156 HISTOIRE DES ORACLES
I. Van Dale, 78-79
SECONDE DISSERTATION
157 que Philostratc pretende faire valoir son Apollon, parce qu'il n'estoit pas grand faiseur de miracles. Je croy qu'il y a en cet endroit là quelque poison contre les Chrestiens.
5 Nous avons veu comment du temps de Plutarque qui vivoit sous Trajan, cet Oracle estoit encore sur pied, quoy que réduit à une seule Prestresse, apres en avoir eu deux ou trois. Sous Adrien, Dion Chrisostome dit qu'il consulta TOraclc de Delphes, et en rapporte une 10 réponse qui luy parut assez embarassée, et qui Fest
efíectivement '.
Sous les Antonins, Lucien dit qu'un Prestre de Tyane alia demandcr à ce faux Prophete Alexandre si les Oracles qui se rendoicnt alors à Didime, à Claros, et à Delphes, 15 estoicnt veritablement des rdponses d'Apollon, ou des impostures 2. Alexandre eut des égards pour ces Oracles qui estoient de Ia nature du sien, et répondit au Prestre qu'il n'estoit pas permis de sçavoir cela. Mais quand cet liabile Prestre demanda ce qu'il seroit aprés sa mort, on
3 II pourroit y avoir... quelque vcnin 1687 —9 et il en r.ipporte 1687.
1. Van Dale, 79. — « On sait que cet Auteur p,iyen, pour obscurcir Ia (Tloirc du Sauvcur du monde et Téclat de ses miracles, u'a poiiit fait de difficultè d'inventer les fables les plus ridiculeset de mettre en osuvre les faussetez les plus insignes... Est-cc douc d'un tel homme et dans uu seniblablc ouvr.ige, que Ton doit attendrc un .aveu sincere du silence des 'Oracles : silence si nonteux et si préjudiciable au paganisme, si glo- rieux à Jp.sus-Christ, et si avantageux à Ia Religion Chrêtienne ? » Baltus, iíf/joiiíf, 334. — Au surplus, Tautorité du prêtre de Tyane ne vaut guère mieux.« L'imposteur n'ose lui répondre sur ce sujct... S'il s'en fút encore rendu, de quelque nature qu'ils pussent estre, auroit-il fait difficulté de le dire et de les reconnoitre pour legitimes, afin de rendre plus croyables ceux qu'il supposoit i son Esculape ? » 335.
2. Van Dale, 79 et 88.
158
HISTOIRE DES ORACLESluy rcpondit harcliment, Tu serás Chamcau, ptiis Cbauil, puis Philúsophe, puis Prcphcte aussi grand qii Alexandre.
Aprés les Antonins, trois Empereurs se disputerent TEmpire, Severus Septimus, Pesccnnius Niger, Clodius 5 Albinus. On consulta Delphes, dit Spartien ', pour sçavoir lequeldes trois Ia Republique devoit souhaiter, et VOracle répon- dit en un Vers, Le Noir est le meilleur, rAffricain est bon, le Blnnc est le pire. Par le Noir on entendoit Pescennius Niger, par TAfíriquain, Severe qui estoit d'Affrique, et par IO le Blanc, Clodius Albinus. On demanda ensuite qui demeu- reroit le Maistre de TEmpire; et ilfut répondu. On ver- sera le sang du Blanc et du Noir, rAffricain gouvcrnera le monde. On demanda encere combien de tempsilgouver- neroit, et il fut répondu. // montem sur Ia Mer d'ItaHe 15 avec vingt Vaisseaux, si cependant un Vaisseau peut traverser Ia mer, par oü Ton entendit que Severe regneroit vingt ans. II est vray que TOracle se reservoit une restriction obscure pour se pouvoir sauver en cas de besoin, mais enfin dans le temps que Delphes estoit le plus florissant, 20 il ne s'y rendoit pas de meilleurs Oracles que ceux là.
On trouve cependant que Clement Alcxandrin dans son Exhortation aux Gentils ', qu'il a composde, ou sous Severe, ou à peu prés en ce temps-là, dit nettement que Ia l'ontaine de Castalie qui apartenoit à TOracle de 25 Delphes, et celle de Colophon, et toutes les autres Fontaines Prophetiques avoient enfin, quoy que tard, perdu leurs vertus fabuleuses.
Peut-estre en ce temps-là ces Oracles tomberent-ils dans un de ces silences ausquels ils estoient devenus
1. V.in Dale, 80.
2. Van Dale, 8r.
SECONDE DISSERTATION
159 sujcts par intcrvalles; peut-estre, par ce qu'ils n'estoient plus guerc cn vogue, Clement Alexandrin aimoit il autant dire c]u'ils ne subsistoient plus du tout '.
II est toújours certain que sous Constantius Pere de 5 Constantin, et pendant Ia jeunesse de Constantin, Delphes n'cstoit pas cncore ruiné ^, puis qu'Eusebe fait dire à Constantin dans sa Vic, que le bruit couroit alors qu'Apollon avoit rendu un Oracle, non par Ia bouche d'une Prcstressc, mais du fond de son obscure Caverne, 'o par lequcl il disoit que Ics hommes justes qui cstoient en tcrrc, estoient cause qu'il ne pouvoit plus dire vray.
Voila un plaisant aveu. De plus, il faloit que TOracle de Delphes fust alors bien miscrable, puis qu'on en avoit retranchií Ia dépense d'une Prestresse.
' 5 II rcçüt un terrible coup sous Constantin, qui com- manda ou qui permit que Ton pillast Delphes. Alors, dit Eusebe dans Ia vie de Constantin, on produisit aux ycnx du Peuple dans les Pliices de Constantinople, ces Staiües dont Verreur des hoimim avoit fait si long-temps des ohjets de
^o veneralion et de culte. Icy rApollon Pithien, là le Sminlhien, Jes 'rrépie:{^ dans le Cirque, et les Mtises Heliconides dans le Palais furent exposei aux railleries de tout le monde '.
L"Oracle de Delphes se releva pourtant encore une fois 4. L'Empereur* Julien Tenvoya consulter sur TExpe-
' Theodoret.
1. Van Dale, 81. —Van D:ilc cite le pasage de Clément d'Alexandrie,
■^t conclut; « Kx lusce vcrbis Clementis viJentur j:im ipsius tempore omuia cessasse Oracula ac perüsse. Magnos ac valde notabiles Eclypses passa subindc liaec yoTjiTrl^^ia, patet cx antedictis... Crediderim ipsius '^tatc, atquc antequani haecscribcrct, notabilcni denuòdefcctum accidissc Delphico, forsan et aliis Oraculis, quac praeter hoc jam dudum in niinori gloria crant. Scd non hic cessasse in totum illorum responsa, tnanifestum satis fuit ex sequentibus... »
2. Van Dale, 82.
3- Van Dale,82-8j.
4- Van Dale, 83-84 et 114-115.
i6o
HISTOIRE DES ORACLESdition qu'il meditoit contre les Perses. Si TOracle de Delphes a este pius loin, du moins nous ne pouvons pas pousser plus loin son Histoire. II n'en est plus parld dans les Livres, mais en effet il y a bien de Tapparence 5 que c'est là le temps oü il cessa, et que ses dernieres paroles s'adresserent à TEmpereur Julien, qui estoit si zele pour le Paganisme. Je ne sçay pas trop bien comment de grands honimes ont pú mettre Auguste en Ia place de Julien, et avancer hardiment que TOracle de Delphes IO avoit finy par Ia réponse qu'il avoit rendue à Auguste
sur TEnfant Hebreu '.
Quelques Autcurs* modernes qui ont trouvé cet Oracle digne d'une fin éclatante, luy en ont fait une =. lis ont trouvé dans Sosoméne et dans Theodoret, que sous 15 Julien, le feu avoit pris au Temple d'Apollon qui estoit dans un Fauxbourg d'Antioche appellé Daphné, sans qu'on eust pú découvrir TAuteur, ou Ia cause de cet inccndie, que les Payens cn accusoient les Clirestiens, et que les Chrestiens Pattribüoient à un foudre lancd de 20 Ia main de Dieu. A Ia verité Theodoret dit que le Tonnerre estoit tombe sur ce Tcmplc ; mais Sosoméne
* Melanchton, P. Pencer, Boissurd, Hospinion.
15 14 1687.
1. Van D;ilc, 84. — Uoracle de Delphes aurait pu durer plus longtemps encore, obser\'e Daltus, « Qu'est-ce que cela fait contre le sentiment des Peres de TEglise, quand on le connoit, et que Ton sçait qu'ils n'ont nas assigné le temps de Ia Naissance du Sauveur du Monde, pour le monient précis du silence universel de tous les Oracles;
mais seulement pour le commencement de Ia décadence et de Ia ruíne dans laquelle ils sont tombez depuis ?... Or c'est ce qui est indubitable, et ce que vous estes obligé de reconnoitre vous même, quelque longue duréequevous puissiezleurdonner. » Réfome, 333-334.
2. VanDale, 71,85, 38.
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n'en parle point '. Ces modernes se sont avisez de trans- portar cct évenement au Teinple de Delphes qui estoit fort dloigné de là, et de dire que par une juste vangeance de Dieu les foudres Tavoient renversé au niilieu d'un grand Tremblement de terre. Ce Tremblement de terre dont ny Sosoméne, ny Theodoret ne parlent dans Tincendie mesme de Daphné, a este mis là pour tenir compagnie aux foudres, et pour honorer 1'avanture.
Ce scroit une chosc ennuieuse de faire rHistoire de Ia 'O durée de tous les autres Oracles depuis Ia Naissance de Jcsus-Christ, il suffira de marqucr en quels temps on trouve que quclques uns dcs principaux ont parle pour Ia derniere fois, et souvenez-vous toújours que ce n'cst pas à dire qu'ils a)'ent cfFcctivement parle pour Ia dcr- '5 nierc fois, dans Ia derniere occasion oü les Auteurs nous
íipprcnncnt qu'ils aycnt parle ^.
Dion qui nc finit son Histoire qu'à Ia huiticme année d'Alcxandre Severe, c'cst-à-dire Tan 230. de Jesus-Christ, dit que de son temps Amphilochus rendoit encore des 20 Oracles en Songe '. II nous apprend aussi qu'il y avoit dans Ia Villc d'Apollonicun Oracle oü Tavenirse déclaroit par Ia manicre dont le feuprenoit à Tencens qu'on jettoit sur un Autel. II n'estoit permis de faire à cet Oracle des Questions ny de mort ny de mariagc 4. Ces rcstrictions -5 bizarrcs estoicnt quelquefois fonddes sur rHistoire par-
1. V;ui Dale, 72-73. — Remarquer l;x conclusion de l:i discussion de Van Dalc : « I nunc, et íidem babe citationibus... »
2. Van Dalc, 87. — A partir d'ici, et coninie on peut s'en convaincre par nos citations des passages de Van Dale, Fontenelle resume encore avec plus de concision son modele. —• II a transporte à son cbap. v ee que Van Dale (91 sqq.) dit des Livres Sibyllins, des Sorts de Pré- iieste et d'Antium, des oracles de Clitumne et d'Esculape, en supprimant l'liistorique des oracles de Claros, de Dodone, et d'Ammon (Van Dalc,
**7-9o).
3. Van Dale, 98-99.
4. Van Dale, 105-106.
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HISTOIRE DES ORACLESticuliere du Dieu qui avoit eu sujet pendant sa vic de prendre de certaines choses cn aversion ; jc croy aussi qu'elles pouvoicnt venir quelqucfois du mauvais succcs qu'avoient eu les réponses de l'Oraclc sur de certaines 5 matieres.
* Sous Aurelien, vers Tan de Jesus-Christ 272, les Pal- mireiiiens revoltez coasulterent un Oracle dVVpollon Sarpédonien en Cilicie. lis consulterent encore celuy de Venus Aphacite, dontla forme estoit assez singulierepour 10 mcriter d'eslre rapportde icy '. Aphaca est un lieu entre Heliopolis et Bible. Auprés du Temple de Venus est un Lac semblable à une Citerne. A de certaines Assemblécs que Ton y fait dans des temps reglez, on voit dans ces lieux là un feu en forme de globe ou de lampes, et ce feu, 15 dit Zosime, s'est veu jusqu'à nostre temps, c'est-à-dire jusque vers Tan de Jesus-Christ 400. On jette dans le Lac des Presens pour Ia Déesse, il n'importe de quelle espece ils soient. Si elle les reçoit, ils vont au fond; si elle ne les reçoit pas, ils surnagent, fust ce de l'argent ou 20 de Tor. L'année qui preceda Ia mine des Palmiréniens, leurs Presens allerent au fond, mais rannóc suivante tout surnagea.
* Licinius ayant dessein de recommencer Ia Guerre contreConstantin, consulta TOracle d'Apollon deDidime, 25 et en eut pour repense deux Vers d'Homere, dont le sens
* Zosime.
* Sosomine.
II Biblos 174a.
I. Van Dale, 107-109 et 338.