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3.5 Conclusions sur le modèle de grille avec décohésion

4.1.1 Approches proposées dans la littérature

On peut distinguer deux types d'écoulements de uide au sein d'un matériau solide, selon l'échelle à laquelle on décrit le matériau. Il existe tout d'abord des écoulements dius, caractérisés par un ux plus ou moins homogène au sein du matériau. Ces écou- lements dius peuvent être liés à une porosité intrinsèque du matériau, ou à une micro- ssuration due à un endommagement partiel de la microstructure. Il existe par ailleurs des écoulements localisés, transitant par des ssures macroscopiques au sein du matériau.

Ces écoulements sont au contraire fortement hétérogènes, car concentrés dans les ssures.

Les deux types d'écoulements coexistent dans le béton : le ciment est un matériau poreux, dans lequel les uides peuvent s'écouler naturellement, mais également fragile, et susceptible de se ssurer. Tant que le béton n'est que faiblement endommagé, les écoulements de uide se font via le réseau poreux, et le cas échéant par le réseau de micro- ssures induit par l'endommagement. Dans ce cas, la perméabilité du béton reste faible.

En revanche, lorsque des ssures macroscopiques apparaissent au sein de la structure, l'écoulement de uide dans ces ssures devient prédominant, et le taux de fuite augmente de plusieurs ordres de grandeur. La répartition des écoulements dans la structure est alors essentiellement déterminée par la topologie des ssures la traversant.

Les méthodes utilisées dans la littérature pour modéliser les écoulements de uide dans le béton privilégient l'un ou l'autre de ces phénomènes : certaines utilisent une représentation moyennée des écoulements, liée à une perméabilité volumique du béton, tandis que d'autres s'appuient sur une représentation discrétisée des écoulements, via des réseaux de ssures. La première approche s'appuie sur le cadre général des comportements thermo-hydro-mécaniques des milieux poreux. On peut citer par exemple les travaux de Jason et al. [94,95], et de Meschke et Grasberger [96,92]. L'approche proposée par Jason consiste à résoudre de façon chaînée le comportement mécanique de la structure, puis l'écoulement des uides au sein du béton. Le comportement du béton est modélisé par un comportement élasto-plastique endommageable, et par une perméabilité qui dépend de l'hydratation et de l'endommagement du béton. Un premier calcul mécanique permet de déterminer la dégradation du béton sous l'eet de sollicitations extérieures. Ensuite,

un calcul d'écoulement de uide dans la structure est réalisé, qui permet d'estimer son étanchéité. Les auteurs soulignent que cette approche est principalement adaptée à la des- cription de faibles niveaux d'endommagement, son extrapolation à de vraies ssures étant délicate. De façon similaire, Meschke et Grasberger [96,92] proposent un modèle formulé dans le cadre des comportements thermo-hydro-mécaniques couplés, décrit par Coussy [91]. Le comportement mécanique du béton est modélisé par un modèle de type smeared crack, présentant un comportement élasto-plastique endommageable. La perméabilité du matériau est dénie comme la somme d'une perméabilité intrinsèque, liée à la porosité du béton, et d'une perméabilité anisotrope induite par les ssures. Cette perméabilité anisotrope est évaluée par un modèle de type Poiseuille au sein de chaque élément, et n'autorise d'écoulement que dans la direction de la ssure. Les exemples d'applications proposés concernent la modélisation du retrait du béton au jeune âge. En conclusion, ces approches continues permettent de modéliser de façon réaliste la perméabilité du béton aux faibles niveaux d'endommagement. En revanche, il n'est pas certain qu'elles puissent être extrapolées à la modélisation d'écoulements dans de vraies ssures macroscopiques.

Inversement, on peut choisir de modéliser uniquement les écoulements apparaissant dans les ssures macroscopiques du béton. Cette démarche est adaptée à la modélisa- tion de bétons fortement endommagés, pour lesquels le débit de fuite transitant par le réseau poreux du béton est négligeable devant celui transitant par les ssures. Ce type d'approche nécessite de connaître le réseau des ssures dans le béton, ainsi que la loi d'écoulement du uide dans ces ssures. Celle-ci relie le débit de l'écoulement au gra- dient de pression et à l'ouverture de la ssure. Le modèle d'écoulement le plus simple est le modèle de Hagen-Poiseuille, proposé indépendamment par Poiseuille et Hagen dans les années 1840. Il est valable lorsque l'écoulement de uide est laminaire, et lorsque les bords de la ssure sont lisses. Cette loi d'écoulement s'écrit pour un gaz parfait en écoulement isotherme :

Dm =α ℓfw3 p2int−p2ext

L avec α= M

24µ T R

Dans cette relation,Dmest le débit massique en kg/s, west l'ouverture de la ssure,pint

etpext sont les pressions absolues de part et d'autre du bloc de béton, L est l'épaisseur du bloc de béton, etℓf est la largeur de la ssure. Le coecientαest une caractéristique du uide, qui fait intervenir la masse molaire M du uide, la viscosité dynamiqueµ, sa température T et la constante des gaz parfaits R. Cette loi présente l'avantage d'être relativement simple, et très largement reconnue. Cependant, le débit observé expérimen- talement est en général nettement inférieur aux prédictions du modèle de Poiseuille. Ceci peut être dû soit à la rugosité des bords de la ssure, soit à des phénomènes de turbu- lence aux petites échelles. D'autres lois ont donc été proposées à partir des années 80 par Rizkalla et al. [100], Suzuki et al. [105] et Greiner et Ramm [93]. Ces lois sont purement empiriques. Elles comprennent de nombreux paramètres, qui sont identiés sur un en- semble d'essais expérimentaux. Le principal avantage de ces lois est qu'elles sont souvent plus précises que le modèle de Poiseuille. Inversement, comme toutes les lois empiriques, leur domaine de validité en termes d'ouverture de ssure et de gradient de pression est limité. De plus, on peut s'attendre à ce que ces lois dépendent de la formulation du béton,

qui inue sur la rugosité des bords de la ssure. Il convient donc d'être assez prudent dans l'utilisation de ces modèles.

Plus récemment, Riva et al. [99] et Wang et Hutchinson [106] ont eectué une com- paraison de ces diérents modèles avec des essais expérimentaux. Les essais considérés par Riva sont des essais de traction d'une dalle en béton armé, tandis que Wang et Hut- chinson considèrent un essai de cisaillement. La démarche adoptée par les auteurs est la suivante : les essais sont modélisés de façon très simpliée, avec quelques éléments nis de béton armé. Les ssures n'étant pas représentées explicitement, leur ouverture n'est pas directement accessible. Les auteurs introduisent donc arbitrairement un espacement de ssure, lié soit à l'espacement des barres d'armature (Riva et al.), soit à la taille des éléments nis (Wang et Hutchinson). En multipliant cet espacement de ssures par les déformations anélastiques du béton, les auteurs obtiennent une ouverture équivalente des ssures. Le débit de fuite est nalement calculé en additionnant la contribution de chacune de ces ssures, avec les diérentes lois d'écoulement. Les auteurs concluent que le modèle de Poiseuille surestime beaucoup le débit de fuite, d'un facteur dix environ. Les modèles de Rizkalla et Suzuki donnent de bons résultats, tandis que le modèle de Greiner et Ramm surestime légèrement les résultats. On peut contester cependant le choix fait d'estimer l'ouverture des ssures à partir de la simulation. Il aurait été plus judicieux de s'appuyer sur les ouvertures de ssures mesurées expérimentalement, moins sujettes à caution. Comme le débit de fuite varie au cube de l'ouverture de ssure, on peut penser que ceci a une grande inuence sur les résultats obtenus.

Dans le cadre d'essais expérimentaux menés à l'institut technologique de Karlsruhe, d'autres auteurs se sont intéressés à la modélisation de ssures traversant une portion d'enceinte de connement de centrale nucléaire en vraie grandeur. On peut citer par exemple les travaux de Simon et al. [104] et Niklasch et Herrmann [98]. L'essai considéré correspond à la mise en traction d'un bloc de béton armé de 3 mètres de long et 1,2 mètres d'épaisseur. Ce bloc est mis en traction jusqu'à l'apparition de plusieurs ssures traversantes (voir Figure4.1). Ensuite, une pression est appliquée sur la face supérieure du bloc, et le débit de fuite est mesuré de façon globale. Les données mesurées sur cet essai sont l'ouverture des ssures observée en paroi, ainsi que le débit de fuite global. Le gaz injecté est un mélange air-vapeur à 140C. Les modélisations mises en ÷uvre par les auteurs sont assez proches. La structure est modélisée en deux dimensions, et comprend le volume de béton et des barres d'acier. Le béton est modélisé par un comportement élastique dans les travaux de Simon et al., et endommageable dans les travaux de Nik- lasch et Herrmann. Les armatures sont modélisées par des éléments barre, qui sont reliés au béton par des éléments d'interface. Les ssures sont supposées préexistantes, et sont modélisées par des conditions de contact. Enn, l'écoulement modélisé dans les ssures est laminaire diphasique. Il se compose d'un mélange gazeux air-vapeur, et d'une fraction d'eau condensée à l'intérieur de la structure. Les auteurs s'accordent sur la diculté de reproduire à l'aveugle les résultats expérimentaux en termes d'ouverture de ssure et de débit de fuite. Les paramètres de chargement ainsi que la loi d'écoulement sont donc ajus- tés pour s'approcher des résultats expérimentaux. Une fois ce recalage eectué, l'accord entre l'expérience et les simulations est assez bon (voir Figures4.2et4.3). Ces travaux de

Figure 4.1 Schéma de la dalle de Karlsruhe. La dalle de béton armé est mise en traction horizontalement, et soumise à une pression sur sa face supérieure.

Figure 4.2 Déformée de la dalle de Karlsruhe d'après les travaux de Simon et al. [104]

Figure 4.3 Déformée de la dalle de Karlsruhe d'après les travaux de Niklasch et Herrmann [98].

recherche suggèrent qu'il est possible de modéliser de façon relativement simple le débit de fuite d'une structure en béton. Dans la suite de ce chapitre, nous présenterons deux modélisations tridimensionnelles similaires pour des structures en béton précontraint.

Notons que des travaux de recherche assez proches ont été réalisés dans le domaine des géomatériaux, pour simuler le phénomène de fracturation hydraulique des roches.

Ce phénomène désigne la propagation d'une ssure sous l'eet d'une forte pression de uide injecté dans la ssure. Ce phénomène peut être intéressant, lorsqu'on souhaite par exemple augmenter le rendement d'un puit de forage, ou très néfaste, lorsqu'il aboutit à la déstabilisation d'un barrage hydraulique. On peut citer dans ce domaine les travaux de Boone et Ingraea [90], Ng et Small [97], Selvadurai et Nguyen [103], Alfano et al.

[89], et Segura et Carol [101,102].

4.1.2 Proposition d'un modèle simplié