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2 ème partie : Biologie et contrôle des moustiques du genre Coquillettidia

A. Caractérisation des gîtes larvaires

A.1. Etude bibliographique

A.1.1. Les types de zones humides colonisées par Coquillettidia

Les zones humides colonisées par les moustiques du genre Coquillettidia sont des pièces d’eau douce ou oligohaline, stagnante et permanente, conditions garantissant le bon développement des stades aquatiques, les larves étant présentes toute l’année. Ces zones humides continentales sont colonisées par une végétation aquatique dont les larves utilisent les parties souterraines pour se fixer.

La végétation doit être en place depuis plusieurs années, 6 au minimum d’après Guille (1976). Cette période est nécessaire à la formation, à l’interface entre la colonne d’eau et le sédiment solide, d’une strate de vase très riche en colloïdes argileux et en débris végétaux, où sont enfoncés les rhizomes et racines des végétaux servant de support aux larves. La stagnation de l’eau a pour conséquence une faible teneur en oxygène de l’eau et de la boue sous-jacente. La présence d’eau en permanence et la faible teneur en oxygène de l’eau sont les principaux facteurs déterminant la composition des communautés végétales et animales de ces zones humides, qui développent des adaptations à ces conditions de vie contraignantes. Les plantes retrouvées fréquemment dans ces milieux comme le roseau commun ou la massette développent ainsi des tissus conducteurs d’oxygène, les aérenchymes (figure 18), qui permettent la circulation, dans le système racinaire, d’oxygène produit par les parties aériennes photosynthétiques (Justin & Armstrong, 1987 ; Wiessner et al., 2002).

Les larves de moustiques respirant l’oxygène aérien, elles survivent dans les eaux en hypoxie, à l’instar de nombreux autres invertébrés ayant développé des stratégies de survie.

Par contre, la vie animale est très limitée dans la strate boueuse anoxique sous-jacente qui n’est pas en contact direct avec le milieu aérien. On y retrouve des Diptères, comme les Chaoboridae et Chironomidae, et les moustiques du genre Coquillettidia, qui puisent de l’oxygène en fixant leur siphon respiratoire modifié au niveau des aérenchymes des plantes aquatiques (figure 19 ; Sérandour et al., 2006).

61 Figure 18 :

Coupes transversales de racines de 2 monocotylédones : le maïs (A) et la massette (B).

Coloration au rouge congo.

La massette produit des aérenchymes en conditions naturelles, en réponse au manque d’oxygène.

Figure 19 : Schéma de l’organisation d’un gîte larvaire à Coquillettidia et de sa biocénose (coupe transversale).

Les zones humides réunissant les critères présentés et donc potentiellement colonisables par les stades larvaires de Coquillettidia sont variées, au niveau de leur origine, de leurs caractéristiques topographiques, physico-chimiques, et au niveau de leur composition floristique et faunistique. Elles peuvent être naturelles ou créées de façon artificielle pour les loisirs, ou à la suite de travaux hydrauliques ou miniers.

Les gîtes larvaires à Coquillettidia d’origine naturelle correspondent à la catégorie

« Mares/marais d’eau douce permanents; étangs (moins de 8 hectares), marais et marécages sur sols inorganiques; avec végétation émergente détrempée durant la majeure partie de la saison de croissance au moins » du système de classification des zones humides de la convention de RAMSAR. En Rhône-Alpes par exemple, la présence de Coquillettidia a été observée au niveau des roselières formant les ceintures de végétation de lacs (Lac du Bourget, Savoie ; Rey, 2002) et d’étangs (étangs du Grand Lemps et de Courtenay-Lancin, Isère ; Gilot et al., 1976 ; Gilot et al., 1983), ainsi que dans les anciens lits du Rhône de faible profondeur (en général inférieure à 1m), au stade d’évolution géomorphologique caractérisé par les groupements végétaux à Typha latifolia (Linnaeus, 1753). En région Languedoc-Roussillon, les gîtes à Coquillettidia sont de grandes roselières, dont au moins une partie est en eau toute l’année, comme les étangs de l’Estagnol et du Luquier près de Montpellier (Hérault), ou la roselière riveraine de l’étang de Berre à Saint- Chamas (Bouches-du-Rhône ; Guille, 1976). En Italie, dans le nord de la Toscane, les communes de la côte Versilia subissent de fortes nuisances à Coquillettidia, dont le lieu d’origine, le Lago di Porta, est également une roselière en eau permanente (Leone & Puccini, communication personnelle).

Plusieurs auteurs ont noté la présence de Coquillettidia dans des mares, trous d’eau, fossés, ou autres zones humides artificielles, laissant penser que l’expansion de ces moustiques serait fortement liée aux activités humaines, telles que la restauration des zones humides, la création d’aménagements hydrauliques, ou l’extraction minière.

Les « étangs, y compris agricoles, étangs pour le bétail, petits réservoirs (généralement moins de 8 hectares ; catégorie 2 de la classification des zones humides artificielles de la convention de Ramsar) » et les « zones de stockage de l’eau,

63 réservoirs/barrages/retenues de barrage/retenues d’eau (généralement plus de 8 hectares, catégorie 6) » présentent parfois les conditions permettant la colonisation de Coquillettidia. Avant son récurage en 2006, la queue de l’étang restauré de Jarrie (Isère) était colonisée par des groupements à Typha latifolia où des larves de Coquillettidia ont été échantillonnées en 2005 et 2006. En Ukraine, Gozhenko (1982) décrivait la dynamique des populations de Cq. richiardii au niveau des gîtes larvaires situés en bordure du réservoir Kakhov.

Les « excavations, gravières/ballastières/glaisières, sablières, puits de mines (catégorie 7) » qui sont laissés à l’abandon sont en général rapidement colonisées par la végétation aquatique et notamment les hélophytes qui s’y installent, accueillent les populations larvaires de Coquillettidia. Le site des carrières d’extraction de graviers du Tremblay à La Motte Servolex (Savoie, figure 20), qui est l’un des principaux sites d’approvisionnement en larves au cours de ma thèse, est constitué de nombreux bacs de décantations d’âges différents. Le principal gîte à Coquillettidia de ce site est une dépression de bas de pente, formant un fossé d’une profondeur variant entre 30cm et 1m50, et colonisé par des hélophytes dans les parties les moins profondes. En Floride, Cq. perturbans représente une nuisance très forte aux abords des nombreuses mines à phosphate laissées à l’abandon depuis les années 70, et qui leur servent d’habitat (Lounibos & Escher, 1983).

Les « canaux et fossés de drainage (catégorie 9) » mal entretenus sont également des gîtes favorables pour l’établissement de Coquillettidia, dans la mesure où l’eau y stagne et où la végétation s’installe rapidement. Le marais de Chautagne au nord du lac du Bourget (Savoie) est quadrillé par un réseau de canaux de drainage dont certains sont en eau stagnante et sont colonisés par Coquillettidia. C’est l’autre site de collecte des larves utilisées au cours de ma thèse car les populations larvaires y sont nombreuses. Dans le sud de la France, les fossés de drainage appelés ‘roubines’ sont également propices à l’établissement des colonies larvaires de ce moustique (Guille, 1976).

Les gîtes décrits dans la bibliographie sont donc de nature et d’origine variées, mais ils présentent des éléments communs, comme la persistance d’une pièce d’eau stagnante toute l’année, et la présence de végétaux aquatiques établis depuis plusieurs années. La composition végétale des gîtes larvaires à Coquillettidia est également très diversifiée d’un type de zone humide à l’autre, d’une région à l’autre.

Chambéry

Nord

Est Ouest

Sud

Zone des Viviers-du-lac Stations V1 à V4 Zone des carrières

du Tremblay Stations T1 à T8

Zone de la roselière de

Groisin Station G1 Zone de la peupleraie

de Chautagne Stations P1 à P7

0 5

Kilomètres

Figure 20 : Répartition des stations étudiées dans les zones à Coquillettidia autour du Lac du Bourget (Savoie).

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A.1.2. La végétation caractéristique des gîtes colonisés par Coquillettidia

Les auteurs ayant étudié les stades larvaires des moustiques du genre Coquillettidia ont tous relevé leur présence en association avec plusieurs espèces de plantes hôtes.

Wesenberg-Lund (1918, 1920-21) au Danemark et Marshall (1938) en Grande-Bretagne, décrivent la présence de larves de Cq. richiardii dans des gîtes composés de Acorus sp.

(Linnaeus, 1753), Glyceria spectabilis (Mert. & Koch, 1823), Ranunculus lingua (Linnaeus, 1753) et Typha angustifolia (Linnaeus, 1753), et d’autres composés de Scirpus sp. (Linnaeus, 1753) et Sparganium sp. (Linnaeus, 1753). En France, dans la plaine alluviale du Rhône, la même espèce est trouvée fixée en majorité aux racines de Typha latifolia, mais également sur Phragmites australis (Cav.) Steudel (1840) ssp. australis et Sparganium ramosum (Hudson, 1778) (Aïn et al., 1973).

En région méditerranéenne, Guille (1976) compare le nombre de larves de Cq.

richiardii récoltées sur les espèces P. australis, T. angustifolia et Scirpus lacustris (Linnaeus, 1753), qui sont dominantes dans la roselière et caractéristiques de l’association végétale Scirpeto-Phragmitetum mediterraneum, Tx. & Preiising (1942). Les larves de Cq. buxtoni ont été très peu décrites, car elles sont souvent confondues avec celles de Cq. richiardii (Gabinaud et Sinègre, 1968), mais des observations en Rhône-Alpes et sud de la France laisse penser que les deux espèces partagent fréquemment les mêmes gîtes.

Les habitats larvaires à Cq. perturbans dans les anciennes mines de Floride sont dominés par trois espèces de plantes aquatiques : la jacinthe d’eau Eichhornia crassipes (Mart.) Solms, Typha sp. et Ludwigia octovalis (Jacq.) Raven. Lounibos et Escher (1983) ont collecté des larves à la fois sur les racines des jacinthes dans un substrat pseudo-liquide, et sur les racines des deux autres plantes, enfoncées dans un substrat organique épais.

Batzer et Sjogren (1986a) dans le Minnesota ont également noté la fixation de larves de cette espèce sur des radeaux de plantes flottantes (Phragmites sp., Carex sp., Lythrum salicaria L.) et au niveau de chevelus racinaires flottants de plantes émergentes, solidement ancrées comme Typha sp.