CARNEGIE INSTITUTE OF TECHNOLOGY
THE LIBRABY
CALCUL
DES
PROBABILITES.
38649 Paris-Impel merleGAUTIIIERV1LLARS. Uuaides Grands-Augus-tins,55.
CALCUL
DES
PROBABILITIES
PAR
J.
BERTRAND,
DE L'ACADEMIE FRANCAISE,
SECRETAIRE PERPETUEL DE I/AGADEMIE DES SCIENCES.
Facilevnletutjhuncoalculum.essesaepenon minus nodosum.quam jucundum
D\NIEL BERNOULLI.
DEUXIEME EDITION CONFORMS
A, LA PREMIERE.PARIS,
GADTHIER-VILLARS, IMpRIMEGR-LIBRAIRE
DU BUREAU
BBS LONGITUDES, DE I/I&COJLE POLYTECHNIQUE, Quai des Grands-Augustins,55. ,''.-*' 1:.
ii:
1907
,-'V'=;.:
(Tousdroitsdereproductionetdetraduction reservespourtous pays.)
PREFACE.
Le Galcul des probabilites estune desbranches les plus attrayantes des Sciences mathematiques et cependant 1'une des plus negligees.
Le beau Livre de Laplace en est peut-etre une des causes. Deux.
opinions, en effet, se sont formees, sans rencontrer presque de con- tradicleurs : on ne peut bien connaitre leGalculdes probability's sans avoir lu le livre de Laplace; on ne peut lire le livrede Laplace sans
s'ypreparer par les etudes mathematiques Jes plus profondes.
La seconde de ces propositions est incontestable, et le Traite analytique
du
Calcul des probabilitescommence
par deux cents pages, au moins, dans lesquelles ['exposition des theories mathema- tiques qui doivent servir au calcul des chances est completement independante de toute application ulterieure. Laplace, apres avoir trouvedes methodes nouvelles, devait leur dormerla preference : les problemes sontchoisis et les solutionsproposees de maniere a mettre en evidence1'utilite des fonctions generatrices.J'ai cherche dans ce Livre, resume de Legonsfaites au College de France, a fairereposer lesresultats lesplus utiles etles plus celebres du Galcul des probabilites sur les demonstrations les plus simples.
Bien peude pages,je crois,pourront embarrasser unlecteur familier avec les elements de la Science malhematique. Si lesigne
f
s'intro-duitquelquefois;ilsuffitpresquetoujours d'en connaitrela definition.
Je
me
suis efforce, a Toccasion de chaque question, demarquer avec precisionle degre decertitude des resultats et les limitesneces- saires de la Science.La
popart des reflexions suggerees parEettideVI PREFACE.
approfondie des questions souvent controversies ont ete proposees dans un Travail degage de toute intervention des signes algebriques, imprime deja depuis plusieurs annees. II servira d'Introduction a Texpose completdes theories.
LES LOIS DU HASARD.
Comment
oserparlerdes loisdu hasard? Le hasard
n'est-ilpas Fantithese
de
toute loi?En repoussant
cette definition, je n'en proposeraiaucune
autre.Sur un
sujetvaguement
defini
on peut
raisonner sansequivoque.
Faut-il distraire le chirnistede
sesfourneaux pour
Je presser sur 1'essencede
lamature
?Commence-t-on Fetude du
transportde
la forcepar
definirF61ectricite ?I.
Le mot hasard,
intelligiblede
soi, eveilledans
Tesprit
une
idee parfaitement claire.Quand un joueur de
tric-tracjette les des, s'ils ne sent pas pipes, s'il
ne
sait nine veut amener aucun
pointplutotqu'aucun
autre,lecoup
estPoeuvre du
hasard.Les grands noms de
Pascal,de Fermat, de Huy-
gens
decorent leberceau du
Calcul des hasards.On
est injusteen
oubliantGalilee.Un amateur du
jeu,qui observait lescoups
$t discutait les chances, lui proposa,comme
cin-quante
ans pkis tard le chevalierde M6re
a Pascal,une
contradictionetun
doute.Au
jewdepasse-dioc,on
jette trois d6s etTon g^gae
si lasomme
des points surpasse 10.Les
LES LOIS DU JUSVRD. VII
chances sont egales; les
combinaisons
qui passent 10forment
la moitie
du nombre
total.L'ami
de Galilee, tres farnilieravec
les des, s'etonnaitde gagner
parlepoint 11 plus souventque
par le point 12 etde
voir sortir 10 plussouvent que
9.Ces
quatre points arriventcependant chacun de
sixmanieres, etpas davantage.Pourquoi
1-2 est-ilplusrareque
1 1 ? Faut-il nier Pexperience
ou douter du
calcul?II fautlesaccorderen
faisantmieux
lecompte. Les
casque
1'ondenombre ne
sont pas pareils; 4, 4?4
?par exemple,
quidonne
12, n'est pascomparable
a 4? 5, 2, quidonne
i r; la
premiere de
cescombinaisons
est unique,chacun
des troisdes doitamener
4;4, 5, 2,
au
contraire,representent six combinaisons, par la
meme
raison qu'avec trois lettres distincteson
peutecrire six
mots
differents. Attentif a tout circonstancier, Galilee, au lieu de six chances, enmontre
distinctement vingt-septpour
lepoint 1 1,vingt-cinqseulement pour
lepoint la.Lecaicul,lecompte, pourparler mieux,
s'accorde,comme
toujours, avec Fexperience des joueurs. Galilee n'en faisait
aucun
doute.Quoique
cegrand geometre Jacques
Bernoulli,pour
avoir etabli la loi sur des preuves, ait prisun rang
eleve entre les plus illustres, la conviction universelle des joueurs a
precede
sesprofonds
travaux.Quand un de
luimontrait trop
souvent
lameme
face,Panurge,
qui s'y con- naissait,pour y
voir biffe et piperie, n'invoquait rienque
Fevidence. AinsifaisaitTami
de Galilee :en comptant 1080
fois le
point r i contre
1000
fois lepoint 12, il devinaitune
cause etvoulaitlaconnaitre.Un
jour, a Naples,un homme de
laBasilicate,en
presencede Fabbe
Galiani, agita irois des dansun
cornet et pariad'amener
raflede
6; il
Famena
sur-le-champ. Cettechance
est possible, dit-on;
Thomme
reussitune seconde
fois, 31Ton
repeta lan^me
chose;ilremit les desdans
leVIII PREFACE.
trois, quatre, cinq fois, et toujours rafle
de
6.Sangue
diBacco
!s'ecria 1'abbe, les des sont pipes! et ils Petaient.Pourquoi Pabbe
jurait-il?Toute combinaison
n'est-ellepas
possible? Elles le sont toutes,mais
inegalement. Galileenous en
avertit.Commengons, pour
aller pas a pas,par
jeterdeux
desensemble ou deux
foisun
seul de, lesdeux
casn'en fontqu'un. Si
deux
joueurs parient,Fun pour deux
6, Fautre 6et 5, les chances,
pour
eux, sontinegales.Sonnez
representeTune
des trente-sixcombinaisons
possibles; le6
et 5
en
reunitdeux. SiFun
arrivedeux
fois plusque
1'autre, faudra-t-ilaccuserlehasard de
partialite?attribuerau
point6 une
antipathic occultepour son semblable
? Cetteinterpre- tationn'est pas a craindre.Si,
prenant
soixante des,on compare
lareunion
dessoixante 6,
equivalente a trente
sonnez de
suite, avec lacombinaison
qui contientchacun
dessixpointsprecisement
dix fois, lesnombres par
leurimmensite
sederobent
aFima-
gination, et Fesprit troublepar une
telleabondance
cherchelescauses d'un
mystere
quin'existepas.Avec
soixante des,pour amener
soixante fois 6,une
seulecombinaison
est possible :chaque
de doitmontrer
lepoint 6.
Dix
6,au
contraire, et dix foischacun
des autres points,peuvent
se distribuer et s'arranger avec tant de varieteque, si
chacun
desarrangements
possibles etait pre- paredans une
boite d'un decimetre carre sans que,dans aucune
boite, lesmemes
des presentassentlesmonies
faces,la cent-millioniemepartie
de
cellesque
lacombinaison
desi-gnee enveloppe
sousun meme nom
pourrait couvrirun
millionde
fois lasurfacede
laterresansy
laisseraucun
vide.Jeter les soixante des a la fois, c'est
charger
lehasard de
designerune
des boites, et si,dans
cetteabondance,
lescombinaisons peu nombreuses ne
semontrent
jamais, est-ceLKS LOIS DU HASARD. IX lui qui les exclut?
La
boite qui contient les soixante 6, toutes celiesmeme
quien
contiendraientplusde
cinquante, sont introuvablesdans
lamasse comme
des gouttes d'eau designeesdans
1'Ocean.Sur
lePont-Neuf, pendant une journee ou pendant une
heure,on
peut predireresolument que
les passantsde
taille inferieure adeux metres Pemporteront par
le nornbre.Le pont
ecarte-t-il lesgeants?Quand, au
jeude
des,on annonce
quellescombinaisons
pr'evaudront, c'est,comme pour
les passantsdu Pont-Neuf, une
question d'arithmetique; lescombinaisons qu'on
ose exclure forrnent,dans
lenombre
total, siles epreuves sont nornbreuses,
une
proportionbeau- coup moindre
que,parmi
les Parisiens, leshommes de
six piedsde
haut.Buffon, qui, ce jour-la,
manqua de
patience, fit jeterune
piecede monnaie en
Pair /{o4o fois; il obtint
2048
fois faceau
lieu de 2020.Un
tel ecart n'a rien d'inattendu.Le
jeuetudiepar Buffon
etaitmoins
simpleque
pileou
face.Quelques
millions d'epreuves ne pourraient nien
reveler nien infirrnerla loi.
La
piece jeleeen Fair estjeteede nouveau
et
de nouveau
encore, s'il le faut, jusqu'a Tarrivee de face.Buffon,
ayant amene
face2o
/|8 fois, ajoue 2048
parties.Un paradoxe
singulierrend
ce jeu, ceproblems de
Saint-Petersbouj*g, c'est lenom qu'on
luidonne, memo-
rable etcelebre. Pierre
joue
avecPaul;
voici les conditions : Pierre jetteraune
piecede monnaie
autant de foisqu'il sera necessaire
pour
qu'ellemontre
lec6te face. Si cela arriveau premier
coup,Paul
luidonnera un
ecu; si ce n'est qu'au second,deux
ecus; s'il faut attendreun
troisieme coup, il endonnera
quatre, huitau
quatrieme, toujoursen
doublant.Tels sont les
engagements de
Paul.Quels
doivent treceux
de
Pierre?La
Science, consultee par Daniel Bernoulli,>.X PREFACE.
pourreponse
:Une somme
iniinie.Le
partide
Pierre, c'est lemot
consacre, estau-dessusde
toutemesure.
Les
geornetres ont interpretedde
plusieurs fagons et des- avoue,comme
excessive, lareponse
irreprochablede
la theoriedu
jeu.D'Alemberl
ecrivaiten 1768
: Je connais jusqu'a present cinqou
sixsolutionsau moins de
ceprobleme dont aucune ne
s'accorde avec les autres etdont aucune ne meparait
satisfaisante. IIenajoute une
sixiemeou
septieme,la
moins
acceptable de toutes. L'espritde d'Alembert,
habi- tuellement juste et fin, deraisonnaitcoinpletement
sur le Calcul desprobabilites.Buffon,
pour
expliquerleparadoxe de
Saint-Petersbourg, allegueque posseder ne
sert de rien siTon ne peut
jouir.Un mathematicien, dans
ses calculs,cesont
lespropres paroles de Buffon, n'eslimeTargent que par
sa quantite, c'est-a-direpar
la valeurnumerique
;mais Fhomme moral
doit Festimerpar
les avantages et les plaisirs qu'ilpeut
procurer.On promet
a Pierrede doubler
son gain achaque coup
qui retarde 1'arriveede
face,on ne
peutdou-
blerque
ses ecus. Pierrene demande
riende
plus, Buffonpeut en
etre certain. L'accroistde chevance, avaitditavant
lui
Montaigne,
n'estpasTaccroist d'appetitau
boire,manger
et dormir... ;
chacun
peut allonger la lisle. Daniel Ber- noulli, reduisant cette distinctionen
formule,oppose
a la richessemathematique une
richessemorale que Tor
accroit,mais
si lentement,que
toutes les unites,jusqu'ala derniere,procurent un
egal contentement.Cette theorie
condamne
tous lesjeux de
hasard.Le
con-seil
de ne
jouer jamais, si excellent qu'il soit,nc peut
trepropose pour une
theoriedujeu. Supposons en
presencedeux
disciples
de
Bernoulli.Sijegagne,
dirait Pierre, qui est pauvre, enproposant
aPaul une par
tie d'ecarte, votre enjeuLES LOIS DU HASARD. XI
de 3fr payera
mon
diner.Repas pour
repas, repondrait Paul,vous me
devrez2o
frencas
de perte, cartel seraleprix demon
souper. Sijeperdais20
fr,s'ecrieraitPierreeffraye, jene
dineraispas
demain
;vous
pouvez, sans en venir la, perdreioooo
fr, deposez-les contremes
2ofr; Favantage, Daniel Bernoulli Faffirme, restera de votre cote.Us ne
s'entendront pas.Ceux
qui suiventCondorcet
etPoisson, sans contester labonne
foi de Paul, tiennentsesengagements pour
nuls. Sile hasardamenait
pile soixante quatre fois,
Paul
devraitpayer
autant d'ecusque
le sultan des Indesne put donner de
grains debles a Finventeurdu
jeu d'echecsUne
telle pro-messe
est Lemeraire ; si riche qu'on le suppose, Paul, ruine des le trentieme coup,ne pourra
pluspayer
double.Ne comptanl
plus surses promesses, Pierrene
doitpaslespayer, etle calcul regiele droitdePaul
a i5 ecus.On propose
a5o
personnes possedantchacune 20
millions etpasdavantage
d'organiserune
loteriea20
millionsle billet.Le gagnant
deviendraI'homme
leplus richedu monde,
les49
autres serontruines.Les 5o
vigesimillionnaires acceptent.Us sontpeu
senses,,mais
equitables.La
justice et la raison sont choses distinctes.Au jeu
de Saint-Petersbourg, tout aussi bien qu'a cette loterie, les esperances doivent tre payees ;il
ne
s'agit plus d'un seul, niais d'unnombre
illimite de milliards.Le probleme imagine par
Daniel Bernoulli dissi-mule ingenieusement
cetteenorme
mise. 1^'Algebre, en la degageant,met
lachance
a sonjuste prix,Les
conditionsd'un
jeupeuvent
etre equitables etdange-
reuses; iniques
dans
d'autres cas,mais
acceptables. Est-il d^raisonnable,malgre
le o,ledoubleo
etle refait,de
risquer5fr ala roulette
ou au
trente-et-quarante?Quant
ailprobleme de
Saint-Petersbourg,ilfautapprouver
XII PREFACE.
absolumentet simplementlareponse
reputee absurde. Pierre possede, je suppose,un
million d'ecus et lesdonne
aPaul en echange
despromesses
convenues. II est fou! dira-t-on.Le placement
est aventureux,mais
excellent;
Favantage
infiniest realisable. Qu'il
joue
obstinement, ilperdra
i partie, 1000,1000
millions, i millionde
milliards peut-etre; qu'ilne
serebutepas, qu'ilrecommence un nombre de
foisque
laplume
s'useraitaecrire, qu'il differe surtoutlereglement
descomptes,
la victoire,pour
lui, est cerlaine, la ruinede Paul
inevitable.
Quel jour?
quelsiecle?On
1'ignore ; avant lafindes
temps
certainement, le gainde
Pierre sera colossal.Une fourmi
transporteun
grainde
poussierede
lacime du mont Blanc dans
la plaine, retourne sur la hauteur, des-cend une
nouvellecharge
etrecommence
toujours.
Apres combien de voyages
aura-t-elle cornbleles vallees etnivele la chaine desAlpes? Le premier
ecolier, sans consulter 1'are- naired'Archimede,
fera le calcul sans erreur.Le
desseinde
la
fourmi
depasse ses forces, s'ecrieront des gens sages; ellemourra
a la peine.Condorcet
et Poissonne
sont pasmoins
sages. Pierre est
un imprudent
; il entreprend,au
dela de son credit,une
operationbeaucoup
troplongue
; il est aussi cer- tainpourtant de
ruinerPaul que
lafourmi de
nivelerla Suisse.Dans un probleme
plus celebre et plus grave, la viehumaine
servait d'enjeu. L'inoculation,avant
la vaccine, etait, contre la variole, le meilleurpartiqu'on put prendre
;mais
i inocule sur200 mourait
des suitesde
Poperation.Quelques-uns
hesitaient; Daniel Bernoulli,geometre impas-
sible, calculait
doctement
la viemoyenne,
la trouvaitaccruede
troisans et diclaraitpar
syllogisme 1'inoculation bienfai- sante.D'Alembert,
toujourshostile a la theoriedu
jeu,qu'il n'a
jamais
comprise, repoussait,avec grande
raison cetteLES LOIS DU HVSARD. XIII fois, Papplication
qu'on en
voulaitfaire : Je suppose, dit-il,que
la viemoyenne
(Tunhomme
de trente ans soil trente autres annees et qu'il puisseraisonnablement
esperer de vivre encore Irente ans ens'abandonnant
a lanature etenne
se faisant pas inoculer. Je suppose ensuite qu'ense
soumet-
tant a cetteoperation la vie
moyenne
soitde
trente-quatre ans.Ne
semble-t-il pas que,pour
apprecier 1'avantage de Tinoculation,il ne suffitpasdecomparer
la viemoyenne
detrente-quatre ans a lavie
moyenne
de trente,mais
le risque de i sur 200, auquelon
s'expose, demourir
dansan
-mois, par Finoculation, a 1'avantage eloigne de vivre quatre ans de plusau bout
de soixanteans?
On argumente mal pour
vider de tellesquestions : sup-
posons que Ton
puisse,par une
operation, accroitre la viemoyenne, non
plus de quatre,mais
de quarante ans, & la condition qu'unemort immediate menacera
le quart des operes :un
quart desvies sacrifiepour
doublerlestrois autres, lebenefice estgrand.Qui voudra
le recueillir?Quel medecin
feraPoperation?Qui
sechargera, eny
invitant4000
habitants robustes et bien portants d'unemme commune,
decom- mander pour
lelendemain 1000
cercueils?Quel
directeurdecollege oserait
annoncer
a5o
meres,qu'empresse
a accroitre laviemoyenne
de ses200
eleves, il a jouepour eux
cejeuavantageux
etque
leurs fils sont les perdants?Les
parentslesplus sages acceptaient i
chance
sur 200;aucun,
surla foid'aucun
calcul,ne
s'exposerait a ichance
surL\.Un
jeu, sans blesser la justice, peut causer de grandsdom mages
;ilpeutelreperiileux d'y
echanger
leschances de perte et de gain, les regiesque
doivent suivreceux
qui veulentcommettre
cetteimprudence
n'en regoiventaucun changement.
1
Un
ingenieur calcule la charge capabled'abaisserde om
,
5o
XIV PREFACE.
le tablier(Tun pont.
L'epreuve
est inutile,imprudente, dan-
gereuse r le poidscalcule est-ilmoins
juste? II estmauvais de
trop chargerun
pont,mauvais
aussi de jouer trop gros jeu.Cela
ne change
ni latheoriedu
jeu ni celle de I'elasticite.Revenons au thepreme
de Bernoulli.S'il pleut
un
jourentiersurla placedu
Carrousel, tous lespaves
serontegalement
rnouilles.Sous une forme
simplifiee, inais sans rien retrancher, c'est la letheoreme
de Bernoulli.IIpouirait se faire assurement, lorsque tout alentourla pluie
tombe
a torrents,qu'un
certainpave
restat sec.Aucune
goutte n'a
pour
lui de destination precise, lehasard
les dis- perse,ilpeutles portertoutes surlespaves
voisins ;personne ne
lesupposera
serieusement.Telleest la puissance des
grands nombres. Le
hasarda des caprices,jam
aison ne
lui vit d'habitudes. Si1000
gouttestombent
sur1000
paves,chaque pave
n'aura pas la sienne;s'il
en tombe TOGO
millions,chaque pave
recevra son millionou
bienpeu
s'en faudra. SiTon
jettedeux
des36
millionsde
fois, le double-six,au
lieude
i millionde
fois,pourrait
ne
se presenterque 100000,
et peut-6tre n'arriver jamais.Une
telle exclusionsoumise au
calcul, d'apres notre fagonde
parler, est declaree impossible.L'analogie
va
a Tidentite.Considerons en
effet, sur la place,pendant
la pluie,un
carrede
om
,6
de
cote.Partageons
la base, aussi bien
que
la hauteur,en
6 parties, portantchacune un numero
d'ordre ;decoupons
le carre,par
des parallelesaux
c6tes, en36
cases egales designeeschacune par
lesdeux numeros
placesen
tetedesbandes
auxquelleselle appartient;
une
caserepondra
a 6,6;une
autre a 5,6 ;une
troisiemea 6,5; elles
auront memes noms que
lescoups
possiblesavecdeux
des.Chaque
gouttede
pluietombant
surle carre
represente
un coup de
des.Le
hasard,dans
lesdeux
LES LOIS DU IUSARD. XV epreuves, decide entre les
memes
points.A
la finde
la journee, lapluieaegalement
mouille les36
cases, les des ontamene
les36
pointsegalement
:ou
est la difference?Rien ne manque au rapprochement
et lememe tempera- ment
estnecessaireaux deux
assertionstropprecises, II serait fort etrangeque
les paves,quoique
mouilles egalement, n'eussent pas regudans
le cours d'unejournee
quelques cen- tainesde
gouttes en plusou en moins
; dememe,
surquelques
millionsde coups
de des,quelques
points semontrent
sansdoute un peu
plus, d'autresun peu moins
souvent.Les
rapports sont certains,non
les differences, et c'estmalheureusement
la difference quimine. Onjoue
too parties aun
jeude
hasard, 1'enjeu est2O
fr; il est
pen
probable,mais
possible,que Ton perde 65
parties.La
pertede 3o
louis represente3o pour
TOOdu nombre
des parties jouees.Au
lieu de 100 parties,on en
joue100005 une
pertede 3o pour
TOO, c'est-a-direde 65oo
parties, doit etre tenuepour
impossible.5i5o
partiesperdues
supposeront, d'apres le calcul,une
fortune aussi adverseque 65
surune
serieunique de
100 parties5 la
perte correspondante,
3oo
louis, repre- sente 3pour
100du nombre
despartiesjouees.Sur
i millionde
parties,une
pertede
3pour
100suppo-
serait, contre les lois
du
hasard,un dereglement
quijamais
ne s'est vu ; 3pour 1000
representeune
chance defavorable equivalente a celle desdeux hypotheses
precedentes. Trois parties sur 1000,pour
i millionde
parties, feraientune
perte
de 3ooo
louis;un
jeu egal devient a lalongue dange-
reux.Non seulement
les loisdu hasard permettent
la ruinedu
joueur, elles la predisent.Tout joueur
se ruinera si letemps ne
luimanque
pas.Lagrange, Laplace
etAmpere Tout demontre
; leursraisonnements
n'ont corrige personne, Us interessent toutlemonde.
B. tb
XVI PREFACE.
Si
deux
joueurs jouent sans cessejusqu'a laruinede Tun
d'eux, le
moins
riche seraprobablement
vaincu.Le
rapportdu nombre
despartiesgagnees ou perdues
differerade moins
enmoins de
1'unite,mais
la differenceaugmentera, comme
nous Tavons
dit; tantotPun
seraen
perte, tantot1'autre.La
difference, petite d'abord,
deviendra
grande.La
perte,dans
ses oscillations, frappera
chacun
desdeux
joueurs alterna- tivement;quand
elle depassera la fortunedu
perdant, laruine
pour
lui seraconsommee. Le danger menace
surtout,on
lecomprend,
lemoins
riche desdeux
joueurs.L'homme
qui
joue
sans limiteet sans cesse accepte touslesadversaries,dont Fensemble,
sanschanger
son sort,peut
recevoirun
nom
collectif : le public, qui n'esljamais mine,
ruine lesimprudents
qui 1'attaquent.Tout change quand
les conditionsdu
jeu sont inegales.Le moindre avantage
faitpencher
la balance.Pour
lejoueur que
les conditions favorisent, le gainaugmente
sans limite.Au
trente-et-quarante, parexemple, Tavantage du banquier estun peu
plus de 0,6pour
100. SiTon joue TOO
parties, en evaluant a iooo
frlasomme
desenjeux pour chacune
d'elles,Tavantage
reserveau banquier par
lesregiesdu
jeu represente6oo
fr.Les
accidentsdu
hasardproduiront un
ecartdont
lavaleur
moyenne,
indiqueepar
le calcul, est8ooo
fr.Le
banquier, surune
seriede
100 parties, adone
chancesegales, a trespen
pres, de perdreou de
gagner.
La
pertemoyenne,
c'est tout son avaritage, est
un peu moindre que
le gainmoyen.
Sur loooo
parties,en supposant
toujoursFenjeu de iooo
fr, 1'avantagemenage au banquier par
les regiesdu
jeu represente6oooo
fr. L'ecartmoyen,
dix fois plusgrand
seu-lement pour un nombre
centuplede
parties, est8oooo
fr.La
perte
du banquier
sur10000
parties seradone un
evenernentLES LOIS DU HASARD. XVII tres ordinaire; mais, en ce cas, la valeur
moyenne
de lasomme perdue
sera20ooo
fr, tandis que,dans Hiypothese
plus vraisemblabledu
gain, la valeurmoyenne
esti^oooo
fr.Sur
T million de parties, lebenefice regulier, equivalent aPavantage
reserveau
banquier, serait6
millions; Pecartmoyen
en plusou en
moins,8ooooo
frsejilement; s'ilgagne moins
de 5 millions, lebanquier
aeu du malheur
;un
gaininferieur a4millions serait invraisemblable, et il
y
a plus de10000
a parier contre ique
son gainne
s'abaissera pas au-dessous de 2 millions.La
loi de Bernoulli,quand
elle est miseen
defaut, reveleune
cause perturbatricedu
hasard.Telsse
montrent
sou ventlesresultatsdu
suffrage universel.Supposons
10 millions d'electeurs. Attribuons6
millionsde
votes aun
parti, celuide
la majorite. 4 millionsseulement
a la minorite.On forme 1000
colleges detoooo
electeurschacun
: toutcandidat qui reunira plus de5ooo
suffrages sera elu.L
1opinionapprouvee
par les quatredixiemesdes
votants serait representee proportionnellementpar 4^o
deputes sur1000. Les
loisdu hasard ne
lui accordent rien.Sur 1000
representants,pasun
seulpour
elle.Le
calcul reduit a zero,pour
ainsi dire, la vraisemblance de toute autrehypothese.
Supposons, pour donner une
ideedes chiffres, que, saisissant 1'occasionpour
tenter la chance,un joueur
s'engage,dans
les conditions electorales supposees, a
payer
autantde
millionsqu'ilsetrouveracje deputes delaminorite vainqueurs
dans
la lutte.On ne
pourrait pas,en echange de
sespro-
messes, c'est la reponse rigoureuse, sinon acceptable,du
calcul, lui offrir
equitablement
plus d'un centime.Ce
centime pourraitlui cotiter cher.Les
minorites,m^me
beaucoup
moindres, obtiennent quelques represenlants.Les
electears n'etant pas associespar
le sort, les influencesXVIII PREFACE.
locales
triomphent
des loisdu
hasard. C'est avecgrande
defiancequ'il faut, sur les traces
de Condorcet,
eclairer lesSciences morales elpolitiquespar
leflambeau de VAlgebre.
Les
etoiles, sur lavoute
celeste,semblent semees
sans ordre et sans loi;3ooo
environ,pour
qui a lavue bonne,
brillentau-dessus
du
notre horizon.Ptolemee,
dans son Cata- logue, n'en inscrivaitque
1020.Un astronome dont
lenom
est reste
obscur
sans injustice,Tarcheveque
Mitchell, a fait d'une idee ingenieuse et justeune
application trop hardie.Sile
hasard
distribuait surla voutedu
ciel3ooo
points bril- lants, quelle serait la distance
moyenne de chacun
d'euxa son voisin le plus
proche? Le problem
e est interessant; Mitchellne
le resout pas; mais,remarquant dans
la constel-lation
du Dragon deux
etoiles situees a 3"Tune de
1'autre, iltrouve
que
conIreun
telrapprochement on
pourrait,a
priori,parier(So contre i;dirigeant ensuite ses calculs surle
groupe
des Pleiades, Mitchell conclut a5ooooo
chances contre ipour qu'une
cause, en dehorsdu
hasard, aitrapproche
lessix etoiles.
En
proposant lamesure
precise d'assertions aussi vagues,on peut compromettre
la Science. Si Mitchell,soupgonnant
entre les etoilesun
lienmecanique,
avait tireavantage de
leurrapprochement
singulier, s'ilavait declarevraisemblable, tresvraisemblable, presquecertain,qu'une
cause particuliere a troublepour
elles les lois generates, il serait sansreproche,
mais
la precisiondu
chiffre 50U*OUOne peut
trouver d'ap- probateurs.Les
appreciations sans chiffresn'engagpnt
arien,
un
chiffreengage
la Science, et c'est sansaucun
droit,
L'application
du
calculaux
questionsde
cegenre estune
illusion et
un
abus.Les
motifs de croire que, sur 10 millionsde
boulesLES LOIS DU HASARD. XIX blanches melees a i noire, ce
ne
sera pas la noireque
je tireraidupremier coupest
dememe
nature, aecritCondorcet,
que
le motifde
croireque
le Soleil nemanquera
pas de se leverdemain.
L'assimilation n'estpas permise :
Tune
des probabilites est objective, Fautre subjective.La
probabilitede
tirer la boule noiredu premier coup
estni moins.
Quiconque
Fevalueautrement
setrompe. La
pro-babilite
pour que
le Soleil se leve varie d'un esprit a Fautre.Un
philosophe peut, sans etre fou,annoncer
surla foi d'une scienceque
le Soleilva
bientdt s'eteindre ; il estdans
son droitcomme Condorcet dans
lesien;tous
deux
Fexcederaient en accusant d'erreurceux
qui pensent autrement. L'assimila- tion aune
urne est leprecede
de demonstration.Une
urne contient desboules blanches, peut-etreaussi des noires;
on y
fait i million de tirages, tous
donnent
des bouies blanches;quelle est la probabilite
pour qu'un nouveau
tirageamene une
noire?Le
calculrepond
: <00('
)000.
On
a vu, conclutCondorcet,
T millionde
fois le Soleil se leverdu
cotede
Forient, quelle est la probabilitepour
qu'ilmanque demain?
La
question n'est-elle pas lameme?
Elle est differente.L'urne, dans le
premier
cas, est invariable; qui peuL,dans
lesecond, savoir le train des choses ?
Paul, sur la foi de
Condorcet,
veut parierque
le Soleil se leverademain. La
theoriefixera les enjeux.Paul
recevra ifrsile Soleil se leve et
donnera
i millions'il fait defaut. Pierre accepte le pari.Au
leverde chaque
aurore, ilperd
ifr etlepaye.
La chance pour
luidiminue chaque
jour, puisque le Soleilcompte un
lever de plus.Paul
consciencieusementaugmente
son enjeu5 consciencieusement aussi, Pierrecon-
tinue a luipayer
ifr
.
Les
conventionsdemeurent
equitables.Les
parieurs voyagent,on
parcourt vingtcontrees, de Focpi- denta Forient, Pierreperd
toujours; il poursuit sachance
XX PREFACE.
cependant, conduit
Paul
vers lenord
;on
franchit le cercle polaire; le Soleil resteun mois
au-dessousde
1'horizon;Paul perd 3o
millions,croitPordre de
naturepervertietsoupgonne que Purne
est changee.TarquinPancien,
rebelleaux
pretentiousde Paugure Accius
Nsevius, osa, dit-on, le mettreau
defi.Ce que
jepense
est-il possible?demanda
le roi.L'augure
accepta Pepreuve.Tu peux done
couper'cette pierre? Nsevius pritun
rasoir etcoupa
le caillou.Avec une
tres louable impartialityCondor-
ceta cherche lachance
de verite.Le
point de depart de son calcul estlenombre
des caillouxque, depuis Pinvention des rasoirs,on
n'apas reussi acouper, et, sansrepondre du
detail deschiffres, il evalue a 100d000 laprobabilite de Panecdote. II estun peu
naif.Un
caillouque
1'oncoupe comme un
radis estun
cailloumiraculeux ou un
faux caillou.La
saine philosophicdont
il se vante repousse tout miracle; Paccord
fait sous
main
entre Nsevius et le roi sauverait lavraisem-
blance.Pour
resoudre leprobleme, au
lieude
cornpter des cailloux, il faut
comparer,
sion
le connait, lenombre
des princes capables d'imposturea celuidesaugures
complaisants etdeshistoriens sans critique.Le
hasard, a toutjeu, corrige ses caprices.Les
irregula-rites
memes
ontleurloi.Supposons
qu'aun
jeude pur hasard une
seriede
partiesait etejouee. Precisons,
pour
plus de clarte : lejeu est pileou
face; la serie de 100 parties.Pour
chacune,on marque
ladifferenceentre ie
nombre
desgains etlenombre normal
5o.Si
Pon
agagne 44 ou 56
fois,on marque
6dans
lesdeux
cas.Chaque
serie, de cette maniere, se trouve caracteriseepar un nombre que nous
appellerons
lVc0r/supposons obtenus
i million d'ecarts.
Le hasard
decide leur grandeur,comme
si
Pon
puisait i- millionde
foisdans un
saccontenant
des>LES LOIS DU HASARD. XXI boules de lolo.
La
difference estgrande cependant
: tandisque
toutes les boules sortirontegalement ou peu
s'en faut,les petits ecarts seront lesplus
nombreux. Chacun
se presen-tera; a la Inngue,
un nombre de
fois proportionnel a la probabiliteque Ton
peutcalculer; la regularite des resultats
peut
recevoirune forme
apparente et visible.Marquez
surune
ligne droite, & distances egales et petites, leschiffres o, i, 2, 3, ... representant les ecarts possibles.Par chacun
de ces points elevensune hauteur
egaleau nombre de
foisque
Tecart s'est produit;les extremites de ces lignes feront paraitreune
courbe, toujours derneme forme;
lesommet correspond au
pointo ; 1'abaissernent, a partirde
ce point,tres lent d'abord, s'accroit suivant
une
loiprevue
par le calcul. Si quelques irregularites deparent le dessin, doubles, decuplezlenombre
des epreuves,Inexactitudedespredictions est kpeine croyable.Les
grandsnombres
regularisent tout.La moyenne de
tous les ecarts
peut
etre predite avec confiance : elle sera L\si laserie est
de
ioo
epreuves, 4 siel'eest
de
10 ooo.La meme
certitude s'attache i la
moyenne
descarres des ecarts, a cellede
leurs cubes, de leurquatrieme
puissance.Pour
des series de 100,par exemple,
lamoyenne
des carres est 25.Ces
predictionssontsures. N'est-cepas, pourainsiparler, miracle
de
voirun
hasard aveugle dieter des resultats exacterneatprevus
?Aidee
de cestheoremes
singuliers, la dexterite des geo- metres a su, chose merveilleuse, rencontrer sur ces voies detourneesune
solutionde
laquadrature du
cercle. Si,dans
une
serie d'epreuvessuffisamment nombreuses, on
divise lamoyenne
des carres deshearts parlecarrede
lamoyenne,
le quotient est, a trespeu
pres, la moitiede
la surface cluceratede rayon
unite.Avec
de lapatience, le succes estcertain,;!XXII PREFACE.
Beaucoup de
joueurs,preoccupes de
cette regularite necessairedans
lesmoyennes,
cherchent,dans
lescoups
quiprecedent
celuiqu'ils vontjouer,une
indicationetun
conseil.Ce
n'est pas bien entendre les principes.La
Science, a ces chimeres, ne restepas sansreponse.La
decisiondu bon
sens suffit, elle est nette et claire : a quoibon
la traduire enAlgebre? Le
prejuge est opini&tre.Les geometres
perdraient a lecombattre
leurlemps
et leursformules.L'illusion repose sur
un sophism
e :on
allegue la loide
Bernoullicomme
certaine ; elle n'estque
probable.Sur 20000
epreuves, dit-on, a la roulette, la noirene
peut passortirplus
de
io5oo
fois, Tassertionde
laScienceestformelle.Si les
10000
parties ontdonne 6000
noires, les10000
suivantes ont
done
contracteune
dette envers la rouge.On
fait trop
d'honneur
a la roulette : elle n'a ni conscience ni rnemoire.En supposant
qu'aune
rencontre inouie succedera,pour
la reparer,un
nouvel ecart de la regie,on
n'efface pas Tinvraisemblance,on
la redouble.La
certitude des lois de Bernoulli est celle d'un chasseur tres adroit, qui, connaissant sonarme,
est certain d'abattreune
bete feroce a dix pas.La
bete sepresente, il lamanque
;en
la voyant, furieuse, se ruer et rassaillir, doit-il rester impassible, confiantdans la certitudede
Tavoirtuee?
II.
Le
hasard, sans choisir,regularise tout
; la raison
en
est que,si toutesles combinaisons,dont
lenombre
estimmense,
etatent presentes materiellement, les
moins nombreuses
deviendraient introuvables.Le
hasard reste libre,mais
la carteest forcee.LES LOIS DU UA.SARD. XXIII
Appliquee aux
des,aux
cartes,au
jeu de
rouge
etde
noire,aux numeros
pairsou
impairs, a pileou
face, latheorie des chancesestindiscutable:rienn'yalterelarigueurdespreuves;
FAlgebre
executeplus rapidemcntles denombrements
qu'avec de la patience etdu temps on
pourrait faire sur ses doigts.Tous
lesarrangements
sontegalement
possibles;que
les plusnornbreux
sepresentent, il n'y a pas de sujet d'etonnement.La
Physique, I'Astronoime, lesphenomenes
sociaux,sernblent, dans plus d'un cas, regis par le hasard.
Peut-on comparer
la pluieou
lebeau
temps, Tapparitionou Tabsence
des etoiles filantes, la santeou
la maladie, la vieou
la mort,le
crime ou
Tinnocence a des boules blanchesou
noirestirees d'unememe urne? Le meme
desordre apparaitdans
Jes details, cache-t-il lameme
uniformite dans lesmoyennes
? Retrouvera-t-ondans
les ecarts les traitsconnus
et laphy-
sionomie des effetsdu
hasard?Tout evenement
qui alterne avec son contraire estcom-
parableaux
boules blanchesou
noires puiseesdans un
sac; le sac est-il toujours lememe?
est-ilouvert? Une
force inteliigente, seproposant une
fin, intervi^nt-elledans une
rnesurepetiteou grand
epour
corriger les capricesdu
sort?Le raisonnement ne
peutdevancer
Fexperience; les observa- tions,soigneusement
discutees,condamnent,
enm6me temps
que
les sceptiques rebelles a toutrapprochement,
les esprits absolus qui pretendenttout soumettreau
calcul.L'empreinte
du
hasard estmarquee,
trescurieusement
quelquefois, dans lesnombres
deduits des lois les plus precises.Une Table de
logarithmes en temoigne.Pour
ioooo nombres
successifs,dans
les Tablesa 10 decimales deVega,
jeprends
la septieme figuredu
logarithme : riendans
ce choix n'est laisseau
hasard.L'Algebre gouverne
tout,une
loiinflexible enchaine tousles chiffres. Si 1'on
compte
cepen-'