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Chapitre III Vieillissement et traitements émotionnels : « effets de positivité »

2. Les modulations relatives aux traitements émotionnels en psychologie expérimentale

2.2. Les études sur les biais attentionnels

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Tableau 3 : Principaux résultats des études comportementales ayant évalué l’influence de l’âge sur le traitement de stimuli émotionnels dans des tâches de type « détection de cible » et « priming émotionnel ».

%identification : nombre de cibles correctement détectées

P : Effets de Positivité, = : Pas d’effet de l’âge, N = Biais de négativité plus important avec l’âge ; Nombre de participants (Moyenne ou étendue), SJ : Sujets Jeunes, SA : Sujets Agés, S : Variables des participants manipulées ; Stimuli (durée de présentation), C : Variable contrôlée sur les stimuli.

Tâches type « détection de cibles et priming émotionnel »

Etude Participants Stimuli Tâches

Mesures Effets*

Mather et al. (2003) P

SJ : 52 (18-35) SA : 52 (62-94)

Visage appariés (1s) Joie, colère, tristesse

« Dot probe » : Temps de réponse

Neg –Neu: SJ<SA Pos –Neu : SJ>SA

Lee et al. (2009)

N/P SJ : 103 (18-33) SA : 44 (55-87)

Visages, Mots, Images appariés (Temps de présentation: 50ms, et 1500ms)

Neg (colère, tritesse), Neu

« Dot probe » : Temps de réponse

SJ : Pas d’effet

SA :50ms : Colère <Neu 1500ms : Colère> neu Isaacowitz et al.

(2006b) P/=

SJ : 35 (18-24) SA : 50 (61-85)

Visages appariés (2s) Joie, tristesse

« Dot probe » :

Temps de réponse Pas d’effet de l’âge Leclercet al. (2008)

N

SJ : 24 (18-22) SA : 24 (68-84)

Images Pos, Neg, Neu

C : Valence = Haute et Basse C : Activation = Haute et Basse

Détection cible : Temps de réponse

SJ : Pos Haute activation > Pos Basse activation, Neg , Neu SA : Emotionnel> neutre Mather et al. (2006)

=

SJ : 33 (18-28) SA : 35 (65-82)

Visages Schématiques Menaçant, Non menaçant (joie,neutre)

Détection cible :

Temps de réponse Pas d’effet de l’âge Goeleven et al.

(2010) P

SJ : 27 (23-49) SA : 27 (67-82)

Visages appariés (4s) Pos, Neg,Neu

Détection de cible et catégorisation:

Temps de réponse

Cible Pos – Distracteur Neg : SJ>SA

Steinmetz et al.(2010)

P

SJ : 25 (18-25) SA : 22 (60-85)

Mots (60-100ms) Pos, Neg,Neu C : Valence =Haute C : Activation = Basse

Blink attentionnel :

% identification Neg : SJ>SA

Langley et al. (2008) P

SJ : 30 (19-30) SA : 30 (63-80)

Mots (84-116ms) Pos, Neg, Neu

Blink attentionnel :

% identification Pos: SA>SJ

*Plusieurs type d’analyse peuvent être effectuer: une comparaison au sein d’un groupe d’âge entre deux catégories de stimuli e.g., SA: Joie>neutre; ou pour une catégorie de stimuli donnée, une comparaison entre les âges e.g., Joie : SJ>SA Dans les tâches de Dot Probe un temps de réaction court indique une attirance attentionnelle.

L'un des paradigmes les plus utilisés pour étudier les préférences attentionnelles consiste à enregistrer l’orientation du regard à l’aide de matériel d’oculométrie (eye-tracking) lors d'une tâche de perception passive où deux stimuli, différant par leur valence émotionnelle, sont appariés et présentés simultanément. De nombreuses études utilisant ce type de paradigme avec des images de scènes naturelles ou de visages rapportent un évitement attentionnel des stimuli négatifs avec l’âge. En effet, des fixations oculaires moins nombreuses et moins longues des stimuli négatifs par rapport aux stimuli neutres sont ainsi observées chez les personnes âgées comparativement aux jeunes (Isaacowitz, Allard, et al., 2009; Isaacowitz et al., 2006a; Knight et al., 2007; Rösler et al., 2005). Pour certaines de ces

53 études, cet évitement des situations négatives s’accompagne d’une attirance pour les stimuli positifs croissante avec l’âge, avec des temps de fixations oculaires plus longs sur les stimuli positifs par rapport aux stimuli neutres (Isaacowitz et al., 2006b) ou un nombre de fixations plus importants sur les zones d’intérêts des stimuli positifs (Allard & Isaacowitz, 2008).

Néanmoins, il apparaît que, dans ces conditions appariées, l’évitement des stimuli négatifs et l'attirance pour les situations positives avec l’âge ne s’observent que tardivement après l’apparition des stimuli, soit à partir de 500 ms (Isaacowitz, Allard, et al., 2009) ; un biais de négativité semble être conservé chez les personnes âgées pour la première fixation oculaire (Isaacowitz, Allard, et al., 2009; Knight et al., 2007). De plus, une méta-analyse réalisée sur la base de ces études révèle que la réduction du biais de négativité avec l'âge (i.e., l'évitement des stimuli négatifs) est plus importante que l’augmentation du biais de positivité (i.e., l'attirance pour les stimuli positifs) (Murphy & Isaacowitz, 2008).

Il est à noter que dans ces études en eye-tracking, les participants réalisent des tâches passives de perception. Or, il a été montré que la tâche proposée peut jouer un rôle dans la modulation des traitements des stimuli émotionnels en modifiant volontairement l’orientation et l’engagement attentionnel (Chapitre II, 4). Afin d’évaluer dans quelle mesure les préférences attentionnelles liées aux propriétés émotionnelles des stimuli évoluent avec l’âge lors de tâches d’orientation attentionnelle (dans lesquelles les stimuli émotionnels sont pertinents pour la tâche), d’autres paradigmes ont été testés tels que les paradigmes NAP et de clignement attentionnel.

Le paradigme NAP (Negative Affective Priming) (Joormann, 2004; Tipper, 1985;

Wentura, 1999) se place dans la continuité des études utilisant des paires de stimuli variant par leur valence émotionnelle. Dans ce paradigme, deux stimuli appariés sont présentés simultanément, l’un constituant la cible, indiquée au participant par un cadre qui l’entoure, l’autre constituant un distracteur. Le participant a pour consigne de catégoriser le plus vite possible la cible. Dans le cadre d’un paradigme NAP, Goeleven et collaborateurs (2010) ont utilisé des paires de visages émotionnels qui étaient soit de même valence (condition contrôle) soit de valences opposées (condition expérimentale). Ils ont montré chez les personnes âgées que les visages positifs cibles étaient catégorisés plus rapidement lorsqu’ils étaient associés avec un visage négatif distracteur plutôt qu’un visage positif, alors que le pattern inverse était observé chez les jeunes. Le traitement des visages cibles négatifs était, quant à lui, équivalent entre les deux conditions de distracteur (positif ou négatif) dans les deux groupes d’âge. Sur la base de ces résultats, il a donc été suggéré une diminution avec l’âge des capacités de capture

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attentionnelle, et donc du pouvoir distracteur des stimuli négatifs vis-à-vis des stimuli positifs cibles, ce qui facilite, par voie de conséquence, le maintien de l’attention sur ces derniers.

Des études utilisant un paradigme de clignement attentionnel confortent cette hypothèse et montrent que la facilitation à détecter les cibles négatives classiquement observée chez les sujets jeunes disparaît chez les personnes âgées alors qu’aucun effet lié à l’âge n’est constaté sur les cibles positives (Langley et al., 2008; Steinmetz et al., 2010). Il est à noter toutefois que, dans le cadre de paradigmes moins complexes avec une charge cognitive plus faible, tels que des paradigmes de simple recherche visuelle ou de détection d’une cible parmi un ensemble de stimuli, les personnes âgées ne présentent pas plus de difficultés à détecter des cibles négatives que des cibles positives ; les unes comme les autres sont, par ailleurs, plus rapidement détectées que des cibles neutres (Leclerc & Kensinger, 2008; Mather & Knight, 2006).

Finalement, un dernier type de paradigme dit « dot-probe » (MacLeod, Mathews, & Tata, 1986) a été utilisé pour évaluer les préférences attentionnelles et l'évolution de ces préférences avec l’âge. Dans ce type de paradigme, deux stimuli dont l’un est émotionnel, l’autre non, sont présentés aux participants pour une durée prédéterminée. Suite à cette présentation, un point apparait du côté d’un des deux stimuli et le participant a pour consigne de dire le plus vite possible de quel côté se trouve ce point. Pour ce type de tâche, la paire de stimuli émotionnels n’est pas pertinente pour la tâche mais sert d’amorce. L’hypothèse repose sur l'idée que le participant répondra plus rapidement si la cible apparaît à la place du stimulus vers lequel son attention a été attirée. En utilisant des visages positifs ou négatifs associés à des visages neutres, Mather & Carstensen (2003), ont ainsi mis en évidence une plus grande facilitation à répondre quand le point cible apparaissait à la place d’un visage positif et une inhibition plus importante pour la condition où le visage était négatif pour le groupe de sujets âgés, comparativement au groupe plus jeune. Une étude ultérieure montre, néanmoins, que ces différences liées à l’âge dépendent du temps de présentation de la paire de stimuli

« amorce », puisque cette préférence pour les images positives chez les personnes âgées s'observe pour un temps de présentation de 1500 ms, mais non pour une présentation subliminale de 50 ms; dans ce dernier cas, un biais de négativité est plutôt observé (Lee &

Knight, 2009).

Une étude vient nuancer ces résultats et démontre que les tailles d’effets concernant l’impact de l’âge sur l’orientation attentionnelle en fonction de la valence sont plus faibles

55 pour les paradigme de type dot-probe que pour d’autres paradigmes en oculométrie (Isaacowitz et al., 2006b). Dans cette étude, le paradigme de dot-probe (similaire à celui utilisé par Mather et al, (2003) n’a révélé aucun biais émotionnel pour les sujets jeunes, et seule une tendance à répondre plus vite à un point remplaçant un stimulus positif a été observée pour les sujets âgés Le paradigme en oculométrie, a, en revanche, mis en évidence, dans cette même étude, un plus grand évitement des visages négatifs avec l’âge et une attirance pour les visages positifs.