• Nenhum resultado encontrado

D e la prise en charge globale à l’accompagnement vers l’emploi

2.1. L’organisation de l’association

2.1.3. Intermédiation de santé

« Ici, on va rencontrer des personnes qui vont avoir des besoins par rapport à leur corps, par rapport à leur image corporelle, leur lipodystrophie, leur traitement. Les personnes par exemple qui ont des neuropathies, tout ça. Donc, ça, c'est purement physique. Et après, il y a tout le travail psychologique par rapport à un contexte discriminant, un contexte difficile à vivre par rapport à leurs traitements qui sont lourds, leur précarité, leur isolement. » (Entretien, sophrologue, T1).

Ces activités corporelles sont reliées entre elles. Les personnes suivies sur ces différents volets de la prise en charge sont généralement les mêmes. Le lien entre les masseurs, la sophrologue et la psychologue sont de ce fait étroits.

Les entretiens avec la médiatrice de santé permettent d’aborder les effets du VIH qui ne sont pas abordés avec le médecin traitant, mais aussi de mieux préparer les patients à leur consultation médicale. Ceci conduit à ce que « le médecin traitant (ne soit) plus la référence centrale, mais une instance médicale parmi d’autres. » (Barbot, 2002, p.130). Les questions liées à la fatigue du corps, à la douleur, sont majoritairement abordées dans ces espaces de parole. Cet extrait d’entretien mené auprès de la médiatrice de santé caractérise de manière particulièrement éclairante l’accompagnement produit par l’association :

« Alors, moi je dirais, le fait de pouvoir discuter longtemps, une heure, une heure et demi, avec les gens sur comment ils se sentent, ça permet de mettre à jour des trucs, que des fois, ils n’ont jamais dites au médecin. Et cela permet pour le coup, soit pour eux, de prendre cela comme important et de pouvoir aller le poser en consultation et réveiller les médecins là-dessus ou alors que moi j’appelle directement les médecins en disant, un tel, est ce que vous avez remarqué cela, et que c’est des trucs, des fois, ils sont tellement dans les T4, la charge virale, qu’ils ne se rendent pas compte de ce qu’il y a à côté, des fois ils sont bloqués sur une question d’observance et ils ne réalisent pas, ce qu’il peut y avoir de lier au mode de vie. L’idée, c’est aussi qu’il [la personne accompagnée] comprenne mieux ce qui se passe, en lui quoi, qu’il puisse moins tout mélanger, et du coup, de mieux comprendre, ce qui va relever de la compétence du médecin, ou ce qui ne va pas relever de la compétence du médecin, donc ce qu’il va être important d’aborder en consultation, et de ne pas le mélanger à plein d’autres trucs, parce que c’est là que le médecin, il n’écoute plus forcément car ce sont des trucs pour lesquels il est impuissant quoi. Et donc, oui, de préparer ces consult’, de savoir ce qu’il faut adresser à l’ophtalmo, qu’est-ce qu’il faut adresser au gynéco, qu’est-ce qu’il faut adresser au généraliste, on ne peut pas tout balancer au même, il ne peut pas tout prendre en compte, et lui apprendre [à la personne accompagnée] à l’organiser lui- même, sa prise en charge globale, à comprendre un peu qui est là pour quoi, et dans ses problèmes, savoir quels sont les gens qui peuvent l’aider, selon les problèmes. Et puis, il y a des choses des fois, par exemple, la question de la fatigue, il y a plein d’aspects différents, le mode de vie au quotidien, l’alimentation, les traitements, la pathologie en elle-même, essayer de voir un petit peu la part que peut avoir chaque truc, et voir où est ce qu’il va pouvoir y avoir un levier. Des fois, les gens, ils ont un traitement, qui marche bien, au niveau biologique, et y’a des effets, mais par exemple, ils se sentent super fatigués, mais ils n’attribuent pas ça du tout au traitement et ils pensent que c’est plus la dépression, et des fois, rien que le fait de demander au médecin s’il y a une possibilité de changer de traitement et que le médecin ne s’est pas du tout posé la question, puisque ça marchait bien au niveau biologique, c’est pas dit qu’un autre traitement pourrait marcher aussi bien et avoir un autre effet, si la personne ne fait pas la démarche de demander à changer. » (Entretien, médiatrice de santé, T1).

Sont ainsi abordées les problématiques des traitements et des examens médicaux, de l’alimentation, et plus généralement du stress. L’opération consiste en une remobilisation de la personne dans le soin par l’apport de connaissances spécifiques sur les traitements. L’objectif est la réappropriation par la personne elle-même de son projet de soin, en étant accompagnée à identifier les causes de son état de santé global, que ces causes soient véritablement liées au soin ou à une dimension d’ordre psychologique60.

Par ailleurs, l’action de la médiatrice de santé, lors des entretiens individuels avec les personnes accueillies (65 entretiens en 2009), porte souvent sur les questions liées à la douleur, donnant alors une couleur spécifique à la « relation d’aide » (Weller, 2002) :

« La maladie prend toute la place, surtout par rapport à la question de la douleur. La douleur ressentie, forte, qui du coup, prend toute la place, vu qu’elle est là tout le temps, donc on ne pense qu’à ça, qu’à l’éviter, qu’à essayer de trouver des moyens pour l’atténuer, donc concrètement qu’à des situations qui risquent de l’engendrer, donc, on évite toutes les situations… Par rapport au regard des autres aussi, souvent, la douleur, elle est peu entendue, beaucoup de gens qui disent :

« il se plaint pour rien », donc éviter aussi les situations sociales, quand on sait qu’on va avoir mal et que du coup on va pas pouvoir tout faire, et du coup les gens vont croire qu’on se plaint pour rien et donc petit à petit, ça amène les gens à éviter toutes activités et toute relation sociale. Et ça, c’est surtout vrai avec la fatigue et la douleur. Des choses qui ne sont pas forcément visibles, du coup, et pas forcément compréhensibles par les gens autour, mais qui réellement diminuent les capacités au quotidien. » (ibid).

La douleur est un facteur d’isolement. La relation d’aide a alors pour objectif l’éclaircissement des ressentis de la personne par la réactivation d’une activité physique et par des conseils en matière de nutrition. Ces aspects de l’accompagnement, dans le cas des PvVIH, peuvent concourir à une réinsertion sociale plus large. Ces volets de la prise en charge de PvVIH semblent un préalable nécessaire à une démarche de retour à l’emploi. La conciliation entre

60 Dans la même optique, des « activités physiques adaptées » sont mises en place avec l’association. Des activités de natation ou de gymnastique sont par exemple exercées dans ce cadre par des usagers de l’association. Elles visent bien entendu à développer et à entretenir les capacités physiques des personnes, mais aussi à favoriser l’estime et la confiance en soi, ainsi qu’à rompre l’isolement à travers une pratique collective.

activité professionnelle et problématique de santé est abordée dès l’amorce de la prise en charge :

« Il y en a qui ont un emploi aussi. Je leur demande des fois mais surtout quand il y a des questions d’emploi du temps. Souvent, j’aborde le mode de vie au quotidien avec le temps qu’ils ont, pour accorder du temps aux activités physiques, à se relaxer, à prendre soin d’eux, et c’est vrai que ce n’est pas la même chose quand ils bossent ou quand ils ne bossent pas. Mais oui, du coup, il y a pas mal de gens que je suis qui bossent, mais du coup, c’est une contrainte supplémentaire ! C’est vrai ! Autant y’a des gens pour lesquels cela serait vraiment intéressant pour ceux qui travaillent quand ils ne travaillent pas du tout, autant il y en a qui travaillent trop et pour qui il y a plein de chose au niveau bien-être qui ne peuvent pas avancer tant qu’ils travaillent autant. Il faut du temps pour prendre soin de soi, après cela prend différentes formes selon ce qu’ils peuvent faire, financièrement, souvent… » (ibid).

L’intermédiation de santé consiste enfin à représenter l’association dans l’hôpital.

Le rôle de la médiatrice de santé est tout à fait important dans la mesure où elle va être identifiée dans l’hôpital par le personnel comme faisant partie de l’association. À partir de là, l’articulation entre le temps de soin et les activités de l’association est possible. L’association doit sans cesse justifier son action auprès des personnels hospitaliers afin que celle-ci soit reconnue comme complémentaire à l’hôpital.

« En fait, ce que je sépare en deux, c’est le côté représentation de l’association à l’extérieur, auprès des équipes soignantes, donc, c’est tout ce qui est coordination avec les permanences hospitalières, et puis avec les bénévoles et aller expliquer au staff et aux équipes, ce qu’on fait, pourquoi on est là et dans quelle mesure on peut être complémentaire avec eux. Et après, il y a tout ce qui est suivi des personnes en particulier où là du coup, c’est le lien avec ce que je fais en entretien avec les gens, quand je suis à l’hôpital cela me permet de faire le point sur les différents suivis avec les soignants que je rencontre. Ce que je sépare en fait, c’est le côté représentation de l’association globalement et le côté suivi des personnes. » (ibid).

Les recherches de Janine Barbot repèrent deux rôles principaux des associations dans la lutte contre le sida. Le premier est celui de la protection des personnes, le deuxième celui de leur représentation : « deux missions leur sont particulièrement dévolues, l’une consiste à engager un combat contre l’exclusion des malades et à venir en aide aux plus faibles, l’autre à assurer la défense très générale des droits des malades. » (Barbot, 2002, p.122). À travers le pôle d’intermédiation de santé,

l’association couple ces deux rôles dans la mesure où elle assure à la fois une prise en charge des personnes et leur représentation à l’hôpital ou plus généralement à l’extérieur.

La médiatrice de santé pointe la double mission façonnant l’action globale de l’association. En effet, celle-ci agit à la fois à l’extérieur par son rôle de représentation et à l’intérieur par son rôle d’accompagnement des PvVIH. La relation entre l’association et les services hospitaliers permet d’enclencher des processus d’accompagnement pluriel associant à la fois la dimension du soin et la dimension sociale (Langlois, 2006). Cela aboutit à ce que les PvVIH hospitalisées puissent bénéficier de son soutien à l’intérieur de l’hôpital et que l’association puisse ensuite accueillir les PvVIH après leur hospitalisation pour prolonger la prise en charge sur les aspects psychologique, corporel, social et professionnel.