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Quels sont les antécédents de l'utilité de la transaction?

MESURES ET EFFETS

2.2 POURQUOI LES CONSOMMATEURS SONT-ILS SENSIBLES AUX PROMOTIONS?

2.2.4 Quels sont les antécédents de l'utilité de la transaction?

Personne ne met en doute le fait que les consommateurs éprouvent une satisfaction spéciale à l'utilisation des promotions qui ne peut s'expliquer entièrement par les économies réalisées et qui est étroitement liée à un phénomène de prix de référence. Selon plusieurs auteurs, ce phénomène "explique" pourquoi les consommateurs réagissent davantage à des promotions comme les coupons qu'aux réductions de prix de même ampleur. Pourtant, on peut se demander si cette "explication" en est réellement une ou si elle se contente de décrire le phénomène. En effet, la littérature actuelle est moins précise lorsqu'il s'agit d'expliquer d'où vient cette utilité supplémentaire qui est purement liée à la transaction et non pas à l'acquisition. Par exemple, les recherches de Lichtenstein et de ses collègues (1990, 1993,

1995) définissent la sensibilité aux promotions comme" la propension plus grande à répondre à une offre d'achat parce que sa forme (coupon, jeux etc.) influence positivement leur évaluation de l'achat". Outre que cette définition met l'accent sur les conséquences de la

sensibilité aux promotions plus que sur ses causes, elle n'explique en aucune façon pourquoi

" la forme particulière de l'offre d'achat", c'est-à-dire la promotion, suscite une telle réaction.

En fait, tout se passe comme si ces chercheurs tenaient pour évident que les promotions ont une utilité intrinsèque pour les consommateurs. Bien que nous soyons, en général, d'accord avec cette proposition, notre but dans cette thèse est d'approfondir l'analyse des raisons qui sous-tendent cette sensibilité aux promotions, c'est-à-dire les fonctions de la promotion pour le consommateur au-delà des économies. En l'état actuel des choses, faire appel à la sensibilité à la "forme" de l'offre pour expliquer ce qui ne peut l'être par les motivations économiques ne permet pas d'expliquer le phénomène étudié. Elle n'offre pas non plus de règles de conduite prescriptives qui permettraient de déterminer dans quelles circonstances une telle déviation par rapport aux normes de la rationalité économique serait optimale. Cette explication ne permet pas, non plus, de dériver des recommandations managériales sur les façons d'augmenter la sensibilité des consommateurs aux promotions de manière à accroître l'efficacité des promotions sans recourir à de coûteuses réductions de prix. Nous recensons maintenant quelques explications avancées pour expliquer l'utilité de la transaction.

Les explications cognitives: la promotion en tant que signal de la qualité de l'offre

Certaines explications de l'utilité de la transaction relèvent purement de la psychologie cognitive. Par exemple, des auteurs avancent que le prix barré qui accompagne souvent une promotion est utilisé comme signal de la qualité du produit. Au contraire, une réduction de prix qui ne serait pas présentée comme une promotion temporaire peut être interprétée comme un signe que le produit ne se vend pas car il est de mauvaise qualité (Biswas et al., 1993). Par ailleurs, on sait que les consommateurs ont du mal à évaluer l'utilité d'une marque (par exemple sa qualité) ou d'un prix en absolu. Ils sont donc en

quelque sorte reconnaissants au magasin de leur signaler la valeur de l'offre en mettant en avant le montant de la réduction de prix ou tout autre avantage par rapport à l'offre normale (Kahn et McAlister, 1997). Cette thèse est soutenue par de nombreuses recherches qui ont montré que l'esprit humain est mieux adapté pour appréhender les variations que le montant en valeur absolue (Kahneman et Tversky, 1979), ce qui explique pourquoi, par exemple, les sensations de chaud ou de froid dépendent autant du contexte.

Dans l'optique cognitive, la promotion est un moyen de faire comprendre au consommateur la valeur de l'offre. La promotion agit donc comme une réduction de prix très puissante qui aurait le même impact qu'une réduction de prix d'un montant supérieur. Dès lors, les approches cognitives rejoignent l'approche économique pour dire que la réduction de prix est la motivation du comportement, à ceci près qu'elles se fondent sur la perception de la réduction de prix (un pourcentage) et non pas sur son "vrai" montant (en valeur absolue). Ce constat a des implications importantes pour la gestion et la conception d'opérations promotionnelles. D'un point de vue opérationnel, il montre qu'il est indispensable de mesurer la perception par les consommateurs des bénéfices économiques offerts par la promotion au lieu de calculer simplement le montant de la réduction de prix. Sur le plan théorique cependant, l'approche cognitive pour expliquer le phénomène de prix de référence n'offre pas de motivation nouvelle à la sensibilité aux promotions.

Les motivations symboliques: l'honnêteté et le concept de soi

Des motivations symboliques ont été souvent invoquées pour expliquer l'origine de l'utilité de la transaction. Thaler lui-même a fait l'hypothèse que le prix de référence n'est pas uniquement le prix que les consommateurs s'attendent à payer mais aussi le prix normal ou honnête ("fair"). L'honnêteté d'une offre est souvent définie par les consommateurs par le fait que les deux partenaires font des concessions. A ce titre, l'honnêteté prend en compte, non

seulement la situation de l'acheteur, mais aussi celle du vendeur, contrairement aux postulats de la théorie économique qui soutient que la richesse ou l'utilité des autres individus ne devraient jouer aucun rôle. Dès lors, une des explications de la sensibilité à la transaction est l'insatisfaction d'avoir à payer un prix qui n'est pas honnête et qui ne respecte pas le consommateur en tant qu'individu.

Cette atteinte à la dignité du consommateur est un aspect étudié également par les recherches qui examinent le concept de soi et la perception que se fait l'acheteur de son rôle ("rôle perception"). Par exemple, Schindler (1992) a montré que l'utilisation de coupons procure une fierté chez certains consommateurs et que donc ces consommateurs sont sensibles aux promotions car elles sont un moyen d'entretenir et d'affirmer leur statut d'acheteurs malins ("smart shopper"). Mittal (1994) a aussi montré que les consommatrices qui sont fières de leur rôle de femme au foyer et de mères de famille ("homemaker pride") sont plus disposées à trouver des avantages aux coupons et à les utiliser plus souvent. Enfin, Darke et Freedman (1995) ont montré que les besoins d'accomplissement (Murray, 1938) peuvent motiver les consommateurs à acheter des produits en promotion. Dans une expérimentation, ces auteurs ont montré que les consommateurs évaluent positivement certaines offres promotionnelles même lorsqu'elles ne se traduisent pas en gains monétaires pour eux. Cette évaluation résiduelle est attribuée à la fierté d'avoir réussi une bonne opération.

Limites empiriques

Bien que chacune des explications invoquées dans ces recherches soit plausible, le niveau de validation empirique reste encore limité et il n'existe pas encore de cadre d'analyse permettant de les intégrer afin de pouvoir comparer leur validité et leur pouvoir prédictif.

Ainsi, un grand nombre des recherches mentionnées précédemment invoquent des

explications précises (honnêteté, concept de soi) mais, lorsqu'il s'agit de mesurer le concept proposé, la plupart utilisent des items mesurant la satisfaction générale d'avoir acheté un produit en promotion (Lichtenstein et al., 1990; Lichtenstein et al., 1995; Lichtenstein et al.,

1993; Mittal, 1994).

D'autres chercheurs sont plus précis: dans leur modèle de l'attitude vis-à-vis des coupons, Shimp et Kavas (1984) mesurent correctement un des bénéfices de la promotion pour les consommateurs: les sentiments de fierté découlant de l'achat d'un produit en promotion. Pourtant, ces auteurs décident, ensuite, d'agréger cette mesure avec la perception des économies réalisées par les promotions afin d'aboutir à une mesure unidimensionnelle des bénéfices des coupons. En faisant cela, ces auteurs présupposent que la fierté et les économies sont deux mesures d'un même construit, l'utilité de la promotion. Bien que cette vision soit plausible (il est probable en effet que peu de gens seraient fiers d'une promotion ne s'accompagnant d'aucune économie), certains résultats présentés plus haut montrent que certaines promotions procurent plus ou moins de sentiments de fierté tout en offrant les mêmes économies (par exemple les coupons par rapport aux réductions de prix) tandis que d'autres peuvent n'offrir aucune économie monétaires (par exemple les cadeaux gratuits) tout en procurant ce sentiment de fierté. Des recherches supplémentaires sont donc nécessaires pour vérifier que les mesures des différents bénéfices des promotions correspondent à des construits différents. C'est ce que nous ferons dans la partie empirique de cette recherche.

Limites conceptuelles

Les arguments théoriques présentés plus haut ne sont pas eux-mêmes toujours très bien établis. Par exemple, l'argument de l'honnêteté du prix de référence est clair lorsqu'il s'agit d'expliquer pourquoi les consommateurs refusent de payer un prix plus élevé que le prix «honnête ». Toutefois, pris à la lettre, il suggère que les consommateurs ne devraient pas

accepter un prix plus bas que le prix de référence car cela ne serait pas honnête pour le vendeur. De plus, les arguments relatifs au besoin d'accomplissement ou à la perception de soi se sont révélés assez peu robustes. Par exemple, Darke et Freedman (1995) ont montré que les consommateurs aiment autant les promotions acquises par chance que celles acquises par leur mérite. De la même façon, dans leur étude, Simonson et al. (1994) ont montré qu'ajouter un cadeau gratuit à un produit faisait, en moyenne, baisser sa part de marché, notamment auprès des consommateurs qui avaient à justifier leur choix ou qui craignaient de passer pour des gens influençables.

Ceci nous amène à l'aspect social des promotions. Shimp et Kavas (1984) et Bagozzi et al. (1992) ont déjà montré que l'un des déterminants de l'attitude vis-à-vis des promotions est la perception de la norme sociale, c'est-à-dire la perception par le consommateur de l'attitude envers les promotions de son environnement proche (famille, amis). Une des implications de ce résultat est que, si la norme sociale désapprouve la sensibilité aux promotions, l'impact des motivations liées au concept de soi diminue, voire s'inverse totalement. Dans ce cas, bien que cela n'ait jamais été étudié, on peut s'attendre à ce que les consommateurs se sentent fiers d'avoir résisté à la promotion.

Plus généralement, les recherches portant sur le prix de référence ou sur l'utilité de la transaction se placent toujours dans un paradigme économique dans lequel, par exemple, le consommateur examine toutes les marques et connaît tous les prix, même s'il n'est pas certain de leur prix de référenceS. Pourtant, nous savons bien que les consommateurs n'examinent pas toutes les marques ni tous les prix. Une des étapes du processus de décision est celle de la considération des alternatives entre lesquelles le choix final est fait (Alba et al., 1991;

Nedungadi, 1990; Shocker et al., 1991). Toutes les explications présentées ici concernent

5 Pour une exception, voir les travaux sur la recherche d'information (Lippman et McCardle, 1991).

l'impact des promotions au niveau du choix. Or, en attirant l'attention sur la marque, les promotions peuvent également avoir un impact sur sa considération que de simples réductions de prix n'auraient pas car elles ne disposent pas de la même signalétique (Inman et al., 1990). Inversement, il est possible que les consommateurs utilisent consciemment cet effet des promotions pour se guider vers des marques intéressantes par leur prix ou leur nouveauté (car les marques nouvelles sont souvent en promotion). Nous reviendrons sur cet aspect important des effets des promotions dans notre modèle.