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2. Les bases cellulaires de la mémoire spatiale

2.1. Introduction

L’hypothèse des représentations spatiales a rapidement été étayée par des découvertes concernant leur support neuronal. Bien que l’on sache aujourd’hui que de nombreuses aires cérébrales sont impliquées dans la genèse et l’utilisation de ces représentations, l’hippocampe occupait et occupe toujours malgré tout une place privilégiée dans ce domaine de recherche. Les raisons de l’importance accordée à cette structure proviennent d’un faisceau d’arguments convergents.

Une littérature pléthorique montre d’abord que des lésions hippocampiques chez le rat induisent des déficits massifs dans les tâches mettant en jeu l’utilisation des informations spatiales (Par exemple, O’Keefe et al., 1975 ; Morris et al., 1982 ; Sutherland et al., 1982 ; Barnes et al., 1988 ; Poucet et Benhamou, 1997).

Cependant, l’argument essentiel en faveur de la fonction spatiale de l’hippocampe s’appuie sur l’existence de ‘cellules de lieu’. Dans les années 70, O'Keefe et Dostrovsky ont alors l'idée d'implanter une électrode dans l'hippocampe dorsal chez le rat. Leur approche technique est révolutionnaire car elle permet l'enregistrement en chronique de l'activité extracellulaire d'un seul neurone alors que l'animal se déplace normalement dans son environnement. Non seulement les problèmes de stabilité des signaux ont été résolus mais, qui plus est, le système d'électrodes peut être déplacé verticalement par l'expérimentateur, de manière à ce

que la pointe des fils d'enregistrement traverse progressivement l'hippocampe dans toute son épaisseur dorso-ventrale. Ces auteurs recherchent une activité neuronale qui serait en rapport avec des processus mnésiques mais trouvent, en fait, que la décharge de certaines cellules est corrélée à la position de l'animal dans l'environnement. Ces neurones, appelés cellules de lieu émettent des potentiels d'action lorsque la tête de l'animal se trouve dans certaines régions restreintes du dispositif expérimental (champ d’activité de la cellule), mais restent silencieux quand la tête se trouve en dehors de cette zone. En outre, l’activité de ces cellules est indépendante de la direction de la tête de l’animal. Cette propriété fonctionnelle sera confirmée peu après par d’autres équipes (Ranck, 1973).

Pour O’Keefe et Dostrovsky, dès 1971, l’activité de ces cellules reflète l’existence d’une représentation allocentrée de l’environnement, appelée carte cognitive, telle que l’avait proposée Tolman en 1946:

“rats with hippocampal damage are reported to be [...] poor at spatial tasks such mazes[...] These deficits could be due to the loss of the neural system which provides the animal with a cognitive, or spatial map6 of its environment”.

O’Keefe et Nadel en 1978, dans l’ouvrage devenu référence dans le domaine,

« Hippocampus as a cognitive map », développeront l’hypothèse que l’hippocampe code pour une représentation interne ou une carte de l’espace définie dans un référentiel allocentré.

Malgré, les réticences de la communauté scientifique à accepter la réalité du phénomène des cellules de lieu, cette découverte a constitué l’amorce d’un développement extraordinaire des études sur le rôle de l’hippocampe7. Ainsi, les données électrophysiologiques associées aux données lésionnelles (Olton et al., 1978 ; Morris et al., 1982 ; Nadel, 1991) étayent considérablement l’idée que, chez le rat, l’hippocampe serait la structure-clé responsable du traitement des informations spatiales.

Treize ans après la première étude sur les cellules de lieu, James B. Ranck Jr.

(Ranck, 1984) découvre la seconde grande classe de cellules dont l’activité est spatialement modulée : les cellules de direction de la tête8. Ces cellules de

6 O’Keefe et Dostrovsky citent ici Tolman qui décrivait en 1948 : « Cognitive maps in man and animals », papier dans lequel on peut trouver les concepts anticipateurs d’une carte cognitive mentale, bien avant la découverte des cellules de lieu, le substrat neuronal de cette carte.

7 La base de donnée Pubmed donne accés à environ 50 000 références correspondant au mot clef

‘Hippocampus’ depuis 1971.

Pour les mots clef ‘Place cells’ and ‘Hippocampus’, il y 179 références depuis 37 années, soit en moyenne 5 publications par an.

8 Pour les mots clef ‘Head direction cells’ and ‘Hippocampus’, la base de donnée Pubmed donne accés à environ 76 références depuis 24 années, soit en moyenne 3 publications par an sur le sujet.

direction ont été initialement découvertes dans les couches profondes du présubiculum dorsal (postsubiculum), et possèdent la particularité d’être actives quand l’animal oriente sa tête dans une direction particulière du plan horizontal de l’espace, quel que soit son propre emplacement dans l’environnement.

Trente trois ans après la découverte des cellules de lieu et vingt ans après celle des cellules de direction de la tête, Fyhn, Molden, Witter, Moser et Moser découvrent en 2004 dans le cortex entorhinal médian (plus précisément dans la couche superficielle de la partie dorso-caudale de la bande dorso-latérale), des cellules qui présentent une activité spatio-sélective importante, qui se distingue des autres activités déjà décrites dans la littérature. Quelques mois plus tard, l’équipe (Hafting et al., 2005) les baptisera les ‘cellules grille’. Ainsi, la structure d’entrée de l’hippocampe contiendrait déjà une carte de l’environnement. Cette grande découverte est bien évidemment en train de bousculer le dogme qui faisait de l’hippocampe la structure centrale de la représentation de l’espace.

Même si, tout comme l’étude des cellules de lieu, l’étude des cellules grille sera au début l’apanage d’un nombre restreint de laboratoire, cette découverte a le potentiel d’avoir d’aussi grandes répercutions que les cellules de lieu ou les cellules de direction sur l’effervescence et l’enthousiasme de la communauté scientifique9.

Ces trois réseaux véhiculent des informations complémentaires dont la combinaison permet d’assurer le traitement global des informations spatiales.

L’élucidation de ces interactions repose, avant tout, sur une meilleure compréhension de chacun des trois systèmes. Dans ce chapitre, je passerai donc en revue les principales propriétés de la décharge ainsi que les déterminants sensoriels de l’activité des cellules de lieu, des cellules de direction et des cellules grille.

9 Pour les mots clef ‘Grid cells’ and ‘Hippocampus’, la base de données donne accès à environ déjà 18 références depuis 3 années, soit en moyenne 6 papiers par an.