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Analyse des processus de recherche des chercheurs dans leur étude de la conjecture d’Erdös-Straus

Deuxième approche de la conjecture Conjecture forte

5.3 Une analyse d’épistémologie contemporaine sur la conjec- ture d’Erdös-Straus

5.3.3 Analyse des processus de recherche des chercheurs dans leur étude de la conjecture d’Erdös-Straus

4

23k+ 21 = [ 1

6(23k+ 21), 1

6(k+ 1), 1

3(23k+ 21)(k+ 1)],[6,21]

4

23k+ 22 = [ 1

6(23k+ 22), 1

6(k+ 1), 1

6(23k+ 22)(k+ 1)],[6,22]

A noter que cette méthode fait encore intervenir une partie entière (dans l’expression de y).

Cependant l’étude des différentes décompositions fait apparaître qu’avec cette méthode, z est toujours un multiple de n (comme x). En étudiant cette propriété pour chaque b et en observant les valeurs de x et plus particulièrement le coefficient devant k, il remarque qu’il contient des diviseurs de m et/ou de 4m−1.

Exemple : pourn ≡1[12] etb∈T(6), le coefficient devant k dans x est6×23 = 138. Or la factorisation de 138 est 2×3×23.

Après quelques tests, il remarque qu’il peut passer de T(m) à l’ensemble des diviseurs de m2. Ce passage est établi grâce à la proposition suivante : Soit n ≡ b[4m−1] alors il existed diviseur dem2 défini parbd≡3m−1[4m−1]. Cette idée est à l’origine de l’écriture de l’identité (4.26) qui synthétise tous ses résultats et surtout, qui ne fait intervenir aucune partie entière :

L’identité finale a émergé petit à petit (en particulier dans le passage des « bons » restes b den modulo 4m−1 a de « bons » diviseurs d dem2, ce qui m’a permis de me débarrasser de la fonction partie entière, but qui focalisait mon attention).

(Mizony, communication personnelle, 18 février 2010)

L’intérêt de cette identité est double : d’une part la construction d’un programme de vé- rification de l’existence de solutions pour n < 1017 grâce à la production de progressions arithmétiques à partir de cette identité et d’autre part, la reformulation de la conjecture en une conjecture d’existence (cf. conjecture 2, chapitre 4, partie 4.3.2 p. 93). Il a ensuite généralisé cette identité à toute fraction ab.

5.3.3 Analyse des processus de recherche des chercheurs dans leur

a. Analyse des recherches de Thépault

L’analyse globale des processus de recherche de Thépault sur la conjecture d’Erdös-Straus montre que sa recherche s’effectue dans un cadre algébrique et théorique. Le caractère ex- périmental du problème (faire des essais sur différentes valeurs de n) est peu exploité. Nous avons identifié une première dimension organisatrice dans sa recherche, celle du jeu d’ex- tension/réduction. Il s’agit de son premier résultat, restreindre la nature de n, des entiers naturels aux nombres premiers. Sa recherche semble ensuite guidée par deux éléments : d’une part la volonté de simplifier le problème et d’autre part la volonté de se ramener à des élé- ments mathématiques qu’il connaît et qu’il maîtrise. Cela implique alors la recherche d’une simplification du problème avec un changement de cadre, le passage de l’arithmétique à l’al- gèbre. Nous faisons l’hypothèse que c’est cet objectif, le passage à l’algèbre pour simplifier le problème, qui l’entraîne dans une recherche plutôt théorique et exploitant peu le carac- tère expérimental du problème. En effet l’algèbre est porteuse du général et puissante pour exploiter cet aspect du problème. Ce choix de dimension organisatrice agit alors sur le choix d’une dimension opératoire particulière pour la forme de représentation des entiers. Thépault distingue les nombres premiers en les écrivant sous la forme 4k+ 1et4k+ 3,k entier naturel.

Cette notation est plus algébrique que celle des congruences qui fait davantage appel à des concepts d’arithmétique.

La démarche de recherche de Thépault pour trouver des conditions suffisantes d’existence de solutions pour la conjecture d’Erdös-Straus ne relève pas d’une démarche expérimentale au sens où nous l’avons définie. En effet, il n’a pas effectué de va-et-vient entre des expériences sur les objets mathématiques en jeu et des éléments théoriques. Cependant, sa démarche ne se déconnecte pas pour autant de l’aspect expérimental. Thépault a en effet eu recours, à un moment donné, à des expériences sur des exemples qui lui ont permis de trouver la bonne simplification à apporter au problème pour utiliser ensuite une méthode algébrique.

Il a ainsi utilisé des constats issus de l’expérience au profit de sa démarche de résolution algébrique. De plus, dans la poursuite de ses recherches, il a montré que l’équation a des solutions pour n < 10000 en confrontant ses résultats théoriques (le théorème de Thépault 1) à des expériences (l’étude de cas particuliers du théorème de Thépault 1 pour certaines valeurs de a et deb). La dimension organisatrice en jeu dans cette recherche est la réduction de la recherche à la recherche de familles de nombres pour lesquelles des solutions sont connues. L’idée est ainsi de réduire l’étude de la conjecture à l’étude de cas particuliers.

Cette dimension organisatrice est donc porteuse du caractère expérimental du problème.

Thépault a effectué cette limitation de la recherche en s’appuyant sur le théorème établi dans sa recherche théorique de condition suffisante d’existence de solutions.

A l’aide de la notion de « geste », nous avons analysé les processus de recherche de Thé- pault à une échelle plus locale en identifiant quatre gestes moteurs dans l’avancée de sa recherche. Nous les détaillons ci-dessous dans l’ordre chronologique d’apparition dans les documents fournis par Thépault24.

Premier geste : réduire le problème aux nombres premiers.

Comme nous l’avons précisé ci-dessus, la première étape de la recherche de Thépault sur la conjecture d’Erdös-Straus est la restriction de la recherche des nombres entiers naturels aux nombres premiers. Il s’agit du premier geste de sa recherche.

Il est clair que si pour un n donné, il existe une solution, il existe également une

24. Il s’agit de leur apparition dans les écrits ou récits transmis par Thépault et donc postérieurs à sa recherche. Nous ne disposons pas d’éléments pour savoir si cet ordre correspond à celui effectivement apparu lors de ses recherches.

solution pour tout multiple de n etque le problème se réduit à se pencher sur le cas où «n premier ». (Thépault, communications personnelles du 24 mars 2010, c’est lui qui souligne)

Notons que dans son raisonnement, il mentionne uniquement le caractère multiplicatif de la propriété pour effectuer la réduction aux nombres premiers. Il ne précise pas que cela relève également de l’existence, pour tout entier, d’au moins un diviseur premier. Cependant ces deux aspects de la propriété semblent être des connaissances présentes dans le milieu et mobilisables par le chercheur. C’est ce qui lui permet d’agir et de faire ce geste. Ce geste est important car il permet de réduire le champ de recherche de la conjecture. Par exemple, d’un point de vue algébrique, les nombres premiers étant congrus à 1 ou 3 modulo 4, une partition modulo 4 se réduit à l’étude de deux classes de nombres.

Deuxième geste : transformer l’équation initiale.

Le second geste de sa recherche est la transformation de l’équation initiale.

Savoir, si pour un n donné, je pouvais me servir d’une valeur auxiliaire de z me permettant de déterminer dans tous les cas, x ety entiers en fonction de n et de z. Je suis arrivé à l’équation25 [x+yxy = 4zznn], dans laquelle apparaissaient à la fois la somme S et le produit P de ces deux inconnues. (Thépault, communications personnelles du 24 mars 2010).

Ce geste semble provoqué par la volonté de formuler le problème dans un cadre qu’il connaît bien et dans lequel il sait mobiliser les objets mathématiques ainsi que leurs concepts et leurs propriétés. La transformation de l’équation initiale qu’il a effectuée va lui permettre, en passant dans un cadre algébrique, de simplifier le problème puis de trouver des résultats partiels sur la conjecture. En effet, le problème se ramène à la résolution d’une équation du second degré avec une méthode « classique » algébrique qu’il connaît bien, à savoir celle de la somme et du produit des racines d’une fonction polynôme du second degré. Il utilise ensuite cette méthode pour le traitement des nombres premiers de la forme4k+ 3. Pour les nombres premiers de la forme4k+1, il l’exploitera à nouveau mais elle demandera en amont un travail supplémentaire.

Troisième geste : construire des exemples et les questionner.

Le travail supplémentaire évoqué ci-dessus pour étudier le cas des nombres premiers de la forme 4k+ 1 est un travail sur les objets mathématiques en jeu et plus précisément, sur la construction et le questionnement d’exemples. Thépault a eu recours à ce geste afin de trouver une propriété spécifique de l’un des trois dénominateurs des fractions égyptiennes.

Le seul constat issu de l’expérience était, pour toute décomposition avec n de la forme 4k + 1, l’existence parmi les trois dénominateurs d’un multiple de n.

(Thépault, communications personnelles du 25 mai 2010)

L’observation de quelques exemples lui a ainsi permis de trouver une régularité sur la forme dex:xest un multiple den. Précisons qu’il ne nous a pas explicité la manière dont il a trouvé ou construit des exemples et ceux qu’il a choisi d’étudier. Ce geste est décisif dans sa recherche dans la mesure où il lui permet ensuite de simplifier le problème pour les nombres premiers de la forme4k+1et ainsi, de revenir à une formulation du problème où il peut utiliser à nouveau la méthode algébrique « classique ». Ce geste, pour Thépault, articule l’aspect expérimental du problème avec l’aspect algébrique. Il met à profit ces constats expérimentaux pour sa recherche plus théorique et générale utilisant des outils algébriques.

25. Cette équation est obtenue par les équivalences suivantes : n4 = 1x+1y +z1 ⇐⇒ n4 1z = x1 +1y ⇐⇒

4z1

zn = x+yxy .

Quatrième geste : effectuer des contrôles locaux.

Utiliser une méthode algébrique pour résoudre un problème d’arithmétique nécessite un geste particulier du chercheur :effectuer des contrôles locaux et en particulier, celui du retour à la nature des nombres en jeu. En effet, cette méthode repose sur de nombreuses manipula- tions algébriques et notamment sur des résolutions d’équation du second degré. Le fait que les nombres en jeu soient des entiers naturels réduit le champ des solutions potentielles et donc, simplifie les résolutions des équations du second degré.

Une condition nécessaire pour que cette équation ait deux racines entières est que le discriminant soit un carré parfait. (Communications personnelles du 4 avril 2010, c’est nous qui soulignons).

Sans un retour à la nature des nombres en jeu, les résolutions seraient davantage complexes et cette méthode, moins pertinente, serait peut être abandonnée, voire non suivie. De plus, revenir au caractère premier des nombres en jeu conduit Thépault à distinguer et étudier séparément les nombres premiers de la forme 4k + 1 et les nombres premiers de la forme 4k+ 3. L’étude de ce dernier cas est relativement simple et va apporter des éléments pour la résolution du premier cas qui est plus problématique. Enfin, c’est précisément le retour à la nature des nombres qui permet d’obtenir les conditions suffisantes d’existence de solutions, le résultat majeur de ses recherches.

Quant aux racines de l’équation [...] elles sont données par l’expression [...] qui nous donne y = n(a+bn)(4a1) et z = a(a+bn)b(4a1) ; c’est-à-dire les conditions publiées dans Pour la Science : b divise a2 et 4a−1 divise a+bn [car y et z doivent être des entiers]. (Communications personnelles du 4 avril 2010).

Ces exemples montrent l’efficacité de la méthode algébrique, articulée avec une procédure sé- mantique de contrôle de la nature des objets, pour obtenir un résultat partiel sur la conjecture d’Erdös-Straus.

Schéma de l’avancée de la recherche de Thépault.

La recherche de Thépault telle qu’il nous l’a écrite et explicitée semble assez linéaire. Nous n’avons pas d’éléments permettant de connaître plus précisément le cheminement suivi au cours de son étude de la conjecture d’Erdös-Straus. Afin d’illustrer sa démarche de recherche, nous avons construit un schéma mettant en évidence, d’une part les dimensions organisatrice et opératoire en jeu dans son raisonnement, et d’autre part les quatre gestes de la recherche effectués au cours de son étude (voir page suivante). Nous avons cherché à illustrer les « pas en avant » provoqués par les gestes dans l’étude de la résolution de la conjecture. Dans les bulles, nous avons mentionné les dimensions organisatrices, les ellipses représentent les gestes de la recherche et dans les rectangles, ce sont les avancées provoquées par les gestes, c’est-à-dire les nouvelles formulations du problème, de nouveaux éléments introduits dans le problème et/ou les résultats partiels sur la conjecture d’Erdös-Straus.

Conjecture d’Erdös-Straus

Pour tout entier naturel n > 1, on peut trouver des entiers naturels non nuls x, y et z > 1 tels que 4/n = 1/x + 1/y + 1/z.

Pour résoudre la conjecture d’Erdös-Straus, il suffit de démontrer que pour tout nombre premier n > 1, on peut trouver des entiers naturels non nuls x, y et z > 1 tels que

4/n = 1/x + 1/y + 1/z.

Pour résoudre la conjecture d’Erdös-Straus, il suffit de démontrer que pour tout nombre premier n > 1, x et y sont

les racines entières de l’équation du second degré en X : X² - SX + P = 0 où S est la somme x + y et P le produit xy.

Pour les nombres premiers de la forme 4k + 3 (k entier naturel) des solutions sont :

x = (4k + 3)(k + 1)((4k + 3)(k + 1) + 1) y = (4k + 3)(k + 1) + 1

z = k + 1 x est un multiple de n

Pour les nombres premiers de la forme 4k+1 (k entier naturel), s’il existe a, b deux entiers naturels tels que b divise a² et 4a - 1 divise bn + a, alors on a la décomposition 4/n = 1/x + 1/y + 1/z.

Réduire le problème aux nombres premiers

Mettre le problème en

équation

Introduire un paramètre

Effectuer des contrôles

locaux

Construire des exemples et les

questionner

Pour résoudre la conjecture d’Erdös-Straus, il suffit de démontrer que pour tout nombre premier n > 1 de la forme 4k + 1 (k entier naturel) et x=

kn, y et z sont les racines entières de l’équation du second degré en X : X² - SX + P = 0 où S est la somme z + y et P le produit zy.

Réduction de la recherche

Changer de cadre et simplifier

Pour les nombres premiers de la forme 4k + 1 (k entier naturel), une autre méthode est nécessaire.

Effectuer des contrôles

locaux

b. Analyse des recherches de Mizony

L’analyse globale du processus de recherche de Mizony sur la conjecture d’Erdös-Straus montre que sa recherche s’effectue dans un cadre arithmétique et algorithmique tout en ex- ploitant le caractère expérimental du problème. La première étape de sa recherche est le choix d’une dimension organisatrice particulière, celle du jeu d’extension/réduction pour res- treindre la nature den, des entiers naturels aux nombres premiers. A l’issue de cette première étape, il formule une nouvelle question sur la conjecture d’Erdös-Straus : comment trouver une décomposition générique pour tout nombre premier ? Sa recherche va alors s’effectuer dans un cadre arithmétique et algorithmique. En effet, Mizony construit un algorithme de type « glouton » pour décomposer n4 en somme de trois fractions égyptiennes. Le résultat de cet algorithme, à savoir l’équation d’Erdös-Straus a des solutions pour toutn non congru à 1 et 17 modulo 24, va diriger sa recherche dans une nouvelle dimension organisatrice : la réduc- tion de la recherche via la recherche de classes de nombres pour lesquelles une décomposition de 4n en somme de trois fractions égyptiennes existent. Un parallèle peut être fait avec les dimensions organisatrices définies par Battie (2003), dont l’idée est de ramener la résolution d’un problème à l’étude d’un nombre fini de cas (exhaustion et disjonction de cas). L’idée sous-jacente de limitation de la recherche est la même, en revanche l’étude de la conjecture d’Erdös-Straus ne comporte pas de caractère fini. Notons que cette dimension organisatrice est porteuse du caractère expérimental du problème. En effet, le moyen « naturel » pour Mizony d’effectuer cette limitation de la recherche est l’étude des décompositions de 4n pour certaines valeurs den. Afin de mieux comprendre les difficultés liées aux décompositions de n4 en somme de trois fractions égyptiennes pour certains nombres premiers, Mizony s’attache à résoudre un problème auxiliaire, celui de la décomposition de n4 en somme de deux fractions égyptiennes, en ayant recours également à des algorithmes. La résolution de ce problème auxiliaire va lui permettre d’affiner et d’améliorer les premiers algorithmes construits pour trouver des décompositions effectives pour l’équation d’Erdös-Straus. Sa recherche est alors guidée par une seconde sous-dimension organisatrice : le « plongement » du problème dans le corps Z/nZpour de nombreuses valeurs de n premier. Cette pensée organisatrice est dans la même lignée que la réduction de la recherche et est particulièrement fructueuse pour limiter la recherche de solutions, en éliminant de plus en plus de classifications pour lesquelles la conjecture a des solutions. Cette dimension organisatrice est donc également révélatrice du caractère expérimental du problème puisqu’elle incite à étudier la conjecture dans différents corps Z/nZ (n premier). La recherche de Mizony révèle ainsi une complémentarité entre le choix des dimensions organisatrices et le caractère expérimental du problème. Relevons également la complémentarité entre le choix des dimensions organisatrices et une dimension opératoire particulière, celle de la représentation des entiers à l’aide de la divisibilité et des congruences. Comme le précise Battie (2003), la limitation de la recherche par disjonction de cas et le « plongement » dans un corps Z/nZ (n premier) sont des pensées organisatrices fortement associées à cette forme d’écriture des entiers. Mizony semble avoir fait le choix de la notation avec des congruences, d’une part pour rester dans le domaine de l’arithmétique et d’autre part, pour faciliter le travail sur les algorithmes et en particulier leur implémentation informatique. En effet, les logiciels de programmation possèdent la fonction « modulo » donc l’écriture des entiers avec les congruences (par exemple n≡1[4]) ne nécessite pas un recours à une variable locale. Représenter un entier à l’aide de la divisibilité (par exemple n= 4k+ 1, k entier relatif) nécessite en revanche l’introduction de la variablek. L’implémentation d’al- gorithmes se situant dans un espace combinatoire, la notion de congruence porte davantage un caractère générique et facilite ainsi la construction d’une syntaxe.

Mizony a effectué une recherche avec une démarche expérimentale où l’expérimentation

repose essentiellement sur la manipulation et l’implémentation de nombreux algorithmes. Des interactions constantes entre les processus d’expérimentation, de formulation et de validation se sont réalisées grâce à la construction de ces algorithmes. Dans les phases d’expériences, ceux-ci constituent un outil puissant de construction et d’exploitation d’exemples de décom- positions pour certaines valeurs de n. Ils permettent d’une part un gain de temps pour les calculs à effectuer et d’autre part, une multiplication des exemples. Ce dernier aspect met par exemple en évidence l’importance du rôle joué par certains nombres premiers. Mizony a ainsi constamment réalisé des allers et retours entre ses manipulations et constructions d’algorithmes et l’élaboration de résultats théoriques sur la conjecture d’Erdös-Straus. Par ces va-et-vient, il a établi petit à petit les théorèmes Mizony 1 et Mizony 2, ainsi que les théo- rèmes Gardes-Mizony et Gueye-Mizony (cf. chapitre 4). En retour, la confrontation de ses résultats théoriques avec les processus de ses algorithmes lui a permis de les améliorer et de les rendre plus rapides. Il en découle le programme de vérification de l’existence de solutions à l’équation d’Erdös-Straus pour tout n < 1017. Ainsi, si l’aspect expérimental est prépon- dérant dans les recherches de Mizony, il n’est pas déconnecté de l’aspect théorique et de la recherche de preuve ; au contraire, ces deux aspects interagissent et sont complémentaires.

L’analyse à une échelle plus locale des processus de recherche de Mizony met en évidence ce processus dialectique grâce à l’identification de six gestes que nous détaillons ci-dessous.

Premier geste : réduire le problème aux nombres premiers.

La première étape de la recherche de Mizony sur la conjecture d’Erdös-Straus est la restriction de la nature de n des nombres entiers naturels aux nombres premiers. Il s’agit du premier geste de sa recherche.

Si n vérifie la conjecture alors kn également, car si n4 = x1 + 1y + 1z alors kn4 =

1

kx + ky1 +kz1 . Ainsi tout multiple d’un nombre premier vérifiant la conjecture la vérifie aussi.

Conséquence : comme 42 = 2 = 1 + 12 +12 alors 2n4 = n1 +2n1 +2n1 .

Autrement dit, tout nombre pair vérifie la conjecture. De même tout multiple de 3 vérifie la conjecture car 43 = 1 +14+121 , ou tout multiple de 5 ( 45 = 12+14+201 ) ou tout multiple de 7 (47 = 12+151 +2101 ) etc. Mais comment trouver une décomposition générique pour tout nombre premier ? (Mizony dans Aldon et al., 2010)

Dans ce raisonnement (rédigé pour un article), Mizony met en évidence le caractère multi- plicatif de la propriété pour effectuer la réduction aux nombres premiers. L’autre propriété nécessaire, à savoir tout entier admet au moins un diviseur premier, n’est pas mentionnée, elle semble évidente pour le chercheur. Il est clair que ces deux connaissances, permettant ce geste de réduction de la recherche, sont mobilisables par le chercheur et présentes dans le milieu. Notons également que la présentation de ce résultat articule les aspects algébriques et numériques. Nous n’avons pas d’éléments pour savoir si ce résultat a été trouvé algébri- quement ou à partir des exemples mentionnés mais il est clair, par sa rédaction, que ces deux aspects et leur articulation sont importants pour lui. Ce geste permet à Mizony de restreindre le champ de la recherche de la conjecture d’Erdös-Straus aux nombres premiers. Il constitue une avancée dans sa recherche dans la mesure où ces objets vont jouer un rôle particulier dans la suite de ses travaux. En particulier, l’étude de certains nombres premiers, les nombres pre- miers (non)-pythagoriciens, permettra de formuler la conjecture d’Erdös-Straus en d’autres termes et de donner ainsi une nouvelle piste de recherche.

Deuxième geste : désigner des objets.

Comme nous l’avons déjà souligné, la recherche de Mizony s’est appuyée sur de nombreuses manipulations d’objets mathématiques. Si dans l’énoncé de la conjecture d’Erdös-Straus, les