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Chapitre 3 Signification des modèles d'habitat et lien avec les traits fonctionnels

3. Conclusion

prennent pas en compte les interactions biotiques qui sont connues pour avoir une influence sur la croissance des arbres, voire pour modifier les relations entre croissance et taille (Coomes & Allen 2007).

Le point positif de cette étude concerne les modèles d’habitat. Ceux-ci sont calibrés sur des jeux de données très complets (plus de 3000 présences), décrivant vraisemblablement assez correctement la distribution actuelle des espèces. Les deux modèles ont de bons pouvoirs prédictifs et de bonnes courbes de calibration (Encadré 3.2). De plus sur l’ensemble des placettes de présence, on retrouve aussi bien des sites caractérisés par une mauvaise qualité de l’habitat, que par une moyenne, bonne ou très bonne qualité (Fig. 3.11), contrairement à ce que l’on avait obtenu pour le modèle de P. uncinata dans l’étude précédente. Cette représentation complète du gradient de qualité de l’habitat est un point clé à rechercher dans ce genre d’étude pour être à même de mettre en évidence des relations.

Je pense que pour pouvoir poursuivre cette étude il serait nécessaire de procéder à un ré- échantillonnage des données par rapport aux conditions environnementales -qui sont mal représentées par le jeu de données initiales- et également par rapport aux caractéristiques intrinsèques des individus (dBh) et aux interactions biotiques (présence ou abondance d’autres espèces dans la placette).

Cependant comme nous l’avons vu dans la première partie de ce chapitre, ces modèles sont souvent utilisés d’une manière plus large pour décrire une qualité de l’habitat ou la niche d’une espèce. Comme nous l’avons également vu, il n’existe pour le moment pas de consensus sur la signification « étendue » de ces modèles et c’est d’ailleurs la raison d’être de ce chapitre. Il n’est donc pas utile de rediscuter plus avant des limitations des modèles d’habitat en eux-mêmes. D’autres modèles plus complexes pourraient d’ailleurs être plus appropriés que les modèles d’habitat pour décrire la performance des espèces; Elmendorf &

Moore (2008) ont montré que les modèles de co-occurrences d’espèces qui intègrent facteurs abiotiques et biotiques (Leathwick & Austin 2001) expliquaient mieux la fitness et l’abondance des espèces que les modèles d’habitat. On pourrait aussi penser à des modèles de types modèles statistiques d’abondance (Pearce & Boyce 2006; Potts & Elith 2006) ou encore modèles mécanistes physiologiques (Chuine et al. 1999; Kearney & Porter 2009). Mais ces modèles moins simplistes sont aussi beaucoup plus difficiles à calibrer. N’oublions pas que l’avantage premier des modèles d’habitat est qu’ils sont simples à utiliser (au moins en apparence) et qu’ils requièrent des données (occurrence) qui sont les plus disponibles (ex.

atlas, relevés botaniques) et les plus faciles à collecter.

Il existe cependant une limitation qui est en lien direct avec notre question. Cette limitation est plus une limitation de l’usage que l’on fait des modèles que des modèles en eux-mêmes.

Il s‘agit du choix des variables environnementales. Le plus souvent ces variables sont des variables climatiques moyennes (ex. sur la période 1970-1999) extrapolées à partir de modèles météorologiques et de relevés satellites et réduites à des résolutions de quelques kilomètres ou centaines de mètres. Ces données sont donc grossières et comportent de fortes incertitudes (Seo et al. 2009). Trois problèmes peuvent survenir du choix de ce type de variables. (1) Il peut y avoir une incompatibilité des échelles temporelles. En effet les mesures in situ de traits fonctionnels ou de taux de germination reflètent les conditions climatiques de l’année de la mesure et non la moyenne des dix voire trente années passées. (2) Il peut y avoir une incompatibilité des échelles spatiales. En effet les données climatiques régionales dérivent de données à très larges échelles et ne reflètent pas les conditions locales qui affectent directement la croissance, la germination et les traits fonctionnels. Cela soulève d’ailleurs aussi une question de compromis entre échelle de l’étude et qualité des modèles d’habitat mis en œuvre. Dans leur étude Elmendorf & Moore (2008) ont calibrés les modèles d’habitat à partir de variables très fines (sol, radiation) mesurées localement. Il est vrai que cela semble donner des résultats satisfaisants et que cette approche est intéressante, mais elle n’est pas vraiment généralisable à l’échelle de la distribution entière d’une espèce. De plus dans notre site d’étude nous avons montré que les données régionales semblent bien refléter les gros contrastes climatiques en termes de température et radiation. (3) C’est alors peut-être le type de données utilisées qui ne reflète pas complètement les conditions environnementales locales qui ne se résument pas aux températures et radiations. Des données de sol par exemple (ex. pH, texture) ou de ressource (ex. lumière, humidité, Fig. 3.2

lien a) pourraient permettre d’améliorer la pertinence des modèles et les rapprocher d’une caractérisation des conditions subies localement par les individus (Coudun & Gegout 2007 ; Elmendorf & Moore 2008) et donc de leur performance. Mais pour le moment ces données ne sont pas disponibles à large échelle.

5. Perspectives

Confronter directement la qualité de l’habitat donnée par les modèles d’habitat avec la réponse des estimateurs de la performance (paramètres démographiques, traits fonctionnels) aux gradients n’était finalement peut-être pas la meilleure manière de procéder (Fig. 3.2). En choisissant cette démarche, nous avons comparé deux estimateurs différents de la niche (une en fréquence d’occurrence et une fonctionnelle) et une absence de résultat ne permet pas trancher entre la défaillance de l’un ou l’autre des estimateurs. Je pense que pour poursuivre l’évaluation du sens écologique des modèles d’habitat il serait désormais nécessaire de se pencher d’avantage sur deux aspects complémentaires :

Aspects écologiques – Cela concerne la partie droite de la Fig. 3.2, c.à.d. comment estimer la fitness ? Et quels sont les liens existants entre les différents estimateurs de cette fitness ? Il serait essentiel en effet de comprendre comment sont liés fréquences d’occurrence, abondance, traits fonctionnels, paramètres démographiques et fitness aux niveaux inter- et intraspécifique. A l’échelle interspécifique, Poorter (2006 & 2008) ont par exemple montré que les traits foliaires étaient de bons estimateurs des paramètres démographiques (Croissance liée à la SLA, à la densité du bois et à Hmax et Survie liée à la durée de vie des feuilles) ; Cingolani et al. (2007) ont montré que ce n’était pas les mêmes traits qui influaient sur les patrons locaux de présence et d’abondance. Elmendorf & Moore (2008) rapportent aussi que des relations positives, négatives ou inexistantes ont été décrites entre abondance et fitness au sein d’une espèce. Maintenant il faudrait continuer d’améliorer notre connaissance de ces relations, en particulier au niveau intraspécifique. Cela passe par la recherche de traits fonctionnels, d’ensemble de traits ou d’un indice synthétique de ces traits (vision de type stratégie fonctionnelle dans un espace multidimensionnel de traits, voir Chapitre 2) représentant les différents aspects de la performance et donnant une quantification fonctionnelle de la niche, comme suggéré par Violle (2009). D’autre part il faudrait aussi se pencher sur la question particulière de la fréquence d’occurrence et de ce qu’elle représente. Pour cela je pense qu’il serait nécessaire de revenir en arrière et d’utiliser des modèles simples purement descriptifs (et non prédictifs), pour estimer la fréquence d’occurrence. Cela permettrait de comparer réellement les patrons d’occurrence connus avec des patrons d’abondance ou des courbes de réponse de traits. S’il s’avère alors que la fréquence d’occurrence n’est pas liée à la fitness ou à ses estimateurs, alors il n’y aura plus de raison de penser que les modèles d’habitat (qui font le lien entre fréquence d’occurrence et environnement) sont une estimation de la niche (qui fait le lien entre fitness et gradients de

Fig. 3.13. Qualité de l’habitat donnée pour P. abies par différents algorithmes.

Ces modèles ont été calibrés sur 14741 relevés contenant 3098 présences. Les qualités de l’habitat données par les différents algorithmes sont présentés en fonction des qualités de l’habitat données par la méthode du moyennage de modèle appliquée à un GAM, d’AUC=0.91 (Encadré 2.2). Pour chaque algorithme est donné son AUC ainsi que sa courbe de calibration (Encadré 3.2) ainsi que le seuil optimal de prédiction binaire (ligne rouge).

ressources). Par contre, s’il s’avère que la fréquence d’occurrence est liée à la fitness ou à ses estimateurs, alors il faudra trouver des modèles d’habitat efficaces qui permettent de conserver ce lien et de quantifier la niche des espèces.

Modélisation de l’habitat – Comme nous l’avons vu en introduction de ce Chapitre, les modèles d’habitat ont fait l’objet de nombreuses études comparatives (Elith et al. 2006) et de bricolage statistique (Real et al. 2006 vs Article 3). Austin (2007) avait critiqué une telle accumulation d’information sur ces modèles (et les divers algorithmes disponibles) sans réflexion écologique préalable et sans test de compatibilité avec la théorie écologique. Il avait également soulevé la question de l’évaluation des modèles d’habitat qui repose sur des méthodes purement statistiques et non pas sur leur réalisme écologique. Une étude très récente s’est enfin penchée sur le pourquoi des différences observées entre modèles (Elith &

Graham 2009). Cette étude montre en particulier des différences flagrantes entre les courbes de réponse estimées par les différents modèles et les conséquences sur la projection des distributions dans l’espace géographique. Je pense en effet que ce genre d’études cherchant à comprendre le fonctionnement fin des modèles devrait se généraliser et qu’il faudrait également mettre au point des méthodes d’évaluation des modèles en lien avec les grandeurs écologiques qu’ils sont censés représenter. Comme nous l’avions suggéré dans l’Article 3 et illustré dans la Fig. 3.13 et dans la Fig. 5 d’Elith (2009), il est particulièrement étrange de constater que différents algorithmes calibrés sur un même jeu de données produisent des valeurs de qualité d’habitat très différentes. Ces algorithmes (Fig. 3.13) sont pourtant tous bien calibrés et ont un bon pouvoir prédictif (Encadré 3.2), cela signifie que les valeurs hautes (resp. basses) de qualité de l’habitat représentent plutôt bien les présences (resp. absences).

Cependant s’ils sont censés donner une mesure de la même grandeur (la niche ?), lequel croire ? Et pourquoi ? A l’origine, les modèles d’habitat ont été pensés pour décrire des distributions et prédire des présences potentielles sous une forme binaire. Dans ce contexte, des algorithmes ayant une bonne capacité à discriminer les conditions environnementales correspondant plutôt à des présences ou à des absences et des méthodes d’évaluations de ce pouvoir de discrimination de type AUC (Encadré 3.2) étaient appropriées. Aujourd’hui, si l’on souhaite réellement obtenir de bons modèles quantifiant la niche il faudrait rechercher les algorithmes les plus appropriés et ayant un bon pouvoir de quantification et non plus de calibration. C’est à mon sens un pré-requis à l’utilisation des sorties de ces modèles sous leur forme brute (probabilités de présence). Sans un effort particulier dans ce sens, il faut simplement admettre que les modèles d’habitat sont en fait de simples modèles de distribution et les utiliser en transformant leurs sorties sous forme binaires.