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La légitimité : croyance des dominés dans la valeur intrinsèque de l’ordre social dans lequel ils évoluent dans lequel ils évoluent

Section 1. Le concept de légitimité : d’une polysémie à un essai de synthèse synthèse

2. Ce qu’est la légitimité et ce qu’elle n’est pas, examen des concepts liés

2.2. La légitimité : croyance des dominés dans la valeur intrinsèque de l’ordre social dans lequel ils évoluent dans lequel ils évoluent

La légitimité est La légitimité se fonde sur

-Un construit social -Des valeurs sociales

-Abstraite -Des normes et règles sociales

-Imprécise -Le droit naturel (une référence

absolue) -Une appréciation humaine qui attribue une

valeur à une personne ou une institution, et à ses actes, paroles, opinions

-Des principes informels de jugement humain

-La reconnaissance d’un droit humain

-La conscience humaine Tableau 1. Ce que serait la légitimité

Cette vision de la légitimité paraît plus large que les théories sur le pouvoir politique qui sont pourtant à l’origine de la réflexion sur le concept de légitimité. Bourdieu (1984) affirme qu’ « est légitime une institution, une action, ou un usage qui est dominant et méconnu comme tel, c’est-à-dire tacitement reconnu », cité par Hatzfeld (1988, p 101). Il sous-entend donc une relation entre dominant et dominé. En ce cas, la légitimité d’un acte s’appuie sur l’obtention du pouvoir sur autrui. Etre légitime dans le champ politique signifierait donc nécessairement dominer pour être reconnu, et non pas seulement s’appuyer sur des principes de valeur ? Pourquoi la légitimité est-elle reliée au pouvoir, et pourquoi les deux concepts sont-ils souvent associés dans la littérature ?

2.2. La légitimité : croyance des dominés dans la valeur intrinsèque de l’ordre social

Beetham (1991) rappelle que le pouvoir n’est pas seulement un attribut individuel. Il est aussi le résultat d’arrangements sociaux entre plusieurs personnes. La justification la plus fréquente du pouvoir d’un groupe dominant sur des subordonnés réside dans sa capacité à réaliser les intérêts généraux d’une société ou à accomplir des objectifs collectifs. Le pouvoir repose aussi sur des règles et conventions qui le rendent légitime. La question de la légitimité d’un pouvoir émane lorsque des individus ne reconnaissent pas ces conventions et règles. Pour Beetham (1991), la légitimité n’est pas un simple qualificatif du pouvoir reconnu, mais plutôt un ensemble de critères qui fournissent un socle à la collaboration des dominés au pouvoir en place. En ce sens la légitimité garantit la reconnaissance du bien fondé du pouvoir.

La légitimité se distingue du pouvoir par la reconnaissance d’une valeur sociale de l’exercice de ce pouvoir. Le pouvoir évalué par les dominés, de par leur rationalité, permet donc de conférer une légitimité aux dominants. Smets (2005, p 40), en sociologie, affirme que « la légitimité est une modalité de la compréhension de l’acteur, par laquelle il relie une situation de domination, réelle ou imaginaire, à des représentations d’un ordre social intrinsèquement valorisé ». A contrario, un pouvoir peut se réduire à une domination sans attribution d’une valeur intrinsèque. En effet pour Braud (1985), il existe deux formes de pouvoir :

- le pouvoir d’injonction c'est-à-dire obtenir de quelqu’un qu’il fasse quelque chose sous la contrainte ;

- le pouvoir d’influence qui suppose que la personne sur laquelle s’exerce le pouvoir soit consentante de par sa rationalité ;

Smets (2005, p 68) rappelle que pour Weber « l’utilité de la légitimité réside dans sa capacité à stabiliser l’ordre social ». Pour Weber, la domination se distingue donc du pouvoir qui est ponctuel car elle repose sur des fondements de légitimité stables et pérennes.

Ce qui différencie également légitimité et pouvoir est qu’il n’existe pas une maîtrise volontaire de la légitimité par l’individu. La légitimité n’est pas un moyen de pression sur autrui comme peut l’être la détention d’un pouvoir. Au contraire elle émane des autres.

2.3. La légitimité comme attribut de pouvoir 2.3.1 Le pouvoir légitime

Le pouvoir légitime pour French et Raven (1968, pp 155-165) est une des déclinaisons possibles du pouvoir. En effet, pour ces derniers, le pouvoir revêt cinq dimensions : le pouvoir de récompense, le pouvoir de coercition, le pouvoir légitime qui est basé sur « la perception de B que A a légitimement le droit de lui prescrire sa conduite », le pouvoir de référence basé sur l’identification de B avec A, le pouvoir de compétence basé sur la perception de B que A a des compétences ou une expérience unique.

Le pouvoir légitime évoqué par French et Raven ne concerne que la personne qui adhère à cette légitimité et la procédure qui a permis d’y accéder. En ce sens les pouvoirs de référence et de compétence semblent exclus du champ de la légitimité dans la vision de French et Raven.

Un pouvoir ne peut s’auto-légitimer, mais il peut disposer de moyens qui amèneront ceux qui le subissent à le reconnaître, de gré ou de force, légitime. Toutefois, en fondant son autorité sur l’utilisation de la contrainte, le pouvoir conditionne la sincérité de la reconnaissance de sa légitimité par ceux qu’il force et crée les conditions de sa remise en cause immédiate ou future. Ainsi Chatov (1975) conclut de ses études que l’institution qui détient du pouvoir se doit d’être légitime.

La légitimité d’un pouvoir se fonde d’abord sur des mesures formelles comme des lois. Mais un pouvoir fondé en droit ne l’est pas forcément en équité ou droit naturel. Le droit naturel constitue donc le deuxième fondement possible d’un pouvoir légitime. Le troisième fondement du pouvoir légitime est la rationalité des hommes qui ont consenti à ce pouvoir. Il est à remarquer qu’un pouvoir rationnel n’est pas pour autant fondé en droit naturel.

L’inverse est pourtant vrai : un pouvoir légitime fondé en droit naturel l’est aussi en rationalité et en légalité. Ainsi, en fonction de l’angle à partir duquel un pouvoir est considéré, celui-ci peut se révéler légitime ou illégitime. Le droit naturel constitue donc le but de l’exercice d’un pouvoir, la loi en est un instrument, la rationalité le moyen.

Rodet (2002) envisage la légitimité d’unpouvoir selon un autre angle d’attaque. La légitimité d’un pouvoir se construit selon trois étapes successives :

- en premier lieu, la légalité, l’aspect juridique qui fonde la légitimité en droit et représente l’expression de la force civilisée ;

- en deuxième lieu, le droit naturel qui renvoie aux notions de valeurs d’éthique et de justice, c’est-à-dire à un construit social ;

- en troisième lieu, la rationalité des personnes qui reconnaissent cette légitimité du fait de la conformité à la légalité ou au droit naturel. Dans cette dernière étape, le pouvoir se légitime et la légitimité devient une forme de pouvoir.

Notre schéma représente cette construction du pouvoir légitime et la relation entre légitimité et pouvoir :

Figure 2. Liens entre pouvoir et légitimité

Si les travaux sur la légitimité prennent naissance dans une interrogation sur le bien-fondé du pouvoir, les écrits de Weber (1922) permettent de souligner le fait qu’être en quête de légitimité n'est naturellement pas neutre : celui qui le fait tend à utiliser un principe d'autorité.

En effet, le champ politique définit la légitimité comme faisant référence à l’acceptation d’un Reconnaissance

du bien fondé du pouvoir Renforcement

de la pérennité du pouvoir

ensemble de règles ou d’une autorité par la population. Cette dernière, à travers son consentement, a conscience d’une obligation d’obéissance à cette autorité. Polin, dans l’ouvrage de Bastid (1967), rappelle que toute existence sociale rassemblant des êtres doués d’intelligence et de liberté suppose l’apparition de règles qui ordonnent cette existence. Ces règles sont considérées, par la communauté sociale, comme légitimes. Cette légitimité est nécessaire à la vie sociale et à la stabilité d’une communauté.

Les lois et, plus généralement, les décisions politiques seront dites légitimes à la condition qu’elles soient fondées sur des fins et des principes rationnels. Cela signifie que chaque sujet exerçant la raison, est invité à se prononcer sur cette légitimité politique, et à statuer sur elle.

Cela signifie aussi que cette légitimité n’est pas figée et qu’elle ne surplombe pas les sujets.

La légitimité apparaît comme ce « qui est fondé en valeur et reconnu comme tel par l’opinion » (Polin, 1967, p 23). Cotta (1967, p 73) dans l’ouvrage de Bastid, affirme que la légitimité exprime la conformité du pouvoir, et du régime politique, à la manière de penser d’une nation. Cette dernière est toujours en construction et en débat, comme la rationalité.

Elle transcende les faits, mais non l’autorité de la raison. La légitimité politique n’est donc pas un idéal exogène à l’activité des sujets, mais leur œuvre propre. Pour cette raison, elle s’octroie entièrement (cela est légitime ou ne l’est pas). Comment le sujet peut-il statuer sur la légitimité ? Max Weber (1922) apporte des éléments de réponse à cette question.

2.3.2 La légitimité : justification du système d’autorité dominant et de son pouvoir

La légitimité est donc un facteur de légitimation du pouvoir. Toute personne exerçant ce pouvoir va tendre à l’augmenter en établissant son autorité auprès des dominés.

Les travaux de Weber (1922) sont au centre de cette vision de la légitimité. En effet, selon ce dernier, l'autorité d'un individu sur un autre repose sur sa légitimité. Weber précise les différentes sources de la légitimité, celles-ci correspondant à une autorité qui est acceptée et reconnue par les gouvernés.

2.3.2.1 Domination et légitimité : l’apport wébérien

L’apport de Weber dans l’analyse de la domination légitime au sein d’une structure sociale est fondamental. Ricœur (1986, p 244) souligne l’importance de l’apport de Weber car « il introduit le concept crucial de légitimité et analyse la jonction des prétentions à la légitimité

Weber (1922) a approfondi le concept de légitimité en étudiant un cadre plus large : celui des types de domination. Weber (1922, p 157) définit d’abord la domination (parfois traduit aussi par autorité) en rapport avec l’obéissance : « nous entendons par domination (« Herrschaft ») la chance pour des ordres spécifiques ou pour tous les autres de trouver obéissance de la part d’un groupe déterminé d’individus ». Pour ce dernier, chaque dominé cherche à justifier sa domination par le fondement de la légitimité. Ainsi la reconnaissance de la légitimité par le dominé passe par une acceptation du pouvoir en place selon des normes et des valeurs portées par cette personne. De ce fait, les dominés confèrent du sens à cette domination. « Aucune domination ne se satisfait volontairement de motifs purement matériels ou purement affectifs ou purement rationnels par rapport à une valeur pour assurer sa survie. Chacune cherche au contraire à faire naître et à nourrir la croyance à sa légitimité » (Weber, 1922, Tome 1, p 157). Ainsi le propre de la domination est de faire admettre un pouvoir politique ou une autorité de manière que ceux qui s’y soumettent reconnaissent la validité et la justification de ce pouvoir. Cette reconnaissance de la domination est la légitimité. La domination décrite par Weber se présente comme stable et durable pour une communauté humaine car elle se « fonde sur la validité que lui accordent les agents » (Aron, 1967, p 171). Weber (1922, p 102) décrit donc une domination dans sa dimension politique et en fait un idéal-type, bien distinct du pouvoir plus ponctuel : « la puissance ou le pouvoir (˝macht˝) signifie toute chance de faire triompher au sein d’une relation sociale sa propre volonté même contre des résistances, peu importe sur quoi repose cette chance ». Toutefois une domination peut s’établir sans se fonder sur la légitimité. « Une domination peut en outre - c’est fréquemment le cas dans la pratique - être si totalement assurée par l’évidente communauté d’intérêts du détenteur du pouvoir et de sa direction administrative sur ceux qu’ils dominent, du fait de l’impuissance de ces derniers, qu’elle peut se permettre de dédaigner la revendication de légitimité ». Il est à souligner paradoxalement que c’est l’introduction du concept de violence qui permet à Weber (1922, p 97) de définir la domination de l’état et sa revendication de légitimité. En ce sens il conçoit la structure du pouvoir étatique comme celle qui « revendique avec succès dans l’application des règlements le monopole de la contrainte physique légitime » (1922, p 57).

L’état revendique l’usage ultime de la violence et menace les individus peu enclins à reconnaître son autorité d’y recourir.

Cette reconnaissance d’une domination s’appuie sur trois idéaux-types de croyance en la légitimité d’un ordre politique dans un état de droit. L’idéal type wébérien pour Fleury (2009) est une construction abstraite qui guide conceptuellement la compréhension causale. L’idéal-

type n’exprime que l’aspect qualitatif de la réalité et permet une interprétation du sens de la conceptualisation.

La première forme de domination est la domination traditionnelle. La légitimité se fonde sur le fait que cette domination a toujours existé. Ainsi le roi ou l’empereur incarne cette domination héritée de traditions qui revêtent un caractère sacré. Leurs validités ne peuvent être remises en cause car elles sont enracinées. Cette domination s’appuie sur la croyance en des valeurs traditionnelles prédominantes et immuables (Pétrin et Gendron, 2003). La légitimité est ainsi accordée à ceux qui s’assurent du respect de ces valeurs.

La deuxième forme de domination est la domination charismatique. Les hommes qui exercent cette domination se distinguent par la rupture avec le caractère « traditionnel ». Ce sont des individus dotés d’une personnalité hors du commun, ou tout au moins qui apparaît comme telle à leurs semblables. Les leaders charismatiques réussissent à persuader les autres individus de leurs compétences exceptionnelles et de leur « abandon de soi à titre personnel » (Weber, 1922, p 121) dans la nouveauté qu’ils semblent apporter. La croyance en leur légitimité repose sur leurs « vertus héroïques », leur « sainteté exceptionnelle » ou leur

« caractère exceptionnel ». La légitimité charismatique a une dimension irrationnelle et paraît imprévisible et intransmissible sur le long cours.

La troisième forme de domination se fonde sur la légitimité rationnelle-légale ou encore bureaucratique-légale. Elle se base sur une croyance en la légitimité des lois, des règles institutionnelles, et des personnes qui visent à faire respecter ces lois. A l’opposé des deux premières formes de domination décrites ci-dessus, cette légitimité est fondée sur la raison et en ce sens, maîtrisée par les hommes. Weber cite la bureaucratie comme le modèle de la légitimité rationnelle-légale en Occident. Cette légitimité n’est donc pas fondée sur un rapport inter-individus mais plutôt sur la neutralité des règles édictées. Elle reconnaît également que le fondement de la légitimité peut provenir de compétences individuelles. Les individus dans la bureaucratie sont sélectionnés et reconnus par leurs diplômes ou leur réussite à des concours.

Ces trois formes de domination peuvent se combiner et se superposer plus qu’elles ne se succèdent au cours de l’histoire, affirme Weber.

Pour Smets (2005), l’approche de Weber est phénoménologique car les dominés adhèrent à

et Thévenot (1991). En effet, en contradiction avec Weber, Habermas pose que la croyance à la légitimité d’une domination, si elle ne s’appuie que sur des phénomènes empiriques sans rapport intrinsèque à la vérité, n’est que du domaine du psychologique. Dans le cas d’un rapport à la vérité, les raisons sur lesquelles s’appuient ces croyances ont un rapport à la rationalité de leur validité. A ce stade, et dans un contexte d’analyse de la légitimité au travail, nous ne pouvons écarter la croyance en la légitimité fondée sur des arguments rationnels, pas plus que basée sur des faits empiriques.

2.3.2.2 Le rôle de l’idéologie dans la légitimation d’une autorité : l’analyse de Ricœur

L’idéologie est un ensemble de représentations en relation avec la vie en société. Certains auteurs mettent l'accent sur sa fonction intégrative ou identitaire du groupe social (Mannheim, 1952), parfois de l'individu (Geertz, 1973). D'autres introduisent la notion d’ordre social et soulignent que l’idéologie a pour fonction de reproduire cet ordre (Chiapello, 2003).

D’après les travaux de Marx ou Althusser, l’idéologie est « une pure illusion, une image inversée ou déformée de ce qui est réel » (Thompson, 1984, p 5 ; cité par Bourguignon, 2003). Il s’agit d’une vision négative qui considère qu’à travers l’idéologie, les classes dominantes masquent la réalité pour mieux asseoir leur domination.

A l’inverse de cette conception marxiste existe une autre vision qui affirme que le dominé n’est pas abusé par l’ « illusion ». Il s’agit d’une conception dite positive. Cette conception positive n'exclut pas la prise en compte des questions de pouvoir et de domination (Neimark, 1992).

Ricœur (1986) analyse le rôle de l’idéologie dans la légitimation de l’autorité. Lorsqu’il analyse l’ouvrage de Weber, « Économie et société », ce dernier démontre que « c’est le rôle de l’idéologie de légitimer l’autorité » (p 32), car elle fournit la justification du système d’autorité en place et lui permet d’accéder à la légitimité. Pour Ricœur (1986, p 17), l’idéologie se comprend au sens marxiste comme « un processus de distorsion ou de dissimulation par lequel un individu exprime sa situation mais sans la connaître ou la reconnaître », mais aussi comme un processus d’intégration « dans un cadre qui reconnaît la structure symbolique de la vie sociale ». D’après Bourguignon et al. (2004), « l’idéologie contribue à faire sens de notre monde et aide les individus à évoluer réalistement et avec sens dans celui-ci » (p 110, d’après Geertz, 1973 et Alvarez, 1998). A la lecture de Ricœur (p 287),

l’idéologie est aussi ce qui nous permet «d’articuler notre expérience sociale » et de donner du sens à notre « intégration dans une communauté » par la compréhension de ses symboles.

« L’idéologie pour Ricœur est perçue comme ayant un rapport avec l’intégration de la vie et des actions des individus » (Bourguignon, Malleret, NØrreklit, 2004, p 110). L’idéologie permet donc de conférer du sens à une autorité, dans une communauté, en fournissant « des codes d’interprétation ». Elle permet de concevoir l’autorité comme légitime pour ses membres, car justifiée par ses codes idéologiques.

Ricœur définit donc l’idéologie comme ce qui permet la jonction entre la recherche de légitimité du groupe dominant (ou de l’autorité) et le degré de croyance des dominés. « C’est au travers d’un processus idéologique qu’on saisit sa propre motivation dans la relation au pouvoir » (1986, p 284). L’idéologie, dans la quête de légitimité des systèmes d’autorité en place, doit permettre de réduire « les tensions entre la prétention à la légitimité revendiquée par le pouvoir et la croyance dans cette légitimité que proposent les citoyens » (1986, p 33).

Il existe donc une distorsion entre croyance et prétention, car un système dominant qui détient le pouvoir aspire à des prétentions supérieures à la croyance accordée par les membres d’une communauté. L’idéologie, pour Ricœur, tend à diminuer ces tensions entre prétentions du dominé et croyances des dominants par la justification de la domination. « L’idéologie tend ultimement à légitimer un système d’autorité » (1986, p 37).

Nous avons, à travers ces développements, mis en valeur les théories du pouvoir entre dominants et dominés et analysé les conséquences sur la compréhension de la légitimité.

Quand Bourdieu (1984, cité par Hatzfeld, 1988, p 101) affirme qu’« est légitime une institution ou une action, ou un usage qui est dominant et méconnu comme tel, c’est-à-dire tacitement reconnu », il montre que la légitimité d’un acte ou d’une institution se fonde sur l’obtention d’un pouvoir sur autrui : la domination acceptée. Ainsi la légitimité présuppose l’existence de deux parties, dominant et dominé. Nous avons également montré que toute autorité vise à légitimer son pouvoir. En ce sens le pouvoir se doit de devenir légitime. Nous pouvons donc synthétiser la relation entre pouvoir et légitimité dans le tableau 2.

La légitimité est La légitimité se fonde sur La reconnaissance du bien fondé du pouvoir

L’acceptation d’une situation de domination du fait d’une représentation sociale valorisée de cet état (Smets, 2005)

L’idéologie donne du sens à cette domination par la compréhension des symboles

Un attribut indispensable du pouvoir

La justification d’une autorité et de son pouvoir par la croyance des dominés en trois idéaux-types (Weber, 1922)

Légitimité traditionnelle Légitimité charismatique Légitimité rationnelle-légale Tableau 2. Synthèse sur les approches de la légitimité et du pouvoir

Ces conceptions du pouvoir et de la légitimité sont principalement attachées au champ politique. Ces analyses peuvent-elles réellement rendre compte des actes, paroles, comportements d’un individu en situation professionnelle ? Le pouvoir est trop souvent ici assimilé à la domination ou à l’autorité. A la lecture d’Arendt (1972, p 153), le pouvoir peut aussi correspondre « à l’aptitude de l’homme à agir et à agir de façon concertée ».

Le pouvoir peut aussi se définir par sa nature collective, comme un ensemble de capacités humaines à partir desquelles l'action en commun est possible. Qui plus est, le pouvoir correspond à « ce qui s'actualise dans l'action, ce que celle-ci rend manifeste, à savoir le rassemblement des hommes. Le pouvoir est ainsi toujours pouvoir de, pouvoir dans, inscrit dans la communauté politique (ce qui rappelle un peu le potestas in populo des romains) » (Smets, 2005, p 9). La légitimité ne peut donc se réduire à la manifestation d’une domination, surtout dans notre contexte d’étude. Elle résulte aussi d’un processus de socialisation entre individus ou institutions.