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6. Flexibilité des cellules de lieu dans l’utilisation des repères proximaux et distaux

6.5. Discussion

Nous avons trouvé comme Shapiro et al., que la majorité des cellules de lieu était contrôlée par la configuration des indices (55%). En revanche, nous avons mis en évidence une nouvelle hiérarchie puisque les champs restants ont été plus souvent contrôlés par les objets proximaux (24%) que par les distaux (9%).

Notre résultat semble aller à l’encontre de l’hypothèse selon laquelle les informations provenant de l’espace distant seraient utilisées préférentiellement aux informations provenant de l’espace plus proche pour le contrôle des comportements de navigation (Morris, 1981 ; Benhamou et Poucet, 1998 ; Collett et al., 1986 ; Teroni et al., 1987 ; Gothard et al., 1996 ; Save et Poucet, 2000) mais aussi pour l’ancrage angulaire de l’activité des cellules de lieu, tout comme celui des cellules de direction de la tête (Muller et Kubie, 1987 ; O’Keefe et Speakman, 1987 ; Cressant et al., 1997 ; Zugaro et al., 2001). Une explication de cette prévalence des indices distaux tient au fait que, pour construire une représentation de la configuration de repères distants, l’animal ne doit pas tenir compte des effets de parallaxe comme pour les repères proches. En effet, l’apparence des repères proches peut être modifiée sensiblement au cours des déplacements. L’animal doit être capable de mettre en relation ces différentes apparences, probablement en combinant les informations sensorielles externes et les informations générées par son propre déplacement. Les apprentissages spatiaux reposant sur des repères proches seraient plus difficiles en raison de la nécessité de recourir à ces processus de combinaison qui réclament un traitement supplémentaire. Cependant, cette conclusion repose sur l’utilisation d’environnements simplifiés, et il est possible que la situation soit différente dans des environnements plus complexes et notamment avec des objets proximaux tridimensionnels. D’une part, les objets utilisés dans notre expérience pourraient fournir des repères directionnels non négligeables car ils sont situés à la périphérie de l’arène (Cressant et al., 1997).

D’autre part, les repères proches ont l’avantage de permettre une meilleure discrimination spatiale en fournissant à l’animal des informations positionnelles précises. La conjonction des informations positionnelles et directionnelles pourrait suffire à expliquer la prévalence des objets par rapport aux indices distaux dans le contrôle des cellules de lieu, ces derniers n’offrant qu’une information de type directionnel.

En outre, il faut noter que même si les objets influencent fortement les champs d’activité, les indices distaux ne sont pas pour autant négligés par le système.

Premièrement, un nombre de cellules est uniquement influencé par les indices distaux. Deuxièmement, de nombreuses cellules sont influencées par la combinaison des deux ensembles d’indices. Troisièmement, les cellules contrôlées par les objets proximaux montrent une diminution de la fréquence de décharge, ce

qui suggère qu’elles sont sensibles à l’incohérence engendrée par le conflit entre les deux ensembles d’indices (article 1, Renaudineau et al., 2007).

En résumé, nos résultats montrent une autre hiérarchie de réponse que celle décrite par Shapiro et al. (1997). Cela suggère que le système des cellules de lieu peut montrer des réponses différentes en fonction de la nature des indices utilisés.

Une conséquence théorique importante de ces résultats est que la représentation hiérarchique des indices faisant partie de différents cadres de référence et donc la force relative de ces cadres ne sont pas préétablies, mais flexibles et dépendent de la nature des indices disponibles et vraisemblablement de la tâche. Cette conclusion est cohérente avec les résultats de Knierim, suggérant une influence de l’expérience du rat sur la hiérarchie de la réponse (Knierim, 2002).

Retrait d’indices : pattern completion vs. pattern separation (CR)

La session de retrait a été réalisée pour comprendre comment le système répond à une délétion partielle mais substantielle, des indices de l’environnement. Dans le cadre du modèle des réseaux attracteurs (voir partie 7.2), le retrait d’un indice pourrait activer deux processus dans l’hippocampe : la pattern completion et la pattern separation (Leutgeb et al., 2005b). La pattern completion réfère à la capacité d’un réseau à se rappeler une représentation mémorisée malgré les entrées dégradées, c’est-à-dire malgré les modifications de l’environnement. La pattern separation permet au contraire de générer deux représentations différentes de deux entrées similaires (Mizumori et al., 1989 ; McClelland et Goddard, 1996 ; Guzowski et al., 2004). Des études récentes ont montré que les cellules de lieu présentent des propriétés de pattern completion et separation (Guzowski et al., 2004 ; Leutgeb et al., 2005a ; Wills et al., 2005). Dans notre étude, les champs qui sont contrôlés par les indices restants reflèteraient les processus de pattern completion, alors que les champs qui présentent du remapping reflèteraient plutôt la pattern separation.

Pour chaque modification de l’environnement, nous avons trouvé dans notre étude une proportion pratiquement équivalente de pattern completion et de pattern separation, que ce soit lors du conflit (en DR, 55% de remapping et 45% de champs contrôlés par les indices, comprenant les indices distaux, les proximaux ou par les indices non contrôlés de la pièce) ou que ce soit lors de la session de retrait (CR). Lors du retrait d’indices, la moitié des champs est contrôlée par les indices restants (17/34, 50%), et l’autre moitié présente du remapping (17/34, 50%). Parmi les champs contrôlés par les indices restants, la plupart reste stable

par rapport à la session précédente DR et une plus petite partie revenait à la position définie par le cadre de référence initiale (session standard). Les modifications de l’environnement que nous avons réalisées semblent donc mener à un équilibre entre les processus de pattern completion / separation. La double rotation, tout comme le retrait d’indices, engendre deux réponses contradictoires au niveau de la population des cellules de lieu, c’est-à-dire une activation d’une représentation existante et une formation d’une nouvelle représentation. La pattern completion ne prédomine pas, ce qui suggère que le conflit et le retrait mènent tous les deux à un environnement ambigu, dont l’identité est incertaine pour l’animal. Les réponses observées sont donc le reflet d’une compétition entre les processus de pattern completion et separation.

De façon intéressante, le fait que certaines cellules réalisent la pattern completion, et d’autres, la pattern separation après le retrait d’indices, peut être prédit sur la base de leur réponse à la double rotation. Les cellules qui font la pattern completion après le retrait sont en majorité celles qui avaient présenté du remapping en DR. Au contraire, les cellules qui présentent la pattern separation après le retrait sont principalement celles qui avaient suivi un des ensembles d’indices. Une hypothèse est que les cellules qui répondraient à la combinaison des cadres de références sont aussi capables d’utiliser un seul cadre pour restaurer la représentation mémorisée quand c’est nécessaire (pattern completion). Au contraire, les cellules qui utilisent un seul cadre de référence seraient moins flexibles, puisqu’en cas de retrait de ce cadre, elles ne seraient plus capables d’utiliser l’autre cadre de référence toujours disponible.

Dans cette expérience, l’hétérogénéité des réponses des cellules de lieu (individuelles et en assemblée) ne semble pas obéir aux prédictions du modèle de réseau attracteur (Guzowski et al., 2004). Ce modèle prédit en effet une transition brutale entre la pattern separation et la pattern completion lorsque l’environnement est modifié et par conséquent implique que les cellules présentent soit une majorité de pattern completion, soit une majorité de pattern separation. Ce modèle implique aussi qu’une assemblée de cellules répond de façon cohérente à une modification environnementale (Wills et al., 2005). Dans notre expérience, l’équilibre entre la pattern completion et la pattern separation et l’hétérogénéité des réponses d’une assemblée de cellules enregistrées simultanément face aux modifications environnementales (DR et CR) semblent donc refléter l’influence d’autres processus. Une possibilité est que les cellules peuvent répondre individuellement aux indices environnementaux (Shapiro et al., 1997 ; Knierim, 2002). La façon dont une cellule peut traiter les indices à l’échelle

individuelle et son impact potentiel sur l’activité à l’échelle de la population de cellules est une question encore débattue (Jeffery et al., 2004).

Pour résumer, nos résultats montrent que le système des cellules de lieu est un système opportuniste, puisque les cellules sont capables d’ancrer leur décharge sur les indices disponibles et de s’adapter de manière flexible aux changements environnementaux. La notion de l’utilisation hiérarchique des différents cadres de références requiert encore de nouvelles études. Une possibilité est qu’il existe une hiérarchie fondamentale, issue de processus évolutifs, qui implique une utilisation préférentielle des indices distaux sur les indices proximaux pour la navigation.

Une autre possibilité, plus plausible face à nos résultats, est que la hiérarchie dépendrait essentiellement de l’apprentissage. Dans cette hypothèse, il n’y pas de hiérarchie pré-établie, mais le système serait capable d’utiliser n’importe quel type d’indices pour ancrer l’activité des cellules de lieu, à partir du moment où l’animal aura été préalablement entraîné à ces types d’indices.

Nos résultats sont cohérents avec l’idée que la flexibilité du système des cellules de lieu résulte d’une interaction entre les propriétés du réseau attracteur basé sur les modifications des poids synaptiques et les propriétés individuelles des cellules.

Comme le suggère Knierim (2002), le circuit attracteur devrait être important pour la formation initiale et la stabilisation progressive de la représentation spatiale.

Les cellules, à l’échelle individuelle, serait plutôt impliquées dans des mécanismes qui nécessitent une adaptation rapide aux modifications environnementales. Il reste à déterminer comment ces deux aspects de la flexibilité hippocampique sont reliés et intégrés.

Flexibilité des représentations spatiales chez des souris knock-out pour le gène zif268

Chapitre 7 :

Le gène immédiat précoce (IEG) zif268 est nécessaire à la stabilité à long terme des cellules de lieu de CA1 de l’hippocampe

(article n°2)

Chapitre 8 :

Le gène zif268 est nécessaire à la re-consolidation de la représentation spatiale après la réactivation de cette

représentation

(étude n°3)

Chapitre 7

Le gène immédiat précoce (IEG) zif268 est nécessaire à la stabilité à long terme des cellules de lieu de CA1 de l’hippocampe

(article n°2)