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L’analyse de l’activité du point de vue de la didactique

2.3 L ES COMPÉTENCES CRITIQUES À LA LUMIÈRE DE LA CONCEPTUALISATION DANS

2.3.3 L’analyse de l’activité du point de vue de la didactique

processus d’étayage mutuel, par exemple lors de séquences de formation sur le tas.

L’apprentissage peut se trouver disjoint dans le cas de formations professionnelles qui séparent les temps en centre de formation et sur le terrain. Proposant le concept de modèle opératif, Pierre PASTRÉ a repris les travaux de Dimitri OCHANINE (OCHANINE D., 1978; OCHANINE D., 2001, 1966) tout en préférant « modèle opératif » à « image opérative » qui, d’après lui, induirait l’idée de « reflet », idée qui ne rendrait pas compte des processus à l’œuvre . Dimitri OCHANINE indique que le modèle opératif de l’individu varie selon son expertise. Par exemple, un médecin novice dessine une thyroïde conforme à sa représentation académique alors qu’un expert dessine une thyroïde déformée, réorganisée en vue du diagnostic et de l’action thérapeutique. En fait, le modèle opératif de l’expert se rapproche plus de la structure conceptuelle de la situation que celui du novice.

2.3.3 L’analyse de l’activité du point de vue de la didactique

Analyser l’activité revient à distinguer, pour mieux les articuler, trois niveaux : celui des motifs, celui de l’action orientée vers les buts visés et celui des opérations, elles-mêmes déterminées par les conditions spécifiques dans lesquelles le but doit être atteint. Si le but conscient définit l’action, c’est le motif qui définit l’activité, laquelle se réalise par des actions : « Les actions trouvent leur motif et leur sens dans l’activité dans laquelle elles s’insèrent. Si l’on considère le processus qui intègre les actions composantes, on pourra dire qu’il constitue une action si on le caractérise par son but et une activité si on le caractérise par son motif » (LEPLAT J., 2006).

L’analyse de l’activité repose sur trois principes (SAVOYANT A., 1998) :

• Très simplement et, dans un premier temps, nous considérons que l’activité peut être analysée à travers ce que sait (ou doit savoir) faire l’individu.

L’individu fait quelque chose dans le cours d’une action. Cette dimension est celle de la relation entre l’activité et la performance. La performance représente le « témoin principal de la compétence » mais la totalité de l’activité ne se réduit pas à la performance.

• Notamment, la performance ne contient ni le sens de l’activité pour l’individu ni ses motivations. Dire quels sont les objets de l’activité et quelle transformation ils connaissent en cours d’activité ne suffit pas à épuiser tout le contenu de l’activité (LEONTIEV A., 1976).

• La performance ne contient pas non plus le contenu opérationnel de l’activité, « celui des opérations qui réalisent l’action et qui sont déterminées par les conditions spécifiques dans lesquelles le but doit être atteint » (SAVOYANT A., 1979).

La théorie de la conceptualisation dans l’action (PASTRÉ P., 1999b) et l’analyse de l’activité du point de vue de la didactique professionnelle représentent un cadre de référence approprié pour comprendre la formation des compétences, la didactique professionnelle étant la didactique qui se donne pour objet le développement des compétences. Des temps de debriefing peuvent être organisés qui vont avoir pour effet de rendre explicites les modèles cognitif et opératif constitués par l’individu (PASTRÉ P., à paraître). Ils pourront ainsi être enrichis, confrontés à d’autres et finalement faire l’objet d’une genèse conceptuelle.

Nous considérons que la formation des compétences critiques résulte d’apprentissages lors de l’activité « productive » du sujet, l’activité productive consistant à agir et, par conséquent, à changer le monde (SAMURÇAY R. & RABARDEL P., 2004). L’apprentissage est aussi une conséquence de l’activité « constructive » : en transformant le monde, l’individu se transforme lui-même. Dans les faits, l’activité productive s’accompagne toujours d’une activité constructive.

Quant à la compétence critique, type particulier de compétence, elle se manifeste dans des contextes plus délicats, plus difficiles, au caractère plus exceptionnel ou rare. Certes, un sujet peut être amené lui-même à exercer fréquemment une compétence critique, mais cette activité est rare par rapport à l’ensemble des situations rencontrées habituellement par le corps professionnel7. La compétence critique suppose ainsi de mobiliser des ressources personnelles plus importantes que pour toute autre compétence. Pour agir dans un contexte plus délicat, l’individu a besoin de croire qu’il peut atteindre les objectifs liés à l’action sinon il pourrait développer des comportements d’évitement. Au couplage « schème – situation » répond un autre couplage « schème - auto-efficacité ».

L’individu en développant une compétence critique s’inscrit dans un processus de professionnalisation. Il change de position au sein d’un continuum, celui qui va du novice à l’expert. Nous analysons ce changement de position, de transformation identitaire, comme une suite d’épisodes du développement cognitif du sujet au travail. La genèse conceptuelle donne naissance à des modèles opératifs plus consistants et plus pertinents.

La genèse des schèmes est une des conditions de l’obtention de performances et de l’attribution d’un jugement de compétence. C’est au fond le projet de la didactique professionnelle : s’intéresser au développement du sujet adulte par et dans le travail et analyser le travail pour la formation. La didactique professionnelle s’appuie sur l’analyse cognitive du travail en vue de rendre plus efficace la formation professionnelle (PASTRÉ P., 1997). Il s’agit d’une analyse de l’activité qui peut être

7 Nous remarquons que les compétences critiques font rarement l’objet d’un apprentissage explicite dans les centres ou les écoles de formation professionnelle. Les compétences critiques résultent largement d’un processus d’autoformation, autoformation entendue au sens d’autodirection des apprentissages. Il nous faut alors envisager que l’auto-efficacité et la genèse conceptuelle soient à ranger parmi l’ensemble des facteurs du développement cognitif des adultes en situation de travail.

exploitée directement par une ingénierie pédagogique ou pour « repérer les compétences mises en œuvre pour résoudre des situations problèmes dans un champ professionnel donné afin, dans un second temps de construire des formations à partir de ces situations » (COSNEFROY L., 2005). La formation des compétences, y compris des compétences critiques, est finalement un objectif atteignable en formation.

Avec les concepts de schème, de structure conceptuelle de la situation, de modèles cognitif et opératif, la compétence n’est pas seulement un jugement visant à attribuer une qualité à un opérateur et le schème n’est plus une totalité globalisante mais une « totalité dynamique fonctionnelle » (VERGNAUD G., 1998a). La compétence critique est ainsi éclairée par les régulations que l’individu va introduire au gré de ses apprentissages, dans et hors les situations de travail, entre les éléments du schème. Ces régulations ont pour effet de rapprocher le modèle opératif du sujet de la structure conceptuelle de la situation dans laquelle il se place.

Plus encore que les régulations internes du schème, c’est le couple schème – situation (PASTRÉ P., 2005f) qu’il faut considérer pour la formation des compétences et pour penser l’activité du sujet : « le couple schème - situation est fondateur d’un processus d’apprentissage par adaptation active » (BRUN J. & CONNE F., 1998). Lors du développement des compétences, le schème se transforme alors qu’il est en prise avec la situation. Il s’élargit et cela se manifeste par une mise en œuvre du schème dans des classes de situations plus générales et plus abstraites.

Un troisième élément entre en jeu. La consolidation et l’élargissement du schème influencent l’auto-efficacité dans l’apprentissage. En effet, plus les professionnels deviennent experts et plus ils deviennent « capables d’évaluer plus précisément les demandes et caractéristiques d’une tâche donnée et cela leur permettrait de faire des distinctions plus claires de leurs compétences subjectives. Ils distingueraient aussi plus finement des tâches similaires en apparence, ce qui donnerait lieu à moins de généralisation de leur confiance subjective » (GALAND B. & VANLEDE M., 2004).

Autrement dit, un expert dont les schèmes lui permettent de diagnostiquer de manière plus pertinente les caractéristiques de la situation dans laquelle il agit serait en mesure de développer son auto-efficacité dans des domaines spécifiques et non généraux. Or, plus l’auto-efficacité s’applique à des domaines restreints et non généraux, plus la corrélation avec les performances est élevée (BANDURA A., 2003).

Dans la continuation de cette approche, l’hypothèse de la recherche porte d’ailleurs sur cette relation entre le développement des schèmes par le moyen de l’analyse réflexive de l’activité et la construction de l’auto-efficacité.

En conclusion de ces premières explorations de la compétence, de l’auto-efficacité au travail et de la conceptualisation dans l’action, nous pouvons formuler une première mise en relation de ces éléments, comme sur le schéma suivant. Nous retiendrons que la compétence articule deux grandes dimensions, l’une sociale et l’autre cognitive ; le schéma suivant synthétise les liens possibles entre ces deux dimensions. La compétence devient ainsi un objet propice à la rencontre de la théorie sociocognitive et de la théorie de la conceptualisation dans l'action, la notion de perception de compétences assurant le passage de l’une à l’autre.

La tâche, prescrite, se distingue de l’activité réelle du sujet mais, néanmoins, elles interagissent fortement. En cours ou à l’issue de phases d’activité, le sujet se représente sa capacité à agir efficacement avec ses effets sur le niveau et la force de son auto-efficacité. Le niveau d’auto-efficacité et la manifestation de comportements efficaces sont pour partie dépendants. L’environnement professionnel infère la compétence des performances produites par l’individu et de l’estimation des résultats, ce qui contribuera à ajuster le niveau de prescription aux caractéristiques des compétences telles qu’elles sont perçues in fine.

Schéma 2 La compétence, du cognitif au social

Orientation par la prescription

Jugement social d’attribution de compétence

Perception de compétence Redéfinition

de la tâche Maîtrise des

incertitudes dans un contexte de résolution de problèmes

Tâche Activité

Exigence d’adaptation aux évolutions

Compétence

Performance Auto-

efficacité

Résultat Valorisation de la performance Renforcement

par la maîtrise des situations

Prédictibilité du comportement

En conclusion, il nous semble que vouloir n’est pas pouvoir. En tout état de cause, nous devons distinguer la capacité et le pouvoir en matière de compétences critiques. Le sujet devient un « sujet capable » (RABARDEL P., 2005), un sujet en plein devenir qui voit s’accroître ses possibilités d’intervention et ses compétences quand son développement cognitif est guidé par les phases d’activité constructive qui renforcent sa capacité à agir. La capacité d’agir étant contextualisée et située, c’est une « capacité à faire quelque chose, à faire advenir quelque chose dans l’espace des situations et des classes de situations correspondant à un ensemble significatif pour le sujet, par exemple un domaine d’activité professionnelle ou de vie quotidienne ». Si l’on admet que la capacité à agir possède un caractère potentiel qui s’actualise dans l’activité, alors la capacité à agir relève d’un système de croyances en « ses possibilités d’organiser et d’exécuter le déroulement d’une action qui demande un certain niveau de performance », ce qui est très exactement la définition de l’auto-efficacité au sein de la théorie sociocognitive (BANDURA A., 2003).

De manière expérimentale ou pédagogique, il est sans doute possible de favoriser l’émergence du sujet capable. Les outils didactiques existent pour renforcer l’auto- efficacité au travail. Il est aussi possible d’agir pédagogiquement sur les motifs qui poussent et les buts qui tirent l’activité du sujet (LOMOV B., 1988). En revanche, sommes-nous capables de maîtriser le pouvoir d’agir ? Il dépend d’abord des conditions externes au sujet. Un sujet capable peut se voir amputer de son pouvoir d’agir dans un environnement peu facilitateur, voire hostile à la prise en compte des compétences pour guider les actions de formation professionnelles. Le sujet doit alors faire preuve de résilience et poursuivre le développement de sa capacité à agir et de son pouvoir d’agir en dépit de ces circonstances défavorables.

Synthèse intermédiaire 2

La compétence recouvre une dynamique complexe de savoirs, de connaissances, de savoir-faire techniques et socio-affectifs. Elle résulte d’apprentissages multiples, formalisés et expérientiels permettant de traiter avec efficacité une catégorie de situations professionnelles. La qualité de la réponse professionnelle est certainement un indicateur de la compétence mais elle ne suffit pas à l’expliquer totalement.

Il convient également de s’intéresser à ce qui fait sens pour l’individu et pas simplement à la performance et aux résultats obtenus. L’individu dispose de stratégies, de raisonnements qui conduisent directement à l’action (ou à l’inaction).

Il nous faudra pour cela faire appel à une modélisation théorique cognitive de la compétence et à l’analyse de l’activité comme voie d’accès à la formation des compétences.

L’auto-efficacité se présente comme un système de croyances sur ses propres compétences mais elle permet de prédire mieux que d’autres variables la manifestation de comportements performants.

Les expériences actives de maîtrise et les expériences vicariantes sont les deux sources de l’auto-efficacité les plus importantes, notamment dans le cas de l’auto- efficacité au travail et à la formation. Les effets de l’auto-efficacité dépendent du niveau auquel elle se manifeste. L’auto-efficacité permet de réguler le choix des conduites à tenir, augmente la persistance des comportements et améliore la résilience face aux difficultés.

Bien entendu, l’auto-efficacité n’explique pas à elle seule la performance et la réussite, elle doit s’accompagner d’aptitudes et de compétences effectives. En revanche, l’auto-efficacité au travail éclaire la dynamique de la socialisation professionnelle et les trajectoires de réalisation personnelles à travers les choix de carrière. L’auto-efficacité contribue à expliquer les comportements à un instant T mais aussi dans une dynamique : la généralisation de l’auto-efficacité d’une activité à une autre, d’une classe de situations à une autre, permet d’expliquer ce qui est communément désigné sous le terme de « transfert de compétences ».

Les compétences critiques peuvent être décrites en mettant en lumière les schèmes que les individus mobilisent. Bien entendu, nous pouvons aussi repérer les compétences dans le discours des sujets si nous les interrogeons sur le développement de leur auto-efficacité. Les schèmes des compétences critiques

présentent un haut degré d’organisation des invariants opératoires, organisation hiérarchisée à l’intérieur d’un réseau de concepts-en-acte et de théorèmes-en-acte.

Les invariants opératoires, se rapprochent des « concepts organisateurs » de la structure conceptuelle de la situation et peuvent rester largement implicites.

La compétence critique présenterait cette caractéristique de ne pas immerger l’individu trop rapidement dans l’action, de conserver une certaine distance avec la prescription et de lui faire choisir le mode de résolution de problèmes le mieux adapté. L’individu privilégie la prise d’information à caractère diagnostique pour mieux réguler son action en fonction de ses buts et sous-buts. L’effet produit consiste en l’adaptation optimum à l’environnement et aux variables situationnelles à prendre compte. L’acquisition de compétences critiques se traduit par des schèmes qui s’appliquent à des classes de situations étendues mais aussi par la mobilisation d’inférences plus nombreuses, de meilleures représentations des buts et des résultats intermédiaires. L’ensemble de ces caractéristiques, dans la mesure où elles sont explicitées, favorise la construction de l’auto-efficacité pour l’apprentissage. L’auto- efficacité au travail s’en trouve confortée et l’individu s’autorise à agir dans des situations jugées plus difficiles. Il pèse les risques et se prononce pour une solution efficace, les circonstances se trouvent réunies pour poursuivre l’acquisition de nouvelles compétences critiques.

2.4 Pour une approche convergente du développement des