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Les jeux de hasard en France

No documento POLICE ADMINISTRATIVE ET JUDICIAIRE (páginas 34-38)

Le projet de loi qui sera bientôt voté par les Chambres françaises, dispose que les maisons de jeux ne pourront plus s'installer que dans les stations balnéaires, thermales et climatériques avec l'autorisation du ministre de l'intérieur qui réglementera le jeu de façon à faciliter le contrôle de l'autorité.

Pour chaque maison, i l y aura un directeur ou un comité de direction responsable.

Il sera perçu 10 pour cent sur le produit brut des jeux au profit d'œuvres d'assistance, d'hygiène ou d'utilité publiques.

Voici l'intéressant exposé des molil's de ce projet de loi :

Messieurs, dans une démocratie, fondée sur le respect du travail, le jeu, qui en est l'antithèse, ne saurait être encouragé.

Tel est, en effet, l'esprit de notre législation.

Le Code civil refuse (art. 1965) toute sanction aux dettes de jeu. Le Code- pénal punit de peines de simple police l'installation de jeux de hasard dans un lieu public (art. 475, 5°), de peines correctionnelles la tenue de maisons de jeux proprement dites (art. 477).

Toutefois, celte règle comporte quelques tempéraments.

Le jeu n'est pas immoral, antisocial au sens absolu où le sont, par exemple, le faux, le vol, l'adultère. 11 est simplement anti-économique..

Dès lors, si dans certaines conditions de temps et de lieu, la tolérance des jeux répond à de sérieux intérêts économiques et favorise la prospé- rité nationale elle-même, i l y aurait hypocrisie ou duperie de la part du législateur à fermer les yeux à l'évidence et à ne pas faire fléchir un principe abstrait devant le bien général. Tel est précisément le cas des

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stations balnéaires, thermales et climatériques que nous désignerons pour abréger sous le nom collectif de « villes d'eaux » ou « villes saisonnières ».

Ces villes reçoivent, pendant quelques mois de l'année, une nombreuse population flottante, qui vient leur demander non seulement la santé, mais le plaisir. Dans l'état actuel des mœurs, les jeux de hasard consti- tuent, pour une notable partie de ce public cosmopolite, la distraction la plus recherchée et que nulle autre ne remplace. Refuser à nos cercles et casinos de villes d'eaux le droit de l'inscrire sur leurs programmes serait les condamner par cela même à une infériorité irrémédiable vis-à-vis de plusieurs de leurs concurrents étrangers.

Ce n'est pas tout. En vertu même de leur industrie saisonnière, les villes d'eaux sont assujetties à des charges spéciales de police sanitaire : c'est ainsi que la loi du 15 février 1902 impose aux communes de plus de 2,000 âmes qui renferment un établissement thermal la création et l'entretien d'un bureau d'hygiène, création qui, en règle générale, ne s'applique qu'aux villes de 20,000 habitants. De ce chef seul le budget de la commune de Vichy est grevé d'une dépense de 15,000 francs.

D'autre part, la clientèle aisée qui fréquente ces stations a des exigences particulières et toujours croissantes, non seulement en matière d'hygiène, mais en matière de confort, de bien-être, de distractions : i l lui faut une voirie irréprochable, des promenades soigneusement entretenues, courses de chevaux, tirs aux pigeons, régates et, le soir, concerts, spectacles, fêtes de toute sorte.

A ces lourdes dépenses, en partie, nous le répétons, imposées par l'Etat, i l faut des ressources correspondantes. Où les municipalités vont- elles les puiser? Ce n'est assurément ni dans les centimes additionnels, ni dans les droits d'octroi et de marché couvert. Etablira-t-on sur les baigneurs eux-mêmes une taxe spéciale? Nos mœurs françaises s'accom- moderaient mal de cette pratique qui, même en Allemagne, soulève de nombreuses réclamations. D'ailleurs, modérée, la taxe produira des ressources insuffisantes ; lourde, elle fera fuir la clientèle étrangère qui constitue un élément de plus en plus considérable de nos villes d'eaux.

On se trouve donc, par la force des choses, amené à substituer ou à superposer à des impôts directs, forcés et peu productifs, cette forme d'impôt indirect, volontaire et abondante que procure le jeu.

C'est ainsi que les choses se passent depuis cinquante ans. Sur la foi des autorités administratives et des bénéfices qui en découlaient, les cercles et casinos ont servi des subventions aux municipalités, aux théâtres, aux sociétés sportives des villes d'eaux. Grâce à elles des travaux importants d'assainissement ont été entrepris — à Vichy seul ils repré- sentent une dépense de 4 millions — des édifices élégants ou fastueux se sont élevés, des hippodromes se sont ouverts, des centaines de stations grandes ou petites ont pu naître, se développer, prospérer, attirer et retenir une clientèle dépensière, qui fait vivre, pendant la saison, des centaines de milliers de modestes travailleurs. Et la richesse ainsi versée,

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dans nos villes saisonnières, par les hôtes français ou étrangers se répand par mille canaux dans les campagnes environnantes, grossit les recettes des chemins de 1er, et sous des formes variées, alimente le fisc lui-même.

Tout cet effort aura-t-il été en pure perte? Toute cette prospérité va-t-elle être condamnée à disparaître ou à s'étioler? C'est ce qui ne manquerait pas de se produire si, à l'heure même où se l'ait plus pressante la concurrence des villes d'eaux étrangères, favorisées par des exemptions d'impôts, des privilèges, des subsides officiels, à l'heure où nos stations ont besoin de toutes leurs ressources pour conserver leur rang menacé, l'interdiction radicale des jeux de hasard venait les priver de subventions qui constituent parfois le plus clair de leurs revenus et dériver vers des plages plus indulgentes — Ostende, Spa, Monaco, Saint-Sébastien — tout un Ilot de visiteurs fortunés.

Les répercussions d'une pareille mesure seraient multiples et graves.

Est-il besoin de les énumérer? Qui ne voit toute l'armée de travailleurs, hôteliers, restaurateurs, artistes, boutiquiers, fournisseurs, cochers, ouvriers du bâtiment, que la suppression des jeux, bientôt suivie de la fermeture des casinos et de leurs théâtres, condamnerait au chômage, c'est-à-dire à la misère, pendant la moitié de l'année? Les villes d'eaux verraient baisser leurs recettes normales dans des proportions effrayantes;

plusieurs, qui ont gagé des emprunts importants sur les subventions des casinos (Luchon, Enghien), seraient menacées de la faillite. Il en serait de môme de beaucoup d'entreprises hôtelières. Et la dépréciation de la propriété bâtie dans les villes d'eaux porterait un coup funeste au Crédit foncier qui y a engagé de nombreux millions sous l'orme de prêts hypo- thécaires.

Ces raisons sont pôremptoires. Elles ont paru telles à l'assemblée du syndicat des médecins des stations thermales et climatériques, qui, dans sa pétition de 190-4 adressée aux deux Chambres, a formellement reconnu la nécessité d'un prélèvement sur les jeux pour assurer la prospérité de ces stations. Elles ont reçu une confirmation éclatante par l'expérience de nos voisins les Belges, qui, ayant aboli les jeux par la loi de 1902, ont dû bientôt après en tolérer le rétablissement tacite pour préserver Ostende et Spa d'une déchéance irrémédiable.

D'autre part, le statu quo, le régime pratiqué jusqu'à nos jours, ne saurait être maintenu, tant à cause des abus et des scandales de toute sorte auxquels a donné lieu l'exploitation industrielle de certains casinos qu'en raison des récentes décisions judiciaires qui ont fait disparaître la base légale de ce régime.

Nous estimons que les clauses de notre proposition de loi sont assez claires pour se justifier d'elles-mêmes. Tout en laissant aux arrêtés particuliers le soin de réglementer les mesures de détail, variables selon les lieux et l'importance des établissements,, nous avons cependant posé dans le texte même de la loi des règles précises qui : 1° limitent stricte-

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ment aux villes saisonnières le privilège sollicité; 2° ne permettent de le conférer qu'à bon escient et pour une durée limitée; 3° excluent de Son exercice les étrangers et les trusts d'exploiteurs professionnels;

4° confinent les jeux de hasard dans des locaux spéciaux, c'est-à-dire non ouverts au premier venu, notamment aux enfants; 5° arment la police locale et générale de tous les pouvoirs de surveillance et de répression nécessaires; 6° assurent les sanctions pénales par l'exigence d'un direc- teur ou d'un comité de direction responsables.

L'autorisation ministérielle étant subordonnée à l'avis favorable des municipalités intéressées et à un cahier des charges dressé par celles-ci, i l leur sera loisible d'insérer dans le cahier des charges la stipulation de loyers, de subventions à des œuvres ou sociétés diverses, de prélèvements proportionnels, au moins é q u i v a l e n t aux avantages qu'elles retiraient jusqu'à présent de leurs traités avec les casinos; elles pourront également stipuler un cautionnement.

Mais nous n'avons pas cru devoir en rester là; nous avons voulu que le pays tout entier fût associé dans une certaine mesure aux bénéfices réalisés par des établissements privilégiés, et cela dans l'intérêt exclusif des œuvres d'assistance, d'hygiène et d'utilité publiques. C'est là une application du principe de la solidarité nationale; c'est aussi l'extension d'un système de prélèvements analogues au droit des pauvres perçu à l'entrée des spectacles, ou à celui qu'a institué la loi de 1891 sur le pari mutuel. Il est impossible de concevoir pourquoi les petits chevaux seraient à cet égard plus favorisés que les grands, pourquoi le baccara ou la roulette jouiraient d'une immunité dont ne bénéficient pas les jeux de bourse et de pelouse.

Le système de prélèvement différera nécessairement suivant la nature du jeu autorisé; le taux pourra varier selon l'importance de la station, mais nous croyons que dans les villes d'eaux de première classe, il devra être fixé au maximum de 10 p. 100 sur la recette brute; i l faut entendre par là pour le baccara et ses analogues, la « cagnotte », pour les petits chevaux ou jeux semblables la différence entre l'encaisse initiale et l'encaisse à la fin de la partie.

Nous ne nous permettons pas, en l'absence de statistiques officielles, d'évaluer le rendement probable de ce nouvel impôt sur les oisifs. Con- lentons-nous d'indiquer que d'après les publicistes, apparemment fort renseignés, le seul montant de la cagnotte du baccara dans six grandes villes saisonnières aurait atteint en 1905 les chiffres suivants :

Nice 10 millions Aix-les-Bains : 4 — Vichy 3.8 millions Trouville et Biarritz. . . . 5.2 — Luchon 1.7 —

Soit au total près de 25 millions, dont le dixième serait de 2 millions et demi.

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Le prélèvement que nous proposons, et que réclamait, dès 1904 le syndicat des médecins, ne paraîtra certainement ni excessif, ni injuste.

Dans le régime de sincérité et de légalité que nous proposons de mettre à la place du régime d'hypocrisie et d'arbitraire pratiqué jusqu'à présent, i l représente la part de l'intérêt général, et, osons le dire, de la morale publique. Si la passion du jeu est un vice indéracinable, le légis- lateur s'honorera en faisant contribuer le vice lui-même au soulagement de la misère et au progrès de la civilisation.

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