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Comprendre les activités narratives en vue de concevoir de futurs dispositifs techniques d'aide dispositifs techniques d'aide

Chapitre 1 Des cadres institutionnels aux cadres théoriques et empiriques pour étudier la théoriques et empiriques pour étudier la

1.1 Les cadres institutionnels

1.1.4 Comprendre les activités narratives en vue de concevoir de futurs dispositifs techniques d'aide dispositifs techniques d'aide

Nous allons présenter deux axes de raisonnement sous-jacents aux études exposées ci-dessus. La première position consiste à anticiper les technologies du futur et leurs évolutions, la seconde position cherche à comprendre les transformations de l'activité suite à l'introduction des technologies futures ou à comprendre les formes d'activité préalables à l'introduction des technologies futures.

1.1.4.1 Anticiper les technologies futures et leurs innovations dans l'usage ? La réponse à cette question correspondrait à la quête du graal des structures de recherche et développement des entreprises de télécommunication. Cependant par définition, les innovations ascendantes5 ne sont descriptibles qu'a posteriori à partir des observations des usages massifs des utilisateurs. Au plan de la recherche académique en ergonomie, cette question n'est pas centrale et ne peut constituer un objet de recherche en soi. Face à ces évolutions technologiques et des usages, nous pouvons souligner deux attitudes : certains chercheurs adoptent des positions enthousiastes, ou essaient de contribuer à l'alimenter en confrontant des dispositifs innovants au ressenti des utilisateurs (Stevens et al, 2003 ; Frolich et al.,2002 etc.) lorsque d'autres restent sceptiques ou en tous cas incapables de se prononcer quant à l'avenir.

Selon MacKenzie et Soukoreff (2002), l'interface stylet de PDA domine le marché des dispositifs d'entrée de texte, mais il existe également une tendance parallèle avec les messages textes des téléphones mobiles. Elles s'interrogent, sans apporter de réponse sur l'avenir de ces modalités : si ces technologies convergent, quel mode d'entrée du texte sera préservé ? Quant à Sperber (2002), il annonce résolument la fin de l'écriture. Selon lui, " les humains sont prédisposés à acquérir spontanément la langue de leur communauté. Ils n'ont aucune prédisposition à acquérir l'écriture." Il prédit, que dans quelques années, la reconnaissance vocale sera bien plus performante en rendant du même coup le recours à l'écriture obsolète. Il conteste l'idée que l'écriture permette d'exprimer ses idées de manière plus riche et plus contrôlée que la parole. Il argumente son propos en exposant le cas de figure suivant : Si une personne dictait ses réflexions à une machine qui reconnaîtrait et afficherait instantanément ce discours sur un écran, et à condition qu'il existe un moyen de correction orale, alors les avantages de l'écriture disparaîtraient. Chartier (2002) est plus modéré dans son discours et replace l'éventuelle apparition des livres électroniques dans une perspective historique. Il rappelle que le codex (livre composé de feuilles pliées, assemblées et reliée) a supplanté les rouleaux qui portaient jusque là la culture écrite. Or, en libérant une main, le codex a rendu possible le fait d'écrire tout en lisant, de

5 Innovation ascendante : fait référence aux innovations par l'usage des utilisateurs

feuilleter un ouvrage, de repérer un passage. Autrement dit les caractéristiques propres du codex (indexation, pagination) ont profondément transformé les usages. Il effectue ensuite le parallèle avec l'introduction du livre électronique en mettant de côté l'hypothèse de la substitution totale mais en faisant le pari de la co-existence des divers modes de communication et d'inscription que sont l'écriture manuscrite, la publication imprimée et la textualité électronique.

Pour notre part, nous ne nous prononcerons pas sur ce sujet tout simplement, car cela ne relève pas de nos compétences. Nous pouvons rendre compte des formes des activités narratives des utilisateurs, et à ce titre anticiper des formes futures d'activité mais certainement pas anticiper et annoncer les futurs technologies ou dispositifs massivement investis par les utilisateurs.

1.1.4.2 Anticiper les formes d'activité pour proposer des outils/services adaptés ?

Une autre position plus pragmatique propose d'observer l'organisation actuelle des activités, afin d'en extraire des invariants qui seront ensuite intéressants à réinjecter dans des processus de conception mobilisant les nouvelles technologies.

Ainsi, Lebrave (2000) effectue un constat observable actuellement. Il souligne une limite liée au contenu numérique dans les activités de lecture ou d'écriture : "Dans leur état actuel de maturation, les technologies culturelles électroniques favorisent une manipulation d'informations plutôt qu'une véritable acquisition de connaissances. Les contenus textuels tendent à rester des informations extérieures à un sujet lisant/écrivant qui occupe une position de spectateur passif d'un chassé-croisé de données externes, et la transmutation de celles-ci en connaissance ne se produit pas : le zapping n'est pas une appropriation des savoirs". Folcher et Léal (2004) adoptent la même attitude en observant les activités de lectures mobilisant les livres électroniques. Elles se sont rendues compte que le lectorat utilisant ce type de dispositif est principalement constitué d'une population vieillissante ou présentant des troubles de la vision. Elles se proposent donc d'approfondir leurs analyses afin de réinjecter par la suite ces connaissances issues d'observables dans une reconception de ces livres électroniques. Dans la même lignée, Béguin et Rabardel (1997) donnent leur point de vue sur la dématérialisation de l'information. Ils remettent au devant de la scène la médiation des nouvelles technologies pour les fonctions mentales supérieures et rappellent qu'un fichier informatique ne peut être simplement pensé comme un support physique d'implémentation des symboles graphiques : bien au contraire, ses propriétés de forme ont des effets majeurs sur le processus et les contenus de pensée.

Ils affirment d'ailleurs que les propriétés des dispositifs techniques ne sont pas sans conséquences sur les catégories de la connaissance. Leur approche consiste donc à observer les modifications après l'introduction de l'informatique. Les études de conception itérative de prototypes innovants incluant des phases d'analyse de l'activité s'inscrivent dans cette même démarche, bien que les espaces temps et le type de populations disponibles pour les observations soient plus limités (Decortis et al, 2001).

Quant à Chalmers et al. (2003), ils portent un regard critique sur le "disappearing computer" : Ils pensent qu'un système informatique ne doit surtout pas être invisible mais au contraire soutenir et faciliter la production d'un bon modèle conceptuel au sens de Norman (1998), autrement dit, qui nous permette de prédire les effets de nos actions sur un système. Selon eux, aucun système informatique ne devrait être invisible, mais il devrait au contraire soutenir et faciliter l'appropriation et l'accommodation afin que l'outil en soi disparaisse et que l'utilisateur ne se concentre plus sur l'outil mais sur l'utilisation de l'outil. De plus, ils pensent qu'une des missions du "disappearing computer"

sera de comprendre l'interdépendance des médias. A ce titre, ils soulignent le besoin d'analyser les

tâches en soi, plutôt que d'analyser les outils pour la tâche. Ils prônent donc une approche a priori plus holistique, non réduite à l'outil, pour ensuite injecter ces informations dans la conception. Rabardel (1995) se penche également sur la question de la transparence des dispositifs techniques. Il rappelle que deux métaphores co-existent actuellement : tout d'abord la métaphore de la boite noire qui fonctionne selon le principe d'une invisibilité du système technique, ainsi que la métaphore de la boite de verre qui postule que l'artefact ou une partie de l'artefact doit être visible afin que le sujet puisse en tenir compte dans son activité, l'idée sous jacente étant que les utilisateurs ont besoin de comprendre les caractéristiques importantes des systèmes. Cet auteur propose alors le terme de transparence opérative qui s'inscrit dans une perspective de boite de verre. Selon lui, la transparence d'un artefact doit être mise en relation avec les besoins en informations de l'utilisateur qui sont variables en fonction de ses buts, de ses compétences, et des stratégies qu'il met en œuvre pour les atteindre. La transparence doit être référée à l'utilisateur et à son activité. De plus, Rabardel (1995) s'intéresse à l' activité requise et à l'ouverture du champ des actions possibles : l'activité requise renvoie aux différents types de contraintes qui conditionnent l'action des sujets, l'ouverture du champ des possibles correspond aux possibilités d'actions qui s'offrent aux sujets. Ces deux dimensions permettent de rendre compte des effets structurants des artefacts sur l'activité. Cependant, il nuance la détermination des artefacts sur l'activité en rappelant qu'il existe d'autres modes de structuration de l'action à travers les schèmes d'utilisation (organisation invariante de l'activité) mais aussi la prescription ainsi que la singularité des situations. Il propose donc de concevoir à partir des schèmes. Nous terminerons en évoquant le point de vue de Baber et Baumann (2002) qui soulignent que pour le moment, l'IHM s'est cantonnée à la question de l'apprentissage des commandes par les utilisateurs. Ils entrevoient donc un futur autour de réflexions pour intégrer les invariants, les manières de faire récurrentes des gens au quotidien. Pour cela, ils soulignent le manque d'études en ergonomie qui décrivent les activités avec les objets de tous les jours. Selon eux, cela permettrait de répondre à la question : comment les nouvelles technologies vont enrichir nos vies ? Ils insistent en précisant qu'il serait temps d'aborder la conception en dehors des tâches mais plutôt en observant l'activité quotidienne des gens aujourd'hui. La gageure, selon eux, serait donc de décrire l'activité quotidienne en appréhendant les objectifs, les émotions et d'utiliser ces résultats comme force de proposition pour les futures conceptions.

Les auteurs cités ci-dessus appréhendent donc les nouvelles technologies selon deux positions : Soit, ils disposent d'un système nouvelle technologie et proposent d'observer les activités qui en découlent afin de pouvoir ensuite apporter des connaissances issues d'observables dans les futures versions, ou dans les futurs processus de conception de dispositifs proches. Soit, ils proposent de commencer par analyser les activités quotidiennes des personnes, de manière à faire émerger les invariants pour ensuite alimenter les futurs processus de conception grâce à des connaissances issues d'observations de situations proches bien que différentes puisque sans les dispositifs innovants. Implicitement, cette dernière position s'inscrit en rupture des études d'IHM présentées ci-dessus. En effet, les études évaluant les IHM sont principalement axées sur les performances d'interaction et ne font que peu de cas du contexte et de la tâche dans lesquels s'inscrivent les dispositifs nomades.

1.1.4.3 Conclusion et positionnement

Pour résumer, notre recherche ne s'inscrit pas dans un processus de conception en soi mais propose d'alimenter de futures conceptions. De plus, les nouvelles technologies tout justes arrivées sur le marché ne nous permettent pas d'appréhender les activités narratives selon un large empan temporel.

Nous avons donc décidé de ne pas nous focaliser sur des activités narratives mobilisant une nouvelle technologie particulière qui contraindrait notre compréhension des activités narratives.

Afin d'articuler le plan de la recherche académique et les intérêts de l'entreprise, nous chercherons au cours de ce travail, à ne pas perdre les caractéristiques des situations, des sujets, et des activités. De plus, nous ne nous cantonnerons pas uniquement à analyser l'utilisation de dispositifs nouvelles technologies, mais nous prenons le parti d'observer les utilisations des divers artefacts nouvelles technologies et/ou papiers qui coexistent probablement dans les activités narratives mobiles et post- mobiles. Au cours de ce travail, nous adopterons également une grille de lecture constituée d'une large maille temporelle afin de ne pas perdre l'unité, le sens de ces activités. Cela nous permettra simultanément de nous extraire des contraintes des outils actuels, et notamment de la vision dualiste des cycles de conception actuels : à savoir la conception d'outils de capture, d'enregistrement (ex : les appareils photos, les palms), d'une part, et d'outils de traitement (ex : photoshop, word), d'autre part.

Par ailleurs, les nouveaux concepts de l'interaction homme machine (informatique ubiquitaire…) questionnent la conception à divers niveaux : l'utilisabilité et de l'utilité. Il est important de comprendre la nature des activités ciblées ainsi que les instruments actuels avant même de concevoir un dispositif alliant les particularités de ces nouveaux concepts informatiques. Dans le cadre de cette recherche, nous proposons d’explorer la question des outils et des signes dans des situations mobiles et post-mobiles comme support de l’activité de narration.

Par ailleurs, cette étude comporte un certain nombre de particularités propres aux cadres institutionnels. Tout d'abord, au plan d'une structure de recherche et développement, il existe parfois une attente implicite qui consiste à demander à l'ergonome de prédire le marché et son évolution. En effet, l'ergonome idéal apporterait les clefs de lecture de l'innovation ascendante a priori. Dans une logique technocentrée, l'ergonome est parfois considéré comme la ressource qui permettra d'assigner un usage à une brique technologique existante. De notre point de vue, par le biais d'analyses minutieuses, l'ergonome peut anticiper certaines formes d'activité, mais en aucun cas prédire les futures innovations ascendantes, et les dispositifs du futur qui seront un succès commercial. D'autre part, au plan de la recherche académique, ce type d'études visant la compréhension de l'activité en amont de la conception de dispositifs techniques est rare, et à notre sens pertinente dans une perspective de recherche. En effet, comme le souligne Falzon (1998) le chercheur a un devoir de prospective. De plus, Kjedldskov et Graham (2003) ont montré d'après un échantillon d'une centaine d'études contemporaines en IHM, que ce champ est principalement couvert par des études d'évaluations. Ils pointent donc le faible nombre d'études de compréhension et de description qui ont pourtant la qualité de poser des hypothèses pour les études futures.

En cherchant à comprendre les activités narratives mobiles et post-mobiles de manière à alimenter le champ de connaissances des activités en situation naturelle tout en contribuant à la conception de dispositifs futurs, nous nous retrouvons face au paradoxe de l'ergonomie de conception souligné par Theureau et Pinsky (1984), à savoir la difficulté d'adapter les conditions de réalisation de l'activité future. Nous présenterons dans la section suivante, les concepts théoriques et méthodologiques développés par l'ergonomie pour y faire face, et auxquels nous aurons recours.