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Chapitre X Effets de positivité, orientation attentionnelle et conflit émotionnel

Etude 4 Les effets de positivité chez les personnes âgées en situation de conflit

2. Expérience comportementale

2.1. Méthodologie

2.1.1. Participants

Trente-deux participants âgés de 20 à 35 ans (10 hommes, 22 femmes M=22.6 ± 0.5 ans ont participé à l’expérience) et vingt-trois participants âgés de 60 à 80 ans (7 hommes, 16 femmes M=68.4 ± 1.1 ans) ont participé à cette expérience. Tous les participants étaient droitiers, de culture européenne, parlaient couramment le français et étaient de niveau d’éducation équivalent. Les participants ont été sélectionnés à partir d’un groupe de 25 volontaires jeunes et de 29 volontaires âgés, suivant la même procédure de recrutement que

177 l’étude 114 et 3. Tous les participants ont signé un formulaire de consentement et ont reçu une indemnité de 10€ après l’expérience.

2.1.2. Stimuli

Les stimuli étaient projetés sur fond noir, en utilisant le logiciel E-prime (E-prime Psychology Software Tolls Inc., Pittsburgh, USA)et un écran d’ordinateur de 19 pouces placé à 90 cm du participant. Les stimuli étaient constitués de 180 images de scènes naturelles (avec une résolution de 640 par 480 pixels) divisées en 3 catégories : 60 images négatives, 60 positives et 60 neutres. Les scènes étaient des gros plans qui impliquaient directement le participant (i.e., avec un point de vue à la première personne). Les images ont été sélectionnées à partir de plusieurs banques de données à savoir : l’ « International Affective Picture System » (IAPS) (Lang et al., 1997), des banques d’images (libres de droits) proposées par des sites internet et des images personnelles. Le contenu des scènes était varié et équivalent (dans les types de scènes) entre les stimuli de différentes valences. Les scènes négatives étaient des images d’animaux dangereux (e.g., araignées, serpents, chiens agressifs), d’environnements non sécurisants (e.g., tornade, feu de forêt, tsunami) et de personnes agressives (e.g., munies d’une arme blanche ou à feu, attitudes agressives). Les scènes positives contenaient des animaux agréables (e.g., chiots, dauphins), des paysages idylliques (e.g., plages, montagnes) et des individus sympathiques et accueillants (e.g., scènes festives, enfants qui jouent). Les scènes neutres avaient un contenu similaire aux deux autres catégories d’images avec des environnements, des individus, des animaux et des objets non- émotionnels. Les images ont été catégorisées sur la base d’un pré-test effectué par 34 volontaires (22.7 ans 1.2, 20 femmes, 14 hommes). Les résultats du pré-test sont présentés en annexe E.

14 Tous les participants étaient droitiers, de culture européenne, parlaient couramment le français et étaient de niveau d’éducation équivalent. Ils avaient une vue normale ou corrigée à la normale, n’avaient pas de troubles neurologiques ou neuropsychiatriques, ni de traitements médicamenteux susceptibles de moduler les processus émotionnels (e.g., bétabloquant). Chaque volontaire a été soumis aux 3 tests neuropsychologiques utilisés dans la première étude pour évaluer sa santé mentale et cognitive, à savoir le Mini Mental State Examination (MMSE), couramment utilisé pour le dépistage des démences séniles, le « Wisoncsin Card Test » qui permet de tester les capacités des fonctions exécutives et une échelle de dépression, la version courte du questionnaire de Beck. Chaque participant sélectionné pour l’expérience a obtenu un score minimal de 27 au MMSE pour les sujets âgés et 28 pour les sujets jeunes, avait un score maximum de 4 à la version courte de l’échelle de dépression de Beck et n’a pas fait plus de 12 erreurs à la version courte du « Wisconsin Card Test ».

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Les stimuli négatifs évoquaient une émotion de peur. Compte tenu des résultats de l‘étude 1 et de la littérature, nous avons choisi des images négatives présentant un degré d’activation diminué (négatives : 5.5 ± 0.8) afin de favoriser l’émergence des effets de positivité. Les images positives évoquaient une émotion de bien-être. Leur niveau d’activation était équivalent à celui des images négatives (positives=5.4 ± 0.6) afin d’éviter des biais attentionnels liés à une différence de niveau d’activation entre les stimuli positifs et négatifs.

En effet, l’idée ici étant de savoir dans quelle mesure la valence de ces stimuli allait jouer un rôle dans l’émergence des effets de positivité en situation conflictuelle (avec des niveaux d’activation susceptibles de favoriser ces effets de positivité). Enfin, les images neutres se caractérisaient par une absence d’émotion induite et étaient de degré d’activation très faible (1.2 ± 0.2). La luminosité et le contraste des images ont été corrigés de manière à ce qu’il n’y ait pas de différences significatives entre les stimuli de valences différentes.

Chaque essai comprenait 2 images l’une au-dessus de l’autre, écartées de 1cm. Chaque image mesurait 5.5cm de hauteur et 7cm de largeur de façon à obtenir un angle visuel total sur les deux images de 7.5° en hauteur (12cm) et 4.4° en largeur. Ainsi, même lorsque le participant orientait son regard sur une image, l’autre image était encore présente dans son champ de vision.

2.1.3. Protocole expérimental

Le protocole est inspiré d’une étude ayant mis en évidence des effets de positivité avec l’âge sur des visages émotionnels appariés (Goeleven et al., 2010).

Au cours de l’expérience, la tête du participant était maintenue à l’aide d’une mentonnière de façon à ce que le regard reste centré sur le centre de l’écran, lieu de présentation du couple d’images. Les participants ont réalisé deux blocs de 90 essais. Une pause de quelques minutes était prise entre les blocs. Chaque essai était constitué de la présentation de 2 images l’une au- dessus de l’autre. L’une des deux images, appelée « cible », était indiquée par un cadre gris clair de 3 mm d’épaisseur entourant l’image dès l’apparition du couple d’images, l’autre image étant le « distracteur ». L’image cible était de valence négative, positive ou neutre et était appariée systématiquement avec un distracteur d’une autre valence. Le choix de la valence du distracteur était quasi-aléatoire de façon à obtenir autant de couples pour chacune des 6 conditions suivantes (tableau 11) :

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Tableau 11 : Tableau des 6 conditions expérimentales et leur nombre d’essais respectifs.

Distracteur

Cible

Négatif Positif Neutre

Négative X 30 30

Positive 30 X 30

Neutre 30 30 X

Afin de limiter les influences entre les couples, la séquence de présentation des conditions était pseudo-aléatoire et définie de façon à limiter les influences des essais les uns sur les autres, tel que l’ont montré Goeleven et collaborateurs (2010). Deux listes ont été utilisées et contrebalancées entre les participants. La position de la cible (haute ou basse) était quasi- aléatoire afin qu’il y ait autant de position haute que basse pour chaque condition expérimentale. Chaque image était présentée 2 fois, une fois en tant que cible, une fois en tant que distracteur.

A chaque essai, dès la présentation du couple d’images, les participants avaient pour consigne de catégoriser le plus vite possible la « cible » sur la base de leur ressenti émotionnel. Ils devaient ainsi indiquer s’ils avaient ressenti, à la vue de la cible, une émotion de peur pour leur intégrité physique, une émotion de bien-être ou aucune émotion. Chaque essai débutait par une croix de fixation blanche de 750 et 1250ms. Le couple d’images était ensuite présenté jusqu’à ce que le participant réponde, dans une durée maximum de 3000ms.

Enfin, un masque noir était présenté ; sa durée était variable et était calculée de façon à ce que l’essai dure 8 s au total (figure 39). Un point blanc sur fond noir d’une durée comprise entre 1500ms et 2000ms séparait les essais afin d’éviter des effets de priming (Goeleven et al., 2010; Smith et al., 2006). Avant la réalisation des deux blocs expérimentaux, les participants ont été familiarisés avec la tâche durant une phase d’entrainement contenant 30 essais différents des essais utilisés pour la phase expérimentale.

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Figure 39: Schéma du déroulement d’un essai du protocole expérimental.

2.1.4. Traitement des données comportementales et analyses statistiques

Pour chaque participant, le temps de réaction moyen et le taux moyen de réponses correctes ont été mesurés dans chacune des 6 conditions expérimentales. Comme dans les précédentes études, nous avons considéré comme correctes les réponses des participants qui étaient congruentes avec la catégorie du stimulus estimée sur la base du groupe pré-test.

Toutes les autres réponses (non congruentes ou erreurs d’appui bouton du clavier) ont été considérées comme des réponses fausses. Les essais sans réponse ont été également considérés comme des erreurs. Seuls les essais pour lesquels les participants ont répondu correctement ont été utilisés pour le calcul et l’analyse statistique des temps de réaction moyens (TRm). Par ailleurs, les réponses données avant 300ms après m’apparition des stimuli et celles dépassant une valeur seuil de 3000ms ont été également exclues de l’analyse.

Les taux de réponses correctes et les temps de réaction moyens ont été évalués chacun à l’aide d’une ANOVA à mesures répétées avec l’Age des participants (jeunes, âgés) comme facteurs inter-sujets et le Type d’appariement (correspondant aux 6 conditions expérimentales) comme facteur intra-sujets. Dans le cas où la sphéricité des données n’était pas respectée, une correction des degrés de liberté utilisant une méthode de Greenhouse- Geisser a été appliquée. N’ayant pas d’hypothèses particulières quant aux taux de bonnes réponses par valence, un test post-hoc de Tukey nous a permis d’explorer les comparaisons de moyennes des réponses correctes. Afin d’identifier directement l’orientation des biais

181 attentionnels avec l’âge et isoler les effets de distraction et d’attraction propre à chacune des valences (négative et positive) sur la valence opposée, nous avons évalué les effets de l’âge sur les différences suivantes15:

1) D1 : Conditions « Cible Positive/ Distracteur Négatif » - « Cible Positive / Distracteur Neutre ». Cette différence nous a permis d’évaluer les capacités de distraction de l’image négative par rapport à l’image neutre sur le traitement d’une cible positive avec l’âge.

2) D2 : Conditions « Cible Négative/ Distracteur Positif » - « Cible Négative / Distracteur Neutre ». Cette différence nous a permis d’évaluer les capacités de distraction de l’image positive par rapport à l’image neutre sur le traitement d’une cible négative avec l’âge

3) D3 : Conditions « Cible Négative / Distracteur Positif » - « Cible Neutre /Distracteur positif ». Cette différence nous a permis d’évaluer les capacités d’attraction de la cible négative par rapport à une cible neutre dans le contexte d’un distracteur positif

4) D4 : Conditions « Cible positive/ Distracteur Négatif » - « Cible Neutre /Distracteur Négatif ». Cette différence nous a permis d’évaluer les capacités d’attraction de la cible positive par rapport à une cible neutre dans le contexte d’un distracteur négatif.

Les images neutres ont donc été utilisées comme « référence » ou « condition contrôle ».

Afin de faire cette différence, nous avons vérifié statistiquement au préalable que pour chaque âge, l’influence d’un distracteur négatif et positif sur le traitement d’une cible neutre était équivalente et qu’un distracteur neutre avait un effet équivalent sur des cibles positives et négatives.

Dans l’hypothèse d’effets de positivité avec l’âge, les comparaisons planifiées (sur ces différences) nous ont permis ainsi d’évaluer si la vitesse de traitement d’une cible négative était atténuée avec l’âge en présence d’un distracteur positif. Un tel effet suggérait une atténuation dans la rapidité de traitement des stimuli négatifs avec l’âge en raison i) d’une augmentation du pouvoir distracteur intrinsèque des stimuli positifs sur le traitement des stimuli négatifs (D2) et ii) d’une diminution de l’orientation de l’attention sur une information non pertinente pour les personnes âgées, mais pertinente pour la tâche (D3). Nous avons, par

15 Evaluer statistiquement un effet de l’âge sur ces différences revient à évaluer les effets de l’âge des comparaisons planifiées sur les conditions mise en jeu dans pour chacune des différences.

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ailleurs, évalué si l’attraction d’une cible positive était potentialisée avec l’âge en présence d’un distracteur négatif. Un tel effet suggérait une facilitation dans la rapidité de traitement des stimuli positifs en raison i) d’une atténuation du pouvoir distracteur intrinsèque des stimuli négatifs sur le traitement des stimuli positifs (D1) et ii) d’une augmentation de l’orientation de l’attention sur une information pertinente pour les personnes âgées et pertinente pour la tâche (D3). En raison de la non-orthogonalité des comparaisons multiples, le seuil de significativité fixé à 0,05 a été corrigé en appliquant une correction de Bonferroni (α=0.05/4 soit 0.0125). Dans le cas où la sphéricité des données n’était pas respectée, une correction des degrés de liberté utilisant une méthode de Greenhouse-Geisser a été appliquée.

Le seuil de significativité a été fixé à 0.05.