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2 ème partie : Biologie et contrôle des moustiques du genre Coquillettidia

C. Mise au point d’une stratégie larvicide contre Coquillettidia

C.1. Synthèse bibliographique

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1955). Les larves de Coquillettidia montrent une grande tolérance à l’égard de ces insecticides chimiques, la CL50 du fenitrothion pour Cq. richiardii (0,09 ppm) étant 45 fois plus élevée que pour Aedes (Ochlerotatus) caspius (Pallas). Sur le terrain, l’étude de Sinègre et al. (1971) révèle qu’il faut appliquer l’Abate 500E à des doses 20 fois plus importantes que pour le contrôle des Aedes et Culex (100 g/ha de matière active) pour obtenir 100% de mortalité sur les larves de Coquillettidia, dose importante provoquant des effets toxiques sur la faune. Une formulation granulaire sur Celatom ou à base de sable permettent d’obtenir une libération plus lente du téméphos, mais l’effet sur la densité des populations larvaires de Cq. perturbans est faible aux doses maximales autorisées (Sjogren et al., 1986b).

Des expériences de contrôle utilisant l’organophosphoré fenthion (Baytex) ont été réalisées dans des mares d’une région de l’Inde, polluées et densément colonisées par des populations larvaires de Mansonia spp. L’application de formulations granulaires à base de sable et de calcaire, visant à limiter les pertes dans le couvert végétal et à assurer une libération lente et progressive de la matière active dans l’eau, s’est révélée très efficace aux doses de 2,5 g/m², stoppant les émergences pendant près d’un mois (Krishnamoorthy et al., 1992). Ces auteurs ont également obtenu une forte réduction des populations larvaires et du taux d’émergence de Mansonia spp. dans la même région avec l’application de méthoprène (Altosid), un mimétique d’hormone juvénile régulateur de croissance, aux doses de 0.5, 1 et 2 ppm (Krishnamoorthy et al., 1993).

Dans le Minesota aux Etats-Unis, les émergences d’adultes de Cq. perturbans ont été réduites de plus de 90% par l’application de méthoprène formulé en briquettes (Altosid) et en boulettes (Altosid XR) à libération progressive d’une durée de 150 et 30 jours respectivement (Ranta et al., 1994). L’utilisation de formulations de méthoprène et de fenthion adaptées à l’écologie des genres Mansonia et Coquillettidia s’est révélée efficace, et sans conséquence pour d’autres espèces du gîte, d’après Batzer et Sjogren (1986b) et Krishnamoorthy et al.

(1992). La toxicité du fenthion pour la faune aquatique à des doses rencontrées dans l’environnement a par ailleurs été démontrée, notamment sur la daphnie Daphnia pulex (Leydig, 1860) pour laquelle la CL50 à 48h est de 1,30 µg/L (Roux et al., 1995). D’autres études confirment l’impact minime du méthoprène sur la faune aquatique aux doses appliquées en démoustication, mais précisent que la toxicité de cette molécule sur les mammifères reste mal connue (Henrick, 2007 ; Harmon et al., 2007). Néanmoins celles-ci ne concernent qu’un faible nombre de taxons de la faune compagne, et ne suffisent pas à démentir que ces molécules peuvent s’avérer dangereuses pour des espèces non-cibles.

56 L’utilisation du méthoprène et du Fenthion n’est pas envisageable pour le contrôle des populations françaises de Coquillettidia car ils ne sont pas homologués en France4.

L’application aérienne d’Arosurf MSF, un film monomoléculaire lipophile de surface, pour contrôler les émergences d’adultes dans des populations de Cq. perturbans s’est révélée efficace pendant une durée d’une semaine dans des sites à faible végétation (Kenny & Ruber, 1992). Cette stratégie de contrôle n’a pas d’effet sur les populations de micro-crustacés, mais les auteurs n’ont pas étudié l’impact sur les autres taxons de la faune compagne. De plus, cette technique n’est pas adaptée aux gîtes larvaires où la végétation est trop dense (Kenny &

Ruber, 1993).

Compte-tenu d’une sensibilité moindre des larves de Mansonia et de Coquillettidia aux formulations insecticides chimiques classiques et des difficultés du traitement liées à la densité de la végétation dans les gîtes, ces composés ne sont efficaces qu’à des doses largement supérieures aux doses homologuées en démoustication. Ils ne peuvent donc pas être utilisés pour le contrôle des populations larvaires de Coquillettidia sans effet préjudiciable pour l’environnement.

C.1.1.2. Les moyens de lutte biologiques

Des tests toxicologiques de laboratoire ont montré que les larves de Coquillettidia sont très peu sensibles au Bti, la CL50 pour Cq. richiardii (14 mg/L) est en effet 140 fois plus élevée que celles de Culex spp. et Aedes spp. (Rey et al., 2001). Ces résultats ont été confirmés par des essais de contrôle de populations larvaires de Cq. perturbans. Traitées au Bti (poudre mouillable Bactimos) aux doses maximales autorisées, ces populations n’ont pas connu de baisse significative de densité (Sjogren et al., 1986b).

L’efficacité relative des bacilles Bacillus sphaericus (Bs) et Bti a été évaluée par de nombreux auteurs sur différentes espèces asiatiques et américaines de Mansonia, avec des résultats très variables selon les espèces de moustiques et les souches de bacilles utilisées (Foo & Yap, 1983 ; Lord & Fukuda, 1990 ; Yap et al., 1991). En conditions de laboratoire, les larves de Mansonia uniformis (Theobald, 1901) sont très sensibles aux souches 1593 et 2362 de Bs, mais leur biologie et leur habitat les rendent peu sensibles en conditions naturelles (Yap et al., 1988). Des formulations en briquettes ou boulettes permettant une libération

4 Catalogue des produits phytopharmaceutiques homologués en France (Ministère de l’Agriculture et de la Pêche) http://e-phy.agriculture.gouv.fr/

progressive et durable des spores semblent donner les résultats les plus satisfaisants (Rajendran et al., 1991).

Le champignon aquatique Lagenidium giganteum (Couch, 1935) possède des propriétés entomopathogènes, spécifiquement sur les moustiques. Les spores mobiles infectent activement les larves d’un grand nombre d’espèces de moustiques qui meurent au bout de 1 à 3 jours, puis se multiplient, entretenant l’infection dans les populations larvaires.

Des tests d’ensemencement de gîtes à Mansonia dyari (Belkin, 1970) en spores de La.

giganteum se sont avérés très prometteurs pour le contrôle de ces moustiques, entraînant une diminution de plus de 77% de l’émergence des adultes (Cuda et al.,1995). Son efficacité en cas d’utilisation dans les gîtes à Coquillettidia de France métropolitaine serait toutefois limitée par la température de l’eau, inférieure une bonne partie de l’année aux températures optimales pour la sporulation (25-28°C ; Domnas et al., 1982).

L’utilisation de prédateurs naturels de larves de moustiques ne permet pas de contrôler efficacement les larves de Coquillettidia, leur comportement de fixation aux racines des végétaux les rendant difficiles à percevoir (Van den Assem, 1958). De plus leur habitat est très contraignant pour la plupart des autres animaux aquatiques, dépourvus d’adaptations à la survie dans les milieux anoxiques.

C.1.1.3. Les moyens de lutte par action sur le milieu

La méthode de lutte la plus efficace contre les populations larvaires de Coquillettidia est l’action sur le milieu, soit sur la végétation hôte, soit directement sur le gîte lui-même (Guille, 1976). L’utilisation d’herbicides comme le glyphosate, le diquat et le 2,4-D destinés à réduire la densité de végétaux flottants dans les gîtes à Coquillettidia et Mansonia de Floride a eu pour conséquence inattendue de limiter les émergences d’adultes de ces moustiques (Haag & Buchingham, 1991). Toutefois, l’utilisation d’herbicide ne régule les populations de moustiques que de manière très temporaire et peut avoir des conséquences désastreuses pour l’ensemble de la végétation d’une zone humide, et par enchaînement pour la faune associée (Cuda et al., 1995).

L’arrachage de la végétation-hôte se révèle très efficace (Armstrong, 1941), mais est difficilement applicable à grande échelle, notamment quand la végétation est dominée par des roseaux. Cette action est préjudiciable pour de nombreuses espèces remarquables qui vivent, se nourrissent ou hivernent dans la végétation des zones humides, elle n’est donc pas envisageable.

58 La lutte physique consistant à faucarder5 la végétation des gîtes larvaires sous la surface de l’eau a pour conséquence de détacher la majorité des larves de Coquillettidia de leur support pendant quelques jours, celles-ci sont ainsi plus vulnérables aux prédateurs ou aux éventuels traitements insecticides (Cousserans et al., 1973). Toutefois, l’efficacité de cette méthode est relativement aléatoire car la disparition observée des larves libres après quelques jours peut signifier qu’elles se sont fixées à nouveau aux racines en profondeur (Rey, 2002).

Le faucardage par l’homme peut être remplacé par le pacage6 d’animaux herbivores dans les gîtes à Coquillettidia, mais leur action sur la végétation est surtout locale et préférentiellement ciblée sur certaines espèces, l’efficacité de cette méthode est donc faible (MacLaren, 1967). La destruction du gîte larvaire par comblement n’est pas applicable, pour les mêmes raisons.

La méthode des assecs s’est révélée efficace à plusieurs reprises pour limiter les émergences de Coquillettidia dans les gîtes du littoral méditerranéen et sur le littoral sud du lac du Bourget en Savoie (Pennetier, 2003 ; Sérandour, 2003). Elle consiste à faire varier le niveau d’eau, à une période de l’année choisie en fonction des exigences des espèces remarquables de la zone humide, de façon à assécher temporairement le gîte, ce qui a pour conséquence la disparition des populations larvaires pendant 3 à 4 années. Cette méthode s’applique aux gîtes larvaires de grande envergure, pour lesquels des systèmes de vannes, permettant le contrôle du niveau de l’eau sont en place, mais elle ne s’applique pas à la majorité des gîtes larvaires connus en région Rhône-Alpes.

Le drainage des gîtes modifie la stratification de la colonne d’eau et par conséquent l’habitat des larves, mais cette technique est souvent difficile à mettre en oeuvre.

C.1.2. Moyens de lutte contre les populations adultes de Coquillettidia

Les moyens de lutte contre les populations larvaires de Coquillettidia sont donc dans l’ensemble peu efficaces ou difficilement applicables au regard de leur dangerosité pour l’environnement. Les traitements aériens contre les adultes au niveau des gîtes, lors de fortes émergences, avec des organo-phosphorés comme le fénitrothion notamment, sont le dernier recours pour limiter les nuisances (Sinègre et al., 1971). Ils sont cependant techniquement

5 Faucher la végétation aquatique avec un faucard.

6 Action de faire paître le bétail.

difficiles à réaliser, car ils nécessitent des conditions météorologiques favorables et sont gênés par la densité des formations végétales (Guille, 1976).