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3. Les mécanismes fondamentaux de la flexibilité de la représentation spatiale

3.1.1. Description du phénomène

On sait que l’organisation spatiale des champs d’activité d’une population de cellules de lieu est stable dans un environnement donné. En effet, une fois la configuration d'activité mise en place dans un environnement (les champs d'activité se forment en quelques minutes : Wilson et McNaughton, 1993), elle est ré-activée à chaque fois que le rat est remis dans le même environnement et cela plusieurs semaines voire plusieurs mois après la première exposition (Thompson et Best, 1990). Muller et ses collaborateurs ont examiné ce qu'il advient de cette organisation quand on passe l'animal d'un environnement familier à un environnement nouveau. Ils ont montré que lorsque l'on transporte l'animal d'une arène circulaire à une arène carrée, la configuration d'activité change radicalement (Muller et Kubie, 1987). Par exemple, une cellule présentant un champ de réponse accolé à la paroi de l'arène circulaire a un champ de réponse situé au centre de l'arène carrée. Certaines cellules deviennent silencieuses alors que d'autres deviennent actives. Ce phénomène rencontré dans la littérature sous le nom de

« remapping » (Muller et Kubie, 1987 ; Bostock et al., 1991 ; Wilson et McNaughton, 1993 ; Kentros et al., 1998 ; Cressant et al., 2002) ou encore d’« orthogonalisation » (Marr, 1969 ; McNaughton et al., 1987 ; Leutgeb et al., 2004) indique que l'animal élabore des représentations neurales distinctes pour des environnements différents (Figure 3.1).

Figure 3.1. Cartes d’activités de trois cellules qui présentent un recodage de leur activité spatiale. A. Cellule active dans les deux environnements (circulaire et carré) mais dont le champ d’activité se trouve situé à deux endroits différents dans chaque environnement (sur le bord dans le rond et plus central dans le carré). B. Cellule active dans l’environnement circulaire mais pas dans l’environnement carré C. ou inversement. Modifié d’après Lever et al. (2002).

A

B

C

Un environnement particulier serait donc caractérisé par la configuration d'activité d'un ensemble de cellules. Chaque cellule peut appartenir à plusieurs représentations et coder donc pour plusieurs environnements. Pour chaque environnement, il y aurait 300.000 à 500.000 cellules actives parmi les 1.000.000 de cellules pyramidales existantes. Il existerait donc un nombre infini de combinaisons possibles de cellules pour définir un environnement (théorie à modérer par la théorie des attracteurs, voir partie 3.2) (figure 3.5 de synthèse). Ces hypothèses soulèvent la question de la « charge mnésique » du système des cellules de lieu : combien d’environnements la population des cellules de lieu peut-elle stocker ? Les expériences réalisées portent en général sur deux ou trois environnements distincts. On imagine que les capacités du système excèdent largement ce nombre, mais aucune donnée aujourd’hui ne peut appuyer cette hypothèse.

Le « remapping » peut être induit par le changement de géométrie, mais également par d’autres types de modifications de l’environnement à savoir, le changement de la couleur du dispositif (Bostock et al., 1991 ; Kentros et al., 1998 ; Jeffery et al., 2003), le changement de l’orientation du dispositif par rapport aux indices éloignés (Cressant et al., 2002), le changement de la tâche comportementale (Markus et al., 1995 ; Kobayashi et al., 1997 ; Wood et al., 2000

; Moita et al., 2004), ou même le changement de l’état interne de l’animal dû à un stress (Moita et al., 2004 ; Kim et al., 2007).

La formation de la représentation d’un environnement nouveau peut être extrêmement rapide, dès les premières minutes d’exposition (Muller et Kubie, 1987), ou selon des études plus récentes, peut demander une exposition répétée à l’environnement nouveau sur une période de plusieurs jours (Lever et al., 2002) (figure 3.2). Qu’est-ce qui peut expliquer la contradiction de ces résultats? Dans les deux études, les expérimentateurs font passer les animaux d’un environnement (rond) à un autre environnement (carré). Muller et Kubie, qui observent un remapping immédiat, avaient préalablement familiarisé les animaux aux environnements rond et carré, avant d’enregistrer l’activité des mêmes cellules dans les deux environnements. Dans l’expérience de Lever et al. (2002), dans laquelle l’activité des cellules de lieu ne présente un remapping qu’après plusieurs jours d’exposition aux deux environnements, aucun des deux environnements n’avait été visité avant le début des enregistrements. La dissociation entre deux environnements différents nécessiterait donc une période d’apprentissage.

Ces conclusions sont cohérentes avec les précédents résultats de Bostock et al.

(1991), puisqu’ils montraient déjà que le remapping n’est pas immédiat pour certains rats, mais qu’il requérait une expérience de l’animal au changement.

Comme dans l’étude de Lever et al., les rats n’étaient pas familiarisés avec les deux environnements et n’ont donc pas été entraînés à les discriminer avant les enregistrements.

L’étude de Wilson et al. (1993) met en évidence un remapping immédiat dans un environnement jamais visité, ce qui parait en contradiction avec cette conclusion.

Cependant, les auteurs ne placent pas les animaux dans les mêmes conditions que dans l’expérience de Lever et al. (2002), puisqu’au lieu de transporter passivement les animaux d’un environnement à un autre, les expérimentateurs baissent une barrière pendant que l’animal explore un environnement familier, ce qui lui donne accès à l’environnement nouveau. La continuité dans l’exploration permettrait à l’animal de bien distinguer les deux environnements, probablement sur la base d’une intégration de trajet (Fuhs et al., 2005).

Figure 3.2. Le remapping n’est pas toujours immédiat. L’activité de trois cellules différentes chez un même rat est enregistrée le jour 1 (J1), le jour 5 (J5) et le jour 21 (J21). Les cartes d’activité montrent que le recodage spatial n’est pas immédiat puisqu’il n’intervient dans cet exemple qu’entre le 5ème et le 21ème jour d’expérience aux deux environnements. Avant, la plupart des champs d’activité sont identiques entre le rond et le carré. L’expérience est donc nécessaire pour produire l’élaboration de représentations distinctes entre les deux environnements. Les chiffres blancs correspondent à la fréquence de décharge moyenne du champ. D’après Lever et al., 2002.

Lever et al. (2002) se sont aussi demandé si le remapping était un phénomène brutal ou au contraire graduel. Ils ont donc examiné la période d’installation (lors de la transition d’une représentation à une autre) du remapping à l’échelle de la cellule. Les champs initialement identiques (homotopiques) entre l’environnement carré et l’environnement rond peuvent devenir différents selon trois grands schémas (figure 3.3). Dans la majorité des cas (schéma 3), il y a une diminution progressive de la fréquence de décharge jusqu’à un arrêt total dans un environnement, tandis que la fréquence du champ dans l’autre environnement se maintient. D’autres cellules développent un champ secondaire dans un des environnements (dont la fréquence augmente progressivement), en même temps que l’ancien champ diminue en fréquence (jusqu’à disparaître) (schéma 1). Le schéma 2, plus rarement observé, illustre le décalage du champ à un autre endroit d’une session d’enregistrement à l’autre. Dans tous les schémas observés, le

J1

J21 J5

processus de divergence peut avoir lieu sur plusieurs essais dans la même journée ou sur plusieurs jours.

Donc, globalement, les représentations divergent plutôt de façon progressive.

Figure 3.3. Schémas du développement progressif de deux représentations spatiales distinctes à l’échelle de la cellule : trois schémas possibles. D’après Lever et al., 2002.

Ensuite, une fois que le remapping a été observé chez un animal, les rats ont été remis dans leur cage sans exposition aux environnements pendant une longue période (jusqu’à 39 jours). Lors de la ré-exposition aux environnements, la plupart des cellules continue à discriminer correctement les deux environnements, ce qui suggère que l’animal a bien appris à différencier les deux environnements, et ceci de manière durable (Lever et al., 2002 ; Bostock et al. 1991).