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Dans de cette section, nous allons nous intéresser à une problématique relevant du domaine de la chimie bioinorganique ayant donné lieu à une collaboration directe entre les expérimentateurs et les chimistes théoriciens. L'objet de cette étude consiste en la caractérisation spectroscopique des différentes formes d'un système biologique complexe et implique la mise en place de corrélations entre les paramètres Mössbauer expérimentaux et les calculs théoriques faisant appel aux courbes de calibration que nous avons précédemment établies. Les principaux résultats que nous avons obtenus ont fait l'objet d'une publication (ci- joint en Annexe 1) Dans le Journal of Biological Inorganic Chemistry .

V.3.1. Etat de l'art

V.3.1.i Présentation du composé

Les catalases sont des enzymes dont la fonction principale, mise en évidence depuis le début du vingtième siècle [1-3], est la décomposition de l'eau oxygénée (ou peroxyde d'hydrogène) en oxygène moléculaire et en eau. Ces enzymes, présentes dans pratiquement tous les organismes aérobies, auraient ainsi pour mission de préserver l'organisme d'une accumulation de peroxyde d'hydrogène [4] qui peut causer de graves dommages cellulaires (vieillissement, mutagenèse, formation de tumeurs, etc.).

Les catalases diffèrent de la plupart des autres enzymes qui décomposent l'eau oxygénée par leur habileté à utiliser l'eau oxygénée aussi bien comme accepteur que comme donneur d'électrons générant de l'oxygène moléculaire et de l'eau au cours d'une réaction de dismutation :

2 2

2 2 2

2O H O 2H O O

H + → + (5.43)

Cette réaction correspond à l'activité "catalasique" propres aux entités catalases.

Parallèlement, les catalases peuvent utiliser l'eau oxygénée pour oxyder un petit nombre de donneurs d'hydrogène (AH) de faible poids moléculaire au cours d'une activité

"peroxydasique" :

A O 2H O H

AH2 + 2 22 + (5.44) Le type d'activité prédominante dépend de la concentration en eau oxygénée [5] : à basse concentration

(

106M

)

, la catalase agit de manière peroxydasique tandis qu'à haute concentration, l'activité catalasique est prépondérante.

Il existe différents types de catalases en fonction de leur structure, de leur séquence primaire, de la nature de leur groupement prosthétique présent au site actif ou de leur activité enzymatique. Pour notre part, nous allons exclusivement nous intéresser aux catalases héminiques monofonctionnelles qui sont les plus répandues [6] et dont huit structures tridimensionnelles sont connues. Ces systèmes sont des homotétramères contenant un hème (schématisé en figure 5.12) et un ion de fer à l'état ferrique Fe3+ par sous sous-unité.

Chapitre V Spectroscopie Mössbauer et Modélisation DFT 171

Figure 5.12 : Représentation schématique de la catalase monofonctionnelle

La réaction catalasique que nous avons définie dans l'équation 5.43 s'effectue en deux étapes distinctes comme le montre la figure 5.13. Les disques de couleurs représentent ici le cycle porphyrinique et (X) est un ligand variable correspondant à une tyrosine (ligand oxygéné) dans le cas de la catalase.

H2O2 H2O 2e-

Fe(III)

X

O Fe(IV)

X

+

O Fe(IV)

X

Composé II

Composé I Forme Native

O2+H2O H2O2 A +H2O

AH2

AH2 A

1e- 1e-

Figure 5.13 : Cycle réactionnel des catalases héminiques

172 Chapitre V Spectroscopie Mössbauer et Modélisation DFT La première étape de la réaction catalasique correspond à l'oxydation à deux électrons de l'ion

ferrique Fe(III)de l'hème par une molécule d'eau oxygénée pour donner une molécule d'eau et le composé I au sein duquel le degré d'oxydation théorique du fer est (V). En réalité, le cycle porphyrinique cède un électron au fer et il en résulte un Fe(IV) accompagné d'un radical cation porphyrinique [Fe(IV)=O π+.]. Le composé I est une espèce oxo-ferryl contenant un atome d'oxygène provenant de l'eau oxygénée liée au fer. Dans la seconde étape de ce cycle réactionnel, une deuxième molécule d'eau oxygénée réduit le composé I à deux électrons pour régénérer la catalase sous sa forme native Fe(III) et libère une molécule d'eau et une molécule d'oxygène. Le composé I peut aussi subir une réduction à un électron pour former le composé II dans lequel le radical cation porphyrinique a été réduit. Le composé II correspond à une forme catalasiquement inactive de l'enzyme puisqu'il ne peut pas réagir avec une deuxième molécule d'eau oxygénée pour régénérer l'enzyme native. Par contre, le composé II est impliqué dans l'activité peroxydasique des catalases au sein de laquelle les donneurs d'électrons (AH) sont oxydés électron par électron et l'enzyme est alors régénérée sous sa forme native. Actuellement, l'orientation préférentielle des catalases vers une activité catalasique ou peroxydasique n'est pas bien comprise [7].

V.3.1.ii Problématique du sujet

Les résultats issus de récentes études théoriques ont suggéré que, dans des conditions expérimentales de faibles pH, le composé II de la catalase pouvait être un complexe ferryl [Fe(IV)=O] protoné au niveau de sa double liaison [8-11]. Ceci est en lien direct avec une étude étendue de la structure fine de la chloroperoxydase (CPO), au sein de laquelle X est un ligand soufré correspondant à une cystéine. Ces investigations, réalisées à l'aide de la spectroscopie d'absorption aux rayons X (EXAFS) et de la technique Mössbauer, ont mis en évidence qu'à pH acide, le composé II issu du système CPO était vraisemblablement un complexe ferryl protoné [12].

Des études complémentaires ont été menées par H. P. Hersleth et al. [13] sur les structures cristallines et les calculs de mécanique quantique correspondants aux composés II de la catalase et de la peroxydase, au sein de laquelle X est un ligand azoté correspondant à une histidine. Ces investigations leur ont permis de caractériser le composé II par une longueur de liaison fer-oxygène, comprise entre 1.82 et 1.92 angströms ce qui est compatible avec un caractère de simple liaison dans le cas où l'atome d'oxygène est protoné.

De plus, lors d'une récente étude portant sur le rôle du ligand axial X au sein des protéines héminiques [14], P. Rydberg et al. ont considéré le complexe ferryl totalement protoné comme un intermédiaire possible dans les cycles réactionnels de la catalase, de la peroxydase et de la chloroperoxydase.

Sur la base de calculs théorique réalisés à l'aide de la méthode DFT, R. Silaghi-Dumitrescu a envisagé la possibilité d'un groupement hydroxo (OH) plutôt qu'un groupement oxo (=O) pour les composés I et II des hémoprotéines possédant des ligands proximaux X du type phénololate (ligand oxygéné) et imidazole (ligand azoté) [15].

Cependant, ces différents points restent encore controversés, en particulier dans le cas des catalases et des peroxydases au vu des données issues des spectroscopies Raman et EXAFS [16-18].

Chapitre V Spectroscopie Mössbauer et Modélisation DFT 173

Dans le but de mettre en évidence la protonation du groupement ferryl au sein des composés intermédiaires de la catalase, nous avons mené une étude visant à caractériser le composé II issu de la catalase Proteus mirabilis (PMC). Cette enzyme est parmi les plus efficaces des catalases contenant des hèmes [19] et appartient à la famille des fixateurs de NADPH [20]. La catalase PMC donne lieu à la formation de composés I et II suffisamment stables pour être caractérisés par cristallographie aux rayons X [21-23].

Dans un premier temps, la caractérisation du composé II issu de PMC a été réalisée à l'aide de la spectroscopie Mössbauer à bas champ [24] ce qui a permis de mettre en évidence la cœxistence de deux formes stables dépendantes du pH : une première à bas pH (LpH II) et une seconde à haut pH (HpH II). La forme prédominante à bas pH a ainsi été postulée comme étant le complexe ferryl protoné [Fe(IV)-OH] tandis que la forme présente à haut pH est supposée être le complexe ferryl initial [Fe(IV)=O].

Pour confirmer cette hypothèse, un certain nombre de mesures spectroscopiques ont été réalisées (EXAFS, UV-Visible, Mössbauer à haut champ) et des calculs théoriques ont également été entrepris dans le but de corréler les résultats Mössbauer expérimentaux obtenus avec les paramètres calculés.

V.3.2. Corrélations expérience/calculs théoriques

Les résultats que nous allons présenter maintenant sont relatifs au calcul de la densité électronique totale ρeA

( )

0 et de l'éclatement quadripolaire ∆EQcalc. Pour ce faire, nous avons utilisé le logiciel de chimie quantique ADF 2006 en précision six et avec une base Triple Zeta plus deux fonctions de polarisation (TZ2P). Nous avons fait appel à la méthode DFT pure et nous avons exclusivement travaillé avec la fonctionnelle pure GGA BP86.

V.3.2.i Etude de l'enzyme native

La première corrélation expérience-calculs que nous avons établie concerne la forme native de la catalase PMC. Cette forme native est constituée d'un hème, d'un ion ferrique et d'un ligand proximal X de type oxygéné (tyrosyl). A partir de la structure modèle établie par Rovira et Fita [10], nous avons construit notre propre modèle (figure 5.14) en considérant le cycle héminique dans son intégralité et en remplaçant le ligand tyrosine par un groupement phenolate. Nous avons ensuite optimisé en géométrie le système résultant.

Figure 5.14 : Système modèle de la catalase PMC forme native

174 Chapitre V Spectroscopie Mössbauer et Modélisation DFT Dans la section précédente, nous avons mis en évidence la corrélation liant le déplacement

isomérique expérimentalet la densité électronique totale ρeA

( )

0 issue du calcul δ = f

(

ρeA

( )

0

)

.

Pour un ensemble caractéristique de complexes d'ions ferriques, l'utilisation de la méthode DFT pure associée à la fonctionnelle BP86 nous avait conduit à établir l'équation de régression linéaire suivante :

( ( )

0 11800

)

6,6825 corr 0,960 R 0,922

2456 ,

0 × eA − + =− 2 =

= ρ

δ (5.34)

Cette relation nous permet de prédire le déplacement isomérique théorique d'un système à base d'ion Fe3+. Nous avons appliqué cette corrélation au cas de la forme native de PMC et nous avons également calculé l'éclatement quadripolaire de ce système afin de pouvoir le comparer avec celui issu des mesures de spectroscopie Mössbauer. Le tableau suivant résume l'ensemble des résultats que nous avons obtenus :

Densité Electronique

[

ρeA

( )

011800

]

calc

Déplacement Isomérique δcalc (mm.s-1)

Déplacement Isomérique δexp (mm.s-1)

Eclatement Quadripolaire

calc

EQ

(mm.s-1)

Eclatement Quadripolaire

exp

EQ

(mm.s-1)

25,520 0,415 0,450 0,76 0,98

Tableau 5.9 : Prédiction des paramètres Mössbauer de PMC forme native (GGA BP86) Compte tenu du bon accord que nous obtenons entre les valeurs issues de nos calculs et celles issues des mesures spectroscopiques, nous sommes en mesure de valider la démarche adoptée pour la prédiction des paramètres Mössbauer de la catalase PMC sous sa forme native. Ces résultats nous permettent de justifier le choix que nous avions fait lors de l'utilisation de la méthode DFT pure pour la mise en place des corrélations δ = f

(

ρeA

( )

0

)

et qui consistait à traiter séparément les complexes de fer selon leur état d'oxydation. En effet, on constate que si l'on tente de prédire le déplacement isomérique de PMC sous sa forme native en utilisant la corrélation globale établie pour l'ensemble des complexes de fer (équation 5.33), nous obtenons une valeur de 0,625 qui s'écarte considérablement de la valeur expérimentale de ce paramètre, mesurée à 0,450. Enfin, il s'avère important de préciser que, compte tenu de la taille du système étudié (près d'une centaine d'atomes), il est inenvisageable d'utiliser la méthode DFT hybride associée à la fonctionnelle B3LYP car cela nécessiterait des ressources informatiques et des temps de calcul plus que conséquents ce qui justifie dès lors l'utilisation de la méthode DFT pure pour ce type de corrélation.

V.3.2.ii Etude du composé II

Les systèmes modèles

Avant de traiter la problématique générale de cette section relative aux différentes formes de la catalase PMC, nous allons tout d'abord nous intéresser à la prédiction des paramètres Mössbauer de différents modèles de composés II issus de protéines héminiques. Ces différents systèmes se distinguent les uns des autres de part la nature chimique de leur ligand proximal X : oxygéné, soufré ou azoté comme le montre la figure 5.15. Pour nos calculs, nous avons considéré le cycle héminique dans son intégralité et nous avons réduit le ligand X à sa forme la plus simple.