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D e la prise en charge globale à l’accompagnement vers l’emploi

2.2. Une dynamique d’accompagnement pluriel

2.2.4. Espaces de coordination

L’accompagnement pluriel repose sur des espaces de discussion. La coordination de l’accompagnement n’est possible que parce qu’il existe une forte cohésion dans cette équipe pluridisciplinaire. Les liens entre les professionnels garantissent la proximité de la prise en charge globale. Ces liens entre les différents professionnels ne vont pas de soi. L’accompagnement pluriel peut buter sur des clivages et des conflits qui émergent entre les professionnels par rapport à différentes visions du politique. Le pôle d’origine basé sur le soutien psychologique et le lien avec le soin tend à s’opposer dans une certaine mesure au

pôle social et emploi, car deux philosophies de l’accompagnement et deux visions des missions de l’association entrent en contradiction.

Cette opposition prend corps dans la tension existant entre l’extérieur et l’intérieur de l’association et dans la dimension politique que revêt pour certains acteurs l’action associative dans son ensemble. Le pôle psychologique se centre davantage sur la dimension protectrice à développer pour mettre en sécurité les personnes accueillies quand le pôle social-emploi se positionne plutôt sur une ouverture partenariale dans l’optique générale d’agir sur le monde. L’apparente cohésion entre les membres de l’équipe n’est pas dépourvue de débats contradictoires, de conflits et de crises, comme le montrent les oppositions qui sont apparues entre les différents professionnels entre 2010 et 201162.

Néanmoins, la solidité des liens entre professionnels permettant la coordination de l’accompagnement est rendue possible par l’effectivité opérationnelle d’espaces d’échanges entre professionnels, d’espaces de discussions et d’interactions. Ces espaces conduisent à créer des « services de proximité » dont la dimension relationnelle de l’aide apportée aux bénéficiaires en est la spécificité (Laville, 1992 ; Gadrey, 2003)63.

Tout d’abord, le dossier personnalisé est le rapport actualisé de la situation de la personne accompagnée. Il comprend les notes de transmissions d’équipe, les objectifs de la personne, ses priorités du moment ainsi que les propositions de l’équipe et leurs évaluations d’étape. La PvVIH accompagnée a un droit de regard sur ce dossier. Ce dossier assure la traçabilité de la prise en charge de la personne.

62 Ces conflits ont opposé le chargé de mission emploi formation et la médiatrice de santé d’un côté et la psychologue et les masseurs d’un autre, ne s’accordant pas, par exemple, sur les questions de l’ouverture à d’autres publics et sur la dimension politique de l’association. Cette tension est illustrée par la médiatrice de santé : « Après sur la question politique, je crois qu’on n’a pas tous conscience du but de tout ça à plus long terme et quel chemin ça engage ça, On est tous conscients de l’essentiel, d’où il faut partir, mais je pense qu’il y en a pour qui c’est vraiment très ciblé sur les gens, ici, et d’autres qui sont sur une vision plus large de ça dans la société au niveau politique. Et ça, des fois, c’est pas forcément en accord, on a pu le voir à la réunion de régulation. » (Entretien, médiatrice de santé, T1).

63 Marthe Nyssens et Jean-Louis Laville définissent les services de proximité comme « des services répondant à des demandes individuelles et collectives à partir d’une proximité qui peut être objective, c’est à dire liée à un ancrage dans un espace local, mais aussi subjective, c’est à dire renvoyant à la dimension relationnelle de la prestation. » (Nyssens, Laville, 2006, p.562). Cf.

NYSSENS M., LAVILLE J.-L., 2006, « Services de proximité », in LAVILLE J.-L., CATTANI A.

D., Dictionnaire de l’autre économie, Folio Actuel, Paris, pp.561-571.

Cet outil se rapproche des outils développés dans le suivi opéré par les établissements du secteur social ou médico-social (Barbe, 2006).

Aussi, l’équipe se réunit une fois par semaine pour une réunion qui a pour but de partager les propositions par rapport aux suivis enclenchés, de mettre en commun les réflexions, de faire un point sur les suivis de la semaine et sur les différents accompagnements. Les situations urgentes y sont généralement abordées. Lors de ces réunions d’échange animées par le directeur de l’association, la personne accompagnée est au centre de la discussion. Elle est approchée comme sujet et non comme bénéficiaire d’un service et dans une large mesure son cas va être évoqué dans sa totalité. Cet espace peut aussi être l’occasion d’accueillir les partenaires de l’association afin de faire un point sur les avancées du travail en commun. Lors de ces réunions, la parole est équitablement distribuée entre les différents professionnels présents, quel que soit le degré d’intervention de leur accompagnement. Ainsi, la parole des masseurs a été progressivement intégrée et partagée lors de ces réunions64.

Les professionnels soulignent la qualité des échanges et le fait que chaque pratique s’enrichisse mutuellement. La séparation entre la dimension corporelle et la dimension idéelle des pratiques est dans les faits dépassée dans le débat, à travers lequel l’écoute de chacun est omniprésente. Encadrés par un ordre du jour fixé préalablement, les débats peuvent s’étendre et prendre une forme plus politique. Ils abordent chaque pratique sans que les différents niveaux de l’accompagnement soient hiérarchisés.

64 Cette intégration est illustrée par les propos d’un masseur prestataire : « Je trouve que c'est bien, également par rapport à la réunion la semaine dernière, je me dis que ça fait 7 ans que je bosse ici et que c'est la première réunion où... Je trouve que ce n’est jamais statique, que ça bouge tout le temps, on est toujours en mouvement intérieur. Et du coup, que ce soit dans le personnel, le personnel / professionnel ou dans l'équipe, ça bouge tout le temps et toi, tu ne peux jamais te poser genre « c'est la vérité, c'est comme ça » parce que les autres amènent toujours des choses.

Donc, ça te bouge encore et du coup, ça tourne tout le temps. Des fois, j'ai un peu l'impression que c'est un peu trop mental pour moi, parce que je suis masseur, mais ça a son rôle là-dedans. Peut- être que ça va permettre aux gens corporels de poser un peu les choses. De toute manière, dans les réunions, quelquefois, tu vois bien qu'il y a deux types de personnages. Tu as le mental et administratif et tu as les corporels. Et les corporels, quelquefois, on a un peu du mal parce que ça tourne trop vite. Les associations d'idées, les idées, il y a plein d'idées, ça fuse. » (Entretien, Masseur-2, T1).

Des temps de transmission quotidienne sont prévus. Selon les disponibilités de chaque accompagnant, ces moments prennent des formes variables. Un temps formel est prévu en fin de journée pour réunir les professionnels, mais ceux-ci peuvent s’inscrire en réalité dans d’autres moments, comme avant le déjeuner, par exemple. Dans la réalité des pratiques, ces temps sont difficiles à mettre en place.

D’une manière ou d’une autre, chaque membre de l’équipe est informé de l’évolution des situations des personnes accompagnées et des points importants soulevés pendant les suivis. Grâce aux réunions d’équipe, les informations concernant les personnes accompagnées peuvent circuler et chaque membre de l’équipe est mis au courant de l’évolution des situations problématiques. Des points entre deux professionnels sont aussi abordés, de manière plus informelle, quand une proposition d’accompagnement nécessite d’être co-construite et qu’elle vise une pratique précise.

Enfin, une fois tous les deux mois, une réunion d’analyse de pratiques et de régulation a lieu entre l’ensemble des professionnels. Ces moments collectifs de régulations sont animés par une psychologue prestataire extérieure à l’association.

Ces réunions sont l’occasion d’aborder les difficultés de chaque praticien dans les accompagnements qu’il mène individuellement.

2.2.5. Le cas des réunions d’équipe : exemple de discussion entre