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Un comportement marqué par des phénomènes sociaux et des différences individuelles

PREMIÈRE PARTIE : LES DÉCHETS MÉNAGERS, UN OBJET D’ÉTUDE SINGULIER POUR LE MARKETING

1.2. Un comportement marqué par des phénomènes sociaux et des différences individuelles

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été acheté, le consommateur doit se poser la question de son élimination. Plusieurs possibilités s’offrent à lui : le jeter à la poubelle, le réutiliser d’une façon différente (en le transformant ou en lui laissant sa forme originelle), le donner à quelqu’un qui pourrait encore s’en servir ou enfin le vendre. Vient enfin la décision de s’en débarrasser définitivement.

C’est à cette étape que l’individu doit décider de trier ou non ses déchets.

1.2. Un comportement marqué par des phénomènes sociaux et des différences

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Français ont déclaré acheter des produits issus du commerce équitable alors que la part de marché de ces produits n’était que de 5 % (Ethicity, 2006 ; Sempels et Vandercammen, 2009).

Ainsi, soit les personnes interrogées n’ont pas dit la vérité soit elles l’ont enjolivé en estimant que consommer des produits équitables de temps à autre les caractérise comme étant des consommateurs responsables réguliers. En effet, « (…) s’il est commode de s’afficher en tant que consommateur responsable, il est bien plus délicat d’en être réellement un » (Sempels et Vandercammen, 2009, p.18). Le même principe peut, nous semble-t-il, s’appliquer au tri des déchets.

En 2002, Sheeran a mené une étude sur les intentions des individus dans différents domaines de la vie de tous les jours. Il a ainsi démontré que 30 à 57 % des personnes interrogées n’ont pas adopté le comportement pour lequel elles avaient émis une intention.

Le même type d’étude a été mené dans le domaine des déchets en 1972 par Bickman.

L’auteur a interrogé 500 personnes sur leurs attitudes et leurs comportements à l’égard des détritus jetés dans la rue. Ainsi, 94 % des personnes interrogées se sont dits particulièrement concernés et ont même déclaré qu’il était de la responsabilité de chacun d’agir en ramassant les déchets se trouvant sur la voie publique. Pourtant, seulement 2 % d’entre elles ont ramassé les déchets laissés bien en vue, par l’équipe du chercheur, sur le chemin leur permettant de quitter le lieu de l’interview.

Les comportements éco-responsable sont également marqués par un phénomène de dilemme social. Un individu rencontre un dilemme social lorsqu’il est devant l’alternative entre un comportement qui lui est bénéfique personnellement et un comportement moins avantageux pour lui, mais qui va dans le sens de l’intérêt collectif. Le dilemme social mène généralement à un piège social (Platt, 1973). Le piège social repose sur l’organisation d’un ensemble de récompenses et de punitions selon laquelle les comportements qui offrent une récompense à l’individu sur le court terme impliquent une punition sur le long terme, pour au moins un autre individu (Platt, 1973 ; Cross et Guyer, 1980).

Le dilemme social repose sur trois mythes fondateurs : le dilemme du prisonnier, la tragédie des biens communs et le dilemme du passager clandestin (Schelling, 2007).

Le dilemme du prisonnier, exemple le plus célèbre de la théorie des jeux, énonce le principe suivant : l’absence de coordination aboutit à une solution sous-optimale pour tous.

La tragédie des biens communs (Hardin, 1968 ; Ostrom, 1990) est basée sur l’exploitation égoïste des ressources de la planète, c'est-à-dire sur le fait que, livrés à eux-mêmes, les

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Hommes surconsommeront toujours les ressources communes. La tragédie des biens communs met en scène les membres d’un groupe social qui se retrouvent face à des choix pour lesquels les décisions égoïstes, individualistes et non-coopératives, bien qu’ayant l’air plus rationnelles pour l’obtention de bénéfices à court terme pour des participants indépendants, produisent des conséquences indésirables à long terme sur l’ensemble des participants considérés en tant que groupe (Shultz et Holbrook, 1999). Ainsi, l’accès libre à une ressource limitée pour laquelle la demande est forte mène inévitablement à la surexploitation de celle-ci et finalement à sa disparition. En effet, chaque individu a un intérêt personnel à utiliser la ressource commune de façon à maximiser son usage individuel, tout en répartissant entre chaque utilisateur les coûts d’exploitation. L’exploitation des ressources halieutiques est un exemple communément utilisé (Ostrom, 1990).

Enfin, le dilemme du passager clandestin (free rider) ou bien dilemme des biens publics est résumé dans la question suivante : pourquoi contribuer à la fourniture des biens publics alors que l’on peut les consommer pour rien ? Certains individus retirent plus d’inconvénients que d’avantage de leur participation et vont alors tricher avec le contrat social. Un bien public se caractérise par une production conjointe (une coopération entre les individus est nécessaire) et par l’impossibilité ou l’inefficacité d’une exclusion des autres individus de sa consommation une fois qu’il a été offert aux membres de la communauté (Musgrave, 1959; Head, 1962).

L’environnement et les mesures de protection qui y sont liées peuvent être caractérisés comme des biens publics. Dans ces conditions, « chaque individu a une situation meilleure si tous contribuent à la fourniture du bien public que si tous n’y contribuent pas, et chacun n’a un sort meilleur encore que s’il ne paye pas la fourniture du bien » (Mueller, 1982, p.12) ou s’il n’y consacre pas du temps et des efforts.

Dans le cas de la gestion des déchets, participer au service public en triant ses déchets implique des coûts personnels importants pour l’individu tandis que les bénéfices sont destinés à la société dans son ensemble. Or, puisque tous les individus, qu’ils participent ou non, bénéficieront d’une gestion des déchets efficace et ainsi, par extension de la protection de l’environnement, certains individus préfèreront adopter la position de passager clandestin et ne contribueront pas à la valorisation des déchets, tout en profitant de ses bénéfices (Pieters, 1991).

Quoi qu’il en soit, le déclaratif est révélateur. S’il faut comprendre les phénomènes en fonction de la réalité du comportement il faut aussi prendre en compte l’image que souhaite

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renvoyer l’individu. En effet, le déclaratif représente aussi une attente : c’est en partie ce que je fais et en partie l’image que j’aimerais donner de moi.

Chaque individu montre des contradictions en fonction du système de valeur en vigueur dans une société, mais aussi de ses caractéristiques personnelles, l’important est alors de trouver le levier le plus pertinent pour arriver à un changement de comportement (Sempels et Vandercammen, 2009).

1.2.2. Un comportement largement influencé par des caractéristiques individuelles

Nous avons vu qu’il existait un écart important entre ce qu’un individu déclare faire pour l’environnement et ce qu’il fait réellement. Plus précisément, certaines personnes déclarent trier leurs déchets alors qu’elles ne le font pas ou qu’elles ne le font que partiellement. Cet écart peut s’expliquer par les phénomènes de désirabilité sociale, de dilemme social ou même l’existence d’obstacles externes et de facteurs situationnels. Néanmoins, il s’explique aussi par des facteurs individuels (Sempels et Vandercammen, 2009 ; Pastore-Reiss, 2006). En effet, « face à une situation donnée, il y a presque autant de possibilités de réaction que d’individus » (Sempels et Vandercammen, 2009, p.21).

Adopter un comportement responsable, comme trier ses déchets, a fait l’objet de nombreuses recherches dans le domaine de la psychologie et du comportement du consommateur. Lorsque l’on cherche à favoriser un changement des mentalités dans le but d’obtenir un changement de comportement, il convient de connaitre les caractéristiques et les motivations individuelles qui expliquent les différences entre les individus qui ont adopté des comportements éco- responsable et les autres.

Ainsi l’explication du décalage, comme l’explication du comportement en lui-même repose largement sur des facteurs personnels (Sempels et Vandercammen, 2009 ; Pastore-Reiss, 2006). Ce phénomène est l’objet de ce travail de thèse et les résultats relatifs aux études sur les antécédents individuels de l’adoption du tri des déchets seront repris en détail dans les chapitre deux et trois.

104 2.LES AUTRES ELEMENTS DU MARKETING-MIX

Après avoir défini le comportement de tri en tant que produit à promouvoir, nous allons maintenant voir comme les trois autres éléments du marketing-mix, à savoir la distribution, le prix et la communication, s’appliquent à la promotion du tri des déchets.