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Les débuts de l’acceptation des règles collectives : quand le déchet devient malsain

DÉCHETS

1.3. Les débuts de l’acceptation des règles collectives : quand le déchet devient malsain

La fin du 18ème siècle et le début du 19ème siècle marquent un nouveau tournant dans l’histoire du déchet notamment grâce aux découvertes de la science et à la naissance du mouvement hygiéniste14

Les gens se montrent plus sensibles à une meilleure hygiène et préoccupés par la santé et les risques de décès. En effet, jusqu’ici l’ordure n’est pas vraiment considérée comme une source d’insalubrité, elle est essentiellement une source de nuisances olfactive et visuelle. Or, à la fin du 18e siècle, on soupçonne les odeurs de propager des miasmes malsains. Les odeurs sont donc dangereuses et cette relation entre puanteur, malpropreté et nocivité persiste encore aujourd’hui.

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La puanteur acquiert un rôle morbide comme cela fut illustré lors d’épidémie de peste quand le verbe « empester » est devenu synonyme d’ « empuantir » (Lhuilier et Cochin, 1999).

14 Le mouvement hygiéniste est né de la volonté de mettre en évidence les risques sanitaires liés à

l’environnement de l’individu et surtout de la volonté de mettre en place des règles portant sur la qualité de l’eau d’alimentation, l’alimentation, l’insalubrité des rues et des habitations, etc. Ce mouvement a réuni des

scientifiques, des médecins, des hommes politiques, des urbanistes, etc. Le but de ce mouvement était de limiter les épidémies et de réduire le taux de mortalité dans la population, c'est-à-dire d’assurer la santé publique (Aschiéri, 2002 ; Bourdelais, 2007 ; Barles, 1999). Pour une revue complète du mouvement hygiéniste voir Bourdelais (2001).

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Même si la transmission ne se fait pas uniquement dans l’air, la désinfection devient synonyme de désodorisation, car « la mauvaise odeur, qu’elle soit celle du mort ou de la merde, du cimetière ou de la vidange, est malfaisante en soi » (Laporte, 1978).

La théorie des miasmes promeut un corps sain et propre et des espaces nettoyés et aérés.

On continue de renforcer l’organisation du ramassage des ordures et du nettoyage. À Paris, la collecte fut confiée à des entreprises qui se servaient de tombereaux à deux chevaux. Celle-ci se faisait à intervalle de deux jours à un mois en fonction des quartiers. Mais les habitants sont toujours réticents à respecter les règlements et continuent de se conduire de façon négligente vis-à-vis de leurs ordures.

Au début de la Révolution fut promulguée la première loi définissant l’organisation du nettoyage des rues et des places pour toute la France et le paiement de ce service fut confondu avec les autres impôts. Une ordonnance de police de 1799 imposa à tous les propriétaires et locataires de Paris de nettoyer devant chez eux, mais ceux-ci ne se montrèrent guère conciliants. On délégua de plus en plus le nettoyage à des compagnies privées auxquelles certains bourgeois payaient une contribution pour se débarrasser de cette corvée. Ces maigres changements ne vinrent pas à bout de l’insalubrité de la capitale.

En 1859, la police parisienne fut déchargée de ses responsabilités dans le domaine de l’assainissement public et, dès lors, celui-ci fit l’objet d’un système complexe. La tâche d’assainissement était partagée par des riverains ayant choisi de l’accomplir eux-mêmes, des entrepreneurs privés et des compagnies publiques chargées de nettoyer le centre des larges voies, les quais, les places et les marchés.

En ce temps-là, toutes les capitales du monde de Paris à New York, étaient submergées par la saleté, à l’exception de certaines villes aux Pays-Bas relativement propre grâce à leurs nombreux canaux et au soin apporté par les habitants aux nettoyages des rues (De Silguy, 1996).

En 1870, un arrêté du gouvernement de la Défense nationale interdit le dépôt en vrac des ordures sur la voie publique. Chaque propriétaire ou locataire était alors tenu de se procurer un récipient pour y déposer ses déchets, mais cela représentait une lourde charge et seuls les plus riches suivirent le règlement, pendant quelque temps.

L’été 1880 fut marqué par des odeurs insupportables dans Paris, à tel point que l’opinion publique gronda. Le même phénomène se produisit à New York où des associations de femmes décidèrent de se battre pour l’amélioration des conditions sanitaires.

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Sous la pression publique, Paris demanda que la contrainte de balayage soit transformée en impôt municipal auquel tous les propriétaires seraient soumis. Une taxe spécifique fut ainsi créée en 1883. En 1884, toutes les communes de France furent autorisées à instaurer une taxe identique. Petit à petit, les particuliers furent donc déchargés de l’entretien des rues qui revint alors entièrement aux municipalités.

Parallèlement, les découvertes de Pasteur dans le domaine de la microbiologie sensibilisent davantage les citadins à la propreté et favorisent une meilleure acceptation de l’intervention accrue de l’État dans ces domaines. Les ordures elles-mêmes, et non plus leurs odeurs, sont accusées d’être un terrain favorable pour la prolifération de micro-organismes, véritables

« monstres invisibles » diffusés par des agents de contamination tels que les rats, les insectes, les chiens, etc. On commence à comprendre que « tout ce qui pue ne tue pas et tout ce qui tue ne pue pas » (Professeur Brouardel15

La ville haussmannienne, basée sur la triade propreté, ordre et beauté, entraine la démolition des taudis et des habitats modestes pour laisser la place à de belles avenues longées d’immeubles bourgeois aux belles façades propres et nettes où les résidus que l’on produit sont cachés dans les arrière-cours et les sous-sols (Bertolini, 2006). Le déchet n’a plus droit de Cité.

cité par de Silguy, 1996, p.30). Le déchet devient alors objet de mépris et de honte.

À cette même époque, les réseaux d’eau potable et le tout-à-l’égout font peu à peu leur apparition. La propreté devient un devoir, une nécessité sociale voire un devoir moral. En 1882, Jules Ferry remplace même, dans les écoles, le cours de catéchisme par un cours d’hygiène.

Dès lors, l’état des villes s’améliora. S’installe du côté des bourgeois, une peur du naturel, de tout ce qui vient de la campagne. Elle s’accompagne d’une grande répulsion vis-à-vis de la corporéité et des fonctions physiologiques, d’une grande intolérance vis-à-vis des odeurs fortes, qu’elles émanent des déchets eux-mêmes, des travailleurs du déchet, des paysans, des pauvres ou des prolétaires (Bertolini, 2006). L’imaginaire social est envahi par la peur du microbe (Corbin, 1982), le déchet est devenu phobique et la saleté liée au désordre et à l’anarchie.

Certains s’insurgent néanmoins du gaspillage que représente le tout-à-l’égout, qui vient rompre un cycle naturel, comme Victor Hugo dans les Misérables : « Ces tas d’ordures au coin des bornes, ces tombereaux de boues cahotés la nuit dans les rues, ces affreux tonneaux

15 Le professeur Paul Brouardel (1837-1906) était médecin légiste, considéré comme le précurseur de la médecine légale en France. Il était également spécialisé dans les problèmes de santé publique.

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de la voirie, ces fétides écoulements de fange souterraine que le pavé vous cache, savez-vous ce que c’est ? C’est de la prairie en fleur, c’est de l’herbe verte, c’est du serpolet, du thym et de la sauge, c’est du gibier, c’est du bétail, c’est le mugissement satisfait des grands bœufs le soir, c’est du foin parfumé, c’est du blé doré, c’est du pain sur votre table, c’est du sang chaud dans vos veines, c’est de la santé, c’est de la joie, c’est de la vie » (Tome V, livre deuxième).

L’hygiène, comme le déchet, deviennent des « extensions publiques de la personne », car s’ils appartiennent au domaine de l’intime, du privé, les pouvoirs publics se réservent désormais le droit d’y intervenir (Lhuilier et Cochin, 1999). Le ramassage des déchets et le nettoyage des rues nécessitent des moyens à une époque où il n’est pas encore concevable de payer pour des déchets. Certaines municipalités ont alors tenté d’utiliser une main-d’œuvre gratuite : des vagabonds, des pauvres, des infirmes, des vieillards, des prisonniers, considérés alors comme des « déchets sociaux » (Corbin, 1982) qui pourraient, en collectant les déchets, compenser les dépenses qu’ils occasionnent à la collectivité.

En 1883, le célèbre préfet Eugène Poubelle, suivant l’arrêté publié en 1870 puis oublié, fait paraitre un arrêté obligeant tous les propriétaires d’immeubles à acheter et à procurer aux locataires des boites à ordures16

Ce nouveau règlement ne fut que partiellement respecté, mais les idées principales du préfet Poubelle furent appliquées. Il faudra attendre la Seconde Guerre mondiale pour que les poubelles soient couramment utilisées.

pour lesquelles le préfet avait prévu une dimension et une contenance imposée, c’est la naissance de la poubelle telle que nous la connaissons aujourd’hui. Ces récipients devaient être mis sur la chaussée quinze minutes avant le passage des tombereaux. Eugène Poubelle avait déjà pensé au tri des déchets puisqu’il était obligatoire de posséder trois boites : une pour les matières putrescibles, une pour le papier et les chiffons et une pour le verre, la faïence et les coquillages. Cet arrêté provoqua la colère de la population contrainte à de nouvelles dépenses et à des efforts supplémentaires.

1.4. Modernisation de la collecte et du traitement : le déchet, objet d’une attention