• Nenhum resultado encontrado

Variabilité dans le temps et date d’échantillonnage

Chapitre 2 Variabilité fonctionnelle intraspécifique: quantification, structure,

2. Variabilité dans le temps et date d’échantillonnage

Les traits fonctionnels des plantes et en particulier les traits foliaires varient au cours de la saison de végétation (Garnier et al. 2001, Al Haj Khaled et al. 2005) et au cours de la durée de vie des feuilles (ex. R. ferrugineum : Pornon & Lamaze 2007). Garnier et al. (2001) conseillent d’échantillonner les espèces herbacées en mai et les ligneux en juillet en milieu méditerranéen. Or nous voulons échantillonner pour chaque espèce étudiée une dizaine de populations dans des conditions contrastées (Chapitre 1). Pour être certain que les différences de traits entre les populations sont dues aux conditions environnementales et non à la date d’échantillonnage, il faut déjà avoir une idée de la variabilité des traits dans le temps. Deux facteurs interagissent quant à notre échantillonnage sur le terrain : (1) il n’est pas possible de tout échantillonner en même temps ; aller sur les sites de populations et faire les mesures en laboratoire prend du temps et nécessite d’étaler la campagne de trait dans la saison ; (2) les différentes populations que l’on veut échantillonner pour une même espèce ne sont pas toutes autant avancées de la même manière dans la saison de végétation. Sur les sites de basse altitude, les individus pourrons avoir déjà fleuri et fané mi-juillet alors que sur les sites de haute altitude le déneigement (et donc le début de la saison de végétation) viendra seulement d’avoir lieu. Cette étude préliminaire vise donc à déterminer quelle est la

Fig. 2.4. Distances fonctionnelles moyennes entre les moyennes de populations mesurées à la date i et celles mesurées au début de saison.

Le temps est donné en jours juliens (1=premier janvier). Les distances sont des distances de Mahalanobis (Encadré 2.3).

Fig. 2.5. Distances fonctionnelles entre les populations de couples d’espèces à différentes dates.

FP.SC= Festuca paniculata. Sesleria caerulea (pente=+0.13, p<0.05, R²=0.96), DG.TA=Dactylis glomerata.

Trifolium alpinum (pente=+0.24, p<0.05, R²=0.89), CS.SC= Carex sempervirens. Sesleria caerulea (pente =0), SC.TA = Sesleria caerulea. Trifolium alpinum (pente=0). Le temps est donné en jours juliens (1=premier janvier). Les distances sont des distances de Mahalanobis (Encadré 2.3).

bonne date d’échantillonnage, si les traits varient de la même manière pour toutes les espèces et si les stratégies fonctionnelles des différentes espèces changent au cours de la saison de végétation.

Principe

Nous avons effectué un suivi temporel de trois traits fonctionnels : Hmax (uniquement herbacées, les ligneux n’ayant pas une croissance significative d’une semaine à l’autre), LDMC et LNC (moyenné par population) pour quatre espèces de la base Guisane 2080 en 2007 (F. paniculata, D. glomerata, S. caerulea, D. octopetala) et dix espèces en 2008 (F. paniculata, D. glomerata, S. caerulea, T. alpinum, G. montanum, V. myrtillus, L. decidua, R. ferrugineum, D.

octopetala, J. sempervirens). Ces suivis ont été menés sur une population de chaque espèce, ces populations étaient toutes situées vers 2000 m dans les environs de la Station Alpine Joseph Fourier. Pour chacune des populations, nous avons mesuré les traits toutes les deux semaines, soit quatre à six fois durant l’été avant le passage des moutons (Fig. 2.2) ; les mesures étaient effectuées sur quinze individus différents à chaque fois. Nous avons analysé la variabilité des traits moyens des différentes populations à l’aide de régressions linéaires sur les moyennes par date. Nous avons également mesuré les distances fonctionnelles (Encadré 2.3) entre les individus des espèces herbacées à la fois au sein d’une même population entre dates et aussi pour chaque date entre espèces.

Résultats

Comme attendu, une forte variabilité des traits a été observée au cours de la saison. De plus nous avons observé une forte hétérogénéité de cette variabilité entre les espèces. (1) Nous avons observé une augmentation de Hmax durant la saison (Fig. 2.3) : rapidement pour les espèces à stratégie « exploitatrice » comme D. glomerata (+0,93 cm/jour, p<10-3) et moins rapidement pour les espèces à stratégie « conservatrice » comme F. paniculata (+0,4 cm/j, p<10-3). (2) Nous avons également observé une augmentation significative de la LDMC (Fig.

2.3) au cours de la saison (+0,13 à +0,27 unité/j) et la formation d’un plateau correspondant probablement à la maturité des feuilles (nous n’avons pas cherché à quantifier les critères officiels de maturité tels que la fin d’extension du limbe ou l’apparition d’une ligule chez les graminées). (3) Nous avons finalement observé une diminution significative de la LNC au cours du temps (Fig. 2.3). Excepté pour D. glomerata (-0,07 u/j, p<10-3), cette diminution était assez faible (-0,01 u/j) voire nulle pour les espèces sempervirentes Juniperus sp. et R.

ferrugineum. (4) La comparaison entre les suivis temporels des populations de 2007 et 2008 révèle un certain décalage temporel entre les deux saisons, 2007 étant plus précoce que 2008 (Fig. 2.3). Ce résultat concorde avec les données météo des années correspondantes, l’été 2007 ayant été précocement chaud (Fig. 2.2). (5) L’analyse des distances fonctionnelles entre individus montre que les individus d’une même espèce s’éloignent significativement au cours du temps des individus mesurés à la première date, la vitesse d’éloignement est très

Fig. 2.6. Ampleur de la variabilité fonctionnelle intraspécifique

Les graphiques en violons sont une combinaison d’une boîte à moustache et d’un kernel de densité. Ils présentent (i) la densité des données estimée par une méthode de kernel (en gris) (ii) la médiane des valeurs (tirets noirs) (iii) l’amplitude inter-quartiles entre le 1° et le 3° (segments verticaux noirs). Les figures représentent l’ampleur de la variabilité intraspécifique pour (de haut en bas et de gauche à droite) la hauteur végétative (cm), l’exposition de l’inflorescence en hauteur (HauteurInflo-Hmax)/Hmax, la teneur des feuilles en azote (%), la teneur des feuilles en carbone (%), la teneur des feuilles en matière sèche (%) et la surface spécifique foliaire (mm²/mg-1) pour chaque espèce.

Pour chaque trait, les résultats sont ordonnés par les valeurs moyennes de chaque espèce. Pour chaque trait et chaque espèce les coefficients de variation sont donnés en dessous de chaque violon (ex. 0.2 pour la LDMC de J).

Les astérisques représentent les valeurs de traits provenant de la bibliographie et des bases de données existantes (LEDA, Androsace).

différente entre les espèces (+0,024 à +0,35 u/j) (Fig. 2.4), sauf pour D. octopetala qui est sempervirent et dont les traits moyens de population changent peu au cours de la saison.

D’autre part les distances entre espèces augmentent significativement (p<0,05 ; Fig. 2.5) comme entre F. paniculata et S. caerulea ou restent identiques pour des espèces fonctionnellement très différentes (S. caerulea et T. alpinum) ou pour des espèces fonctionnellement similaires (S. caerulea et C. sempervirens).

Discussion

Nous avons observé une forte variabilité des traits au cours de la saison de végétation mais peu entre années pour les quatre espèces qui ont été suivies en 2007 et 2008, ce qui est en accord avec la bibliographie (Garnier et al. 2001, Al Haj Khaled et al. 2005). Les traits foliaires des herbacées étaient plus variables que ceux des ligneux caducifoliés et plus variables que ceux des sempervirents, ce qui peut s’expliquer par un turnover plus rapide des ressources dans les feuilles ayant une durée de vie plus courte. La variabilité des traits pour les espèces ayant des feuilles à longue durée de vie étant visible sur de plus longues périodes d’observation (Pornon & Lamaze 2007).

En milieu alpin, l’évolution des traits au cours de la saison est probablement gouvernée par la date de déneigement et la somme des degrés-jours, ce sont ces variables qui influencent notamment la phénologie des espèces (Rome 2009). Les populations d’une même espèce devraient donc voir leurs traits évoluer de la même manière au cours de la saison, mais avec des départs différés par les dates de déneigement. Comme nous n’avons suivi l’évolution des traits que pour une population de chaque espèce nous n’avons pas pu faire le lien entre la variabilité des traits et les mesures de degrés-jours. Finalement nous avons échantillonné en suivant au mieux l’avancée de la saison de végétation en prenant la floraison comme repère et avec un échantillonnage des espèces herbacées en juillet et des espèces ligneuses en août.

Les résultats présentés ici n’ont pas été pris en compte quantitativement pour apporter une éventuelle correction aux traits mesurés ou pour quantifier la variabilité due à la durée de l’échantillonnage pour chaque espèce. Il aurait fallu pour cela : (1) effectuer pour chaque espèce des suivis temporels de traits sur plusieurs populations situées dans des environnements contrastés. (2) faire des mesures locales de température au sol (par exemple avec des iButtons) pour connaitre la date de déneigement réel subie par chaque population.

Le déneigement local n’est en effet pas uniquement lié aux gradients régionaux et dépend très fortement de la microtopographie et de la micro-orientation des sites.

Il est intéressant de noter que dans les données présentées ici (Fig. 2.3), il existe une forte variabilité individuelle des traits. Nous avons utilisé ici les moyennes de traits au niveau population afin de voir l’évolution générale des populations. Cependant à une date donnée, les mesures individuelles sont largement dispersées autour de la moyenne de la population (la quantification de cette variabilité individuelle est étudiée dans la section suivante). Cela est probablement du à divers facteurs : adaptation locale, plasticité, ontogénie, phénologie.

Fig. 2.7. Décomposition de la variance (issue de l’Article 7).

Décomposition de la variance relative des traits aux niveaux des individus, des sous-populations et des populations pour (a) la hauteur végétative (14 espèces) ; (b) la teneur des feuilles en matière sèche (16 espèces) et (c) la teneur des feuilles en azote (16 espèces). Les espèces sont classées par ordre alphabétique. Les seuils à 33% et 66 % sont donnés par les lignes pointillées.

Cela ajoute de la complexité à la définition d’une date optimale d’échantillonnage pour une population d’une espèce donnée.

L’évolution temporelle simultanée des différents traits fonctionnels (augmentation de Hmax et LDMC et diminution de LNC) entraîne un « glissement » des espèces dans l’espace des traits (Fig. 2.4 & 2.5) et une modification des stratégies fonctionnelles moyennes des populations (éloignement d’elle-même et des autres dans l’espace des traits). La distance entre les populations de deux espèces dans cet espace des traits reste constante ou augmente avec l’avancement de la saison ce qui entraîne une conservation de la classification fonctionnelle des espèces au cours de la saison en accord avec la bibliographie (Garnier et al.

2001, Al Haj Khaled et al. 2005 ; Fig. 2.5).

// Les sections 3 & 4 correspondent aux Articles 7 & 8, pour cette raison je n’y détaillerai pas les méthodes utilisées.