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2.2 - Historique des dispositifs de coopération intercommunale

Avant de présenter les caractéristiques et les enjeux de la loi Chevènement, nous recensons les différentes initiatives législatives visant à promouvoir l’intercommunalité. Depuis la loi du 22 mars 1890 et, surtout, depuis les ordonnances du 5 janvier 1959 autorisant les communes à créer des syndicats pour exercer ensembles une ou plusieurs compétences particulières, l’intercommunalité est présentée comme la réponse nécessaire aux difficultés de gestion publique des affaires locales qu’entraîne l’émiettement du territoire français en plus de 36000 communes. Aussi, une série de tentatives ont été lancées afin d’inciter les communes à se regrouper. Bien que systématiquement soldées par des échecs (Delannoy et al., 2004 :76), elles ont contribué à préparer progressivement la révolution intercommunale (Buisson, 2005 :7) qu’instaure la loi Chevènement du 12 Juillet 1999.

Cinq textes ont depuis 1890 tenté de favoriser la coopération intercommunale :

2.2.1 - La loi de 1890 :

La loi du 22 mars 1890 crée le syndicat de communes. Afin de gérer en commun les services publics locaux, les communes sont autorisées à créer des syndicats, qui sont des établissements publics soumis à la règle de spécialité et qui ne peuvent exercer qu’une seule compétence. La création des syndicats marque la naissance de l’intercommunalité de gestion.

L’objectif de cette loi est de permettre aux usagers d’avoir accès aux innovations consécutives à la révolution industrielle (Delannoy et al., 2004 : 81). La construction de réseaux d’assainissement, de distribution d’eau impliquent des investissements importants que les communes ne peuvent financer isolément.

2.2.2 - Les ordonnances de 1959 :

Après deux nouvelles tentatives de regroupement communal (loi de 1942 et ordonnance de 1945 sur les fusions de communes), les ordonnances de 1959 relancent la coopération intercommunale en instituant les syndicats intercommunaux à vocation multiple (SIVOM) et surtout les districts urbains.

- L’Ordonnance n°59-29 du 5 janvier autorise la création de syndicats intercommunaux à vocation unique (S.I.V.U.). Cette création peut désormais être décidée à la majorité des communes membres et non plus à l’unanimité. Elle autorise également la création de syndicats intercommunaux à vocation multiple (S.I.V.O.M.), soumis à la règle de l’unanimité.

La coopération intercommunale peut donc désormais couvrir un ensemble étendu de services et peut s’imposer contre le souhait de certaines communes.

- L’ordonnance n°59-30 du 5 janvier 1959 crée le district urbain. Ce dernier se distingue du syndicat de communes par deux caractéristiques essentielles et innovantes (Delannoy et al., 2004 : 81) : il est doté de compétences, obligatoires comme le logement et la gestion des centres de secours, et de compétences facultatives laissées au libre choix des maires. La seconde caractéristique du district est la possibilité d’opter pour un régime de fiscalité propre.

L’ambition de cette réforme est de structurer de grandes agglomérations et de faire face aux multiples problèmes de liaison entre ville-centre et communes périphériques (Buisson, 2005 :6). Le district est la première tentative de faire émerger une intercommunalité de projet plus fédérative et intégrée dotée d’une autonomie et d’une capacité à mettre en œuvre un projet global (multiplicité de services et financement direct par les contribuables). En pratique, les districts urbains ne connaissent qu’un succès très limité, surtout en milieu rural.

2.2.3 - Les lois de 1966 et de 1970

Face au manque de succès des districts dans les grandes agglomérations et en vue de lutter contre le déséquilibre Paris/province, l’Etat tente d’imposer une forme très intégrée de coopération intercommunale.

La loi du 31 décembre 1966 institue la communauté urbaine. Elle exerce de plein droit des compétences étendues dans nombre de domaines (aménagement de l’espace, développement économique, transport urbain, voirie, équipements urbains, gestion des services publics) et bénéficie d’un régime de fiscalité propre. Si cette nouvelle formule statutaire peut être mise en œuvre à l’initiative des communes, l’Etat l’impose à quatre agglomérations : Bordeaux, Lille, Lyon et Strasbourg.

Dans la même logique d’aménagement du territoire et pour éviter l’engorgement des grandes métropoles (Buisson, 2005 : 7) la loi du 10 juillet 1970 institue les syndicats d’agglomération nouvelle (SAN). Afin de favoriser la création de villes nouvelles et les transformer en villes complètes et équilibrées, leur gestion est confiée aux SAN. 9 SAN sont ainsi créés.

2.2.4 - La loi Marcellin de 1971

La loi Marcellin tient une place importante dans l’histoire de la coopération intercommunale car elle marque l’échec de la stratégie autoritaire et l’abandon de l’ambition explicite de fusionner les communes (Delannoy et al., 2004 : 82). A une époque où plusieurs autres pays européens tentent de réduire le nombre de leurs communes (le Danemark en 1967, l'Allemagne en 1968, l'Italie en 1970, la Grande-Bretagne en 1974, la Belgique en 1975...), la France tente de se mettre en phase avec ses voisins (Novarina et Martin, 1988). Ainsi, la loi du 16 juillet 1971 sur les fusions, fusions-associations et regroupements de communes, tend principalement à réduire le nombre des communes en incitant à leur regroupement volontaire ou autoritaire. La loi Marcellin, qui s'appuie sur la légitimité des collectivités territoriales elles-mêmes (les conseils généraux doivent organiser les plans de fusion) et sur la promesse de dotations d'équipement accrues, ne parvient à réduire le nombre de communes que de 37 700 à 36 400 entre 1971 et 1977, ce nombre recommençant même à augmenter à partir de 1978 sous l'effet de « défusions ».

Toutes les analyses font donc état d’un « échec cuisant » (Delannoy et al., 2004 :82, Guengant et Leprince, 2006). L’échec de la loi Marcellin met un frein pendant un temps à la politique visant à stimuler la coopération intercommunale. Malgré la variété des instruments mis à la disposition des communes pour les inciter à coopérer, la pratique reste faiblement diffusée et circonscrite aux formules les moins intégrées, si bien que l’on peut parler pour

cette série de textes échelonnés de 1890 à 1971 des prémices de la coopération intercommunale.

Il faut attendre les années 1990 pour que la coopération intercommunale soit relancée au travers de deux lois qui vont l’ancrer aussi bien dans les textes que dans les faits.

2.2.5 - La loi A.T.R. de 1992 :

La loi du 6 février 1992 relative à l’Administration Territoriale de la République (A.T.R.) amorce une relance de l’intercommunalité. Il s’agit de la première grande réforme de l’intercommunalité élaborée après les lois de décentralisation. Certains la considéraient même à l’époque comme le « deuxième acte » de cette grande réforme de notre administration locale (Guéranger, 2000 : 122). Afin de développer et renforcer la coopération intercommunale, la loi crée deux nouvelles structures intercommunales complémentaires, destinées à favoriser le développement économique local et l’aménagement de l’espace. Ce sont :

- La communauté de communes, destinée aux zones rurales, qui associe plusieurs communes en vue de l’élaboration d’un projet commun d’aménagement et de développement de l’espace.

- La communauté de villes, qui regroupe plusieurs communes d’une agglomération de plus de 20000 habitants en vue de son développement concerté, au sein d’un périmètre de solidarité.

La coopération intercommunale, conçue par ce texte, est fondée sur la notion de projet de développement organisée au sein d’un espace de solidarité (bassin de vie et d’emploi). Afin de marquer le caractère intégré de ces structures, la loi leur confère des compétences de nature obligatoire. Ces nouvelles structures tendent aussi à harmoniser les politiques fiscales et notamment le taux de taxe professionnelle.

La loi ATR a eu des conséquences non négligeables sur le paysage intercommunal local.

Outre la vague de création des districts qui a anticipé sur le contenu du texte, bon nombre de communautés de communes ont vu le jour suite à son vote définitif, marquant ainsi une évolution très significative de l'intercommunalité à fiscalité propre. Elle prépare grandement le terrain à la loi Chevènement de 1999.