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Application des biomarqueurs de génotoxicité chez la dreissène

5. La moule zébrée, un organisme utilisé en biomonitoring

5.2. Application des biomarqueurs de génotoxicité chez la dreissène

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Les moules zébrées ont une croissance relativement élevée au cours de leurs trois premières années de vie, elles deviennent sexuellement matures durant leur première année et atteignent une taille finale de la coquille de 3,5 à 5 cm. Leur fort taux d'énergie allouée à la reproduction (74 à 90%) par rapport à la corbicule (5 à 15%) (McMahon 2002) et la petite taille de leurs œufs leur permettent une très forte fécondité. La densité de cette espèce se situe entre 7 000 et 114 000 individus/m².

Figure 24 : Cycle de vie de Dreissena polymorpha

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adulte fixée comme Mytilus edulis. La moule zébrée est un organisme filtreur caractérisé par un fort taux de filtration, évalué à 1L/jour par moule (Fisher et al., 1999). La moule zébrée accumule donc les contaminants directement de la colonne d'eau et du matériel particulaire. La dreissène résiste relativement bien aux perturbations du milieu et a une longue durée de vie (4 à 7 ans) (McMahon 2002).

La sensibilité aux agents génotoxiques a été montrée à plusieurs reprises chez la dreissène (Mersch and Beauvais 1997; Le Goff et al., 2006). Pavlica et al. (2000) ont ainsi détecté une induction de micronoyaux et de cassures à l'ADN par le pentachlorophénol. Le Goff et al. (Le Goff et al. 2006) ont démontré la capacité de la dreissène à métaboliser le BaP par la mise en évidence d’adduits à l'ADN. L'étude de l'induction des dommages à l'ADN par des expositions à des génotoxiques a été réalisée avec du triclosan (Binelli et al., 2009), du BaP (Binelli et al., 2008;

Vincent-Hubert et al., 2011), ou du cadmium (Vincent-Hubert et al., 2011). Ces études décrivent les effets induits par une exposition d'organismes à des contaminants mais aucune n'a étudié l'évolution du taux de cassures à l'ADN lors d’une phase de dépuration des organismes et de ce fait ne permettent pas d'estimer la stabilité dans le temps des lésions induites à l'ADN.

Afin d'optimiser l'utilisation de cette espèce comme bioindicateur, plusieurs outils d'évaluation de la réponse génotoxique des organismes face à la contamination du milieu ont été utilisés. Parmi ces tests, on retrouve le test comète (Pavlica et al., 2001), le test des micronoyaux (Mersch et al., 1996; Mersch and Beauvais 1997) et la détection des adduits (Le Goff et al., 2006).

Mersch relevait les avantages à utiliser la dreissène comme bioindicateur in situ (Mersch and Beauvais 1997) en notant que l'induction de micronoyaux (MN) dans les hémocytes était proportionnelle à la contamination du milieu. En 2000, les premiers résultats du test comète réalisé in vitro et in situ sur des hémocytes de moules zébrées (Pavlica et al., 2001) confirment l'intérêt de ce test notamment dans l'évaluation la génotoxicité en eau douce. Les lésions détectées par ce test sont les cassures de brins d'ADN ainsi que les sites alcali-labiles induits par l'action de composés génotoxiques (directs ou indirects).

Dans la seconde moitié des années 1990 les recherches visant à évaluer l'utilisation de la dreissène comme bioindicateur de la qualité des eaux douces se sont multipliées. Plusieurs types cellulaires de dreissènes tels que les cellules de la glande digestive (Le Goff et al., 2006), de l'hémolymphe (Mersch et al., 1996; Bourgeault et al., 2010; Vincent-Hubert et al., 2011) ou des branchies (Mersch et al., 1996; Vincent-Hubert et al., 2011) ont été utilisés pour la mesure de biomarqueurs de génotoxicité. Le taux d’induction de micronoyaux par exposition à des

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génotoxiques de référence s'est révélé plus élevé dans les cellules branchiales que dans les cellules hémocytaires (Mersch and Beauvais 1997; Vincent-Hubert et al., 2011). En effet, par rapport aux autres types de cellulaires, les branchies sont en contact continu avec les contaminants dissous.

Une partie des cassures de brins mesurée par le test comète résulte des coupures issues de la réparation des dommages à l'ADN. De ce fait, il serait intéressant de donner plus de significativité à ce test en mesurant des lésions spécifiques de l'ADN par l'utilisation d'endonucléases spécifiques des dommages oxydatifs (Speit et al., 2004; Smith et al., 2006;

Emmanouil et al., 2008). Certaines études de mesure des dommages oxydatifs par la méthode d’HPLC-EC ont été réalisés sur Mytilus galloprovincialis (Akcha et al., 2000), sur Perna perna (de Almeida et al., 2003) et ou Unio tumidus (Charissou et al., 2004). Le test comète couplé à une endonucléase détectant les oxydations de l'ADN deviendrait plus spécifique et permettrait d'étudier et de mesurer l'induction de dommages oxydatifs.

5.2.1. Biomonitoring par la méthode de transplantation de dreissènes

L'utilisation de la dreissène comme bioindicateur de la contamination du milieu aquatique a été développée par des études réalisées sur des moules encagées sur des sites contaminés ou de référence (Mersch and Johansson 1993; Mersch and Beauvais 1997; Klobucar et al., 2003;

Bourgeault et al., 2010; Guerlet et al., 2010; Palais et al., 2011). Cette méthode de transplantation, utilisant des organismes échantillonnés sur un site de référence puis encagés sur des sites d'étude permet de limiter les biais expérimentaux. En effet, lors du prélèvement, les organismes sélectionnés sont de la même taille, donc du même âge, et sont issus d'une même population. Il s'agit donc d'un groupe d'individus homogène pouvant à priori réagir de façon similaire lors de la transplantation, fournissant une réponse génotoxique plus fiable.

Les tests comète et MN ont été utilisés en parallèle sur des hémocytes de moules zébrées (Klobucar et al., 2003). Les résultats montrent un taux de dommages corrélé aux niveaux de pollution des sites d'étude. Cependant aucune étude n'a été menée pour déterminer si la transplantation pouvait avoir un impact sur les dreissènes que ce soit sur leur état physiologique ou sur la réponse génotoxique. En effet, la technique d'échantillonnage et la mise en cage sur un site contaminé sont autant de paramètres pouvant perturber les organismes et modifier le lien potentiel entre la contamination chimique du milieu et les effets biologiques.

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5.2.2. Facteurs influençant la réponse génotoxique 5.2.2.1. Les facteurs abiotiques

Lorsque les températures de l'eau deviennent inférieures à 4°C, comme en hiver, les moules sont en situation de "dormance", c'est-à-dire que leur rythme de vie est fortement ralenti ainsi que leur taux de filtration (Herman 2010) qui passe de 40,7mL/mg/h à 4mL/mg/h (Fanslow et al., 1995). A cette diminution du taux de filtration est associée la diminution d’exposition aux contaminants. Une autre étude (Fisher et al., 1999) a démontré que la toxicité d'un milieu augmente avec l'augmentation de la température de l'eau. En effet, il serait possible que l'augmentation des températures, favorisant l'activité de filtration, augmente l'exposition aux contaminants. Une étude réalisée sur la palourde Pisidium amnicum (Heinonen et al., 2002) montre que l'accumulation de bisphénol A est plus importante lorsque la température de l'eau augmente (de 2 à 8°C). On retrouve aussi des variations saisonnières chez Mytilus galloprovincialis (Bodin et al., 2004) avec une diminution du taux d'adduits en hiver, une augmentation du taux de micronoyaux en été (Pavlica et al., 2008) et une augmentation du taux d'adduits chez Mytilus edulis en hiver (Skarphéinsdóttir et al., 2005).

5.2.2.2. Facteurs biotiques

L'activation de la période de reproduction semble augmenter la sensibilité des organismes face aux contaminants (Blaise et al., 2002). En effet, lors de période de pré-ponte correspondant à la maturation des gonades, une augmentation du taux d'adduits à l'ADN a été observée sur Mytilus galloprovincialis transplantée en Méditerranée (Bodin et al., 2004) et sur Mytilus edulis dans l'océan Atlantique (Skarphéinsdóttir et al., 2005).

Cette période correspond à une augmentation de l'activité de filtration (Bourgeault et al., in prep) conduisant à une augmentation de l'exposition des organismes aux contaminants.

Compte tenu de ces observations, il est important de prendre en compte et d’approfondir l’étude de l’influence de la variabilité naturelle des biomarqueurs dans l’interprétation de la réponse génotoxique de Dreissena polymorpha.

- 53 - Partie A: Intérêt de la détection des lésions oxydatives

La partie A regroupe l'étude des lésions oxydatives de l'ADN réalisée en laboratoire sur Dreissena polymorpha par le test comète couplé à l’endonucléase hOGG1. Cette partie se divise en deux chapitres, le chapitre II, dans le quel nous présenterons l'étude de la l'adaptation du test comet-hOGG1 à Dreissena polymorpha et le chapitre III, qui se compose de l'étude de la réparation des lésions oxydatives après exposition de dreissènes au BaP et au Cd.

La détection des lésions oxydatives de l'ADN est généralement réalisée par la méthode d'HPLC-EC ou par le test comet-Fpg ou le test comet-endo III. Cependant, l'étude de Smith et al.

(2006) a démontré que l'enzyme hOGG1 reconnaissait plus spécifiquement la 8-oxodG que l’enzyme Fpg. En effet, en plus des oxydations, l'enzyme Fpg détecte la 2,6-diamino-4-hydroxy-5- formamidopyrimidine (FaPyGua), la 4,6-diamino-5-formamidopyrimidine (FaPyAde) et d'autres purines à cycle ouvert (Dušinská and Collins 1996; Karakaya et al., 1997). Afin d'augmenter la significativité du test comète, et de déterminer si la pression chimique du milieu urbain induit des dommages oxydatifs, nous avons développé le test comète couplé l'enzyme hOGG1. La détection des lésions oxydatives de l'ADN par le test comète couplé à l'enzyme hOGG1 n'avait jamais été réalisée chez des espèces aquatiques.

Dans le chapitre II, nous avons mis au point le test comet-hOGG1 chez la dreissène. Ce chapitre se compose d'une publication "Detection of 8-oxodG in Dreissena polymorpha gill cells exposed to model contaminants" parue dans Mutation Research (in press). L'étude présente les résultats de la mise au point du test comet-hOGG1 sur cellules de branchies de moules exposées in vitro au peroxyde d'hydrogène et au BaP. Plusieurs tampons de l'enzyme hOGG1 ont été testés pour sélectionner celui qui semblait rendre le test plus sensible possible, en détectant le plus fort taux d'oxydation de l'ADN. Des expositions au MMS (agent alkylant) ont également été réalisées dans le but de vérifier l'absence de cassures supplémentaires créées par hOGG1 dans le test comète modifié. Ce test a ensuite été appliqué sur des moules exposées in vivo à du BaP afin de rechercher les niveaux d'oxydation induits par ce composé.

Dans le chapitre III, nous avons recherché la présence de lésions oxydatives sur des moules exposées durant 24h à des composés modèles de la pollution urbaine (BaP et Cd) puis mesuré la stabilité de ces lésions dans le temps en plaçant les moules en milieu propre pendant six jours (phase de dépuration). Ce chapitre se compose d'une publication en préparation "Study of DNA lesions stability and detection of oxidative DNA damage by comet-hOGG1 assay in

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Dreissena polymorpha exposed to model contaminants". Nous avons cherché à voir si ce type de lésion était réparé rapidement et si leur niveau revenait au niveau basal à la fin de la période de dépuration.

Chapitre II

Mise au point du test comet-hOGG1 et détection

de lésions oxydatives

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Publication 1: Detection of 8-oxodG in Dreissena polymorpha gill cells exposed to