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1.2 - Nature et limites du NPM : un cadre cognitif managérialiste

qu’une solution, qu’une conception parmi d’autres dont la principale caractéristique se situe au plan cognitif et consiste à transposer les valeurs du secteur privé au cœur des organisations publiques.

administrative et en management public. Il accompagne la vague de réformes débutées dans les années 80, et sert à qualifier le sentiment de moindre performance qu’éprouvent les acteurs publics vis-à-vis de leurs homologues du secteur privé. Le managérialisme consiste à considérer que la variable expliquant le niveau de performance est la pratique du management. En d’autres termes, le managérialisme peut être défini comme l’attitude d’un individu ou d’une organisation considérant que la mise en œuvre des doctrines et dispositifs managériaux lui permettra d’atteindre ses objectifs ou de diminuer ses dysfonctionnements perçus.

Le managérialisme occupe donc l’espace intermédiaire entre la pratique du management et les idées que l’on se fait du management (définitions conceptuelles, objectifs attendus). Nous recensons ci-après les définitions proposées du concept de managérialisme ainsi ce l’appareillage conceptuel à mobiliser pour l’appréhender.

1.2.1.1 - Les définitions du managérialisme

Dans son ouvrage Building The New Managerialist State, Saint-Martin (2000) identifie le managérialisme au NPM. Il emprunte la définition du NPM proposée par Hood pour définir le managérialisme: « a loose term used as a shorthand name for the set of broadly similar management ideas imported from business administration that has dominated the bureaucratic reform agenda of many OECD states since the 1980’s » (Hood, 1990, cité in Saint Martin, 2000: 1)13. La notion d’idée floue ressort de manière saillante de cette identification. En effet, Saint Martin et Hood suggèrent par là que les réformateurs ont en tête de mettre en œuvre la plupart des solutions issues de l’entreprise sans que l’on arrive à délimiter clairement de quelles solutions il s’agit. La définition managérialiste du management semble donc assez abstraite et repose sur le postulat que le « Management » est une solution en soi. Les outils et logiques qui le composent doivent donc être appliqués et produiront nécessairement des résultats bénéfiques. Le managérialisme suppose qu’il existe un corpus de saines pratiques managériales applicables directement du secteur privé vers le secteur public. Ainsi, selon Boston et al. (1991 : 9) : « l’essence du managérialisme repose sur la croyance qu’il existe quelque chose que l’on appelle « management » qui est une activité purement instrumentale et générique, incorporant un ensemble de principes applicables indistinctement aux secteurs public et privé ».

13 « Un terme flou permettant d’étiqueter la vaste gamme de concepts managériaux importés du secteur privé qui

Selon Nollet et Lefevre (2005), le managérialisme équivaut à une posture nominaliste qui réifie et essentialise le management. Celle-ci consiste à penser le management comme un ensemble de concepts et de pratiques relativement simples à définir et faisant l’objet d’un consensus. Or, le management recouvre en réalité une palette très large de pratiques et de discours contradictoires. Si bien qu’une définition générique du management ne peut rendre compte de la diversité des situations de gestion (Girin, 1990).

Cependant, il semble que la conception du management véhiculée par le managérialisme est très proche du modèle rationnel de la décision. En effet, Uhr (1990 :22) définit le managérialisme (public) comme « la recherche de systèmes de gestion du gouvernement orientés vers l’atteinte de résultats au travers de processus de décision rationalisés conçus de manière à permettre une plus grande autonomie mais également une plus grande responsabilité du gestionnaire du programme ou du domaine d’action ». Selon Prasser, (1990 : 194) le managérialisme défend l’idée que le bon gouvernement et la bonne organisation sont le résultats d’une intention délibérée, de plans d’action précis et de décisions cohérentes ». Cette intention est, selon eux, réalisée grâce à l’application d’un modèle rationnel de mise en œuvre des politiques publiques permis par des stratégies a- politiques et balistiques élaborées au terme d’un processus de dialogue rationnel de gestion réalisé par et entre des agences publiques décentralisées, autonomes, contrôlées hiérarchiquement et redevables. Ce faisant, le managérialisme réduit le management à une seule de ses dimensions.

Il est d’ailleurs intéressant de noter que le managérialisme tel qu’il prévaut dans le secteur public ne coïncide pas avec celui observé dans le secteur privé. En effet, alors que le managérialisme dans le secteur public vise à mettre en œuvre le modèle rationnel de la décision, le managérialisme dans le secteur privé renvoie à une conception beaucoup plus mouvante et relationnelle de l’organisation. Smets (2005) considère que le managérialisme constitue un nouvel idéal-type de légitimité pour les entreprises. Le managérialisme comprend six thèmes fondamentaux (Smets, 2005 : 111). Tout d’abord, le point de départ - l’accord de l’auditoire est constitué par l’omniprésence du changement. Le changement est l’élément le plus fondamental de la vie des organisations actuelles et devient un véritable culte auquel le manager doit se convertir. Deuxièmement, la forme organisationnelle la plus à même de répondre aux besoins de changement est le projet. Le fonctionnement en mode projet, qui implique polyvalence et instabilité, devient un impératif. Ensuite, au sein de ce

groupe projet, la compétence clé que doit maîtriser le manager est la communication. Le bon manager est celui qui communique bien, renvoyant la compétence technique à un rang secondaire. Cette insistance sur la communication s’accompagne d’un appel à une éthique relationnelle. Celle-ci se base sur un respect inconditionnel des personnes, ontologiquement égales, et une acceptation de leurs différences. Enfin, le managérialisme affirme la possibilité d’une auto-production de soi. Chacun est capable de choisir ce qu’il veut être et de le devenir.

Le bonheur et l’épanouissement seront la récompense pour celui qui parvient, ayant découvert son authenticité, à devenir lui-même.

Les thématiques du managérialisme dans le secteur privé marquent un refus de la raison instrumentale (Smets, 2005 :151). Le manager doit s’ouvrir à d’autres formes de pensée qui font appel à son intuition, il doit reconnaître la valeur des émotions et les laisser s’exprimer dans la relation. Les règles qu’il instaure avec ses collaborateurs ne découlent pas de l’application scrupuleuse d’une méthodologie optimale, mais d’une négociation interindividuelle qui autorise la prise en compte des désirs et des motivations de chacun.

Nous sommes donc amenés à distinguer deux types de managérialismes. D’une part, un managérialisme public assimilable au NPM trouve sa source dans une conception instrumentale de l’organisation. D’autre part, un managérialisme privé qui a une inspiration plus relationnelle et valorise la confiance interindividuelle (Courpasson, 2000 ; Boltanski et Chiapello, 1999). Une telle distinction amène à considérer que l’un des écueils du managérialisme public, qui vise à imiter le secteur privé, oriente justement le secteur public vers ce dont quoi le secteur privé essaierait de se détacher et dont le managérialisme privé serait l’expression. Ce faisant, la croyance de la supériorité du privé sur le public n’en finirait pas de se renforcer au fur et à mesure que le secteur public essaierait de la diminuer.

Par delà les distinctions possibles entre managérialisme public et privé, on constate que les différentes définitions proposées du managérialisme mettent en avant trois éléments :

1) Le managérialisme se situe dans le monde des idées, des pensées et des discours des acteurs.

2) Le managérialisme a une dimension normative : les idées qui le composent ne visent pas tant à décrire empiriquement l’existant, qu’à proposer des solutions à suivre en vue

3) Le managérialisme est une théorie de l’action : cet élément découle des deux précédents. Le managérialisme ne vise pas principalement à offrir des explications valides mais à transformer activement les pratiques. D’un côté, il exprime une prise de recul des acteurs par rapport à eux-mêmes et la mise en analyse de leur propre comportement et peut être assimilé à une pratique réflexive14 (Argyris et Schön, 2002). Il s’agit à la fois d’une réflexion dans l'action, tendue vers sa réussite et une réflexion dans l'après-coup, plus centrée sur la relecture de l'expérience et sa transformation en connaissances. D’un autre côté, les connaissances développées visent avant tout à être traduites dans l’action.

Assimiler le NPM au managérialisme, implique que le NPM est avant tout une théorie de l’action. L’analyse du NPM est donc une analyse d’une théorie de l’action et non de l’action elle-même. Cette subtilité confronte le chercheur à plusieurs risques de réduction de son objet d’étude. Ces risques sont recensés ci-après et quelques pistes pour les contourner sont esquissées.

1.2.1.2 - Problèmes posés par l’analyse du managérialisme public

La nature cognitive mais tournée vers l’action du managérialisme public nous semble poser deux problèmes analytiques qui s’articulent. D’une part, apprécier l’influence du NPM revient à apprécier l’influence de la théorie sur la pratique. Or, suivre cette relation théorie/pratique dans un seul sens peut amener le chercheur à considérer cette relation comme intrinsèquement univoque. Ce qui amènerait à considérer de manière réductrice que l’action est entièrement déterminée par la pensée.

D’autre part, cette exclusion de l’action dans l’analyse du managérialisme public peut conduire à une radicalisation des jugements portés.

L’action déterminée par la pensée

Nous venons de voir que le NPM est une conception normative des organisations publiques faisant du management la solution aux problèmes de l’administration. Son principal impact se situe au plan cognitif. En effet, le NPM consiste avant tout en une modification de la manière de penser l’administration.

Selon Merrien (1999 : 102), la force du NPM se trouve dans la jonction entre une idéologie et une communauté épistémique : « La notion de Nouvelle Gestion publique est l’une des croyances fortes des réformateurs de l’Etat-providence. Elle constitue le cœur de l’idéologie

14 Bezes (2002) considère d’ailleurs le managérialisme public comme un «souci de soi » de l’administration.

diffusée par une véritable communauté épistémique. Elle impose une manière de voir le monde des Etats-Providence et des solutions présentées comme naturellement supérieures aux solutions traditionnelles ». Dans la même perspective, Ughetto (2004 : 18), considère que la caractéristique la plus remarquable du NPM, son impact le plus significatif, se situe au plan cognitif : « au niveau de l’Etat, l’idée d’un nouveau management public n’est pas tant une simple extension de la technique gestionnaire que l’incitation à un changement de cadre cognitif, celui où l’on peut se poser la question de la valeur issue des actions publiques ».

Cette essence cognitive du NPM pose plusieurs problèmes pour son analyse. En effet, si elle invite à prendre en compte les relations entre théorie et pratique et porte le risque de poser une relation déterministe de la théorie sur la pratique.

L’approche cognitive des organisations publiques ou privées suggère que l’une des clefs des processus organisationnels réside dans la pensée des acteurs, dans ses contenus et dans ses mécanismes (Laroche et Nioche, 2006). Les recherches conduites dans ce cadre ont tendance à se focaliser sur les idées, les discours ou les récits et à considérer que pour comprendre le fonctionnement de l’organisation : « il faut resituer [l]es jeux d’acteurs dans un processus plus vaste (et plus complexe) par lequel ils vont participer à la construction de cadres cognitifs et normatifs » (Muller, 2005 : 155). La difficulté de l’analyse de la pensée dans une organisation est de distinguer ce qui appartient au domaine des croyances et des schémas collectifs et ce qui relève des mythes rationnels (qui peuvent avoir été empruntés aux discours circulants de la société au sens large), de ce qui pourrait être défini comme une « connaissance en soi » (Baumard, 2003). Toute l’histoire de la théorie des organisations tourne autour de cette question. Cyert et March (1963) ont ainsi montré que la production de la connaissance dans l’organisation est plus soumise à une recherche de satisfaction minimale qu’à une recherche d’optimalité. Weick (1995) a montré que la plausibilité favorise plus l’acceptation de la connaissance que la fiabilité.

A bien des égards, l’analyse du NPM est l’analyse de la transformation des façons de penser les organisations publiques. Son caractère normatif a conduit de nombreux auteurs à le considérer comme un mythe rationnel (Modell, 2004, Deem et al., 2007, Brunsson, 1989, Christensen et Lagreid, 2001). Selon Meyer et Rowan (1977), les similitudes dans l’adoption de structures formelles et de normes de fonctionnement rationnelles ne sont pas motivées par la recherche d’efficacité. Elles traduisent plutôt des « mythes » et des « cérémonies » plus ou

moins dissociés des activités réelles. Cette adoption en surface de nouveaux modèles vise avant tout à mettre l’organisation en phase avec les attentes des autorités publiques et d’un environnement socioéconomique dominé par le culte de la raison. De croyance, elle se transforme en mythe rationnel. Du mythe rationnel, naît la certitude de pouvoir réitérer, avec les mêmes schémas et la même expertise devenue obsolète, les succès passés (Starbuck, 1989).

L’ampleur des politiques de réformes managériales dans le secteur public illustre l’incorporation, à divers degrés, de ce mythe rationnel dans les pratiques. En effet, Deem, Hillyard et Reed (2007) montrent que les échecs des initiatives managériales menées dans les universités au Royaume-Uni n’ont pas empêché leur exportation dans d’autres pays ni l’élaboration de stratégies correctrices sur le mode du « plus de la même chose ». Ainsi, la croyance en la rationalité supérieure des entreprises offerte par le management, a eu des effets sur les pratiques. Cette approche a le mérite de montrer que la pensée ou le discours peuvent avoir des effets sur l’action (Austin, 1970, Learmonth, 2005).

Cependant, reconnaître que le NPM a des effets sur les pratiques, ne doit pas conduire à penser que les pratiques administratives sont désormais entièrement régentées par le NPM.

L’analyse du NPM est l’analyse d’une pensée qui impacte les pratiques, mais qui ne les résume pas. A l’instar de toute analyse cognitive, son risque est de donner l’illusion de pouvoir expliquer l’action par la pensée (Laroche et Nioche, 2006 : 98). Or les liens entre cognition et action sont complexes et interactifs. D’un côté, Argyris et Schön (2002) ont montré qu’il convient de séparer les théories affichées (espoused theories) et les théories effectivement utilisées (theory-in-use). De l’autre, Beauvois et Joule (1987 : 190) ont montré que les théories que se font les acteurs à propos de leurs actions sont bien souvent des rationalisations ex-post inventant une cohérence et un sens à des actions gouvernées par l’intuition, l’émotion, ou la peur (cf. en sciences de gestion : Bibard, 2005; Laroche et Nioche, 2006 : 99). Cette relation dynamique entre théorie et pratique rend donc impérieuse l’insertion des pratiques effectives dans l’analyse du managérialisme public.

Ainsi, la révolution intellectuelle qu’est le NPM (Hood, 1991) doit également être analysée à l’aune des pratiques. En effet, l’exclusion de l’analyse des pratiques effectives des acteurs, encourage une radicalisation des analyses portant sur le management public.

Le risque de radicalisation : les violences de l’abstraction

« Noircir l’autre pour se blanchir : la pensée même d’Hitler. Et la pensée des gens qui parlent d’Hitler. Blanchir l’humanité en en excluant Hitler. Comme si l’inhumanité n’était pas spécifiquement humaine ».

Eric-Emmanuel Schmitt

La tendance à confondre discours, pensée et action semble à l’œuvre dans l’analyse du management public. En effet, une part importante des travaux sur le NPM se limite à une réflexion sur l’acceptabilité de ses principes et postulats (Pollitt, 1995). Deux thèses s’opposent (Ughetto, 2004 : 10 ; Jacob et Varone, 2004 : 272) : l’une « économiciste », selon laquelle l’Etat devrait se comporter comme une entreprise, se limite à encenser, à des fins de légitimation ex-post du NPM, quelques bonnes pratiques. L’autre « politiciste »15 selon laquelle l’Etat est irréductible à un tel raisonnement économique, se limite à jeter l’opprobre sur l’ensemble des démarches réformatrices.

Cette exclusion de l’action dans l’analyse critique ou apologétique du NPM a pour effet de radicaliser le débat. Ce processus est bien mis en lumière par Ughetto (2004 : 11) qui montre comment les défenseurs des spécificités des services publics sélectionnent les arguments les plus extrêmes des thèses économicistes pour justifier leur rejet en bloc « sans ouvrir d’autres possibilités que des échanges d’affirmations plus que d’arguments » et vice-versa (Thoenig et Michaud, 2001: 18). En matière de gestion publique, selon un processus assez banal chaque école de pensée à tendance à se représenter l’autre école comme un épouvantail et fonde sa propre cohérence sur la base de la contestation de cette vision caricaturale. Cette montée en généralité et en radicalité a pour conséquence une tendance à prendre les discours et principes pour des réalités. Or, assimiler les principes à des facteurs causaux aboutit à un déterminisme relativement grossier et à un déni de la diversité des comportements, y compris dans un même contexte normatif. En d’autres termes, le NPM a pour objectif de conformer les pratiques à une théorie. Mais se contenter de critiquer ou de supporter cette théorie laisse penser que les pratiques sont, ou seront, effectivement conformes à celle-ci. Ce faisant, les analystes du NPM et le NPM lui-même, ont tendance à considérer que l’action se conforme à la théorie.

15 Selon Ughetto (2004 :11) cette thèse, sous la défense du service public, assimile deux sorte d’arguments : d’une part, une décision politique peut assumer de prendre en charge une production non rentable et d’autre part,

D’une certaine manière, les postures apologétiques et critiques se rejoignent dans leur confusion entre théorie et action : si elles s’opposent sur les finalités déclarées et les objectifs recherchés, elles considèrent que les dispositifs techniques développés dans le cadre du NPM ne sont que le reflet d’autre chose. A la manière du paradigme instrumental (Brabet, 1993), ou diffusionniste « l’objet d’origine est complet et ne peut que se dégrader ou se maintenir intact (Latour, 1992 : 104, cité in Oiry, 2003 : 217). Les dispositifs ne serviraient qu’à opérationnaliser une décision émanant de la direction, qu’ils seraient à la fois fidèles, stables et non sujets à des manipulations discrètes de la part de ceux qui sont censés les utiliser (Oiry, 2003 : 215). Or, de nombreux travaux ont invalidé cette conception (Berry, 1983 ; Callon, 1986 ; Akrich, Callon et Latour, 1988).

La manière d’analyser les relations entre pensée et action révèle donc la posture des analystes face à leur objet. Les deux postures qui occupent une place prépondérante en management public font de l’action une variable dépendante. Néanmoins, à la faveur de la maturation scientifique et pratique de la gestion publique et de son analyse une troisième posture propose une conceptualisation plus enracinée dans les pratiques managériales publiques. Nous présentons ci-après l’intérêt et les caractéristiques d’une analyse pragmatique du NPM. Cette approche, en prenant à la fois en compte les pratiques et la réflexivité des acteurs nous semble permette de penser la diversité des situations rencontrées.

1.2.2 - Vers une analyse pragmatique du NPM : prendre en compte les pratiques et la réflexivité des acteurs

Les analyses montrent que les applications des concepts et instruments du NPM prennent des formes plurielles (Jacob et Varone, 2004). Aussi est-il intéressant de voir combien les évaluations ex-post et empiriques du NPM ne font pas écho aux raisonnements abstraits (Ughetto, 2004 : 13). En effet, celles-ci dressent généralement « des bilans contrastés qui, in fine, invitent tant à renforcer certaines pratiques […] ayant fait leur preuve que, concomitamment, à en rejeter d’autres dont l’inefficacité est patente » (Jacob et Varone, 2004 : 271).

Partant de ce constat, Jeannot (2006 : 599) propose d’adopter une position pragmatique vis-à- vis du management public. Cette approche suppose que le changement a lieu dans les pratiques professionnelles des agents. Le changement se produit lorsque les nouvelles

conditions de travail brisent les vieilles routines et que les individus modifient leurs pratiques et parfois leurs valeurs. Dans cette perspective, analyser le NPM implique de ne pas se contenter décrire son contenu cognitif et symbolique mais d’observer ce que deviennent ses principes en pratique, sans exclure les réactions des acteurs face aux nouvelles valeurs organisationnelles.

Selon Segrestin (2004), une analyse pragmatique entend dépasser la dialectique entre les postures apologétique et critique. Elle se sert des discours apologétiques comme d’un instrument pour « désigner les « croyances » du moment sans lesquelles il n’y aurait jamais d’action » (Segrestin, 2004 : 17) mais ne s’en sert pas pour « éclairer la réalité des pratiques ».

D’autre part, elle s’appuie et prolonge la dynamique d’observation des dimensions souterraines du management initiée par les approches critiques mais ne propose aucun postulat politique sur les intentions supposées des réformateurs.

1.2.2.1 - L’approche pragmatique met en avant les capacités réflexives des acteurs

En effet, dans cette perspective pragmatique, tous les acteurs, qu’ils soient dirigeants ou dirigés sont observés comme des acteurs concrets (Segrestin, 2004 : 17), c'est-à-dire disposant de ressources matérielles et cognitives permettant de faire valoir leurs intérêts. En d’autres termes, les acteurs ne sont pas condamnés à se conformer aux nouvelles règles et outils mis en avant dans l’organisation. Leur réflexivité influence le degré de prégnance du NPM dans les organisations publiques.

Au plan cognitif, l’approche pragmatique considère que les acteurs disposent de capacités réflexives permettant de s’opposer ou d’adhérer aux nouvelles règles. Rojot (1998 : 7) définit la réflexivité comme la « conscience de soi, l’exercice de la capacité de situer l’action par rapport à soi. Mais elle n’est pas seulement et simplement cela. Elle est aussi et en même temps la capacité de surveiller, de contrôler, le flot continu de la vie sociale ou des contextes et de s’y situer ». De Vaujany (2005 : 11) définit la réflexivité comme « ce retour continu qu’effectue un individu sur ses actes et à partir de ses actes, processus qui est au cœur de sa gestion des interactions sociales ».

Accorder une capacité réflexive aux acteurs suppose qu’ils ont une capacité même faible d’interprétation des principes et outils développés (Thomas et Znaniecki, 1996). Cette