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Chapitre VII Effets de positivité, niveau d’activation et contexte affectif

Etude 1 Processus cérébraux relatifs au traitement de scènes naturelles émotionnelles

4. Discussion

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Dans le contexte de basse activation, l’amplitude pour les stimuli négatifs (M=7.57, ES=1.2) est plus importante que pour les stimuli positifs (M=4.37, ES=1.1; p<.013) et neutres (M=3.73, ES=1; p<.005) chez les sujets jeunes. Chez les sujets âgés, l’amplitude des stimuli émotionnels (négatifs: M=3.30, ES=1.77; positifs: M=3.33, ES=1.2) est plus importante que pour les stimuli neutres (M=1.09, ES=1.2, p<.001 pour les deux comparaisons) ; aucune différence significative n’est observée entre les stimuli positifs et négatifs.

Figure 29: Amplitude moyenne de la LPP en fonction de l'âge, du contexte et de l'émotion (Neg = Négative; Pos = Positive; Neu = Neutre) et résultats des comparaisons post-hoc. Les barres d’erreurs représentent les erreurs standards. * p<0.05 ; ** = p<.01.

133 Traitement du niveau d’activation des stimuli négatifs avec l’âge

En accord avec la littérature sur la composante LPP, laquelle est sensible au niveau d’engagement attentionnel et au niveau d’activation et de signification motivationnelle du stimulus (De Cesarei & Codispoti, 2011; Schupp et al., 2000; Ferrari, Codispoti, Cardinale, &

Bradley, 2008), nous avons observé une diminution d’amplitude pour les scènes négatives de basse activation par rapport aux scènes négatives de haute activation (De Cesarei &

Codispoti, 2011; Schupp et al., 2000). Toutefois, contrairement à nos hypothèses, cette réduction entre les deux niveaux d’activation était similaire entre les deux groupes d’âge, suggérant que le traitement relatif des niveaux d’activation des scènes négatives est réalisé sur un rapport d’échelle similaire entre les deux groupes d’âge. Néanmoins, l’amplitude de la LPP pour les scènes négatives de haute et basse activation était globalement réduite pour les participants âgés en comparaison avec les participants jeunes. Cet effet de l’âge a été reporté dans quelques études en EEG (Kisley et al., 2007; Langeslag & van Strien, 2009; Wood &

Kisley, 2006) et dans plusieurs études en neuro-imagerie montrant spécifiquement une réduction de l’activité de l’amygdale (Leclerc & Kensinger, 2011; Nashiro et al., 2011; St Jacques et al., 2009). A la vue de ces résultats, nous ne pouvons conclure sur les raisons de ces modulations et de cette baisse d’engagement attentionnel pour les scènes négatives. Au regard du modèle du « contrôle cognitif » (Mather & Carstensen, 2005; Mather, 2012), présenté dans le Chapitre IV (2.2.), ces modulations peuvent être la conséquence de processus de régulation qui atténueraient la saillance des scènes négatives quel que soit leur niveau d’activation. Mais, nous ne pouvons pas non plus écarter l’hypothèse d’un déclin cognitif et d’une altération des fonctions de l’amygdale comme supposés par le « Aging Brain Model»

(Cacioppo et al., 2011). Nos résultats semblent, en revanche, plutôt contradictoires avec les deux autres modèles, SAVI (Charles, 2010) et DIT (Labouvie-Vief, 2003) lesquelles présupposent une modulation uniquement pour les stimuli de faible activation.

Influence du contexte sur les biais attentionnels

Par ailleurs, nous supposions une influence contextuelle des scènes négatives sur le traitement des scènes positives et neutres. Contrairement à nos hypothèses, aucun effet de ce contexte affectif n’a été noté pour les scènes positives. En revanche, un effet a été observé pour les scènes neutres ; l’amplitude de la LPP diminuant avec l’âge dans le contexte négatif de basse activation seulement. Ces effets contextuels et les atténuations observées pour les scènes négatives avec l’âge semblent avoir contribué aux différences de biais attentionnels

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que nous avons constatées entre les deux groupes d’âge selon le contexte affectif considéré (i.e., selon le niveau d’activation des scènes négatives).

Dans le contexte de haute activation, étant donné les niveaux d’activation choisis pour les scènes négatives, positives et neutres, nous avons observé très logiquement pour les participants jeunes un biais de négativité (De Cesarei & Codispoti, 2011) avec une plus haute amplitude de la LPP pour les scènes négatives que pour les scènes positives et neutres. Ce résultat conforte l’idée que, d’un point de vue de l’évolution, les stimuli les plus menaçants pour la survie tels que nos scènes négatives de haute activation, possèdent une plus grande valeur adaptative et motivationnelle que n’importe quel autre type de stimuli (Baumeister et al., 2001; Ito & Cacioppo, 2005; Pourtois et al., 2013; Rozin & Royzman, 2001). Pour ces stimuli négatifs de haute pertinence biologique, le système motivationnel donnerait une priorité temporelle et engagerait le système attentionnel « exogène » (chapitre II, 4.) à mobiliser plus de ressources attentionnels sur ces stimuli de façon à augmenter leur traitement perceptuel (Briggs & Martin, 2008; LeDoux, 1995) comme en atteste les variations d’amplitude de la LPP (De Cesarei & Codispoti, 2011; Ferrari et al., 2011).Dans une moindre mesure, une telle facilitation concernerait également les stimuli positifs (par rapport aux stimuli neutres), lesquelles ont induit une plus ample LPP et de meilleures performances que les stimuli neutres. Selon différentes études, cette facilitation impliquerait des processus plutôt automatiques (Kensinger, 2008 ; Dolan, 2002).

Dans ce contexte de haute activation, nous avons également observé un biais de négativité pour les participants âgés bien que l’amplitude de la LPP pour les scènes négatives ait été significativement réduite avec l’âge. Une plus grande amplitude de la LPP pour les scènes négatives de haute activation par rapport aux scènes positives et neutres a ainsi été maintenue chez les personnes agées, suggérant que la prévalence attentionnelle des situations négatives de haute pertinence et les processus automatiques associés à leur traitement sont relativement bien préservés avec l’âge (Leclerc & Kensinger, 2008; Mather & Knight, 2006). Nous confirmons ainsi, à un niveau neurophysiologique, les résultats obtenus par ces études comportementales antérieures. En revanche, la prévalence des images positives sur les images neutres, observée chez les personnes jeunes, a disparu avec l’âge dans ce contexte affectif de haute activation bien qu’aucune différence statistique dans les traitements des positives et des neutres n’ait été notée entre les deux groupes d’âge dans ce contexte. Bien que nous ne pouvons conclure, compte tenu de la simple observation des données, cette absence de différence statistique entre les deux catégories de stimuli chez les personnes âgées pourrait

135 possiblement être liée à une diminution légèrement plus importante dans le traitement attentionnel des stimuli positifs par rapport aux stimuli neutres avec l’âge et par des variances inter-sujets plus ou moins importantes dans chacun de nos groupes de sujets.

Plus intéressant, dans le contexte négatif à faible activation, des patterns très différents entre les participants âgés et jeunes ont été observés. Chez les participants jeunes, le biais de négativité était préservé, l’amplitude de la LPP pour les stimuli négatifs de basse activation étant plus importante que celle pour les stimuli positifs et neutres. Ce biais de négativité était présent bien que les images positives étaient évaluées subjectivement comme étant plus activatrices que les images négatives de basse activation. De plus, contrairement au contexte affectif de haute activation, l’amplitude de la LPP pour les images positives était similaire à celle des images neutres dans le contexte de basse activation. Ces résultats semblent suggérer que les personnes jeunes privilégieraient un biais de négativité, y compris dans le cas où les stimuli négatifs ont un niveau d’activation relativement bas.

Dans le contexte affectif de basse activation, les participants âgés, contrairement aux participants jeunes, ont présenté un biais émotionnel plutôt qu’un biais de négativité. En effet, l’amplitude de la LPP pour les stimuli positifs n’était pas différente de celle des stimuli négatifs mais toutes deux étaient supérieures à l’amplitude des stimuli neutres. Une telle réduction du biais de négativité avec l’âge (i.e., effet de positivité) a été précédemment observée dans des études en EEG sur la LPP qui ont utilisé des stimuli aux gammes d’activation proches des nôtres mais n’ont pas manipulé le niveau d’activation en tant que facteur (Kisley et al., 2007; Langeslag & van Strien, 2009; Wood & Kisley, 2006). D’autres études comportementales ont manipulé ce facteur et suggèrent que cette réduction du biais de négativité serait la résultante d’une dévaluation de l’impact des stimuli négatifs de basse activation (Gruhn & Scheibe, 2008; Kensinger, 2008; Streubel & Kunzmann, 2011). Au niveau physiologique, une réduction d’amplitude de la composante LPP a bien été observée avec l’âge pour les stimuli négatifs de basse activation. Mais, une même réduction a été également notée avec l’âge pour les stimuli négatifs de haute activation. C’est l’association de cet effet global lié à l’âge sur les négatifs avec l’absence de tout effet d’âge sur le traitement des stimuli positifs (quel que soit le contexte) qui pourrait justifier la disparition du biais de négativité avec l’âge dans le contexte négatif de basse activation. Au regard des niveaux d’activation des stimuli positifs et des stimuli négatifs de basse activation, il peut être supposé également que les sujets jeunes amplifieraient automatiquement et « par défaut » leur engagement attentionnel pour les stimuli négatifs (quel que soit leur niveau d’activation) et

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que ce biais disparaitrait avec l’âge, contribuant à l’observation d’un effet de positivité dans le contexte de basse activation.

Contrairement aux sujets jeunes, les adultes âgés, dans le contexte de basse activation, semblent favoriser un biais émotionnel (négatifs et positifs supérieurs aux neutres) en dévalorisant le traitement des situations neutres. Dans le contexte de basse activation uniquement, une plus faible amplitude de la LPP pour les neutres a ainsi été relevée pour les participants âgés comparés aux participants jeunes; suggérant une influence à la fois de l’âge et du contexte affectif sur le traitement des stimuli neutres. Ce résultat est important puisqu’il remet en cause l’utilisation des stimuli neutres comme ligne de base dans l’étude des effets de positivité sur l’attention. Or, un très grand nombre d’études ont utilisé les stimuli neutres comme tel (Allard & Isaacowitz, 2008; Isaacowitz, Allard, et al., 2009; Isaacowitz et al., 2006a, 2006b; Knight et al., 2007; Mather & Carstensen, 2003; Murphy & Isaacowitz, 2008).

Afin de mieux comprendre les effets de positivité avec l’âge, ce point devrait donc être davantage considéré.

Données comportementales

Bien que des effets très nets de l’âge aient été observés au niveau du traitement cérébral, aucun effet de l’âge n’a été constaté au niveau comportemental aussi bien au niveau des performances de catégorisation émotionnelle, les taux de bonnes réponses étant comparables entre les deux groupes, qu’au niveau de l’évaluation subjective des niveaux d’activation des stimuli.

Cette dissociation entre données cérébrales et données comportementales a été reportée dans d’autres études de potentiels évoqués (Langeslag et al., 2009 ; Wieser et al., 2006) utilisant, comme nous, des scènes naturelles comme stimuli. Des effets de l’âge sur l’évaluation subjective de scènes naturelles émotionnelles sont rarement observés dans les études qui ne sont pas spécifiquement dédiées à l’étude de ces effets comme c’est le cas ici.

Une des justifications de l’absence d’effets d’âge dans notre étude sur les données d’évaluation subjective repose sur le fait que cette évaluation s’est faite sur la base d’une seconde présentation des images ; des effets d’habituation peuvent alors avoir biaisé le ressenti des participants. Quant aux résultats de performances de catégorisation émotionnelle lors de l’expérience, il est à noter que, comme dans la plupart des études de neuroimagerie, les réponses des participants ont été demandées après et non pendant la présentation des scènes,

137 de sorte que les participants pouvaient évaluer la situation d’une manière plus consciente et rationnelle.

En raison de nos choix expérimentaux, notre étude présente quelques limites. Le nombre limité de participants a pu conduire à cette absence d’effets d’âge sur le traitement des stimuli négatifs selon leur niveau d’activation et sur le traitement des stimuli positifs selon le contexte. De plus, notre étude s’est particulièrement focalisée sur l’influence de l’âge sur le traitement des stimuli négatifs et sur leur influence dans le traitement des stimuli positifs (et neutres). Toutefois, il n’est pas exclu que l’âge puisse avoir aussi une influence sur le traitement des stimuli positifs lesquels seraient susceptibles aussi d’avoir une influence sur le traitement des stimuli négatifs (et neutres). Afin de répondre à cette question, il faudrait manipuler le niveau d’activation des stimuli positifs (ce qui n’a pas été fait dans cette étude) et voir dans quelle mesure l’effet de l’âge sur les stimuli positifs peut contribuer à l’observation de changements de biais attentionnels avec l’âge.

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