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Les caractéristiques intra-personnelles issues des théories du traitement de l’information traitement de l’information

Les variables intra-personnelles issues des théories de traitement de l’information doivent permettre d’identifier les consommateurs les plus aptes à agir selon leur intention déclarée, quel que soit le type de produits, indépendamment de l’attitude formulée. Ne sont présentées que les plus influentes sur le comportement final, donc susceptibles de différencier les consommateurs dans la qualité du lien intention d’achat – comportement d’achat. Cette sélection n’est volontairement pas exhaustive car « le comportement humain est gouverné par tant de facteurs qu’il semble vain de vouloir prendre en compte en totalité les caractéristiques individuelles ou environnementales » (Hérault, 1999).

Les critères de sélection reposent sur :

?? L’aptitude de ces variables à se substituer à certaines des dimensions de la force de l’attitude qui ne peuvent être transposées de leur origine psychologique au comportement de consommation, en raison de la différence entre un comportement « psychologique » et le comportement d’achat, plus spécifique ;

?? Leur lien démontré dans le cadre des théories traditionnelles et expérientielles du comportement du consommateur, avec le chaînage attitude – comportement, que ce soit au travers des variables attitudinales ou comportementales.

Il ne s’agit pas, dans le cadre de cette présentation de prétendre à un exposé approfondi de ces variables, mais simplement de justifier les choix effectués. C’est pourquoi ces variables sont présentées de manière succincte, tout en insistant sur les conclusions des recherches antérieures.

1 - L’implication, caractéristique individuelle issue de la force de l’attitude

Des différentes dimensions de la force de l’attitude, celle qui reflète l’importance normative (Lastovicka & Gardner, 1979), également dénommée « préoccupation égocentrique » (Abelson, 1988), semble inadaptée au cadre du comportement d’achat. Bien que les concepts d’intérêt, d’importance et d’implication qui la composent soient familiers au contexte marketing, la conceptualisation adoptée pour ces variables dans le cadre de la force de l’attitude s’éloigne de celle retenue en comportement du consommateur.

En effet, pour Lastovicka et Gardner (1979), de même que pour Abelson (1988), l’implication, l’intérêt et l’importance portent sur l’attitude en elle-même, et non sur un objet ou un acte. Ces auteurs parlent par exemple d’attitude impliquante, et non de comportement impliquant ou d’implication envers un objet ou un acte. Cette vision paraît difficilement transposable au contexte de consommation.

Ainsi, cette dimension de « préoccupation égocentrique » ne peut être maintenue en tant que dimension de la force de l’attitude d’un comportement de consommation, mais suggère l’importance d’une variable, considérée en tant que caractéristique intra-personnelle dans la littérature marketing : l’implication. Son rôle modérateur, sur la relation entre l’attitude et le comportement, en tant que composante d’une dimension de la force de l’attitude, laisse

supposer qu’elle occupe une place similaire, en tant que caractéristique intra-personnelle dans un contexte d’achat.

1.1 - Un concept aux multiples approches

L’emploi d’un même terme, l’implication, pour qualifier un concept différent, selon qu’il est associé à la force de l’attitude ou considéré comme une caractéristique intra-personelle, laisse entrevoir certaines divergences. Cette diversité dans l’approche de l’implication se traduit par les nombreux qualificatifs qui lui sont associés27 et auxquels correspondent différentes définitions (Andrews, Durvasula & Akhter, 1990).

La diversité de ces approches reflète celle des recherches associées au concept (Falcy, 1997 ; Strazzieri, 1994), sur la forme, liées aux définitions adoptées, et sur le fond, relatif à l’objet, aux dimensions et à l’intensité de l’implication.

Les précisions sur le fond de l’implication, conditionnent l’adoption de l’une des multiples définitions proposées et permettent d’extraire les apports de ce construit à la relation intention d’achat – comportement. Les divergences s’ordonnent alors selon deux principales approches :

?? L’une relative aux différentes propriétés ;

?? L’autre relative à sa conceptualisation.

1.1.1 - Des propriétés de l’implication au construit

L’implication peut être caractérisée par trois propriétés (Andrews et al., 1990), à savoir :

?? Son intensité, qui représente le degré d’excitation ;

?? Sa direction, qui indique l’objectif de l’intensité, en référence au stimulus qui provoque l’état d’excitation ;

?? Et sa persistance, fonction de la durée de l’intensité.

Émergent alors des divergences qui proviennent des désaccords relatifs à chacune de ces trois propriétés.

27 Ego-involvement (Sherif & Cantril, 1947), response involvement (Houston & Rotschild, 1978; Zimbardo, 1960), personal involvement (Apsler & Spears, 1968), content-processing involvement (Wright, 1973), situational involvement (Houston & Rotschild, 1978) advertising involvement (Krugman, 1965, 1967), advertising message/execution involvement (Baker & Lutz, 1987), message-response involvement (Batra & Ray, 1983), audience

L’intensité est abordée différemment selon les auteurs. La représentation dichotomique de l’implication (Belk, 1981 ; Bowen & Chaffee, 1974 ; Lastovicka, 1979 ; Lastovicka &

Gardner, 1979 ; Mitchell, 1979 ; Robertson, 1976 ; Tyebjee, 1979 ; Zaichkowski, 1985), semble le plus souvent adoptée pour des raisons de pratique méthodologique (Rotshild, 1984).

Toutefois, une opposition fort versus faible ne fait que masquer un construit continu (Antil, 1984 ; Rotshild, 1984).

La direction fait référence à l’objet de l’implication, à savoir si cette dernière concerne (Hérault, 1999) :

?? Le produit (Bloch, 1981 ; Bogart, 1967 ; Cohen & Goldberg, 1970 ; Howard &

Sheth, 1969 ; Hupfer & Gardner, 1971 ; Lastovika & Gardner, 1979 ; Laurent &

Kapferer, 1986 ; Mitchell, 1981 ; Robertson, 1976 ; Zaïchkowski, 1985) ;

?? Une situation, liée à la tâche ou à la décision d’achat (Antil, 1984 ; Clarke & Belk, 1978 ; Krugman, 1965 ; Mitchell, 1979 ; Ratchford, 1987 ; Zaichkowski, 1985) ;

?? Un message, par l’intensité des réactions physiques (Krugman, 1965) qu’il provoque ou par la mobilisation dans le traitement de celui-ci (Petty & Cacioppo, 1981).

Face à chacune de ces directions, il apparaît indispensable de préciser le type d’implication étudié au sein d’un travail de recherche. Toutefois, il semble que quel que soit celui retenu, il provienne d’une interaction objet – individu (Falcy, 1997 ; Mitchell, 1979).

Enfin, la persistance est à l’origine de la dichotomie (Houston & Rotschild, 1977) qui associe un caractère durable à l’implication (Engel & Blackwell, 1982 ; Strazzieri, 1994) ou au contraire, un caractère temporaire lié à l’émergence d’un stimulus (Mitchell, 1979 ; Ratchford, 1987). Dans ce dernier cas, l’implication décroît lorsque le but est atteint ou lorsque la situation évolue (Celsi & Olson, 1988).

1.1.2 - De l’implication à sa conceptualisation

Quelle que soit l’acceptation donnée à chacune des propriétés de l’implication, un second point de divergence apparaît lors de la conceptualisation de cette variable. Il provient de involvement (Greenwald & Leavitt, 1984 ; Leigh & Menon, 1987), product involvement (Bloch, 1981 ; Bowen &

Chaffee, 1974), enduring involvement (Houston & Rotschild, 1978).

la confusion (Andrews et al., 1990 ; Brignier, 1991 ; Cohen, 1983 ; Laurent & Kapferer, 1986) entre le construit en lui-même d’une part et ses causes et conséquences d’autre part.

C’est ainsi que Andrews et al. (1990) proposent de distinguer quatre conceptualisations de l’implication. Chacune d’entre elles s’attache à l’implication en tant qu’état, à ses antécédents ou encore à ses conséquences :

?? Conceptualisée par les stratégies d’attention – traitement, l’implication reflète un état interne de l’individu. Dans ce premier cas, l’intensité et la direction exercent une influence sur l’attention et le traitement, étapes critiques de l’acquisition d’information (Mitchell, 1981) ;

?? Deux courants de conceptualisation reflètent les antécédents :

- L’implication personnelle – situationnelle, basée sur l’idée selon laquelle les situations et les messages peuvent avoir des conséquences significatives sur l’implication d’un individu et sur le niveau de persuasion (Apslers & Sears, 1968 ; Petty & Cacioppo, 1981 ; Petty, Cacioppo & Schumann, 1983) ; - L’implication produit – durable, selon laquelle l’implication d’un individu

est stable dans une catégorie de produits (Bloch, 1981 ; Bowen & Chaffee, 1974 ; Day, 1970 ; Zaichkowski, 1985). Cette conceptualisation se rapproche de la notion de persistance (Celsi & Olson, 1988 ; Houston &

Rotschild, 1978) ;

?? Enfin, l’implication audience – processus correspond à l’une des manifestations d’un processus engendré par une exposition à un stimulus. Elle traduit la capacité de traitement allouée à l’analyse d’un message (Greenwald & Leavitt, 1984 ; Krugman, 1965, 1967).

La figure suivante résume le rapport entre les différentes dichotomies exposées. Les trois propriétés de l’implication ainsi que ses quatre conceptualisations possibles y sont reportées.

Figure III.1 – Implication : causes, état et conséquences

Antécédents :

•besoins, buts et caractéristiques personnelles

•facteurs situationnels et décisionnels

Concepts médiateurs :

•opportunité de traitement

•capacité de traitement

Implication :

intensité

(discrète vs. continue)

direction

(produit - situation - message)

persistance

(durable vs. temporaire)

Conséquences :

•comportement de recherche

•traitement de l’information

•persuasion

Implication personnelle - situationnelle Implication produit - durable

Stratégies d’attention - traitement Implication audience - processus

Source : inspiré de Andrews et al., 1990.

1.1.3 - Une définition ouverte de l’implication

Ces précisions apportées, il convient de sélectionner l’une des nombreuses définitions de l’implication. Celle adoptée est proposée par Rotschild (1984) et consensuellement acceptée (Bloch, 1981 ; Cohen, 1983 ; Filser, 1994 ; Laurent & Kapferer, 1986 ; Mitchell, 1979) :

« L’implication est un état non observable de motivation, d’excitation ou d’intérêt. Elle est créée par un objet ou une situation spécifique. Elle entraîne des comportements : certaines formes de recherche de produits, de

traitement de l’information et de prise de décision ».

Cette définition permet de prendre en compte les diverses conceptualisations, en tant qu’état, «l’implication est un état », par ses causes « elle est créée par un objet ou une situation spécifique » ou par ses conséquences « elle entraîne des comportements ».

Parallèlement, les propriétés du construit ne sont aucunement évoquées, autorisant ainsi une approche de l’implication par une intensité discrète ou continue, par différentes directions, mais également selon divers degrés de persistance.

La proposition de prolongement sur la relation liant attitude et comportement s’attache à la levée de l’hypothèse d’homogénéité au travers de la prise en compte de variables intra- personnelles. Afin de respecter cette volonté de segmentation des consommateurs, il semble pertinent de concevoir l’implication en tant que caractéristique stable. Adhérant à l’idée de mesure de ce concept au travers de ses causes (Laurent & Kapferer, 1986), l’implication étant par définition « un état non observable » (Rotschild, 1984), la conceptualisation qualifiée de

produit - durable par Andrews et al. (1990) semble appropriée. Il s’agit donc d’un trait de caractère durable du consommateur (Strazzieri, 1994).

1.2 - L’implication dans la relation intention - comportement

Par la définition adoptée, l’implication apparaît liée au comportement final, donc au système de réponse des modèles intégrateurs du comportement du consommateur. De plus, cette définition met l’accent sur le lien de l’implication avec les modèles de traitement de l’information aboutissant à une prise de décision : l’intensité de l’implication doit alors pouvoir influencer le type de réponses comportementales.

Nombre de travaux confirment ces remarques. L’implication en tant que caractéristique intra-personnelle, autorise une distinction entre individus à forte implication à l’égard du produit de l’étude et ceux à faible implication (Belk, 1981 ; Bowen & Cahffee, 1974 ; Lastovicka, 1979 ; Lastovika & Gardner, 1978b ; Mitchell, 1979 ; Robertson, 1976 ; Tyebjee, 1979 ; Zaichkowski, 1985). Les individus faiblement impliqués effectuent peu de recherches d’information (Bloch, 1981 ; Hérault, 1999 ; Poubanne & Chandon, 2000 ; Ross & Robertson, 1990), peu de comparaisons sur les attributs du produit, perçoivent une forte similarité entre les marques, et ne font pas preuve de préférences établies (Zaichkowski, 1985). L’influence de l’implication se retrouve également au sein des modèles de hiérarchie des effets (Ray, 1973), sur l’ensemble du processus des modèles intégrateurs du comportement du consommateur.

Par ces mécanismes, les travaux de Sherif (1980) concluent qu’une faible implication est liée à une intention instable. De même, une forte implication rend peu probable le changement d’attitude et plus persistante la corrélation attitude – intention d’achat (Petty & Cacioppo, 1986).

Le rôle de l’implication dans le lien attitude – comportement, suggéré par l’une des facettes de la force de l’attitude, semble donc transposable au comportement de consommation, en assimilant cette variable à une caractéristique intra-personnelle stable.

2 - Les caractéristiques retenues sur la base des travaux récents

Tandis que l’implication apparaît être incontournable dans l’étude du lien entre l’intention et le comportement, le choix se révèle plus délicat quant aux autres caractéristiques

intra-personnelles. Il serait vain de vouloir en proposer une liste exhaustive. Un tel recensement prohibitif ferait certainement apparaître de nombreuses variables jouant un rôle mineur dans les recherches en marketing. C’est pourquoi, outre leur intérêt indéniable dans la relation qui retient notre attention, les caractéristiques sélectionnées le sont également pour les contributions majeures qu’elles ont apportées aux recherches en comportement du consommateurs au cours de ces dernières années.

Au-delà de la présentation de ces variables, il s’agit donc de proposer des justifications relatives à leur sélection. Ainsi, le leadership d’opinion et la procrastination, semblent jouer un rôle important dans l’étude du processus menant de l’intention d’achat au comportement :

?? Le leadership d’opinion prend en compte l’entourage dans le processus de décision comportementale (Ben Miled & Le Louarn, 1994a, 1994b) ;

?? La procrastination, retarde l’achat, en augmentant éventuellement la probabilité d’un non-achat (Putsis & Srinivasan, 1994).

Ces choix se fondent donc en partie sur des intuitions, mais également sur le rôle démontré de ces variables au sein d’une des étapes des théories du traitement de l’information.

2.1 - Le leadership d’opinion et l’autonomie décisionnelle

Le concept de leadership d’opinion trouve son origine dans l’article de Lazarsfeld, Berelson et Gaudet (1944) qui montrent l’influence non négligeable des amis, des collègues de travail et des relations sur la décision de vote d’une personne, lors des élections de 1940 aux États-Unis. Le concept est ensuite repris dans le domaine des produits nouveaux, dans lequel il reste une variable clef (Fisher & Price, 1992 ; Rogers, 1962) et explicative du phénomène de diffusion (Midgley & Dowling, 1993 ; Roehrich, 1993).

Tout comme pour l’implication, des précisions relatives à la conceptualisation du leadership d’opinion doivent être apportées.

2.1.1 - Un leadership d’opinion monomorphique et continu

En 1970, lors du développement d’une échelle de mesure de cette variable, King et Summers se demandent si le leadership d’opinion doit être mesuré de manière générale, tous produits confondus, ou au contraire, de manière spécifique, sur une seule catégorie de produits.

En effet, coexistent alors plusieurs visions du leadership d’opinion (Merton, 1957) :

?? Le leadership d’opinion « monomorphique », ou spécifique. L’expert n’exerce son influence que dans un champ limité et pas dans les autres sphères de décision ;

?? Le leadership d’opinion « polymorphique », ou généralisé. L’influence de l’expert s’exerce dans une variété de sphères, sans qu’aucun lien ne soit requis entre celles- ci.

De plus, selon le groupe de référence considéré, un individu est susceptible d’être leadership d’opinion « monomorphique » et « polymorphique ». S’attachant à cette question de leadership d’opinion généralisable, Katz et Lazarsfeld (1965) démontrent que le fait qu’un individu soit leader dans un domaine n’influence pas sa probabilité de l’être dans un autre.

Parallèlement, d’autres auteurs démontrent qu’il n’existe pas de leadership généralisé (Emery &

Oeser, 1958) et que celui-ci est essentiellement « monomorphique » (Wilkening, Tully & Presser, 1962).

Ces conclusions incitent à retenir une conceptualisation du leadership d’opinion en tant que variable représentant l’influence du leader au niveau d’une catégorie de produits et non généralisable (King & Summers, 1970 ; Myers & Robertson, 1972 ; Riecken & Yavas, 1986).

Le caractère dichotomique ou non de cette variable est également mis en cause. Dès 1962, Rogers prône le caractère non dichotomique, arguant que « l’influence est une question de degré et doit être vue comme une variable continue, plus que comme une dichotomie opposant leaders et suiveurs ». Toutefois, la mesure du leadership d’opinion proposée par King et Summers (1970) fait état d’un format dichotomique.

Le problème de validité nomologique que pose la mesure du leadership d’opinion d’après l’échelle de King et Summers (1970) amène naturellement à la création d’une nouvelle échelle de mesure par Childers (1986). Cette échelle mesure le leadership d’opinion comme une variable continue, en accord avec Rogers (1962).

Précision faite des débats entourant le concept de leadership d’opinion, il est possible de s’arrêter à sa définition :

« le leadership d’opinion suppose une communication interpersonnelle qui se traduit par un échange d’informations entre les individus, mais également par une certaine influence personnelle du leader sur les

attitudes et les comportements ».

(Ben Miled & Le Louarn, 1994a, 1994b) L’adoption de cette définition met en avant le rôle de la communication interpersonnelle, « suppose une communication interpersonnelle », dans le leadership d’opinion et

surtout l’influence d’un individu sur les attitudes et comportements d’autres individus, « influence personnelle du leader sur les attitudes et les comportements ». Toutefois, si cette définition insiste sur l’influence du leader d’opinion, rien n’est précisé quant à sa propre autonomie dans la formation de ses attitudes et de son comportement.

2.1.2 - Le rôle du leadership d’opinion dans la relation intention - comportement

La définition retenue justifie le choix du leadership d’opinion dans le cadre du lien intention d’achat – comportement, puisque cette variable influence l’attitude et le comportement d’un individu par le biais de la communication interpersonnelle. Ainsi, elle permet la prise en compte du groupe d’influence sur la formation d’une attitude ou d’une intention.

Cette prise en compte intervient en tant que réponse à l’une des multiples critiques des études sur le lien entre l’intention d’achat et l’acte d’achat exposées par Belk (1985) : l’intention mesurée est une intention individuelle, tandis que la décision de consommation est le plus souvent une décision de groupe. La mesure du leadership d’opinion doit permettre de s’assurer de l’influence exercée par des tiers sur la formation de l’intention d’achat.

Ce concept est principalement issu des processus de décision de groupe et d’adoption des innovations. Dès que la décision est susceptible d’être influencée par l’entourage, ou lorsqu’elle concerne un produit nouveau, le leadership d’opinion semble incontournable dans l’étude de la qualité du lien entre l’intention d’achat et le comportement. Il inclut les situations de communications interpersonnelles susceptibles de perturber le lien entre l’intention d’achat et l’acte d’achat.

Parallèlement, les hypothèses proposées par Childers (1986) permettent de relier le leadership d’opinion avec l’expérience dans la catégorie de produits. Cette facette de la force de l’attitude transmet alors son rôle modérateur du lien attitude – comportement (Fazio & Zanna, 1978a, 1981) au leadership d’opinion, trait de personnalité.

Le rôle du leadership d’opinion semble donc pleinement justifié dans l’étude de la relation intention d’achat – comportement.

2.2 - La procrastination, un allongement du processus de traitement de l’information

Le concept de procrastination intervient dans le cadre de la phase de réalisation de l’intention. Il met au jour les mécanismes du retard de l’achat, susceptibles d’engendrer in fine l’absence d’achat (Putsis & Srinivasan, 1994).

Intimement liée à l’intention et au comportement par sa conceptualisation, cette variable nécessite d’être explicitée et définie, afin d’être mise en relation avec l’objet de cette recherche.

2.2.1 - Le report d’achat et la procrastination

La procrastination est un concept développé en psychologie (Lay, 1986 ; Milgram, Sroloff & Rosenbaum, 1988) et depuis peu appliqué au marketing en étant considéré comme un trait de personnalité (Darpy, 1999).

Dès qu’un besoin est identifié, certaines raisons sont susceptibles de retarder l’acte autorisant sa satisfaction (Greenleaf & Lehman, 1995). Lorsque cette dernière passe par un achat, le délai nécessaire à sa réalisation peut donc être retardé au travers de chacune des trois étapes menant à un comportement de consommation :

?? L’identification du besoin ;

?? L’information – évaluation ;

?? L’acte d’achat.

Se basant sur la littérature existante, Greenleaf et Lehman (1995) valident 7 causes au report d’achat qui affecte prioritairement l’une ou l’autre des trois étapes du processus comportemental. Leur sont associées une ou plusieurs résolutions possibles :

Tableau III.1 – Typologie des délais d’achat28 Causes du report

(par ordre d’importance)

Résolutions du report associées Manque de temps

(Amato & Bradshaw, 1985 ; Solomon & Rothblum, 1984) Temps libre

Lassé de repousser l’achat Besoin d’information complémentaires

(Shugan, 1980) Bouche à oreille

Prise de décision

Manque de moyen financier Justification de la dépense

Besoin incertain Besoin plus fort

28 Seules les résolutions corrélées positivement et significativement (p < 0,01) avec une cause sont reportées.

Risque social et psychologique

(Hogarth, Michaud & Mery, 1980 ; Solomon & Rothblum, 1984) Magasin de qualité Baisse de prix Substitut disponible chez soi

Risque produit et financier

(Hogarth et al., 1980 ; Solomon & Rothblum, 1984) Attente de changement des conditions de marché

(Holak, Lehman & Sultan, 1987 ; Horsky, 1990 ; Narasimhan, 1989) Baisse de prix Besoin de l’avis de quelqu’un d’autre

(Amato & Bradshaw, 1985) Obtention d’un autre avis

Tâche déplaisante

(Beatty & Smith, 1987 ; Solomon & Rothblum, 1984) Lassé de repousser l’achat

Source : inspiré de Greenleaf & Lehman,1995.

L’enquête est réalisée de manière qualitative afin d’identifier, d’après des déclarations rétrospectives, l’ensemble des raisons qui amènent à reporter un achat. Bien que possédant certaines limites citées par les auteurs, venant de la subjectivité des souvenirs, cette méthode évite d’affecter le comportement, par un questionnaire qui comporterait une mesure de l’intention d’achat (Morwitz et al., 1993).

Ce procédé implique toutefois que les individus s’attachent à un achat qu’ils ont effectivement réalisé, après une période d’attentisme. Ainsi, la possibilité d’un report récurrent susceptible de provoquer la non-concrétisation de l’intention d’achat n’est pas abordée. La réalisation de l’étude menée par Greenleaf et Lehman (1995) invite donc à penser qu’une intention d’achat se conclut systématiquement par l’acte inhérent. Cette hypothèse se retrouve implicitement dans l’ensemble des travaux sur la procrastination qui s’inspirent des notions de délai et de report, comme le montre la récente définition proposée par Darpy (2000) :

« La procrastination est une tendance chronique et consciente à reporter ou ralentir un processus d’achat planifié ».

Cette définition suggère un certain nombre de remarques relatives aux préoccupations de cette recherche.

Tout d’abord, en définissant la procrastination comme une « tendance chronique », il apparaît clairement que cette variable est attachée aux consommateurs de manière stable. Il s’agit donc bien d’une caractéristique intra-personnelle : la procrastination du consommateur (Beery, 1975 ; Burka & Yuen, 1983 ; Darpy, 1997, 1999, 2000 ; Ellis & Knaus, 1977 ; Rorer, 1983 ; Schuman, 1981).

Cette définition ne laisse aucune place à la possibilité de non-réalisation de l’intention : cette dernière est simplement « report[ée] ou ralenti[e] ». Les achats procrastinés ont donc bien lieu.