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L’expérience pionnière de l’association Mille Horizons

Un collectif inter - associatif d’insertion : Modèle d’insertion et lutte contre le sida

3.1. L’émergence de la thématique VIH et Emploi

3.1.2. L’expérience pionnière de l’association Mille Horizons

Le support d’insertion du chantier mis en place fut le soutien aux manifestations culturelles : ainsi, le graphisme, la communication, la sonorisation, la technique logistique plateau, la technique son et lumière, la vidéo, le montage, furent les cœurs de métiers privilégiés par l’accompagnement dans et vers l’emploi mis en place au sein du centre de ressource et au sein du chantier. « La spécificité des

"Mille craies hâtives" vient de l'intégration de la dimension culturelle associée à la dimension économique dans une structure d'insertion. » (Cordonnier, 2003, p.8). Le chantier est organisé en cellules d’activité. Les rôles entre encadrants techniques et salariés « en parcours » sont répartis selon la forme classique de l’ACI.

L’association compte sept salariés permanents. Le chantier d’insertion, créé en 2000, porté par l’association Mille Horizons possède un conventionnement pour 15 personnes. Son public est composé pour moitié de bénéficiaires des minimas sociaux (RMI principalement) et pour moitié d’ayant droit à la RQTH, appréciée au regard des implications et des effets de l’infection au VIH et/ou au VHC. Les personnes dites en insertion sont embauchées en Contrat Emploi Solidarités (CES) de 6 mois renouvelables trois fois. Certaines personnes sont bénéficiaires de l’AAH122. La segmentation administrative des publics générée par les différents types de dispositifs publics comme critère d’éligibilité d’accès au chantier crée une inégalité de fait, vis à vis des différentes possibilités de financement de la formation qualifiante entre le régime général du SPE et le régime du handicap. Cette inégalité est vécue par les responsables de l’association comme détériorant la qualité des relations de travail dans le chantier d’insertion123.

L’accompagnement développé dans le chantier se base sur la démarche volontaire de la personne accompagnée et il est ouvert à une diversité de « publics » en situation de fragilité.

122 Un cumul des rémunérations issues de l’AAH était possible avec celle du Contrat Emploi Solidarité (1998) durant la première année d’embauche.

123 Comme le commente la co-fondatrice de Mille Horizons : « Ce qu'on avait à Mille Horizons, c'était un public précaire. C'était de la dynamite. Je veux dire par exemple, les gens qui avaient les minima sociaux ne comprenaient pas que les gens qui avaient la RQTH bénéficient de formations autrement plus intéressantes. Il n'y avait pas de financement. Alors ça créait une violence dans les contacts. On a eu des fois des situations très lourdes à gérer quand même. » (Entretien, présidente, T2).

«C’est une ouverture à tout public. Ce n'est pas une association communautaire. Dès le départ avec Mille Horizons, c'était sur une démarche volontaire de la personne. On n'acceptait pas de rendez-vous pris par l'assistante sociale. C'est à la personne que revenait de faire sa propre démarche. Et là, dès le départ, c'était comment on met en place un accord tacite entre la personne et nous sur qu'est-ce qui va être de notre responsabilité, qu'est-ce qui va être de la responsabilité de la personne. Essayer de travailler là-dessus. Ça veut dire que si la personne nécessite à un moment donné d'un accompagnement plus soutenu, ne serait-ce que pour ses démarches ou quoi, on est en capacité de le donner mais ce n'est pas quelque chose qui s'installe. C'est à chaque fois évaluer pourquoi, c'est à chaque fois donner du sens à ce qu'on fait comme intervention. Ce qui est un peu compliqué parce que, du coup, ça demande une autre forme de travail. » (Entretien, présidente, T2).

Les pratiques d’accompagnement étaient construites sur la base d’un contrat moral entre l’accompagnant et l’accompagné, impliquant un engagement de chacun.

3.1.2.2. Emploi, handicap et médecine du travail

L’association Mille Horizons a développé des partenariats avec le milieu du handicap124. Il s’agissait alors de persuader les acteurs des politiques publiques de la qualité du projet afin de pouvoir ouvrir des possibilités de financements publics. Les acteurs associatifs faisaient preuve, dans ce cadre, d’une insistance renouvelée, comme le décrit la co-fondatrice de Mille Horizons :

« Et après, c'est malheureux à dire mais on le ferrait, on ne le lâchait pas. On ne lâchait pas jusqu'à ce qu'à un moment donné... Mais ceci dit, on les a bousculés mais ils ont accepté d'être bousculés parce qu'il y avait quand même de la matière derrière. Je pense que la période faisait aussi que c'était plus facile entre guillemets. Parce qu'on sortait d'une période noire vers une période qui permettait quand même d'autres choses et qu'il y avait un espace qu'on a pris. » (Entretien, présidente, T2).

Gérard Fabre et Robert Tchobanian mirent en avant que le levier du handicap n’était pas la solution la plus adaptée à la situation des PvVIH s’inscrivant dans une démarche de retour à l’emploi. Ils formulaient que l’on ne peut « considérer

124 Avec l’AGEFIPH et la COTOREP (ex. MDPH).

comme une panacée » la RQTH (Fabre, Tchobanian, 2001, p.63). Il apparaît néanmoins à travers l’initiative de Mille Horizons que le levier du handicap peut être privilégié pour activer le retour à l’emploi des personnes séropositives125. En effet, le chantier d’insertion s’appuyait en grande partie sur des financements de l’AGEFIPH. Les aides à l’emploi des personnes handicapées constituent une part importante de financement des postes, contribuant à construire les parcours d’accès à l’emploi.

A ce titre, l’implication de la médecine du travail dans la construction des parcours des personnes embauchées au chantier d’insertion porté par l’association Mille Horizons était indispensable126 :

« Je suis médecin du travail à Rennes depuis pas mal d’années. J’assure le suivi médical des salariés sur le secteur centre-ville. Dans ce cadre, j’ai été amené à assurer le suivi médical au sein de l’association Mille Horizons pendant quatre années. J’ai eu l’occasion de rencontrer pas mal de personnes concernées par cette difficulté VIH- Emploi [...]. L’association Mille Horizons qui avait été mise en place à Rennes s’inscrivait dans cette logique. Elle a sûrement constitué pour plusieurs personnes une étape très positive dans leur parcours vers un retour dans le monde du travail. » (Médecin du travail - séminaire public « VIH & Emploi », organisé par Sidaction, ENSP, Rennes, 5 octobre 2005).

Aussi, les minima sociaux comme l’AAH posent déjà question à la fin des années 1990. En effet, avec l’amélioration de l’état de santé des PvVIH, certaines d’entre elles risquent de ne plus bénéficier de ce revenu de substitution. Cette situation complexifie la démarche de retour à l’emploi car les personnes risquent effectivement de ne plus pouvoir bénéficier de ce revenu, en cas d’une reprise d’emploi127. Ainsi, la crainte de perdre l’allocation agit comme un couperet pour

125 La RQTH peut avoir un véritable effet de reconnaissance : le cas d’une PvVIH ayant un projet de reconversion professionnelle est particulièrement significatif. Cette personne, après plusieurs mois à effectuer des démarches administratives en étant accompagnée par une association de lutte contre le sida parisienne, obtient la RQTH et le vit comme une véritable possibilité d’étayer son parcours d’accès à l’emploi. Le sens vécu de ce droit signale, une fois qu’il est obtenu, un effet symbolique de reconnaissance par la collectivité publique, pour des personnes en situation d’isolement et qui n’avaient jusqu’ici acquis aucun droit.

126 Voir l’ouvrage dirigé par des médecins du travail en 2006 concernant le maintien et l’accès à l’emploi des PvVIH, montrant que la médecine du travail porte attention à la question : DOMONT A., MEZZADRI A., SERENI D. (dir.), 2006, Infection par le VIH & Travail, M.C.O.R. Editions, Apremont.

127 Cependant, les dispositifs des contrats aidés permettent de cumuler l’AAH avec un revenu d’activité. Ce cumul est néanmoins dégressif dans le temps.

les personnes et freine leur motivation à préparer un potentiel retour à l’emploi.

Enfin, le tribunal de grande instance de Rennes prononça la liquidation judiciaire de l’association Mille Horizons le 29 mars 2004128 suite aux difficultés de trésorerie de l’association et du retrait d’un de ses financeurs principaux, l’AGEFIPH.

Après la fermeture de cette association qui présentait une expérimentation pilote sur l’accès des PvVIH à l’emploi, l’association Sidaction, principal bailleur de fonds privés de la lutte contre le sida, créa au sein de ses programmes associatifs une « mission emploi »129, dont la vocation fut de construire un programme national pour l’emploi des PvVIH, par le soutien financier et méthodologique aux expériences existantes et par l’impulsion de nouvelles initiatives locales. Les porteurs de projet de l’association Mille Horizons furent les animateurs de cette mission nationale entre 2004 et 2008.

Le tournant des années 2000 est donc pour la lutte contre le sida une période cruciale dans la mesure où elle doit agir sur des terrains de la politique publique qu’elle ne sollicitait pas autant jusqu’ici. Ce n’est plus la sphère de la santé au premier chef qui est interpellée par les associations de lutte contre le sida mais celle de l’inclusion et de l’intégration professionnelle.

128 Particule, 2004, « Mille Horizons n’est déjà plus », n°18, juin, Rennes.

129 La mission emploi des programmes associatifs de Sidaction, créée en 2004, appuie financièrement et méthodologiquement les associations de lutte contre le sida qui développent un projet d’accompagnement vers l’emploi de leurs bénéficiaires. Elle organisa jusqu’à 2007 des journées participatives avec des PvVIH en démarche de retour à l’emploi afin d’évaluer les besoins en la matière en terme de politique d’emploi. Elle organise encore aujourd’hui des journées de mutualisation entre professionnels qui ont pour but l’échange de pratiques et la co- formation. Elle a constitué un réseau informel d’associations de lutte contre le sida travaillant sur cette thématique. Enfin, ses orientations sont appuyées d’un comité d’experts (devenue un collège consultatif de personnalités qualifiées) réunissant des personnes ressources en matière d’emploi et de santé, notamment issues du secteur de l’Insertion par l’Activité Économique.