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Première partie : les bibliothèques académiques, des organisations en changement

2. Chapitre 2 : les méthodes d’évaluation et de management dans les bibliothèques académiques

2.6. Conclusion

Nous avons vu dans ce chapitre la richesse des initiatives concernant l’évaluation et le management des bibliothèques, les bibliothèques académiques représentant un terrain privilégié d’études en ce domaine. La multiplicité des études et des approches laisse néanmoins apparaître quelques invariants, développés ci-dessous.

Au niveau de l’évaluation :

! Le problème de la mise en action des résultats des différents types d’évaluation est souligné dans beaucoup d’études. Il paraît essentiel de connaître les besoins des usagers, les délais de traitement de tel ou tel document, le coût de tel service. Encore faut-il être à même, au vu des objectifs que l’on s’est fixés, de “ transformer les résultats des évaluations en décisions de terrain ”. Ce problème de la mise en action des résultats, récurrent dans les présentations des expériences relatées, peut être mis en évidence pour trois raisons :

• parce que les auteurs qui réalisent les études sur l’évaluation (chercheurs) ne poursuivent pas leurs travaux d’évaluation par des études sur les conséquences de celles-ci (raison citée dans le document de l’ARL) ;

• parce que les évaluations ont mal été préparées, soit en restant trop générales (enquêtes de satisfaction), soit trop quantitatives (statistiques) ;

• parce que les décisions à prendre suite à une évaluation, quelle qu’elle soit, peuvent nécessiter l’activation de processus extrêmement longs et complexes à mettre en œuvre.

Par exemple, un changement nécessaire dans le développement d'une collection ne sera observable qu'après plusieurs années d'une politique d'acquisitions différente, liée éventuellement à des opérations de désherbage.

! La différence qui existe encore entre la littérature, porteuse d'innovations en ce domaine, et la réalité du terrain : quelques expériences nous amènent à penser que cette situation est en cours d’amélioration (l’implantation de démarches qualité dans différentes bibliothèques, la mise en place de management par équipes dans les bibliothèques universitaires américaines, la présentation de démarches stratégiques sur les serveurs Web de bibliothèques australiennes).

Néanmoins, et dans le cas de la situation française, le manque de formation en ce domaine et surtout le manque de liaison entre la recherche et le terrain sont probablement producteurs des écarts constatés.

! Plutôt que la multiplication d’indicateurs et de statistiques, la tendance est aujourd’hui de conduire des démarches d’évaluation qui s’attacheront à obtenir les informations les plus importantes pour chaque domaine. Un exemple en est la démarche en cinq points que nous décrit Peter Brophy (voir § 2.3.1 p. 64).

! Même si l’évaluation et la recherche des besoins des usagers sont des concepts reconnus dans la profession, ils ne sont pas encore intégrés dans l’organisation quotidienne de la bibliothèque.

Très peu d’entre elles disposent d’un processus renouvelable en ce domaine. La mise en place de démarches qualité, intégrant l’organisation des évaluations pourrait permettre d’améliorer cette situation.

Finalement, est-ce que les mesures de performance améliorent l’efficacité des services d’information ? Rowena Cullen pose la question en 1997, s’interrogeant alors sur la valeur du processus d’évaluation lui-même plutôt que sur son contenu. Les bibliothèques peuvent-elles se prévaloir d’améliorations dans des procédures suite à de telles mesures ?

La bibliothèque est une construction sociale, établie pour rencontrer les besoins de ses utilisateurs et pour répondre à des objectifs communautaires. La mesure de performance y est frustrante, du fait de sa complète dépendance à des facteurs flous au milieu desquels, pourtant, nous devons faire émerger du sens. Il est difficile de relier les statistiques d’une bibliothèque à son activité ou à sa

Si la bibliothèque est le lieu de traitement de documents, d'informations enregistrées, elle est aussi une organisation se trouvant au cœur des mutations engendrées par ce qu’il est convenu d’appeler la société de l'information.

L'unité documentaire de base gérée par la bibliothèque (ouvrage, périodique, article scientifique) se trouve aujourd'hui en profonde modification. Cette modification ne joue pas seulement sur le support du document mais, en changeant les modes de communication et de circulation de l'information scientifique, vient également bouleverser ses circuits traditionnels dans une remise en cause aussi bien économique que juridique.

Actuellement, dans le domaine de l'information en réseau, la technique est plus avancée que les formes organisationnelles et les modèles économiques. Ceux-ci sont en train de se créer sous nos yeux, mettant en cause les circuits traditionnels de l'édition et les partenariats existant.

Nous étudierons les implications de la société de l’information sur les bibliothèques au travers de trois aspects : en premier lieu nous observerons comment, en changeant les modes de circulation de l’information, particulièrement au niveau de la connaissance scientifique, les réseaux viennent bouleverser les circuits traditionnels dans lesquels les bibliothèques sont intégrées. Ensuite nous étudierons comment le document numérique questionne directement la bibliothèque sur ses valeurs fondatrices. Enfin, conséquence ne découlant pas directement de la société de l’information mais plutôt du contexte global de l’économie, nous verrons comment les organisations, qu’elles soient publiques ou privées, définissent aujourd’hui la nécessité et les outils de leur évaluation. Ces production. A. Pratt et E. Altman montrent même un manque de corrélation entre les entrées et les sorties, entre les dépenses et la performance73. Plusieurs études montrent que la mesure de performance en bibliothèques comporte une douzaine de dimensions, qui vont des procédures de management, aux technologies, aux implantations physiques et aux services rendus. Une méthodologie d’évaluation qui n’étudie qu’une seule dimension (voir Figure 5p. 63) ignorera par définition les autres. Pourtant, il existe la possibilité de ne choisir qu’une mesure par dimension en extrapolant le résultat obtenu pour cette dimension.

Parce que la bibliothèque est une construction sociale, la mesure de performance en est également une. En conséquence, nous sommes libres d’adopter dans une bibliothèque, la mesure qui s’impose selon le contexte et nos objectifs. Les outils d’évaluation sont connus, décrits mais pour être efficaces, ils doivent en premier lieu être acceptés par les bibliothécaires eux-mêmes et adaptés aux situations locales. Pourtant, c’est loin d’être le cas, et l’on peut trouver deux explications à cela :

! le manque de formation initiale des bibliothécaires à ces méthodes, qui, s’ils sont motivés pour les mener devront apprendre au fur et à mesure les outils de l’évaluation ;

73 Pratt, A ; Altman, E.- Live by the numbers, die by the numbers.- Library Journal, 15 Avril 1997, pp. 48-49. Cité par [CULLEN1997].

! la résistance au changements de certains bibliothécaires qui peuvent voir les résultats d’enquêtes ou d’évaluation de services comme une remise en cause de la qualité de leur travail.

Il apparaît également que la méthodologie employée est moins importante que le fait même que l’organisation oriente ses efforts vers la mesure de ses performances et ait une approche positive de ces questions, une véritable culture de l’évaluation [CULLEN1997].

Au niveau du management

Nous avons vu par ailleurs les différentes méthodes de management existantes et leur évolution.

Nous avons constaté le peu d’application de ces méthodes en France, qui semble en ce domaine plutôt en retard sur les pays anglo-saxons : nous ne connaissons pas d’expériences de mise en place d’équipes-projet dans des bibliothèques académiques françaises, technique organisationnelle pourtant très utilisée outre atlantique. Et même, la difficulté pour obtenir des informations sur l’organisation des bibliothèques universitaires, en particulier sur leurs organigrammes nous paraît révélatrice d’une sensibilité particulière sur ces sujets dans la communauté des bibliothécaires français. Le manque de formation aux techniques du management dans les écoles françaises qui forment les conservateurs des bibliothèques ou les documentalistes explique probablement ce retard.

Nous pouvons retenir de cette étude des méthodes d’évaluation et de management dans les bibliothèques académiques trois éléments essentiels qui serviront de socle à notre analyse :

! la difficulté de mise en œuvre des méthodes d’évaluation sur le terrain. Si celles-ci sont utilisées ponctuellement pour évaluer un service ou un produit particulier, leur intégration dans l’organisation quotidienne de l’unité n’est pas acquise même si l’installation de démarches qualité structurées est un élément fédérateur des méthodes d’évaluation dans certaines bibliothèques ;

! si des enquêtes usagers ou des évaluations ponctuelles existent, la difficulté de transformation des résultats de ces enquêtes en actions sur le terrain reste présente ;

! enfin, au vu du peu d’organigrammes dont nous avons pu avoir connaissance, les structures organisationnelles des bibliothèques académiques françaises restent très classiques, selon une division services au public/services arrière ou tout au moins très peu formalisées. Par ailleurs, nous n’avons pas eu connaissance d’expériences de management participatif en France.

Nous étudierons dans le chapitre 3 comment cette inadaptation des méthodes d’évaluation et de management peut nuire aux bibliothèques académiques et en particulier à l’institution en leur sein de démarches stratégiques qui puissent être sources de prises de décisions adaptées.

Comme le soulignent R.D. Stueart et B.B. Moran [STUEART1993], le management des bibliothèques ne montre pas de caractéristique particulière qui le différencierait des autres pratiques du management. Ainsi, les théories et les techniques trouvées dans la littérature sur l’organisation et le management ont-elles été adaptées aux bibliothèques avec plus ou moins de succès. L’évolution des théories organisationnelles en bibliothèque a donc suivi celle des entreprises et des services. Ceci est particulièrement vrai dans les pays anglo-saxons, Etats-Unis en tête. Pourtant, une confusion a longtemps existé dans la littérature entre le management des bibliothèques et leur évaluation : les deux termes étaient employés sans distinction, comme si le management n’était que l’évaluation. En France en effet, l’étude du management en bibliothèque s’est longtemps limitée à celle de la mise en place de statistiques et de tableaux de bord permettant de mesurer l’activité du service. Mais l’apparition des concepts de qualité, en particulier ceux du management de la qualité totale (Total Quality Management) et du marketing ont permis de mieux placer l’évaluation comme une part nécessaire mais non suffisante du management. Après un bref historique, nous décrirons les méthodes d'évaluation et de management existantes en nous attachant à montrer un bilan de leur mise en œuvre, de leur implantation sur le terrain.