) ouverture d’une nouvelle tâche Dans ces conditions, le tour de parole ne permet pas non plus de mettre en évidence les actes de dialogue. Il représente une unité trop grande et ne permet pas de rendre compte de l’ensemble des actions discursives effectuées.

3.1.2.L’intervention

L’intervention à la différence du tour de parole, est une unité fonctionnelle. En effet, il s’agit de spécifier le rôle joué par l’intervention dans l’échange. L’école de Genève, en dégageant des règles d’organisation structurelle et fonctionnelle du discours, a proposé un modèle qui permet de rendre compte de la structure du dialogue (en échange, intervention et acte de langage) et qui permet d’identifier les fonctions des interventions.

Ainsi, le dialogue est structuré en échanges (l’unité minimale d’interaction du modèle), composés d’au minimum deux interventions (une intervention initiative et une intervention réactive). Chaque intervention peut être constituée d’un seul acte de discours ; dans ce cas, c’est la fonction illocutoire de cet acte qui est donnée à l’intervention. Mais une intervention peut être constituée de plusieurs actes de discours, dont l’un est considéré comme un acte directeur (conférant à l’intervention sa force illocutoire) et les autres, comme des actes subordonnées (dénotant des relations d’explication, de justification, etc. entre les actes). Un acte subordonné a donc une fonction interactive, dont le rôle est de spécifier le lien entre l’acte subordonné et l’acte directeur.

Ce modèle, même s’il présente l’avantage de décrire l’organisation structurelle du dialogue, pose quelques difficultés d’analyse. En effet, dans certains cas, il est difficile de n’assigner qu’une seule valeur à une intervention. Certaines interventions comportent un double statut. Il a été montré qu’une intervention n’a pas toujours uniquement un rôle d’ouverture ou de clôture d’échange (Roulet, 1994 cité dans Chanet, 1996).

(2a) M « comme ceci ? » (C5lampe.50) (b) I « oui » (C5lampe.51)

(c) I « et puis tu vas prendre le grand carré » (C5lampe.52)

L’intervention de I (instructeur) découpée en deux actes de dialogue (2b) et (2c) montre qu’une partie de l’intervention clôt l’échange (2a)-(2b) et que l’autre partie de l’intervention (2c) est une ouverture vers un nouvel échange. Ceci implique alors d’envisager des tours de parole constitués de plusieurs interventions, où chaque intervention est constituée d’un acte directeur.

Par ailleurs, d’autres exemples montrent qu’il est difficile de déterminer des critères qui permettent d’isoler l’acte directeur des actes subordonnés.

(3a) I « et puis maintenant faudrait faire la ligne horizontale » (C5égypte.37) (b) I « il faut prendre une grande e une grande horizontale » (C5égypte.38) (c) M « oui » (C5égypte.39)

Dans cet exemple, peut-on considérer l’acte d’information d’un but en (3a) comme subordonné à l’acte directeur de requête en (3b) ? L’acte informatif, même s’il complète l’acte de requête, constitue néanmoins un apport d’information important et nécessaire à la suite du dialogue, notamment à la bonne compréhension de la requête. Là encore, il apparaît plus judicieux de considérer ce tour de parole comme constitué de deux interventions.

Il semble que la notion d’intervention telle qu’elle est définie par l’école de Genève, ne soit pas réellement appropriée à notre corpus.

3.1.3.Les actes de dialogue

L’analyse en actes de dialogue repose sur la théorie des actes de langage (cf. section 1.1 de l’introduction) et de la logique illocutoire (Vanderveken, 1988) qui associe à chaque énonciation, un contenu propositionnel renvoyant en quelque sorte à la sémantique de l’énoncé, et une force illocutoire spécifiant ce que le locuteur désire accomplir par son énonciation. La force illocutoire est elle-même décomposée en plusieurs caractéristiques dont le but illocutoire constitue la plus importante.

Ainsi, l’énonciation « et maintenant prendre un petit triangle » (C11forêt.12), correspond à un acte de langage dont le contenu propositionnel est de prendre un petit triangle avec une force illocutoire directive.

La théorie des actes de langage distingue deux types d’actes selon leur réalisation linguistique :

- les actes directs où le locuteur énonce littéralement ce qu’il veut dire :

« je te prie de me passer le sel » ici, le locuteur exprime explicitement par l’usage d’un performatif ce qu’il veut dire.

- les actes indirects où le locuteur énonce de façon implicite autre chose que le sens littéral : « peux-tu me passer le sel » ici, le locuteur accomplit implicitement ce qu’il veut faire par l’usage de tournure conversationnelle.

La manière dont sont interprétés ces actes est la suivante : dans le cas d’un acte littéral, l’interprétation de l’acte et l’acte lui même sont équivalents. Pour Vanderveken :

« un locuteur qui parle littéralement exprime pragmatiquement les actes illocutoires qui sont exprimés sémantiquement dans les énoncés qu’il utilise » (Vanderveken, op. cit. : 50)

Dans le cas des actes indirects, la théorie postule qu’il existe des règles d’inférence permettant de retrouver l’acte accompli à partir de l’acte littéral produit.

Il apparaît que l’identification des actes de langage n’est pas sans poser de difficultés. Il faut déterminer pour chaque énonciation si elle correspond à un ou plusieurs actes, donc avoir un moyen de découper la surface linguistique du message.

(4) « voilà comme ça maintenant tu prend une autre barre horizontale » (C11église.95-96) En (4), on doit pouvoir distinguer que la première partie de l’énoncé clôt un enchaînement d’acte, le locuteur donne son approbation ; que la seconde partie de l’énoncé ouvre un nouvel enchaînement d’acte, le locuteur adresse une requête à l’allocutaire.

Il faut aussi associer une force illocutoire à chaque acte en sachant déterminer si l’acte est énoncé littéralement ou non. Et enfin, il faut pouvoir relier les actes d’une même intervention entre eux.

Les critères linguistiques pour la plupart avancés par la philosophie du langage (Vanderveken, op. cit.) pour repérer les actes de langage, ne sont pas toujours pertinents, ni suffisamment nombreux. En effet, l’analyse faite part d’exemples bien souvent fabriqués ne prenant pas en compte les facteurs contextuels.

Ainsi, les marques proposées (lexicales : emploi d’expressions performatives, syntaxiques : modalités syntaxiques de phrase, etc.) ne servent pas toujours à marquer un acte dit

« primitif ». Par exemple, l’emploi de l’impératif peut être rencontré dans des actes autres que les directifs.

Ainsi, la marque « attendez » (où le mode impératif est appliqué au verbe attendre) que l’on rencontre dans nos corpus, est un indice de structuration de l’oral ; elle donne lieu à une interprétation différente de la requête.

De même, une assertion peut prendre des valeurs discursives différentes selon le type de dialogue en cause, selon sa place dans le contexte d’énonciation, et selon qu’elle est accomplie par l’un ou l’autre des interlocuteurs. Un acte « assertif » n’est donc pas toujours à considérer comme un acte accomplissant littéralement une assertion.

Aussi, il apparaît difficile d’appliquer ce modèle tel quel, car il est trop éloigné des conversations réelles. Il faut donc si l’on veut conserver l’acte de langage comme unité de base, envisager d’enrichir les critères discriminant les actes entre eux et reconsidérer l’acte de langage dans son contexte d’énonciation.

C’est pourquoi, nous considérons comme unité de base l’acte de dialogue, défini comme un acte de langage en contexte de dialogue. Pour reprendre C. Chanet :

« interpréter en contexte les énoncés de l’utilisateur signifie en effet avant tout interpréter en contexte les actions de l’utilisateur » (Chanet, op. cit. : 183).

Ainsi, interpréter un acte de dialogue signifie attribuer une valeur discursive à cet acte, c’est- à-dire articuler cette action langagière avec l’ensemble des autres actions et déterminer son rôle. Il s’agit ici de replacer la théorie des actes de langage dans une théorie générale de l’action.

Nous définissons l’acte de dialogue d’après quatre caractéristiques : 1 — l’acte de dialogue consiste en la réalisation d’une action ;

En tant qu’action, l’acte de dialogue vise une transformation de la situation d’énonciation dans laquelle il s’inscrit. Les actions réalisées par le langage sont des requêtes, des demandes d’information, des promesses, des menaces, des conseils, etc.

2 — l’acte de dialogue est un acte intentionnel dirigé vers autrui ;

C’est un acte intentionnel car en communiquant le locuteur vise une certaine fin. Ceci demande une prise en compte des objectifs du locuteur. Il est dirigé vers autrui car l’usage du langage implique un travail en commun, un ajustement des partenaires. De ce fait les choix lexicaux et syntaxiques opérés par le locuteur ont une signification fonctionnelle : ils relèvent d’une visée vers l’auditoire, dont le but est de fournir à l’auditeur les indices nécessaires à la construction de sa propre représentation (Clark

& Marshall, 1981 cité par Caron, 1995).

3 — l’acte de dialogue est un acte conventionnel ;

L’acte de dialogue pour être accompli doit obéir à certaines conditions discursives ; conditions que l’on nomme conditions de réussite. En effet :

« il ne suffit pas de dire - Oui, je prends cette femme pour épouse - pour être effectivement marié. Cela doit être dit dans un lieu précis, à un moment donné, par une personne habilitée » (Blanchet, 1995).

L’interprétation de l’acte de dialogue et son accomplissement effectif demande donc, de réunir un ensemble de circonstances, des personnes dont le rôle est approprié, l’intention des personnes impliquées et les effets attendus de l’énonciation.

4 — l’acte de dialogue est de nature contextuelle ;

Le sens d’un énoncé est construit en fonction de l’état momentané du contexte. En effet, selon le contexte un acte peut être interprété littéralement ou non, et recevoir des significations très différentes. Ainsi (5) (emprunté à Moeschler, 1985) peut être interprété soit comme une promesse, soit comme une information, ou encore une menace.

(5) « je viendrai demain »

Ainsi, notre analyse en actes de dialogue prend en compte le contexte d’énonciation, ainsi que les partenaires de l’interaction à travers la notion de but et d’effets attendus. Notre perspective se situe donc dans un cadre à la fois dialogique et actionnel.

Nous montrerons que les actes de dialogue sont marqués aussi bien sur le plan linguistique, prosodique que contextuel. Ainsi, s’il existe des marques dont la fonction est de permettre l’identification d’un acte, on peut penser que ces mêmes marques vont aider au découpage des énonciations en actes de dialogue. En effet, lorsque le locuteur produit une suite d’énonciations au sein d’un même tour de parole, il indique à l’allocutaire la manière dont son message doit être traité (i.e. reçu et interprété).

No documento Nathalie Colineau (páginas 41-47)