• Nenhum resultado encontrado

Le concept d’intention appliqué au comportement d’achat

Si le concept d’intention est utilisé dans le cadre des recherches en psychologie sur le lien entre attitude et comportement, il constitue rarement une variable clef des modélisations proposées. A contrario, que ce soit en sciences économiques, ou même dans le cadre du comportement du consommateur, cette variable revêt une importance nécessitant d’en préciser le contenu.

1 - La genèse de l’intention d’achat

Les mises en œuvre de l’intention d’achat correspondent à divers objectifs, qui ont inspiré l’évolution de ce construit. En effet, son origine macro-économique lui confère un rôle prédictif de la consommation agrégée, tandis que son application marketing tente d’appréhender la consommation individuelle.

1.1 - Une origine macro-économique pour la prédiction d’une consommation agrégée

Les travaux sur l’intention d’achat trouvent leur source dans les recherches américaines du « Federal Reserve Board » d’après-guerre. Ces travaux sont à l’origine conçus pour des études et des prévisions d’ordre macro-économique (Adams, 1974 ; Friend & Adams, 1964) qui reposaient alors sur deux agents économiques : les entreprises et l’état. Ce n’est qu’à partir de 1946, par l’intermédiaire de la « National Survey of Liquid Asset » que les ménages sont inclus en tant qu’agent économique lors de l’élaboration des prévisions. Toutefois, il ne s’agit pas de comprendre, et de suivre le comportement des consommateurs, mais d’inclure les intentions de ces derniers dans la confection d’un trend prévisionnel.

Les informations relatives aux prédictions sont alors divisées en deux types :

?? Les variables objectives, telles que le revenu, le patrimoine et les dettes ;

?? Et les variables subjectives, telles que les attentes, les intentions et les attitudes.

A partir de 1947, cette enquête prend le nom de « Survey of Consumer Finances (SCF) » et devient supervisée par « the Survey Research Center (SCR) » de l’université du Michigan. Des enquêtes ponctuelles sont alors effectuées afin de mesurer principalement les attitudes, les

attentes et les intentions. Ces enquêtes, financées en 1947, 1948 et 1949 par le « Federal Reserve Board » font l’objet de financements privés dès 1950 et évoluent de manière à devenir trimestrielles. Elles formeront la base de données nécessaire à l’élaboration de l’Index of Consumer Sentiment (ICS).

Toutefois, une évaluation, sur la demande du « Joint Committee on the Economic Report », tire les conclusions suivantes en 1955 :

?? L’intention d’achat apparaît être un indicateur de prédiction utile, mais non parfait du comportement ;

?? Il n’est pas prouvé, jusqu’ici, que la mesure des attitudes et des attentes ajoute au caractère prédictif des intentions d’achat.

Cette dernière conclusion provoque la réponse de Katona (1957) selon laquelle les enquêtes sur les attitudes des consommateurs se révèlent particulièrement utiles dans le but de détecter les changements de tendance lors de l’élaboration des prévisions. En effet, si la tendance s’inscrit dans la continuité, les prévisions peuvent être obtenues par simple extrapolation des tendances passées. Toutefois, il est nécessaire de savoir si la tendance est continue ou s’inscrit dans la rupture, ce qui est rendu possible par la mesure des attitudes, afin de déterminer si l’extrapolation est suffisante. Il est donc indispensable de connaître les données relatives aux attitudes pour savoir si elles sont utiles à la confection du trend prévisionnel.

Ces remarques s’attachent donc à ne pas isoler l’intention d’achat de son cadre conceptuel défini au sein des recherches en psychologie, incluant les attitudes et leur formation.

1.2 - Des enquêtes tournées vers le consommateur

Les commentaires de Katona (1957) sur ces enquêtes, et la volonté du « Bureau of the Budget », influencé par le rapport de 1955, permettent d’évoluer vers une amélioration des recherches sur le comportement du consommateur. La naissance en 1959 du « Quarterly Survey of Consumer Buying Intention (QSI) » comprend alors de nouvelles questions concernant l’achat récent, l’intention d’achat et la possession de voitures et autres biens durables, ainsi que sur les attentes de changement de revenus (Mueller, 1963).

C’est à cette époque que se pose le problème de la mesure de l’intention d’achat. En effet, si lors des études à court terme l’intention d’achat se révèle être un meilleur indicateur des

ventes que l’attitude (Adams, 1964 ; Klein & Lansing, 1955 ; Tobin, 1959), cet indicateur reste pauvre (Juster, 1966 ; Pickering & Isherwood, 1974 ; Theil & Kosobud, 1968). Le développement d’une échelle de probabilité tente donc de répondre à cette faiblesse, qui provient de la mesure verbale d’un probabilité (Day, Gan, Gendall & Esslemont, 1991 ; Juster, 1966).

À l’origine de ces enquêtes macro-économiques, l’intention d’achat était mesurée de manière dichotomique. De cette façon, les consommateurs se classent eux-mêmes, selon la probabilité qu’ils considèrent, dans la catégorie des acheteurs ou des non-acheteurs, impliquant ainsi une moindre précision de la capacité prédictive de l’intention d’achat (Juster, 1966) : près de la moitié des achats de nouvelles voitures est réalisée par des consommateurs ayant répondu négativement à l’intention d’acheter une nouvelle voiture. D’où la proposition de Juster et Byrnes, membres du « Census Bureau », de mesurer l’intention d’achat en demandant aux consommateurs d’estimer la probabilité qu’ils ont d’acheter un produit donné.

Ce type d’échelles de probabilité d’achat fait alors l’objet de plusieurs recherches. Ferber et Piskie développent en 1965 une échelle en 11 points, où seuls trois d’entre eux sont accompagnés d’une description verbale :

?? Les extrêmes (certain ; pas du tout planifié) ;

?? Le point central (50-50).

Le traitement des réponses fait apparaître une distribution tri-modale autour de ces trois points.

Plus proche de l’échelle de Détroit, l’échelle de Byrnes (1964) accompagne chacune des probabilités par un descriptif verbal, tout en mettant en évidence l’existence d’un point neutre (50-50). Le point neutre est alors fortement sollicité par les répondants, puisqu’un pic est présent à ce point dans la distribution des réponses.

Ces expériences relatives aux échelles de mesure de l’intention d’achat montrent la nécessité de traiter chacun des points de l’échelle de manière identique. Fort de cette conclusion, et du succès de l’échelle de probabilité de Détroit, Juster (1966) propose une échelle intégrant ces avancées. Ainsi, l’année où le QSI devient, « the Survey of Consumer Buying Expectation (CBE) », ce dernier compare les prédictions d’achat obtenues à partir de deux mesures de l’intention d’achat :

?? Une échelle d’intention d’achat verbale ;

?? Une échelle d’intention d’achat mixte, pour laquelle il n’y a pas de point neutre et tous les points représentant une probabilité sont accompagnés d’un descriptif verbal.

Après la mesure de l’intention d’achat par ces deux méthodes, l’acte d’achat ou de non- achat est vérifié sur la période déterminée.

Cette expérience a permis de montrer, à un niveau agrégé, que la mesure de l’intention d’achat par la probabilité d’achat possède un meilleur pouvoir prédictif que l’échelle verbale (Byrnes, 1964 ; Day, 1987 ; Day et al., 1991 ; Gabor & Granger 1972 ; Gan, Esslemont &

Gendall, 1985 ; Granbois & Summers, 1975 ; Gruber, 1970 ; Juster, 1966 ; McNeil & Stoterau, 1967 ; Stapel, 1968), et qu’il existe un décalage temporel entre la probabilité d’achat et les achats.

Ainsi, cette enquête met au jour les difficultés de la prévision par les individus de leur propre intention d’achat. Par exemple, si la probabilité d’achat déclarée est nulle sur 6 mois et strictement positive sur 12 mois, alors la probabilité sur 6 mois doit être considérée comme strictement positive : l’association la plus proche entre achat et probabilité d’achat est toujours obtenue avec la probabilité courant sur le plus grand nombre de mois. Une probabilité sur 12 mois prédisant mieux les achats à 6 mois qu’une probabilité à 6 mois.

Malgré les améliorations successives de la mesure et de la précision de l’intention d’achat, l’ensemble du programme d’étude est arrêté en 1973, principalement du fait de l’échec des séries temporelles à prévoir le déclin des ventes de nouvelles voitures à partir de 1969 (McNeil, 1974), mais aussi à cause du manque de crédit disponible (Adams, 1974).

Enfin, dès 1957, Katona souligne que les prévisions sont établies sur des données agrégées, et non sur des données individuelles faisant état du lien entre, d’un côté, les attitudes individuelles et la situation et, de l’autre côté, le comportement individuel. Cette caractéristique provenant du caractère macro-économique des études menées jusqu’alors. Il semble donc possible d’abandonner l’utilisation de l’intention d’achat comme indicateur de la consommation globale, et de tenter d’appréhender le lien entre intention d’achat et comportement individu par individu.

2 - Un essai de définition de l’intention d’achat

Dès son utilisation dans le cadre des prévisions macro-économiques, le terme « intention d’achat » est utilisé essentiellement en référence au type d’échelles employées pour mesurer le construit. L’intention d’achat est distinguée de la probabilité d’achat :

?? Une intention d’achat est mesurée par une échelle verbale ;

?? Tandis que l’échelle de Juster (1966) mesure une probabilité d’achat.

Ainsi, deux visions sont attachées à l’intention d’achat (Darpy, 1999), l’une planificatrice et l’autre probabiliste. Alors que ces deux approches semblent différer quant à leur mise en œuvre, la question est de savoir s’il existe une réelle différence dans l’utilisation de l’une ou de l’autre.

2.1 - Les définitions en terme de planification

Un premier groupe de définitions de l’intention s’attache à la planification des achats.

L’origine même de ces définitions semble parvenir de l’utilisation macro-économique de cette variable, qui sert alors d’indicateur à la consommation :

?? L’intention d’achat est alors définie comme étant la planification d’un achat (Howard, 1994) ;

?? Par similitude avec l’intention comportementale, comme :

« l’ensemble des instructions que les individus se donnent pour agir d’une certaine manière » (Belk, 1985 ; Triandis, 1980) ;

?? Ou encore, dans le but d’étudier la phase de report d’achat susceptible de survenir à la suite de la formation de l’intention d’achat, Darpy (1999) définit cette dernière comme :

« le résultat d’un désir, ou d’un besoin, traité cognitivement qui conduit à la planification d’achat ».

Dernière définition qui se fonde également sur l’antériorité de la phase cognitive à la phase conative (O’Saughnessy, 1992).

Ce premier courant, qualifié de planificateur, tente donc de mettre au jour les écarts existant entre la planification réalisée autour de l’achat et du comportement, par l’introduction

de variables supplémentaires. L’objectif est alors d’expliquer les raisons des différences observées entre l’intention d’achat mesurée et le comportement final.

2.2 - Une définition probabiliste

Les précisions relatives à la mesure de l’intention d’achat ont amené certains auteurs (Brennan & Esslemont, 1994 ; Day et al., 1991 ; Gan et al., 1985 ; Hamilton-Gibbs, Esslemont

& McGuinnes, 1992 ; Juster, 1966 ; Stapel, 1968) à utiliser des échelles basées sur la déclaration de la probabilité d’acheter. Ainsi, l’intention d’achat ne mesure plus le degré de planification de l’achat, mais la probabilité d’achat, estimée par l’individu.

Cette vision probabiliste de l’intention d’achat définit donc celle-ci comme :

« la probabilité d’achat subjective d’un produit donné ou d’une marque donnée »

(Dussart, 1983).

La mesure directe de la probabilité d’achat subjective permet d’éviter d’avoir à transcrire de façon arbitraire une déclaration verbale en une probabilité, ou variable numérique, autorisant un traitement quantitatif des données (Juster, 1966). En effet, cette mesure permet d’obtenir une probabilité directement estimée par l’individu.

En s’inspirant de la notion de probabilité, certains auteurs vont donc mettre en place des modèles probabilistes. Ces derniers permettent de transformer une intention d’achat déclarée en une probabilité d’achat réelle, que l’intention ait été mesurée par une échelle de probabilité ou par une échelle verbale.

Ce courant, qualifié ici de probabiliste, se distingue donc du courant dit « planificateur » par l’objectif recherché, et non par le type d’échelles utilisées pour mesurer l’intention d’achat.

En effet, la dimension planificatrice n’apparaît plus du tout, puisque les données obtenues par la mesure de l’intention d’achat, qu’elle soit verbale ou probabiliste, subissent des traitements probabilistes visant à prendre en compte l’écart possible entre l’intention d’achat observée et la probabilité réelle (Morrison, 1979), de manière individuelle et non plus agrégée.

L’écart observé entre l’intention d’achat et l’acte d’achat n’est pas expliqué, mais simplement pris en compte par diverses modélisations probabilistes, afin de définir une probabilité d’achat.

2.3 - La planification à la base de la probabilité déclarée

Basés sur ces deux approches de l’intention d’achat, les courants relatifs aux études concernant l’intention d’achat vont évoluer différemment dans leur lien au comportement. En effet, par leurs objectifs respectifs, ils semblent être davantage en opposition que complémentaires : le courant planificateur s’attache essentiellement à l’explication des écarts qui résultent d’une mauvaise planification de l’achat, tandis que le courant probabiliste tente de définir empiriquement une probabilité d’achat.

C’est pourquoi ils domineront de manière parallèle les recherches relatives à l’intention d’achat, tandis que les approches qui tentent de les rendre complémentaires restent marginales.

Il apparaît donc souhaitable de rapprocher ces visions, afin d’être en mesure de modéliser le lien entre l’intention d’achat et le comportement au travers des probabilités et à l’aide des compléments explicatifs proposés par l’approche planificatrice.

En accord avec cet objectif, la définition proposée de l’intention d’achat se doit d’intégrer les deux dimensions :

« l’intention d’achat est une probabilité d’achat subjective basée sur le degré de planification de l’acte d’achat » Cette définition prend donc en compte la probabilité d’achat déclarée par un individu, mais également le fait que cette probabilité n’est que la transcription probabiliste du plan d’achat. En effet, l’intention d’achat n’est pas obligatoirement définie en mémoire par le consommateur (Morwitz, Johnson & Schmittlein, 1993). Toutefois, l’achat est en lui-même plus ou moins programmé et c’est à partir de ce degré de planification de l’achat que le consommateur tente de lui affecter une probabilité (Brennan & Esslemont, 1994 ; Day et al., 1991 ; Gan et al., 1985 ; Hamilton-Gibbs et al., 1992 ; Juster, 1966 ; Stapel, 1968).

C’est pourquoi, comme Juster (1966) le préconise, il convient de mesurer directement la probabilité déclarée, afin que la transformation du degré de planification de l’achat en probabilité soit effectuée par le consommateur lui-même, et non de manière aléatoire pour l’ensemble des consommateurs.

Toutefois, à l’instar de l’approche probabiliste, la notion de planification, antérieure à la probabilité d’achat est intégrée dans le but de rendre compte des éléments de perturbations internes et externes quant au plan d’achat prévu. Et ce, alors que la probabilité d’achat intègre ces perturbations sans tenter de les expliquer.