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Un collectif inter - associatif d’insertion : Modèle d’insertion et lutte contre le sida

3.2. L’expérience du collectif inter-associatif

3.2.3. Les effets de cette configuration

3.2.3.1. Un nécessaire accord sur des valeurs communes

La configuration de l’organisation donne à voir un collectif inter-associatif pluriel aux activités multiples, qui se situe à la jonction entre le social, la protection de l’environnement, la santé, l’économique et la création d’emploi.

« Les associations du Collectif se reconnaissent dans une démarche d'économie solidaire, dont l'activité économique est construite autour des valeurs de solidarité, d’entraide, de partage de savoirs et d'expériences. La transversalité des actions permet d’agir dans un sens commun de lutte contre les discriminations et d'un développement individuel et collectif désirable pour tous, tenant compte des exigences et des réalités économiques et d'un désir de faire ensemble. »139

On constate ici les valeurs communes défendues par les acteurs du collectif inter- associatif. Cette structure n’a cessé de développer des activités économiques centrées sur une approche solidaire des rapports sociaux. Un travail sur l’écriture d’une charte a été conduit en 2010, à laquelle à l’avenir chaque association du groupement devrait adhérer. Les principes fondamentaux de cette charte sont le respect de la dignité humaine et le principe non-discrimination.

139 Document de travail interne, Collectif, dossier de présentation 2010.

Les activités mises en place sont porteuses d’une plus-value sociale et sont valorisantes et valorisées socialement. La solidarité s’exprime doublement à l’intérieur de cette organisation parce qu’elle s’exerce à travers des activités nourrissant un bien commun d’une part (Laville, 2010a), et parce que le principe de solidarité s’applique entre les associations partenaires d’autre part. En effet, le principe de mutualisation des moyens humains et matériels permet à chaque association de bénéficier de services comptables et juridiques, de la gestion des ressources humaines, de partager des postes de travail et de disposer de locaux communs.

3.2.3.2. L’effacement progressif de la spécificité sida

La « normalisation paradoxale du sida » formulée par Michel Setbon en 2000 a comme effet un processus de « sécularisation » de la maladie (Langlois, 2006), conduisant à effacer ses spécificités : « Ce n’est pas le problème qui change sous l’effet des réponses, mais sa perception et son acceptabilité sociale qui se trouvent modifiées par les réponses exceptionnelles, par les progrès, aussi limités soient-ils, des thérapeutiques sur la maladie sida, et plus largement par la réduction de l’incertitude qui caractérisait la phase de mobilisation » (Setbon, 2000, p.63).

Si le sida est initialement la raison d’agir ayant donné lieu à la création de la première association, cette lutte façonne les actions des autres structures, au-delà de l’association spécialisée sur le sida :

« Ça s’est même affirmé de plus en plus avec le temps je trouve, parce que je trouvais qu’au début c’était surtout (l’association X – l’association de lutte contre le sida) qui avait cet axe de travail là et ça se ressentait pas tant que ça dans le travail des autres associations et avec le temps ce n’est plus du tout vrai et toutes les associations, enfin la plupart des associations du collectif font de la lutte contre le sida d’une manière ou d’une d’autre » (Entretien, directeur, T2).

Cependant, la question de l’ouverture à tous types de public s’est posée très tôt.

En effet, la lutte contre le sida a été un premier moteur d’engagement mais cette spécificité a néanmoins dès le départ été abordée de manière secondaire dans le discours du collectif inter-associatif. Le projet associatif global s’axe sur

l’intégration sociale et professionnelle de toutes personnes qui aspirent à l’accès à l’emploi à travers une expérience alternative d’une part et de personnes qui rencontrent des difficultés de tous types et qui sont amenées à intégrer le collectif en tant que salarié ou bénévole d’autre part. Il ne s’agit pas, à la naissance du collectif de créer un milieu de travail cloisonné s’adressant prioritairement aux PvVIH. Les acteurs se positionnent sur une démarche d’ouverture et de mixité sociale, par le mélange des profils et des parcours. Les responsables partagent une vision du travail émancipatrice et abordent l’emploi comme une potentielle réalisation de soi, rendu possible par le partage d’un bien commun en interaction avec les autres. Cette fonction du travail est spécifique aux activités et aux organisations de l’ESS (Braconnier, Caire, 2013 ; Caire, 2012). Ceci rejoint dans une large mesure les travaux de Dominique Méda sur le travail : « Rendre le travail soutenable, c’est aussi intégrer le travail dans la vie. C’est à dire faire en sorte que les différentes sphères d’activité, notamment la sphère familiale et celle du travail, soient mieux articulées. Cela passe sans doute moins par un raccourcissement du temps de travail que par une meilleure articulation des différents temps sur l’ensemble de la vie. C’est bien sûr aussi développer les qualifications et promouvoir la qualité de l’emploi. » (Méda, 2010b, p.57)140.

Mettant en pratique une démarche de création d’emploi offensive au service de la réalisation de chacun, les responsables promeuvent l’intégration de la question de la séropositivité dans un espace de travail multiple, sans faire de cette particularité un axe de réflexion majeur tout en cherchant à trouver les adaptations nécessaires pour lever les obstacles à l’insertion professionnelle des PvVIH. Un contexte

140 Aussi, Dominique Méda, dans l’ouvrage classique, Travail, une valeur en voie de disparition, préconise de « Mettre une limite au développement de la rationalité instrumentale et de l’économie, construire les lieux où pourra se développer un véritable apprentissage de la vie publique, investir dans le choix des modalités concrètes et l’exercice d’une nouvelle citoyenneté, voilà ce que devraient permettre la réduction du temps individuel consacré au travail et l’augmentation du temps social consacré aux activités qui sont, de fait, des activités politiques, les seules qui peuvent vraiment structurer un tissu social, si l’on excepte la parenté et l’amitié. Le défi lancé à l’Etat aujourd’hui n’est donc pas de consacrer plusieurs centaines de milliards de francs à occuper les personnes, à les indemniser ou à leur proposer des stages dont une grande partie sont inefficaces, mais à parvenir à trouver les moyens de susciter des regroupements et des associations capables de prendre en charge certains intérêts et de donner aux individus l’envie de s’y consacrer, de susciter chez eux le désir d’autonomie et de liberté. » (Méda, 2010a, p.327). Cf : MÉDA D., 2010a, Le travail. Une valeur en voie de disparition ?, Nouvelle édition, Flammarion Champs Essais, Paris (1995). Dans cette perspective, le collectif inter-associatif allie réalisation personnelle et travail.

économique et social pluriel doit, pour eux, faciliter la mixité sociale et permettre à chaque profil et à chaque parcours de s’y insérer.

La vocation première du collectif inter-associatif est, au-delà du sida, d’expérimenter des nouvelles modalités d’accompagnement vers l’emploi et des manières de vivre le travail différemment, à travers la volonté commune d’approfondir la démocratie et le partage de valeurs de solidarités, plus que de publiciser et de rendre visible la problématique du VIH et de l’emploi comme une spécificité en soi (Cervera, 2013).

À la différence d’autres associations centrées sur la lutte contre le sida, on prend acte d’un souhait net d’ouverture de l’espace sida, ouverture qui permet que le VIH n’apparaisse plus que comme une question secondaire, évitant ainsi les processus de stigmatisation et de déviance tels qu’on les repère jusqu’ici. Pour ces raisons, le collectif se positionne sur la thématique de la lutte contre les discriminations et du développement d’emplois de qualité pour tous. Même s’il y a, selon nous, une filiation certaine entre cette émergence associative et le champ de la lutte contre le sida, c’est sur un autre terrain que ces acteurs développent cette expérimentation sociale, celui de l’accompagnement à l’emploi et de la création d’activités économiques rattachées au projet social de l’économie solidaire.

3.3. Les pratiques d’accompagnement vers l’emploi141