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Deuxième partie : construction d’un diagnostic stratégique

4. Chapitre 4 : Méthodologie de recherche 1. Introduction

4.2. Projet de modélisation

Nous avons défini notre projet de modélisation : modéliser une bibliothèque académique vue par son gestionnaire dans le but d’obtenir un outil de diagnostic complexe de cette organisation. Notre projet de modélisation se donne par ailleurs, pour objectif, l’obtention d’un modèle transposable, actionnable et permettant l’apprentissage :

! transposable par le gestionnaire d’une bibliothèque académique au vu de sa propre situation. Si nous bâtissons nos modèles à partir de plusieurs situations complexes homogènes dans leurs fonctions, c’est bien pour que ces modèles retiennent plutôt les invariants du système bibliothèque académique. Les contraintes locales, les jeux d’acteurs, les partenaires spécifiques sont bien sûr contingents à chaque situation, et c’est à chaque gestionnaire d’en tenir compte.

Notre modèle se veut vraiment un cadre systémique de diagnostic pour aider le gestionnaire à visualiser une situation complexe. Nous savons que, selon l’image retenue par Jean-Louis Le Moigne, le gestionnaire choisira les objectifs et les ouvertures (au sens photographique) qui correspondront à sa systémographie85. Cet objectif d’adaptabilité du modèle a deux conséquences : le modèle doit pouvoir être transmis à d’autres gestionnaires, c’est à dire que les méthodologies, les vocabulaires doivent correspondre à ce qui est utilisé en bibliothèque aujourd’hui. Nous pensons pouvoir répondre à ce critère en tant que professionnelle du domaine qui “ parle le même langage ” que les gestionnaires. En deuxième lieu, nous construisons ce modèle dans le cadre d’un travail de recherche. Or, le gestionnaire susceptible de l’utiliser comme cadre de diagnostic est dans son travail professionnel quotidien, assez éloigné, nous l’avons vu,

85 “ Le raisonnement instrumental par lequel nous construisons les modèles de phénomènes perçus complexes peut être explicité : par analogie avec la photographie, procédure par laquelle nous construisons des modèles (les clichés) des formes contrastées des phénomènes que nous voyons à l’aide d’un objectif, on l’appellera systémographie ”. Ainsi, “ la systémographie est la procédure par laquelle on construit des modèles d’une phénomène perçu complexe en le représentant délibérément comme et par un système en Général ” [LEMOIGNE1990], p 28.

Nous avons vu dans le chapitre 1 comment la bibliothèque se transforme et devient un partenaire qui, en articulant les nouvelles technologies de l’information, a les capacités pour devenir un élément majeur de l’établissement d’enseignement supérieur qui prend forme aujourd’hui. D’autre part, les défis rencontrés lors de la mise en œuvre dans ces organisations des méthodes d’évaluation et de management, depuis le début de leur histoire, nous sont apparus dans le chapitre 2. Les acteurs des bibliothèques académiques, particulièrement leurs gestionnaires, évoluent dans un contexte complexe, aussi bien à l’intérieur de ces organisations que dans leur environnement, la question de la frontière entre l’intérieur et l’extérieur étant elle-même posée. Dès lors, cette notion de complexité en bibliothèque est à interroger. L’étude plus attentive des difficultés d’évaluation, de management et de leurs conséquences sur la prise de décision dans ces organisations constituera notre problématique. Nous pourrons alors interroger les différentes facettes de cette complexité. A partir de cette étude, nous poserons notre question de recherche et les hypothèses qui présideront à la construction d’une réponse. Le défi pour les gestionnaires est aujourd’hui de concevoir en même temps la structure de la nouvelle bibliothèque et son management, d’utiliser harmonieusement les outils de management connus en inventant de nouvelles formes de conduite de ces organisations.

1.17. Problématique

Pour poser notre problématique, nous étudierons tout d’abord les problèmes liés à l’adaptation des méthodes d’évaluation et de management aux bibliothèques. Nous verrons ensuite comment les concepts de prise de décision et de stratégie y sont implantés et viennent interroger la vision mécaniste souvent adoptée pour considérer ces organisations.

de la recherche dans le domaine des bibliothèques. Nous avons là un deuxième argument pour que nos modèles soient le plus près possible du terrain considéré et soient basés sur des méthodologies très clairement identifiées ;

! si le modèle est transmissible aux gestionnaires dans leur situation professionnelle, la deuxième condition de son opérabilité est qu’il soit actionnable, que le gestionnaire puisse le mettre en action sur son terrain particulier. Ce modèle, par sa construction, représente lui-même l’action qui peut être menée au regard de la situation complexe considérée. Sa construction complexe le rend actionnable à la condition, comme le précise Jean-Louis Le Moigne, non pas d’avoir

“ bien ” transmis des connaissances présumées actionnables mais plutôt “ de susciter les conditions cognitives et socioculturelles par lesquelles s’exerce l’action “ intelligente ” du sujet sans cesse formant projet ” [LEMOIGNE1998];

! enfin, et par extension au point précédent, nous devons réunir toutes les conditions pour que notre modèle soit un modèle permettant l’apprentissage : apprentissage pour le gestionnaire du diagnostic stratégique pour conduire la bibliothèque académique dans le changement, apprentissage sur la pertinence de modéliser selon un paradigme complexe en bibliothèque.

Nous étudierons plus loin dans ce chapitre les pistes méthodologiques qui nous permettront d’obtenir un modèle transposable, actionnable et d’apprentissage.

4.2.1. Choix d’une méthodologie constructiviste

Nous avons déclaré le cadre systémique comme celui dans lequel nous conduisons cette recherche.

Notre méthodologie sera donc celle qui intègre les concepts de la systémique, définie principalement par Jean-Louis Le Moigne et Peter Checkland. Les approches de ces deux auteurs sont différentes et chacune donnera à notre construction des concepts et des outils originaux. Jean-Louis Le Moigne a pu considérer l’approche initiée par Peter Checkland comme une résultante non avouée du positivisme : “ en assurant que la Méthode Scientifique (sic) est fondée sur une philosophie positiviste, réaliste et déterministe, ils (les tenants de l'école SSM) s’interdisent nécessairement de tenir pour scientifiques tous les énoncés qui ne légitimeraient pas une épistémologie positiviste ” [LEMOIGNE1989]. Ainsi, la méthode SSM, si elle se veut différente, “ ne pourrait plus prétendre à une quelconque scientificité ”. Ces considérations épistémologiques étant connues, nous choisissons néanmoins la méthode SSM pour certains de ses aspects car c'est “ une méthodologie rigoureuse utilisant des idées systémiques dans le cadre d'un processus de résolution de problèmes complexes ” [CARDINAL1998]. Nous réaffirmerons tout d’abord le cadre constructiviste dans lequel nous choisissons de nous intégrer puis nous caractériserons dans les deux méthodes de Jean-Louis Le Moigne et Peter Checkland les éléments qui correspondent à notre projet de recherche. Ainsi, nous construisons nos modèles en empruntant aux méthodes existantes les éléments qui nous paraissent fondamentaux pour cerner (au sens de rendre intelligible) notre problème complexe. Pour nous, “ il ne s’agit pas d’analyser la réalité mais de concevoir le modèle. (...) Ainsi, la question initiale : comment identifier l’objet devient : comment concevoir un modèle de l’objet ? ”. Et donc, “ là où il fallait hier expliquer l’objet pour le connaître, il faut aujourd’hui le connaître assez, l’interpréter donc, pour anticiper son comportement ” ([LEMOIGNE1994] p.73).

Pour le constructivisme, la science est un “ mode de connaissance critique ”, un projet de connaissance. Elle exerce un contrôle sur ses démarches et met en œuvre des critères de validation.

Elle élabore des méthodes qui lui permettent d’étendre le champ de son savoir. “ La connaissance est construite par le modélisateur qui en a le projet, dans ses interactions permanentes avec les phénomènes qu’il perçoit et conçoit ” ([LEMOIGNE1990] p. 23). La réalité existe sous forme de multiples constructions mentales. Le chercheur et l'objet de la recherche se confondent et de leur interaction émergent des constructions.

Comment ce type de méthodologie vient-il interroger notre projet d’un modèle transposable, actionnable et permettant l’apprentissage ? C’est ce que nous allons voir dans les rubriques suivantes.

Nous avons vu dans le chapitre 1 comment la bibliothèque se transforme et devient un partenaire qui, en articulant les nouvelles technologies de l’information, a les capacités pour devenir un élément majeur de l’établissement d’enseignement supérieur qui prend forme aujourd’hui. D’autre part, les défis rencontrés lors de la mise en œuvre dans ces organisations des méthodes d’évaluation et de management, depuis le début de leur histoire, nous sont apparus dans le chapitre 2. Les acteurs des bibliothèques académiques, particulièrement leurs gestionnaires, évoluent dans un contexte complexe, aussi bien à l’intérieur de ces organisations que dans leur environnement, la question de la frontière entre l’intérieur et l’extérieur étant elle-même posée. Dès lors, cette notion de complexité en bibliothèque est à interroger. L’étude plus attentive des difficultés d’évaluation, de management et de leurs conséquences sur la prise de décision dans ces organisations constituera notre problématique. Nous pourrons alors interroger les différentes facettes de cette complexité. A partir de cette étude, nous poserons notre question de recherche et les hypothèses qui présideront à la construction d’une réponse. Le défi pour les gestionnaires est aujourd’hui de concevoir en même temps la structure de la nouvelle bibliothèque et son management, d’utiliser harmonieusement les outils de management connus en inventant de nouvelles formes de conduite de ces organisations.

1.17. Problématique

Pour poser notre problématique, nous étudierons tout d’abord les problèmes liés à l’adaptation des méthodes d’évaluation et de management aux bibliothèques. Nous verrons ensuite comment les concepts de prise de décision et de stratégie y sont implantés et viennent interroger la vision mécaniste souvent adoptée pour considérer ces organisations.

4.2.2. Transposabilité

Nous recherchons un diagnostic complexe qui puisse aider le gestionnaire d’une bibliothèque académique à “ visionner ” la bibliothèque qu’il conduit. Mais comment pourrons-nous prétendre, en utilisant une approche constructiviste, aux conséquences prescriptives de nos modèles ? En effet, Erhard Friedberg, dans son ouvrage “ Le pouvoir et la règle ” nous signale que “ les systèmes sont toujours locaux. Ils sont construits et reconstruits au jour le jour dans un ensemble de rapports d’interactions et d’échange plus ou moins durable ” ([FRIEDBERG1993] p. 222). Cette conception

“ nous oblige à nous contenter de savoirs partiels, de modèles locaux d’interprétations qui demandent constamment à être enracinés et concrétisés dans une connaissance fine du terrain et de ses configurations, chaque fois spécifiques ”. Et dans ce cas, "l’analyste, le chercheur n’a plus à prédire ce qui va arriver (...) ni encore moins à élaborer sur la base de sa “ science ” le bon modèle de fonctionnement ”. Son rôle est plutôt de produire des connaissances concrètes sur une situation donnée “ en vue d’assister les acteurs de ce champ à développer et à acquérir les capacités individuelles et collectives leur permettant de structurer autrement leurs interactions et de jouer différemment - et, il faut l’espérer, mieux - le jeu de leur coopération conflictuelle ” ([FRIEDBERG1993] p. 292), [MASSICOTTE1995]. Nous voici renvoyés à la modestie de notre rôle de chercheur dans le complexe, celle-ci étant pourtant sous-tendue par l'ambition que nous avons de participer au développement de cette pensée et de son action induite dans le monde des

bibliothèques académiques. Peut-être voulons-nous résoudre la quadrature du cercle en travaillant à la fois sur des situations locales, pour la production de connaissances actionnables et en ayant pour objectif la transposabilité de celles-ci ?

Pour approcher la complexité de cette question, nous nous sommes efforcés, tout au long de notre recherche, de ne pas nous contenter d'une seule "situation problématique" (celle de notre milieu professionnel à l'ENSAM) mais de toujours recueillir des données et confronter nos résultats à d'autres situations que nous avons choisies néanmoins peu éloignées de la notre (autres grandes écoles françaises). D'autre part, selon Jean-Louis Le Moigne, la définition de notre projet de modélisation nous assure de la projectivité de notre modèle. En effet, “ l’idéal de la modélisation systémique n’est pas l’objectivité mais la projectivité du système de modélisation : on caractérise par la projectivité la capacité du modélisateur à expliciter ses “ projets de modélisation ” [LEMOIGNE1990], p 65. Comme le préconise Peter Checkland, nous avons défini le cadre d'idées et de méthodologies de notre recherche afin de l'intégrer dans un processus complet de recherche- action [CHECKLAND1991].

Peter Checkland nous donne en effet des pistes pour créer un processus de recherche-action86 qui ne soit pas seulement générateur d’action mais qui puisse aussi apporter à la recherche. Il est essentiel pour le chercheur, une fois qu’il a sélectionné la situation “ réelle ” pertinente au regard de ses objectifs de recherche, de situer le cadre des idées et la méthodologie dans laquelle elles sont intégrées. “ Si nous voulons plonger dans les flux d’événements et d’idées d’une situation réelle et espérons pouvoir tirer des leçons de cette expérience (partie recherche de la recherche-action), alors nous devons rendre explicite un cadre intellectuel par les moyens duquel la nature des leçons de recherche seront définies ” [CHECKLAND1991].

De plus, Erhard Friedberg nous indique une autre solution pour retrouver notre “ extériorité de chercheur ” : c’est celle de la comparaison, par la multiplicité des témoignages et des connaissances que l'analyste peut et doit mobiliser [FRIEDBERG1993], (p. 304). Ainsi, “ à la manière des "écarts"

entre les interviewés d'un même espace d'action, l'ensemble des convergences et des divergences que fait apparaître une comparaison entre différentes monographies portant sur des contextes d'action a priori comparables permet à la fois de déconstruire les évidences apparentes de chacune et de sélectionner progressivement un ensemble de faits à la signification plus large que le seul cadre monographique. Sur la base de ces faits pourra alors se bâtir un modèle interprétatif qui, sans avoir

86 Attention comme le soulignent Pierrette Cardinal et André Morin, la recherche-action entendue par Peter Checkland n'est pas la

"recherche action intégrale" qu'ils définissent. La méthodologie est utilisée par les chercheurs en collaboration avec les cadres de l'entreprise concernée. Les acteurs ont une participation limitée à la cueillette de données et à la prise de décision quant à l'adoption des solutions proposées par le chercheur. Le chercheur n'est pas vraiment un acteur mais plutôt un observateur participant d'un phénomène dans lequel il ne s'implique pas [CARDINAL1998]. Selon Whyte, il s'agirait d'une recherche action de deuxième type : le premier type s'articule autour de la préparation par les acteurs de rapports et d'analyses théoriques généralement axés vers la résolution de problèmes. Le deuxième type vise le changement dans une organisation; la participation des acteurs est limitée à la prise de décision quant à l'adoption des solutions proposées par les chercheurs. Dans le troisième cas, les acteurs sont impliqués dans toutes les phases du projet de recherche, de la définition du projet à la présentation du rapport et à l'implantation des solutions retenues. C'est ce dernier cas que Cardinal et Morin qualifient de recherche-action intégrale [CARDINAL1998].

Nous avons vu dans le chapitre 1 comment la bibliothèque se transforme et devient un partenaire qui, en articulant les nouvelles technologies de l’information, a les capacités pour devenir un élément majeur de l’établissement d’enseignement supérieur qui prend forme aujourd’hui. D’autre part, les défis rencontrés lors de la mise en œuvre dans ces organisations des méthodes d’évaluation et de management, depuis le début de leur histoire, nous sont apparus dans le chapitre 2. Les acteurs des bibliothèques académiques, particulièrement leurs gestionnaires, évoluent dans un contexte complexe, aussi bien à l’intérieur de ces organisations que dans leur environnement, la question de la frontière entre l’intérieur et l’extérieur étant elle-même posée. Dès lors, cette notion de complexité en bibliothèque est à interroger. L’étude plus attentive des difficultés d’évaluation, de management et de leurs conséquences sur la prise de décision dans ces organisations constituera notre problématique. Nous pourrons alors interroger les différentes facettes de cette complexité. A partir de cette étude, nous poserons notre question de recherche et les hypothèses qui présideront à la construction d’une réponse. Le défi pour les gestionnaires est aujourd’hui de concevoir en même temps la structure de la nouvelle bibliothèque et son management, d’utiliser harmonieusement les outils de management connus en inventant de nouvelles formes de conduite de ces organisations.

1.17. Problématique

Pour poser notre problématique, nous étudierons tout d’abord les problèmes liés à l’adaptation des méthodes d’évaluation et de management aux bibliothèques. Nous verrons ensuite comment les concepts de prise de décision et de stratégie y sont implantés et viennent interroger la vision mécaniste souvent adoptée pour considérer ces organisations.

valeur universelle, dépasse la seule contingence locale pour se situer à un premier niveau de généralisation ” (op.cit.). C’est pourquoi nos modèles, dans le sens où nous les souhaitons généralisables à un champ plus étendu que celui d’une seule bibliothèque, seront basés sur des données provenant de plusieurs points de vue. Nous associerons “ la multiplicité des points de vue ou des "regards sur le monde" ” pour en tirer notre “ capacité d’analyse ” ([FRIEDBERG1993], p.

304). Ceci implique bien que “ l’espace d’action ” que nous considérons pour notre recherche est celui des bibliothèques de grandes écoles françaises.

Finalement, nous verrons que nos modèles généraux se heurteront aux contingences locales (en particulier au niveau des relations de pouvoir des acteurs) de chaque unité étudiée et que c'est de cette "confrontation" que naîtra le résultat complexe de mise en action de ces modèles.

4.2.3. Actionnabilité

Effectivement, notre objectif de recherche est bien la construction d'une connaissance complexe de la bibliothèque académique, connaissance qui autorise l'action stratégique. Mais comment éviter l'écueil d'un discours théorique systémicien provenant de l'observation des phénomènes et qui ne serait pas générateur d'action ? Même si nous savons "qu'en marchant se construit le chemin", nous

observons également une réalité professionnelle chaotique, rapide, constamment en émergence et nécessitant donc un management adapté. Ainsi devrons nous toujours veiller à construire le chemin d'une connaissance qui soit actionnable dans la situation complexe qu'elle modélise.

Ce problème est rencontré par de nombreux chercheurs et Pierrette Cardinal nous propose une piste en évoquant le courant praxéologique : “ les praxéologistes postulent une capacité de mesurer l'efficacité de l'action et donc des modèles de cette action. La définition praxéologique de l'objet est celle qui est construite à partir de sa pratique indifféremment de sa composition mais en accordant une attention particulière à son comportement ou à son utilisation ” [CARDINAL1998]. Cette définition a été fondamentale pour la construction de notre recherche, non pas dans son aspect mesure d’efficacité (dont nous avons vu la difficulté en bibliothèque) mais concernant le construit à partir de la pratique : c'est la pratique de l'objet qui nous permet de le définir87 et ainsi avons-nous défini la bibliothèque académique en fonction des pratiques, des comportements que nous avons observés sur le terrain, des situations réelles que nous avons perçues et non en fonction de critères théoriques permettant des mesures d’évaluation. Jean-Louis Le Moigne nous confirme que “ la connaissance actionnable porte sur des "faire" plutôt que sur des "faits" : elle est connaissance processus plutôt que connaissance résultat ”88

Nous avons donc constamment dans notre "objectif" cette double vision constructiviste et praxéologique, systémique et actionnable ; comme nous le dit Pierrette Cardinal : “ praxéologistes et constructivistes ont en commun une vision de l'objet social en évolution, les deux groupes mettant l'accent sur le comportement de cet objet. Si les systémistes apparaissent d'avantage comme des observateurs du phénomène qu'ils construisent, les praticiens en recherche-action s'engagent résolument dans l'action, devenant ainsi les acteurs d'un phénomène dont ils font l'histoire ” [CARDINAL1998].

Ainsi, notre modèle va-t-il se construire au fur et à mesure de l’avancement de notre perception de la réalité. La recherche-action nous permettra de construire ce modèle en apprenant sur lui. Nous nous inscrivons bien dans le courant d’idées proposé par Herbert Simon : au lieu de chercher à amener les décideurs à adopter un comportement considéré comme rationnel, “ il faut étudier et comprendre leurs comportements comme une adaptation active et raisonnable à un ensemble de contraintes et d’opportunités perçues dans leur contexte d’action ” (cité par [MASSICOTTE1995]).

Cette conception est fondamentale pour la construction de nos modèles : c’est bien en partant de la réalité perçue par nous ou par les gestionnaires que nous interviewons que nous construisons nos modèles. C’est à partir de la réalité que se construit le modèle systémique actionnable qui peut la rendre intelligible.

87 “ La définition praxéologique est celle que nous construisons par la pratique de l’objet à définir, indifférents à sa composition mais attentifs à son comportement ou à son utilisation ” [LEMOIGNE1994] p. 63.

88 Jean-Louis Le Moigne, Connaissance actionnable et action intelligente, Atelier MCX 1998. Document disponible à http://www.mcxapc.org/poitiers/ga98/1.htm#top (page consultée en Septembre 1999).