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Les théories de la légitimité organisationnelle

Pour Suchman (1995), deux approches rendent compte de la question de la légitimité organisationnelle : l’approche stratégique qui aborde la légitimité comme une ressource opérationnelle et l’approche institutionnelle où la légitimité renvoie à des croyances dont s’inspire l’organisation pour modeler son comportement et ses structures (Suchman, 1988).

1.1 La légitimité stratégique

Le courant stratégique des recherches sur la légitimité organisationnelle s’insère plus largement dans la théorie de la dépendance aux ressources (Pfeffer et Salancik, 1978). Cette théorie envisage les organisations en interaction avec leur environnement. Pour Pfeffer et Salancik (1978), afin d’acquérir les ressources nécessaires à son fonctionnement, une organisation doit interagir avec son environnement social et trouver dans celui-ci les ressources vitales à sa pérennité. Dans cette perspective, l’obtention de légitimité va donc permettre à l’organisation l’approbation de la société et lui faciliter l’obtention des ressources utiles. « L’acceptabilité sociale qui résulte de la légitimité peut être plus importante que la performance économique » (Pfeffer et Salancik, 1978, p 194).

Les travaux du courant stratégique considèrent, à ce titre, que la légitimité est une ressource opérationnelle (Suchman, 1988) qui se gère, qui s’opérationnalise et qui s’intègre à la stratégie. Les organisations obtiennent cette légitimité de leur environnement et l’utilisent pour atteindre leurs objectifs (Asforth et Gibbs, 1990 ; Dowling et Pfeffer, 1975).

Pour Pfeffer et Salancik (1978), les interactions avec l’environnement impliquent de gérer les demandes des interlocuteurs. Ce sont effectivement ces derniers qui vont évaluer l’efficacité de l’organisation, et par voie de conséquence sa légitimité. La légitimité organisationnelle dépend donc pour partie des réponses apportées aux demandes des acteurs qui sont membres de cet environnement. Ainsi l’organisationdispose de leviers de manœuvre pour influencer la légitimité de ses activités, en gérant sa relation avec ses interlocuteurs.

Pour assurer leur obtention de ressources, les organisations doivent les échanger. Pour ce faire, les organisations essaient de s’engager dans des activités et adopter des comportements qui leur permettent de répondre aux attentes de leur environnement. Cette idée d’adéquation entre les normes sociales et les actions de l’organisation est développée par Dowling et

Pfeffer (1975). Pour ces derniers, la légitimité ne s’obtient que lorsque cette mise en adéquation est opérée.

La perspective néo-institutionnelle, évoquée dans le prochain paragraphe, se focalise davantage sur la construction sociale de cette notion, ce qui ne signifie pas qu’elle exclut pour autant le caractère instrumental de la légitimité.

1.2 La légitimité institutionnelle

La théorie néo-institutionnelle sur la légitimité a commencé à se développer avec l’approche néo-institutionnaliste sociologique de Meyer et Rowan (1977) et s’est enrichie avec les travaux de DiMaggio et Powell (1983) et Zucker (1977). Meyer et Rowan font de la légitimité l’élément central de leur analyse. Pour eux, être légitime signifie être efficace mais aussi se conformer à des mythes institutionnalisés en vigueur dans l’organisation. Dans les sociétés modernes, ces mythes se présentent sous la forme de prescriptions rationnalisées et impersonnelles qui mettent en relation des objectifs et les moyens pour les atteindre (Noël, 2006). Ces règles sont profondément institutionnalisées et quiconque veut y déroger est marginalisé. En fait, l’obtention de la légitimité « repose sur le caractère subjectif et social de la réalité organisationnelle (…). Dans un environnement institutionnalisé, les organisations légitimes obtiennent un soutien indépendamment de leur valeur intrinsèque (…) : lorsque l’organisation a appris à paraître selon les critères convenus, ses activités réelles peuvent être différentes des apparences, en l’absence de critères pour juger les résultats » (Capron et Quairel, 2004, p 26). Par exemple les procédures en vigueur dans les professions sont des exemples de règles institutionnalisées sans que se pose forcément la pertinence technique de ces pratiques. Cette vision du nouvel institutionnalisme permet la construction d’une « vision réaliste du comportement des organisations » (Rojot, 1997) et « explique le comportement humain autant par la recherche de légitimité que sur l’intérêt matériel » (Noël, 2006).

Néanmoins les décideurs ont une marge de manœuvre pour intégrer ces pratiques ou non, si la pression institutionnelle s’oppose à la rationalité technique (Noël, 2006).

La quête de reconnaissance, par la mise en place de structures et de pratiques considérées comme légitimes, est donc au centre de la théorie néo-institutionnelle (Huault, 2002). En affirmant que la légitimité n’est pas seulement une ressource opérationnelle mais plutôt un ensemble de croyances, l’approche néo-institutionnelle souligne l’importance, pour

l’organisation, de se conformer aux règles et aux valeurs sociales de manière à être considérée comme une entité légitime.

Les chercheurs néo-institutionnels démontrent que la légitimité prémunit l’organisation de pressions externes puisque, en intégrant des éléments institutionnalisés, elle devient légitime (Scott et Lyman, 1968). Ainsi dans la théorie néo-institutionnelle, l’isomorphisme conduit à la légitimité (DiMaggio et Powell, 1983 ; Meyer et Rowan, 1977). Les organisations qui se conforment aux stratégies, structures et pratiques apparaissent rationnelles et prudentes dans le cadre du système social et sont donc acceptables (Fligstein, 1991 ; Zucker et Tolbert, 1983). Meyer et Scott (1991, p 168) affirment ainsi que « la légitimité se réfère au degré de support culturel pour une organisation, qu’elle obtient en justifiant de son existence, de son fonctionnement et de sa juridiction par l’adoption de normes culturelles établies ».

Ainsi, selon ces auteurs, les forces institutionnelles d’un champ – produites par les différents acteurs socio-économiques - et les pressions que les membres exercent les uns sur les autres - conduiraient à une homogénéisation des comportements des organisations.

DiMaggio et Powell (1983) complètent l’analyse de Meyer et Rowan (1977) et distinguent trois processus d’isomorphisme institutionnel qui conduisent à la conformité organisationnelle, étape nécessaire à l’acquisition de légitimité : les pressions mimétiques, les pressions coercitives et les pressions normatives.

- Le processus mimétique montre que les organisations, en contexte incertain, vont d’abord chercher des exemples de modèles qui ont déjà fonctionné. Ainsi elles vont imiter les organisations qui leur semblent les plus légitimes. Cette tendance au mimétisme permet également d’œuvrer en contexte plus certain lorsqu’une innovation, qui assure le succès d’une organisation, est copiée par ses concurrents.

- Le processus coercitif consiste à exercer des pressions formelles et informelles sur les autres organisations de l’environnement proche. Ces pressions émanent d’un tiers qui exerce un pouvoir, par les règles qu’il édicte, ou les sanctions qu’il peut prendre, par exemple une association professionnelle.

- Le processus normatif se fonde sur les normes qui ne contraignent pas mais qui guident vers la décision. Plus ces normes sont partagées par un grand nombre d’organisations, plus les

seront obligées de s’y référer.

Les travaux de Suchman (1995) opèrent une synthèse de ces deux approches, instrumentale et institutionnelle de la légitimité, en mettant en évidence des natures de légitimité, à travers notamment une typologie, que nous allons aborder dans la prochaine section.