• Nenhum resultado encontrado

Approches institutionnalistes de l’accompagnement vers l’emploi

Analyser l’accompagnement vers l’emploi : méthodes et approches

1.3. Logique institutionnaliste

1.3.1. Approches institutionnalistes de l’accompagnement vers l’emploi

quantitatives et des recherches qualitatives. Afin que les approches développées ne débouchent pas sur une incompatibilité de leur logique, les différents acteurs de la recherche doivent s’accorder sur une question de recherche commune. En deçà de ces questions, différentes conceptions des sciences sociales sont en tension.

différents événements et sa situation de chômage » (ibid, p.117) et soulignent la différence de cette démarche vis à vis de la logique statistique à travers laquelle la

« relation causale est effectuée a posteriori par le chercheur à partir du matériel collecté en établissant des corrélations entre variables » (ibid). Cette analyse des itinéraires biographiques des chômeurs dans leur contexte institutionnel ouvre une piste tout à fait intéressante pour la compréhension de l’accompagnement vers l’emploi : quand on ouvre la boîte noire de l’accompagnement, l’interprétation de l’accès à l’emploi par les demandeurs d’emploi eux-mêmes a une place.

L’approche institutionnaliste est principalement représentée en France par deux théories économiques dites hétérodoxes : l’approche conventionnaliste (Dupuy et al., 1989 ; Batifoulier, 2001 ; Eymard-Duvernay, 2006a, 2006b) et l’approche régulationniste (Boyer, Saillard, 1995 ; Boyer, 2003 ; Hall, Solskice, 2002). Les régulationnistes ont porté leur attention sur les grandes formes des capitalismes, leur analyse se situant au niveau macro des rapports sociaux. L’approche conventionnaliste, quant à elle, s’est intéressée au niveau micro des interactions sociales en se concentrant sur la coordination entre les acteurs : « la coordination primordiale est celle des jugements, celle-ci nécessitant de recourir à une « image normative » du collectif modelée par l’idée de « monde commun ». » (Batifoulier, Bessis, Larquier, 2009). L’individu est abordé comme un acteur réflexif pris dans un environnement conventionnel sur lequel il s’appuie : « Les personnes sont placées dans un milieu conventionnel (formé en particulier de textes, de corpus juridiques, d’unités de comptes, d’instruments d’évaluation) qu’elles réaménagent pour parer aux défauts de coordination et de coopération. Pour introduire cette dynamique conventionnelle dans l’analyse, il faut doter les acteurs d’un comportement réflexif sur leur état, et d’une capacité de remodeler les formes de vie en commun, soit d’une capacité politique. » (Eymard Duvernay et al., 2006c, p.34).

Les travaux sur l’emploi des auteurs inscrits dans l’économie des conventions ont porté sur les pratiques de recrutement et sur le chômage et plus généralement sur l’évolution du marché du travail. Concernant l’histoire du chômage, Robert Salais a analysé les conventions du travail et des mondes de production (1986 ; 1989 ; 2008). Des travaux concernant les pratiques de recrutement des entreprises ont été

menés par François Eymard-Duvernay à travers l’analyse des conventions de qualité et des interactions sur le marché du travail (Bessy, Eymard-Duvernay, 1997 ; Eymard-Duvernay, Marchal, 1997). De même, dans cette approche, les chercheurs du Centre d’Études de l’Emploi ont porté leur attention sur les intermédiations sur le marché du travail. Pour ces derniers, le marché du travail est régi par un ensemble de règles que les acteurs ont évaluées comme de

« bonne » qualité (« conventions de qualité du travail ») et à partir desquelles ils se sont mis d’accord pour agir. (Baron, Bureau, Leymarie, Nivolle, 1995 ; Bureau, Marchal, 2005, Larquier (de), 2013).

Certains travaux relevant de ce type d’approche ont traité particulièrement de l’accompagnement. Par exemple, Marc Breviglieri et Joan Stavo-Debauge (2006) ont analysé l’accompagnement social à l’insertion en le définissant comme « une certaine pédagogie par laquelle il s’agit de soigner tout en préparant un public aux exigences de l’insertion sur un marché de l’emploi. » (2006, p.130). Ils mettent l’accent sur l’autonomie individuelle que la démarche nécessite et insistent sur les attentes des accompagnants vis à vis des acteurs en parcours en termes de capacités, vis à vis du contrat moral qui les relie entre eux. Ils identifient ce que présuppose l’accompagnement et sa convention en terme de figure de l’individu, comme une « une personne moralement responsable » pris dans un contrat. Mais sous cette convention, les auteurs montrent, en mobilisant la théorie des régimes d’engagement de Laurent Thévenot (2006), que l’accompagnement social relève du régime du proche et de la familiarité, dépassant ainsi la convention du contrat d’accompagnement et visant à appareiller les acteurs en parcours afin de les équiper face aux épreuves de l’insertion, c’est à dire aux épreuves du recrutement. Dans cette recherche, le contrat moral s’applique à l’interaction entre les deux agents de la relation d’accompagnement et, « sous cette convention », les arrangements entre acteurs régulent la relation d’accompagnement en la négociant.

Le problème posé consiste au final à interroger l’imbrication entre un contexte institutionnel et les relations entre individus. Cette problématique conduit à questionner le lien entre l’individu et le social tout en veillant à ne jamais les aborder isolément l’un de l’autre. Étudier l’accompagnement vers l’emploi

nécessite donc de prendre à la fois en compte les volets de sa construction collective et de son vécu individuel. La question revient à interroger la place du politique au sens large, et donc des institutions en tant que règles dans la relation entre l’individu et le social. Cette relation problématique est résolue par John Dewey en la situant dans une perspective transactionnelle qui met « l’accent sur l’émergence de « mondes communs » ou encore de « mondes de connaissances partagées ». » (Renault, 2006, p.132). John Dewey réfute la dualité entre individu et société : « le problème de la relation des individus avec la société – parfois formulé comme celui de l’individu avec la société – n’a aucun sens, pas plus que celui des relations entre les lettres d’un alphabet et l’alphabet. Un alphabet est des lettres et la société est les individus dans leurs connexions réciproques. » (Dewey, 2003, p.100)38. L’interaction entre social et individu implique alors nécessairement les approches institutionnalistes dans une démarche holindividualiste (Boyer, 2002 ; Théret, 2001 ; Chavance, 2007) ou relationnaliste (Corcuff, 2007 ; 2012) en considérant différents niveaux d’action et de règles et en donnant de l’importance au langage des acteurs (Descombes, 1996).

L’approche institutionnaliste est résumée ainsi par François Eymard-Duvernay :

« Pour le programme institutionnaliste que nous suivons, les finalités et connaissances des individus sont ancrées dans les institutions, par le langage en particulier, mais les individus ont une capacité réflexive, c’est-à-dire une aptitude à critiquer les institutions et à les réaménager, avec comme horizon, une possible reconnaissance de légitimité. » (Eymard-Duvernay, 2006d, p.14). La capacité réflexive de l’acteur pose la question du sens qu’il attache à son action. Pour l’étudier, l’institutionnalisme peut porter l’attention au langage (Cf. Chapitre 4).

Le fil conducteur d’une recherche institutionnaliste sur l’accompagnement associatif vers l’emploi pose donc les questions de la production d’espace institué d’accompagnement par des acteurs institutionnels et du mouvement des acteurs dans cet espace institué. Dans cette perspective, l’institutionnalisme conduit à

38 DEWEY J., 1927, 2003, Le public et ses problèmes, Publications de l’Université de Pau, Farrago/Editions Léo Scheer, cité par BAZZOLI L., DUTRAIVE V., 2010, « La démocratie comme fondement institutionnel d’un « capitalisme raisonnable » : lecture croisée de J.R.

Commons et J. Dewey », Papier présenté au XIIIe colloque Charles Gide « Les institutions dans la pensée économique, Paris, 27-29 mai, p.18, note n°27.

décrire l’accompagnement vers l’emploi à deux niveaux et l’enjeu du programme est d’en montrer les interpénétrations :

1. celui de l’espace institutionnel, c’est à dire du dispositif institutionnel dans lequel se déroulent les actions et les interactions.

2. celui des trajectoires individuelles, c’est à dire des parcours individuels des personnes.

Cette description mettant en jeu deux niveaux d’action rejoint l’idée du découpage classique en sciences sociales entre l’analyse micro et l’analyse macro. Ce découpage a encore aujourd’hui toute son actualité (Corcuff, 2012, p.185) et l’approche institutionnaliste ambitionne de les analyser en levant ce que Edgar Morin dénonçait comme l’« incapacité de concevoir la complexité de la réalité anthropo-sociale dans sa micro-dimension et dans sa macro-dimension » (Morin, 2005, p.6). Elle s’ancre en ce sens dans une épistémologie de la complexité au sens d’Eric Dacheux et de Daniel Goujon (Dacheux, Goujon, 2013).

La logique institutionnaliste s’appuie enfin sur une diversité de méthodes mêlant logique biographique et logique statistique en contextualisant systématiquement l’objet étudié. Cependant, la diversité des objets étudiés conduit à une difficulté dans l’analyse des résultats des études institutionnalistes dans la mesure où l’interprétation du sens de l’action des acteurs est intrinsèquement plurielle. En effet, l’équivocité du sens pose une limite importante à l’unité des approches institutionnalistes en économie. Ces approches sont difficilement généralisables dans la mesure où elles sont liées à leur objet d’une part et aux contextes dans lequel elles se déploient d’autre part. Les accusations de manque de scientificité des courants orthodoxes en économie vis à vis des approches institutionnalistes se fondent en général sur ce manque de représentativité scientifique et ces difficultés de montée en généralité, comme le souligne Bernard Chavance : « Une difficulté particulière dans l’évaluation et la comparaison des différentes théories d’économie institutionnelle est que, tout en ayant des ambitions situées au niveau d’une théorie générale des institutions, elles rencontrent inévitablement certaines limites liées au type de problème qu’elles cherchent principalement à étudier. » (Chavance, 2007, p.105).

!"#$%"&'()<'+'!"#$%"&'-%2"1.!&$"!.;'6%/'$5:.=&%/'%!'6%/'4%!>56%/'

Approches Logique

statistique Logique

biographique Logique

institutionnaliste Méthodes Individualisme

méthodologique Individualisme

méthodologique Holindividualisme ou relationnalisme méthodologique Techniques Econométrie

Evaluation aléatoire Modélisation

Entretien semi- directif

Entretien approfondi

Pluralité des techniques

Point de départ

Causalité entre phénomènes objectivables Base de données Construction de données

Sujet individuel Trajectoire Récit de vie

Relations entre

l’individu et le social en intégrant l’importance du langage en partant de l’interaction et la

coordination Apports

Lien objectif de causalité et évaluation des politiques publiques

« Toute chose égale par ailleurs »

Spécificités des parcours

individuels dans leur contexte

Relier différents niveaux de l’action Co-construction des règles et des actions

Limites Causalité qui ne fait pas sens, qui ne se discute pas Déficit

d’interprétation

Incommensurabilité des trajectoires et déficit de

représentativité La vérité d’une personne ne se discute pas

Équivocité du sens Pluralité de sens

La totalité du sens ne peut être captée

Un sens en perpétuelle discussion