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Hypothèse d’un contrôle anti-larvaire via le couvert végétal

2 ème partie : Biologie et contrôle des moustiques du genre Coquillettidia

C. Mise au point d’une stratégie larvicide contre Coquillettidia

C.2. Hypothèse d’un contrôle anti-larvaire via le couvert végétal

difficiles à réaliser, car ils nécessitent des conditions météorologiques favorables et sont gênés par la densité des formations végétales (Guille, 1976).

60 lipophiles pénètrent plus facilement, mais les composés hydrophiles peuvent également transiter à travers la cuticule en conditions d’hygrométrie élevée de l’air. Dans cette situation, la cutine et la cellulose fixent des molécules d’eau et gonflent, les amas de cire s’écartent, laissant le passage pour des molécules polaires (Tissut, 1989). Des xénobiotiques peuvent également pénétrer dans les feuilles par les stomates, grâce à des molécules tensioactives du groupe des organosilicones (Knoche, 1994 ; Schönherr, 2006). Après la partition/diffusion dans la cuticule, les composés xénobiotiques passent la paroi sous-jacente par diffusion et rentrent en contact avec le plasmalemme, c’est à dire le réseau de membranes cellulaires (figure 47).

Le plasmalemme est une barrière hémiperméable sélective. Il existe trois mécanismes de pénétration cellulaire (Tissut et al., 2006) : 1) Les petites molécules lipophiles se partitionnent et diffusent passivement au travers du plasmalemme, grâce à leurs affinités pour les lipides membranaires, c’est le cas de l’atrazine et de nombreux autres herbicides ; 2) Certaines molécules pénètrent activement dans la cellule à l’aide d’un transporteur. C’est le cas du glyphosate, un herbicide de la famille des aminophosphonates, qui est reconnu et pris en charge par un transporteur spécifique des ions phosphates pour pénétrer dans les cellules ; 3) Des composés peuvent également entrer dans les cellules végétales par endocytose, c’est à dire ingestion par encerclement des composés par les membranes des cellules.

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Pertes par cristalisation

Dépôt du xénobiotique en microgouttes

Cuticule

Cellule de l’épiderme supérieur

Xylème

Phloème Parenchyme palissadique Transfert apoplastique

Transfert symplasmique

Parenchyme lacuneux

Cellule de l’épiderme inférieur Voie stomatique

Voie des substances peu lipophiles

Nervure

C.2.2. Transport dans les tissus conducteurs de la plante

Le phloème est un tissu conducteur des végétaux constitué d’un ensemble de tubes criblés, reliés entre eux par des connections symplasmiques. Il a pour fonction de véhiculer la sève élaborée contenant les produits de la photosynthèse, depuis les parties photosynthétiques de la plante (zone source) vers les zones en croissance (zones puits), comme les extrémités des racines par exemple (Cronshaw, 1981 ; figure 48). Le saccharose (sucre majoritaire dans les tissus conducteurs) passe dans le phloème après avoir transité dans les cellules du mésophylle par voie apoplasmique, c’est à dire dans l’espace pariétal intercellulaire, ou bien par voie symplasmique, c’est à dire par communication intercellulaire à travers les plasmodesmes (Truernit, 2001 ; Turgeon & Medville, 2004). Le saccharose est chargé activement dans le phloème par des transporteurs spécifiques, ce qui augmente la différence de concentration entre les tubes criblés du phloème et l’extérieur, et établit une pression hydrostatique par entrée d’eau. La différence de pression entre la zone source et la zone puits provoque alors un mouvement de la sève élaborée vers la zone puits ; il s’agit du « mass flow » (Van Bel, 2003). Le chargement de molécules dans le phloème est sous le contrôle de

Zone source : les feuilles

Figure 47 : Schéma illustrant la pénétration cuticulaire et le transfert d’un xénobiotique appliqué en dépôt foliaire (coupe transversale). Adapté de Tissut et al. (2006)

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62 cellules vivantes, les cellules compagnes, qui portent les transporteurs de saccharose, et dépend de la production de ce sucre dans les feuilles (Oparka & Turgeon, 1999).

Les xénobiotiques susceptibles d’être transportés par voie phloemienne (systémie descendante), sont des molécules présentant une lipophilie intermédiaire, comme le carbofuran (log Kow = 2,32)7, insecticide systémique du groupe des carbamates (Scalla, 1991). Les produits très lipophiles se concentrent dans les membranes biologiques, alors que les produits polaires parviennent difficilement à passer le plasmalemme pour pénétrer dans les tissus de conduction du phloème. Toutefois, des molécules hydrophiles aux propriétés herbicides comme le glyphosate sont connues pour leur aptitude à transférer dans le phloème, grâce à un transport actif entre cellules (Denis & Delrot, 1993).

C.2.3. Libération par les racines dans l’environnement

Les pesticides qui pénètrent dans les plantes sont en grande partie métabolisés et les composés libérés par les racines sont souvent un mélange de produits de dégradation de la

7 Kow est un coefficient de partage n-octanol/eau. Il s’agit du rapport de la concentration d’un xénobiotique dans un volume de n-octanol sur sa concentration dans l’eau lorsque le système biphasique est en équilibre.

molécule d’origine (Korte et al., 2000). Les composés de faible poids moléculaire sont majoritairement libérés par diffusion passive dans la rhizosphère en réponse au fort gradient de concentration existant entre le compartiment cellulaire et l’extérieur. La sécrétion de ces composés est accentuée par l’établissement d’un gradient électrochimique, lorsque la solution d’exsudats est négativement chargée (Kuziakov & Jones, 2006). L’autre mécanisme expliquant la libération de xénobiotiques ou de leurs métabolites par les racines est la lyse cellulaire. Les racines en croissance sont soumises à des fluctuations climatiques (gel/dégel), aux frottements avec le sol, à des attaques de micro-organismes ou d’organismes invertébrés.

Ces facteurs occasionnent des lésions dans les tissus racinaires, entraînant une lyse de cellules qui conduit à une libération du contenu cellulaire dans la rhizosphère. C’est par cette voie que sont libérées les molécules de poids moléculaire plus élevé (Baudoin et al., 2003 ; Walker et al., 2003).

C.2.4. Présentation de la démarche expérimentale

La localisation des larves de Coquillettidia en profondeur dans les gîtes larvaires, protégées par le couvert végétal et une strate importante de débris organique, rend les traitements de démoustication inefficaces. La mise au point d’une stratégie de contrôle chimique de ces populations larvaires basée sur l’utilisation des plantes comme vecteur d’insecticide, a nécessité une démarche expérimentale visant à proposer un protocole de traitement efficace. Cette démarche expérimentale se déroule en 3 étapes :

- La première étape consiste à établir un protocole de traitement foliaire des plantes, qui permette de vérifier notre hypothèse de départ, à savoir que des plantes aquatiques ont la capacité de véhiculer un xénobiotique depuis les feuilles jusqu’aux racines et de l’exsuder. Cette étape doit permettre d’établir les conditions favorisant un bon rendement (un rapport ‘quantité de xénobiotique exsudée/quantité déposée’ élevé).

L’espèce végétale servant de modèle, la formulation de la substance active qui améliorera le transit à travers la cuticule lipophile des feuilles, les doses non- phytotoxiques et les conditions expérimentales (photopériode, humidité relative, durée des essais) doivent ainsi être déterminées.

- La deuxième étape est le choix d’une molécule ayant des propriétés lui permettant de transférer dans les plantes, et qui soit également toxique pour des larves de moustiques. La molécule choisie ne doit être ni trop polaire, ni trop lipophile, pour

64 pouvoir être chargée dans le phloème. Elle ne doit pas avoir un poids moléculaire trop élevé pour pouvoir être exsudée en quantités suffisantes par les racines. Enfin, certains des produits de dégradation de la molécule idéale doivent être toxiques pour les larves de moustiques. Le suivi de l’acquisition du xénobiotique par les insectes en milieu aquatique et des tests de toxicité sont donc réalisés.

- Enfin la dernière étape consiste à tester l’efficacité de la stratégie avec l’association de la molécule insecticide et de la plante aquatique retenues. Après dépôt foliaire de l’insecticide, sa distribution dans le système plante aquatique-larves est suivie, et la toxicité mesurée sur des larves de moustiques.