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PREMIERE DISSERTATION 75

No documento HISTOIRE DES ORACLES (páginas 105-109)

gônoit pas beaucoup pour leur obeir. Ainsi ce n'estoit pcut-cstrc pas une chosc si constante, mesme parmy le Pcuple, que Ics Oracles fussent rendus par des Divinitez.

5 Aprds cela, il seroit fort inutilc de rapportcr des Histoires de grands Capitaines, qui ne se sont pas fait une affaire de passer par dessus des Oracles ou des Auspices. Ce qu'il y a de remarquable, c'est que cela s'cst pratique mesme dans les prcmiers Siecles de Ia IO Republique Romaine, dans ces temps d'une heureuse grossiereté, oü Ton estoit si scrupuleusement attaché à Ia Religion, et oü, comme dit Tite-Live dans Tendroit mesme que nous allons citer de luy, on nc connoissoit point encore cette Philosophie qui apprend à mépriser 15 lesDicux*'. Papirius faisoit Ia Guerre aux Samnites, et dans les conjonctures oü Ton dtoit; TArmée Romaine souhaitoit avec uno extreme ardeur, que Ton cn vinst à un Combat. II falut auparavant consulter les Poulets sacrez, et Tenvie de combattre estoit si generale, que 20 quoy que les Poulets ne mangeassent point quand on les mit hors de Ia cage, ceux qui avoient soin d'obser\-er TAuspice, nc laisserent pas de rapporter au Cônsul qu'ils avoient fort bien mangé. Sur cela le Cônsul promet en mesme temps à ses Soldats et Ia Bataille et Ia Victoire.

25 Cependant il y eut contestation entre les Gardes des Poulets sur cet Auspicc qu'on avoit rapporté à faux. Le bruit en vint jusqu'à Papirius, qui dit qu'on luy avoit rapporté un Auspice favorable, et qu'il s'en tenoit là;

que si on ne luy avoit pas dit Ia verité, c'estoit Tafíaire

* Tite-Live, 1. 10.

I. Van Dale, 421. — Cct cpisoJe cie Papirius est une des narrations

les plus d égayées » de YHistoirc des Oracles.

HISTOIRE DES ORACLES

de ceux qui prenoient les Auspices, et que tout le mal devoit lomber sur Icur teste. Aussitost il ordonna qu'on mist ces malheurcux aux premiers rangs, et avant que Ton eust encore donné le signal de Ia Bataillc, un trait 5 partit, sans que Ton sceust de quel costd, et alia percer le Garde des Poulcts qui avoit rapporté TAuspice à faux.

Dds que le Cônsul sceut cette nouvcllc, il s'dcria, Les Diettx sont icy presens, le criminei est puny, ils ont déchargc tottte lettr colere sur celuy qui Ia meritoit, mus iiavons plus IO que des sujeis d'esperance. Aussitost il fit donner le signal,

et il remporta une victoire cnticre sur les Samnitcs.

II y a bien de Tapparence que les Dieux eurent moins de part que Papirius à Ia mort de ce pauvre Garde de Poulets, et que le General cn voulut tirer un sujet de 15 rasseurer les Soldats, que le faux Auspice pouvoit avoir ébranlez. Les Romains sçavoient déja de ces sortes de tours dans le temps de leur plus grande simplicité.

II faut donc avoüer que nous aurions grand tort de croire ny les Auspices, ny les Oraclcs plus miraculeux 20 que les Payens ne les croyoicnt eux-mesmes. Si nous n'en sommes pas aussi desabusez que quelques Philo- sophes, et que quelques Gencraux d'Armée, soyons-lc du moins autant que le Peuple Testoit quclquefois '.

Mais tous les Payens méprisoicnt-ils les Oracles ?Non, 25 sans doute. Et bien, quelques particuliers qui n'y ont point eu d'égard, suffisent-ils pour les décrediter entiere- 19 de croire les auspices, ou les Oniclcs 1742 — 22 et quelques Geiieraux d'armée 1728.

I. Des réflexions de cctte nature en diseiit long sur le dcssein

secret de Fontenelle.

PREMIÈRE DISSERTATION

77 mcnt ' ? A Tautorité de ceux qui n'y croyoient pas, il ne faut qu'opposcr Tautoritc de ceux qui y croyoient ^.

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1. V.in Dale, 205. « At non omncs quidem Ethnici, imô ne omncs- Christiani iii eadcm, circa lianc materiam, fuerc sententià. » Et tandis que Van Dale s'elTorce de Tétablir à grand reiifort de citations de Cicé- ron, dcs Epicuricns, des Acadèmiciens, desPéripatòticiens, dcs Cyniques, de Strabon, de Nicéphore Grégoras, d'Eusi:be, dont Ics contradictions.

à ce sujet sont amusantes, de Vossius, de Ccx'lius Rodiginus, etc. (205- 225), Fontenelle raisonne, et dévoile á son Iccteur les príncipes les pius sublils et les plus redoutablcs du cartésianisme. Ce passage est un dcs- jlus « dangercux » du livre, et un de ceux aussi contre Icsquels s'est eplus vigoureusement — et le plus inutilement — cscrimé Baltus.

2. « Mais quand bicn nicme il s'ensuivroit, que ceux qui les ont méprisé, n'ont pas cril qu'ils fusscnt rendus par les Dieux ou par les Démons, quel poids peut avoir leur autorité contre celle de tous les autres ? Quelques Epicuricns et quelques Cyniques n'ont point cril, qu'il y eüt ricn de surnaturel dans les Orades; mais tous les autres Pliilosophes en ont este pcrsuadcz, et Tont soútcnu fortcment. Dcux ou trois, qui passoient pour des impies parmy les Payens, s'en sont mocquez ; mais tous les autres les ont respecté, comme ce qu'il y avoit de plus divin dans leur religion. Les villes et les Provinces entieres y accouroient en foule. Ellcs ne faisoient point de guerres, elles n'cn- voyoient point de colonics, cllcs n'cntreprenoient point d'affaires considerablcs, qu'elles n'eussent auparavant consulte Toracle. En un niot le Paganisme n'a jamais rien eú de plus fameux ni de plus respecté.

Que peut donc Tautorité d'un petit nombrc de particuliers, regardez par les autres comme des impies, comparée à celle de tant de peuples, üe tant de villes et de provinces, de tant de Princes et de Pliilosophes ? Vous avez senti Ia force de cet argument, et pour raííbiblir vous dites, que Ic téinoiguiige de ceux qui croyent une chose ètablie, 71'a point de force pour Vappuicr; vuiis que le témoignoge de ceux qui ne Ia croyent pas^ a de Ia force pour ladètruirc.VoWí une proposition qui me paroit fort étrange, et qui peut avoir des consequences qui le sont encore davantage. Cest une vérité établic que Texistence de Dieu : et lorsqu'il s'agit de Ia confirmcr par Tautorité, celle du petit nombre d'athées qui ne Ia croyent pas, doit-elle Temportcr sur celle de tous les peuples et de toutes les nations de Ia terre qui Ia croyent ? L'autorité de ces impies aura-t-elle plus de force pour Ia détruire, que celle de tous les autres hommes pour Tappuier ? Le Christianisme est établi et répandu par tout le monde iTautorité de quelques libcrtins qui n*y ont pas beaucoup de foy, doit-elle prévaloir sur celle de tous les autres Fidéles qui le croyent, et qui le reconnoissent pour Ia seule vêritable religion ? Jusqu'à présent n'a-t-on point crü, et les simples lumieres du bon sens n*apprennent-elles pas, qu'en matiere de sufTrages et d'autorite2. Ia plus grande et Ia plus saine partie doit toújours Temporter ?

Mais dites-vous ; et c'est Ia preuve que vous apportez de votre paradoxo;

ceux qui croyent. .. des raisons de croire. Cest à mon sens tout le contraire.

Cará Texception du petit peuple, qui soit qu*il croye ou quMl ne croyc pas, ne se met pas fort en peine de s'instruire du pour ou du contre ;

yS HISTOIUE DES ORÁCLES

Ces deux autoritez ne sont pas égales. Le témoignagc

il ne se peut gueres, que ceux qui croyent, ne soient pas instruits des raisons de ne pas croire ; et ceux qui ne croyent pas, peuvcnt três aisément n'estre pas instruits des raisons de croire. La raison est qu'il y a de Ia peine à croire. Cest une servitude centre laquelle Tesprit humain se revolte naturellcnient. Ainsi ceux qui croyent sont portcz ;i cxaminer les raisons de ne pas croire, afin de se délivrer, s'il est possible, de cettc servitude si fâcheuse : Et ceux qui ne croyent pas, complant pour beaucoup d'estre délivrcz de ce joug incommode, évitent naturcllcment tout ce qui pourroit les y engager, et sont bien plus portez à s'instruire des raisons de nc pas croire, pour se fortifier toiljours de plus cn plns dans leur incredulíté, que de celles qni pourroient les obliger à croire.

La disposition d'esprit et de coeur oú i!s sont, Icur donne autant de goút pour les premieres raisons, que de mépriset d'aversion pour lessecondes.

Celles-là leur paroissent toújours convaincantes et décisives ;et celles-cy selon eux, nc méritent pas sculement que Ton y fasse attention.

L'experience ne confirme que trop cette vcrité. On voit tons les jours que Tautorité Ia plus méprisable. Ia plus petite apparcnce de probabilité, fait plus d'impression sur une infinitè de gens, pour ne point croire, que les raisons les plus evidentes et Tautoritc Ia plus grande et Ia plus respectable, lorsqu'il s'agit de croire. » Ballus, Rèponse, 139-143. Cf.

encore Suite (282-298) et Rcponse (143-14^). II faut citer ce dernier passage. « SouíTrez Monsieur, que je vous apporte icy pour exemple, et que je vous pric de me dire sinccrement, pourquoy Tautorité de Mr. Van-Dale, qui assurément de quelque còté qu'on Ia rogarde, n'est pas fort considerable, et qui dans Ia matiere dont il s'agit, devoit au moins vous estrc très-suspecte,ra emportê neanmoins dansvostrc esprit, sur celle de tous les Peres de TEglise, des Chrêtiens de tous les sieclcs et des Payens même les plus éclairez ; et scs conjccturcs frivolcs et ridicules, sur toutes les preuves solides que les prcmiers ont apportces pour appuier leur sentiment ? Je n'en vois point d'autre raison que Ic penchant que nous avons vous et moy, à rincredulilé. Vous ne croyez pas facilement les choscs oü il entredu Mervcilleux : comnie vous avez reconnu que c'est là une foiblesse de Tesprit humain, vouslâchezde vous cn garantir. II n'y a que dans Ia Physique, oú vous me paroissez bien diíFerent de vous-mcme. Car lorsqu'il s'agit d'établir Ia pluralité des mondes, et de placer des habitans dans les planetes et dans toutes les étoiles, alors il me semble que le Merveilleux vous plait extremement, et que vous avez même beaucoup de penchant àle croire.

Mais pour revenir à nostre sujet, je vous ay fait voir dans Ia premiere partie de cette Réponse, que vous n'estiez pas trop bten instruit des raisons, que les Anciens Chrêtiens avoient eués, pour croire les dêmons auteurs des Oracles. J'apprehende même qu'il ne se trouve bien des gens, qui n*ayant pas pour vous autant d'estime que }'en ay, ne croyent en voyant les fautes dans lesquelles vous estes tombe en citant Ensebe et Porphyre, que vous en avez parle sans les avoir lüs exactement.

Ne puis-je donc pas conclure de-lá contre vous-même, que ceux qui ne croyent pas ne se metlent pas toújours fort en peine de s'instruire des raisons de croire ? »

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