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Une approche complémentaire : le comportement expérientiel

Les variables présentées sont exclusivement extraites des théories traditionnelles du traitement de l’information. Toutefois, il existe une autre alternative à l’approche traditionnelle du comportement du consommateur, présentée comme complémentaire, la théorie du comportement expérientiel (Holbrook & Hirschman, 1982).

Les caractéristiques intra-personnelles issues des théories traditionnelles ne sont donc pas les seules à permettre de rendre compte de l’hétérogénéité des consommateurs au sein de la relation intention d’achat – comportement. Les caractéristiques liées au comportement expérientiel doivent également pouvoir jouer ce rôle.

1 - Le modèle expérientiel : présentation et conceptualisation

Par la primauté qu’elle donne aux individus, l’approche expérientielle apparaît en parfait accord avec la volonté de lever l’hypothèse d’homogénéité au sein du lien entre l’intention d’achat et le comportement. Toutefois, sa mise en œuvre ne s’effectue pas sans un certain nombre de difficultés résultant du caractère exploratoire des travaux relatifs à la conceptualisation de la recherche d’expérience (Bourgeon & Filser, 1993).

1.1 - Du traitement de l’information à l’importance de l’individu

Le modèle du comportement expérientiel est suggéré dès 1982 par Holbrook et Hirschman, en réponse aux limites des modèles de traitement de l’information (Bettman, 1979) et principalement à l’absence de dimension émotionnelle (Holbrook & Hirschman, 1982).

L’objectif étant de prolonger la remise en cause de l’importance de l’information dans le processus de décision (Olshavsky & Granbois, 1979) par l’introduction de variables telles que la fantaisie ou les sentiments.

Alors que les modèles de traitement de l’information donnent la primauté à l’information externe à l’individu, le modèle expérientiel prend en considération essentiellement des variables internes à l’individu (Bourgeon & Filser, 1993). Cette prise en compte passe par l’aspect émotionnel, donc personnel (Bamossy, 1982), engendré par les produits esthétiques (Bourgeon-Renault, 1998).

Cette première approche du modèle expérientiel compare le processus de décision traditionnel (Bettman, 1979 ; Howard & Sheth, 1969) au processus expérientiel. Elle est réalisée sur la base de variables non exhaustives qui influencent le comportement selon un schéma autorisant un parallèle entre ces deux processus :

Figure III.2– Le modèle de comportement du consommateur à la base de la comparaison entre processus informationnel et expérientiel

Environnement Produit

Propriété des stimuli Communication

Caractéristiques du consommateur Ressources

Définition des tâches Type d’implication Activité de recherche Caractéristiques individuelles

Système de réponse

Conséquences Apprentissage

Critères

Cognition Affect Comportement

Source : Holbrook & Hirschman, 1982.

La richesse de cette approche réside dans son esprit de synthèse des modèles de processus de traitement de l’information et dans l’apport comparé du point de vue expérientiel.

Loin de revenir, au sein de cet exposé sur l’ensemble des variables, il convient toutefois de s’interroger sur certaines d’entre elles, dans le cadre du lien entre l’intention d’achat et le comportement. Il est alors possible de mettre en évidence l’influence de l’environnement et des caractéristiques du consommateur sur l’ensemble du système de réponse.

Toutefois, l’apport expérientiel apparaît limité en ce sens qu’il reprend l’ensemble des conclusions des modèles traditionnels de traitement de l’information quant aux relations entre les différents concepts. Seul le contenu de chacun de ces concepts diffère.

Dans le cadre expérientiel, le produit considéré est essentiellement attaché aux loisirs ou à l’art, biens symboliques, en opposition aux biens et services tangibles. Ainsi, l’unité de ressource prise en compte est le temps, et non plus l’argent. Parallèlement, définition des objectifs et type d’implication s’effectuent en terme de réponse hédonique basée sur des sentiments, plus que sur la recherche de solution à un problème, qui repose sur une réponse cognitive (Bourgeon-Renault & Graillot, 1998 ; Holbrook & Hirschman, 1982). Les caractéristique retenues du produit sont alors subjectives (Euzeby, 2000).

L’hétérogénéité des consommateurs repose sur des caractéristiques intra-personnelles, et non plus socio-démographiques (Bourgeon-Renault & Graillot, 1998), du fait de leur incapacité relative à améliorer les prédictions comportementales (Holbrook & Hirschman, 1982).

De là, le système de réponse s’en trouve modifié, puisque l’aspect cognitif du modèle expérientiel tient plus du subconscient, de l’imagerie et de la fantaisie que des structures cognitives classiques (Bourgeon-Renault & Graillot, 1998). De même, l’aspect affectif se traduit par les émotions et les sentiments et non plus par les attitudes et les préférences, tandis que le comportement révèle plus une expérience de consommation qu’un achat. Les conséquences s’expriment alors en terme de joie et de plaisir, alors qu’elles se fondent sur les fonctions du produit et le résultat de sa consommation dans le modèle traditionnel de décision par l’information.

Les principales divergences entre l’approche traditionnelle du processus d’information et l’approche expérientielle peuvent être résumées au sein du tableau suivant (Holbrook, 1986) :

Tableau III.2 – La distinction entre approche traditionnelle et expérientielle Approche traditionnelle Approche expérientielle

Décision d’achat Expérience de consommation

Motivations extrinsèques Motivations intrinsèques

Comportement rationnel Réactions émotionnelles

Achat lié à des facteurs exogènes au produit Consommation liée aux caractéristiques du produit

Études sectorielles Expériences en laboratoire

Analytique Holistique

Les deux approches ainsi comparées, il convient non pas d’abandonner l’une au profit de l’autre, mais bien de les intégrer de manière complémentaire (Holbrook & Hirschman, 1982).

Ainsi, Holbrook et Hirschman (1982) proposent d’inclure aux modèles de décision basés sur l’information une part de la fantaisie et des sentiments des consommateurs. L’idée sous- jacente réside dans la nécessité de se détacher des attributs des produits au profit d’une approche holistique, plus à même de caractériser les produits de type culturel (Bourgeon- Renault, 1998). En effet, les « attributs » de ces produits s’attachent à des sensations subjectives (Evrard, Bourgeon & Petr, 2000). Ainsi, les produits culturels sont « uniques et holistiques et […] ils sont vécus plus subjectivement » (Evrard et al., 2000). Ils sont caractérisés par (Evrard et al., 2000) :

?? L’allocation de temps nécessaire à sa consommation ;

?? La non-reproductabilité à l’identique, en dehors du support de diffusion ;

?? Le plaisir esthétique et les motivations intrinsèques liées à sa consommation ;

?? Son incomparabilité et son incommensurabilité ;

?? Et sa durabilité.

La mise en oeuvre du modèle expérientiel s’effectue donc essentiellement au sein des domaines culturels (Bourgeon-Renault, 1998 ; Bourgeon & Filser, 1993, 1995 ; Bourgeon- Renault & Graillot, 1998 ; Holbrook, 1986), alors même que certaines des variables utilisées semble transposables dans d’autres domaines, tel que l’équipement en ordinateur personnel (Hirschman, 1980). Parallèlement, l’étude des produits culturels passe le plus souvent par une approche holistique (Evrard et al., 2000), qui n’est pas pourtant pas systématique (Euzeby, 2000).

Ce modèle permet de donner une place plus importante aux consommateurs et à leur relation avec le produit, en comparaison à celle qu’ils occupaient dans les modèles de traitement de l’information. Finalement, « une caractéristique importante du modèle expérientiel […] est de conserver la structure de base des modèles de comportement du consommateur, mais de substituer à la définition unidimensionnelle des variables issues de la théorie du traitement de l’information un continuum opposant la perspective traditionnelle cognitiviste et la perspective expérientielle » (Bourgeon & Filser, 1993).

1.2 - Une mise en œuvre hétérogène

Si l’approche expérientielle développée permet de compléter l’approche traditionnelle basée sur le processus d’information, elle reste à ce stade peu opérationnelle. En effet, la validation du modèle expérientiel semble irréalisable dans sa globalité, d’où la nécessité de ne s’attacher qu’à un petit nombre de variables (Bourgeon & Filser, 1993).

L’opérationalisation de ce modèle passe donc par la recherche d’expérience (Hirschman, 1984), dont les fondements, se rapprochent des variables intra-personnelles développées par Hirschman en 1980, et diffèrent selon les auteurs. En effet, la recherche d’expérience peut être appréhendée au travers de différentes combinaisons des nombreuses caractéristiques intra- personnelles :

?? La recherche de connaissance, ou stimulation cognitive, qui s’apparente à la recherche d’information (Hirschman, 1984) ;

?? La recherche de sensation (Bourgeon, 1994b ; Bourgeon & Filser, 1993, 1995 ; Bourgeon-Renault, 1998 ; Bourgeon-Renault & Graillot, 1998 ; Evrard et al., 2000 ; Hirschman, 1984) ;

?? L’innovativité (Bourgeon-Renault & Graillot, 1998 ; Hirschman, 1980, 1984) ;

?? L’orientation visuelle ou verbale (Bourgeon & Filser, 1993, 1995 ; Bourgeon- Renault, 1998 ; Childers, Houston et Heckler, 1985 ; Evrard et al., 2000 ; Holbrook, 1986 ; Holbrook, Chestnut, Oliva & Greenleaf, 1984) ;

?? La créativité (Bourgeon & Filser, 1993, 1995 ; Hirschman, 1980) ;

?? La tendance classique, en référence à la rationalité, ou romantique, l’expérience de consommation étant une fin en soi (Bourgeon, 1994a ; Bourgeon & Filser, 1993, 1995 ; Bourgeon-Renault, 1998 ; Bourgeon-Renault & Graillot, 1998 ; Evrard et al., 2000 ; Holbrook, 1986 ; Holbrook & Corfman, 1984) ;

?? L’orientation intrinsèque, le produit est consommé pour lui-même, ou extrinsèque, le produit est consommé pour atteindre un autre objectif (Bourgeon & Filser, 1993, 1995 ; Bourgeon-Renault, 1998 ; Bourgeon-Renault & Graillot, 1998 ; Holbrook, 1986).

Ainsi, par exemple, l’approche fondatrice d’Hirschman (1984) concernant l’opérationalisation du comportement expérientiel au travers de la recherche d’expérience considère (Bourgeon-Renault & Graillot, 1998) :

?? L’innovativité ;

?? La recherche de sensation ;

?? Et la stimulation cognitive.

La recherche d’expérience est opérationalisée par la sommation des scores obtenus sur les différentes facettes représentant ce construit.

Hirschman (1984) souligne que ces trois concepts se révèlent corrélés entre eux, d’après de nombreux articles précédents. Ce n’est que par la méthode de mesure de chacun de ces construits que Hirschman (1984) peut conclure que stimulation cognitive et recherche de sensation ne sont pas corrélés, tandis que ces construits sont corrélés positivement avec l’innovativité.

Toutefois, d’autres approches du comportement expérientiel ont été réalisées, à titre exploratoire. C’est ainsi que Bourgeon et Filser (1993, 1995) s’intéressent plus particulièrement

à deux variables permettant de segmenter les consommateurs en s’inspirant du modèle expérientiel, l’orientation visuelle vs. verbale et l’orientation intrinsèque vs. extrinsèque. Ces auteurs démontrent que, dans le cadre d’une application au théâtre, « des segments de consommateurs définis à partir de leurs caractéristiques individuelles retenues par le modèle expérientiel développeront des réponses affectives distinctes à l’égard d’une activité culturelle ». Réactions limitées au cadre des activités culturelles.

Parallèlement, Holbrook (1986) appréhende la recherche d’expérience au travers de l’orientation visuelle versus verbale, l’orientation intrinsèque versus extrinsèque et la tendance classique versus romantique.

Finalement, l’opérationalisation du modèle expérientiel semble passer par une phase de sélection des variables proposées de manière non exhaustive par Holbrook et Hirschman (1982), et non par l’utilisation de l’ensemble de ces variables, et ce d’autant plus que le modèle doit faire face à de nombreux problèmes de mesure vis-à-vis des concepts proposés (Bourgeon

& Filser, 1993).

Fort de ces remarques, et de la volonté de complémentarité entre modèle expérientiel et modèle de traitement de l’information, la conclusion quant au choix conceptuel relatif à la recherche d’expérience semble s’imposer. La conceptualisation retenue par Hirschman (1984) présente effectivement deux principaux avantages :

?? Tout d’abord, cette conceptualisation est fondée sur des variables intra- personnelles dont les développements sont réalisés tout aussi bien au sein des théories traditionnelles du comportement du consommateur qu’au sein de la théorie expérientielle. Elle permettent de ne pas opposer comportements expérientiel et traditionnel, mais bien de les rendre complémentaires (Bourgeon- Renault & Graillot, 1998). Tandis que des variables telles que celles retenues par Holbrook (1986) sont des dimensions psychologiques, privilégiées dans le cadre de la recherche d’expérience, peu développées en comportement du consommateur (Bourgeon-Renault, 1998) ;

?? Enfin, ces variables sont relativement maîtrisées, tant dans leur conceptualisation que par leurs outils de mesure, tandis que les variables proposées par les autres approches restent essentiellement à un stade exploratoire (Bourgeon & Filser, 1993).

Le modèle expérientiel permet donc de justifier le choix de caractéristiques intra- personnelles, sur la base d’une opérationalisation par la recherche d’expérience (Hirschman, 1984).

2 - Les caractéristiques intra-personnelles reflets de la recherche d’expérience

Les variables présentées dans ce paragraphe s’inspirent de celles retenues par Hirschman (1984) dans le but de mettre en avant la recherche d’expérience. Fréquemment employées en marketing, la recherche de sensation ainsi que l’innovativité seront exposées succinctement.

La stimulation cognitive pose toutefois certaines difficultés, car elle semble propre à l’approche expérientielle. Si ce construit traduit en partie la tendance à rechercher l’information (Hirschman, 1984), la mesure proposée par Hirschman (1984) est à l’origine de problèmes méthodologiques.

2.1 - L’innovativité : comportement ou trait individuel ?

Le concept d’innovativité se rattache par définition à celui d’innovation qui représente un produit considéré comme nouveau par le consommateur (Robertson & Kennedy, 1968).

Trois types d’innovations se distinguent (Robertson, 1971, 1976) :

?? L’innovation continue, qui ne cause que peu de ruptures dans le comportement ;

?? L’innovation continue dynamique, à l’origine de ruptures comportementales non substantielles ;

?? Et l’innovation discontinue, relative à l’émergence de nouveaux produits impliquant des comportements inédits.

L’innovation se caractérise par l’ensemble de ses attributs, les plus fréquemment cités (Dickerson & Gentry, 1983 ; Rogers, 1961) étant l’avantage relatif, la compatibilité, la complexité, l’observabilité, et la possibilité d’essai (Rogers & Shoemaker, 1971), auxquels s’ajoute, selon les auteurs (Holak & Lehman, 1990 ; Ostlund, 1973, 1974), le risque perçu (Bauer, 1960).

Alors que peu de recherches en comportement du consommateur s’intéressent aux attributs de l’innovation (Rogers & Shoemaker, 1971), Ostlund (1974) démontre que ces derniers prennent une plus grande place que les caractéristiques intra-personnelles dans un objectif de prévision d’achat.

Toutefois, dès que l’innovativité est considérée en tant que trait de personnalité, c’est l’individu qui est au cœur de l’étude, et non plus le produit. Deux conceptualisations de l’innovativité coexistent alors (Cestre, 1996 ; Midgley et Dowling, 1978 ; Muraro, 1998), l’une attachée au comportement et l’autre à l’individu.

2.1.1 - Le comportement innovateur

La première conception se rapporte au comportement observé, adoptant une définition opérationnelle du comportement innovateur qui peut être considérée comme :

« la rapidité relative avec laquelle un individu adopte une innovation par rapport aux autres membres de son système social »

(Rogers & Shoemaker, 1971) Cette définition attache l’innovativité à un comportement observé. L’adoption effective du nouveau produit est donc indispensable afin de considérer un individu comme innovateur.

De plus, le comportement d’achat d’une innovation ne suffit pas à le qualifier d’innovateur, cette notion étant relative à l’ensemble des comportements de tout un système social.

Cette première acceptation se dénomme innovativité effective (Midgley & Dowling, 1978), ou comportement innovateur (Muraro, 1998).

La notion d’autonomie de la décision trouve alors une place importante (Muraro, 1998) et soulève des difficultés méthodologiques propres à la mesure de la relativité du comportement innovateur « par rapport aux autres membres [du] système social ». En dépit de cette difficulté, deux mesures sont proposées (Midgley & Dowling, 1978) : le temps mis par l’individu pour acheter le nouveau produit (Rogers, 1983), ou encore le nombre d’achats de produits nouveaux réalisés au cours de la période d’observation (Roehrich, 1993 ; Summers, 1971).

Cette conceptualisation s’attache essentiellement à la problématique de diffusion des innovations, que ce soit par des prévisions agrégées des ventes, ou encore par la compréhension des mécanismes individuels de diffusion (Muraro, 1998). Elle est relative à un instant et à un produit donnés, et non à un individu, puisque les acheteurs d’un nouveau produit ne sont pas systématiquement ceux d’un nouveau produit ultérieur (Midgley & Dowling, 1978). Suggestion confirmée par les faibles corrélations reportées par Kohn et Jacoby (1973) entre les deux mesures du comportement innovateur d’une part et celle de l’innovativité en tant que trait de personnalité, d’autre part. Dès lors, ces mesures ne rendent pas compte du même construit.

2.1.2 - L’innovativité comme caractéristique intra-personnelle

La seconde conceptualisation de l’innovativité reflète la caractéristique intra-personnelle

« innovateur », distincte de la première qui s’attache au comportement. L’innovativité peut être définie comme :

« le degré auquel un individu est réceptif à de nouvelles idées et prend la décision d’innover indépendamment de l’expérience que lui communiquent les autres »

(Midgley, 1977 ; Midgley et Dowling, 1978) Cette définition repose sur l’influence de la communication interpersonnelle, étape importante du processus de diffusion des nouveaux produits puisque « le concept d’innovativité reflète le degré d’indépendance que manifeste l’individu par rapport à l’expérience préalable d’autrui, communiquée par le bouche-à-oreille » (Cestre, 1996). Ainsi, les individus qui ne sont pas influencés par la communication interpersonnelle lors de l’achat d’un produit nouveau sont considérés comme des innovateurs.

Il s’agit alors d’innovativité innée (Midgley & Dowling, 1978), encore appelée innovativité (Cestre, 1996) ou tendance à innover (Le Louarn, 1997).

Les deux conceptualisations de l’innovativité ainsi définies ont en commun l’importance de l’autonomie dans la décision, qu’elle soit implicite, par la rapidité relative de l’achat d’une innovation, ou explicite, par la dépendance envers l’expérience des autres, notion chère à Midgley et Dowling (1978) et Bass (1969). Toutefois, contrairement au comportement innovateur, l’innovativité n’est aucunement attachée à une catégorie de produits, ni à un instant précis, ce qui autorise à considérer cette variable comme une caractéristique générale de l’individu.

Finalement, bien que de conceptions distinctes, les deux acceptations de l’innovativité, effective et innée, ne sont pas sans lien. En effet, les innovateurs innés seront plus souvent observés en tant qu’innovateurs effectifs, puisque leur adoption d’un produit nouveau est indépendante de la communication interpersonnelle. Cette relation dépend de l’intérêt dans la catégorie de produits, de la communication interpersonnelle et de la situation (Midgley &

Dowling, 1978).

La tendance à innover devient alors un trait individuel qui explique en partie le comportement innovateur, selon le schéma suivant (Midgley & Dowling, 1978) :

Figure III.3 – De l’innovativité au comportement innovateur

Traits psychologiques

Traits sociologiques

Innovativité innée

Intérêt dans la catégorie de produit

Situation

Innovativité effective

Communication interpersonnelle

Rejet

ConstruitPhénomène

Comportement observé

Source : Midgley & Dowling, 1978.

Dans le cadre de la relation entre l’intention et le comportement, l’hétérogénéité du consommateur est remise en cause par le biais des caractéristiques intra-personnelles. De plus, l’innovativité, telle qu’employée par Hirschman (1984) traduit effectivement un trait de caractère. La définition adoptée dans le cadre de cette recherche est donc celle de Midgley (1977) et Midgley et Dowling (1978).

L’innovativité peut alors concerner (Le Louarn, 1997) :

?? Le niveau général de l’activité humaine, traitant aussi bien de consommation que de tout autre domaine (Carlson & Grossbart, 1984 ; Hurt, Joseph & Cook, 1977 ; Kirton, 1976 ; Venkatraman & Price, 1990) ;

?? Le niveau de consommation de l’ensemble des produits (Leavitt & Walton, 1975 ; Price & Ridgway, 1983 ; Roehrich, 1994) ;

?? Et le niveau de consommation de la catégorie de produits (Goldsmith & Hofacker, 1991).

Si cette variable est abordée comme une caractéristique intra-personnelle, son acceptation semble s’écarter par définition d’une conceptualisation attachée à une catégorie de produits, pour se rapporter à l’individu. De plus, « une mesure de l’innovativité spécifique à la catégorie de produits collecte au moins autant d’informations sur l’intérêt à l’égard de cette catégorie de produits que sur l’attirance à l’égard des produits nouveaux » (Roerhich, 1994).

Parallèlement, une conceptualisation au niveau général de l’activité humaine présente un degré d’abstraction trop élevé pour lier innovativité et comportement d’achat (Le Louarn, 1997). Ainsi, afin d’intégrer l’innovativité au sein de la relation intention – comportement, il convient de s’attacher à la consommation de l’ensemble des produits (Le Louarn, 1997).

Le caractère continu de l’innovativité, tel que proposé par Midgley et Dowling (1978), le long d’un continuum fort – faible n’est pas remis en cause. Toutefois, plusieurs définitions coexistent, entraînant des conceptualisations et des mesures différentes (Le Louarn, 1997).

Ainsi, Le Louarn (1997) recense trois conceptualisations unidimensionnelles de l’innovativité, contre huit approches multidimensionnelles. Par exemple, lorsque Roerhich (1994) propose de définir l’innovativité « comme une attitude générale de la personne qui la rend sensible à la nouveauté ; les racines de cette attitude sont le besoin de stimulation et le besoin d’unicité », sa conceptualisation devient contingente à deux dimensions, l’une hédonique, par « le besoin de stimulation », et l’autre sociale, par « le besoin d’unicité ».

Finalement, en se basant sur les caractéristiques de l’innovativité retenues au sein de la recherche en marketing, Le Louarn (1997) propose une structure à trois dimensions :

?? L’attrait pour la nouveauté (Hirschman, 1980 ; Roehrich, 1994) ;

?? L’autonomie dans la décision d’innover (Midgley & Dowling, 1978) ;

?? Et l’aptitude à prendre des risques en essayant la nouveauté, équivalent de l’esprit d’aventure développé par Rogers (1983).

Quelle que soit la conceptualisation retenue, il semble nécessaire que celle-ci corresponde à la définition adoptée de l’innovativité. C’est pourquoi l’approche de Le Louarn (1997), qui propose des dimensions telles que l’attrait pour la nouveauté et surtout l’influence de la communication intra-personnelle, selon les conseils de Midgley et Dowling (1978), semble adaptée au cadre de cette recherche doctorale. En effet, au travers de la communication intra- personnelle, c’est l’ensemble du processus menant au comportement qui est touché, ainsi que la possibilité de distinguer, lors de la formulation de l’intention d’achat, les intentions émises de manière indépendante.

2.2 - La recherche de sensation

La recherche de sensation, telle que prise en compte au sein de la recherche d’expérience (Hirschman, 1984) reflète la tendance d’un individu à rechercher des expériences sensorielles (Zuckerman, 1979). Tendance appréhendée au travers des travaux sur le niveau de stimulation optimal (OSL).

Alors que les premières recherches sur le niveau de stimulation optimal (OSL) remontent au milieu des années 50, avec les travaux en psychologie de Hebb (1955) et Leuba (1955), ce concept se définit comme :

« le point d’excitation idéal auquel aspire tout individu et qu’il va, à travers son comportement, essayer de maintenir ou de rétablir »

(Falcy, 1993) Cette définition amène à s’intéresser à la fois au concept d’OSL, « le point d’excitation idéal » et au comportement exploratoire, par lequel l’individu « va […] essayer de [le] maintenir ou de [le] rétablir ».

Différents termes sont utilisés pour désigner l’OSL29. Malgré ces dénominations différentes, les approches relatives au concept restent basées sur l’influence de l’OSL sur l’ensemble du processus influençant le comportement du consommateur par le biais du comportement exploratoire.

Toutefois, les divergences apparaissent sur le rôle médiateur de l’OSL entre traits de personnalité et comportement exploratoire.

29 Niveau d’excitation optimum (Berlyne, 1960, 1963), niveau d’activation optimal (Fiske & Maddi, 1961), niveau d’incongruité de l’environnement optimal (Hunt, 1963), General Incongruity Adaptation Level (GIAL) (Driver & Streufert, 1965).