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Modernisation de la collecte et du traitement : le déchet, objet d’une attention quotidienne et collective

DÉCHETS

1.4. Modernisation de la collecte et du traitement : le déchet, objet d’une attention quotidienne et collective

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de la voirie, ces fétides écoulements de fange souterraine que le pavé vous cache, savez-vous ce que c’est ? C’est de la prairie en fleur, c’est de l’herbe verte, c’est du serpolet, du thym et de la sauge, c’est du gibier, c’est du bétail, c’est le mugissement satisfait des grands bœufs le soir, c’est du foin parfumé, c’est du blé doré, c’est du pain sur votre table, c’est du sang chaud dans vos veines, c’est de la santé, c’est de la joie, c’est de la vie » (Tome V, livre deuxième).

L’hygiène, comme le déchet, deviennent des « extensions publiques de la personne », car s’ils appartiennent au domaine de l’intime, du privé, les pouvoirs publics se réservent désormais le droit d’y intervenir (Lhuilier et Cochin, 1999). Le ramassage des déchets et le nettoyage des rues nécessitent des moyens à une époque où il n’est pas encore concevable de payer pour des déchets. Certaines municipalités ont alors tenté d’utiliser une main-d’œuvre gratuite : des vagabonds, des pauvres, des infirmes, des vieillards, des prisonniers, considérés alors comme des « déchets sociaux » (Corbin, 1982) qui pourraient, en collectant les déchets, compenser les dépenses qu’ils occasionnent à la collectivité.

En 1883, le célèbre préfet Eugène Poubelle, suivant l’arrêté publié en 1870 puis oublié, fait paraitre un arrêté obligeant tous les propriétaires d’immeubles à acheter et à procurer aux locataires des boites à ordures16

Ce nouveau règlement ne fut que partiellement respecté, mais les idées principales du préfet Poubelle furent appliquées. Il faudra attendre la Seconde Guerre mondiale pour que les poubelles soient couramment utilisées.

pour lesquelles le préfet avait prévu une dimension et une contenance imposée, c’est la naissance de la poubelle telle que nous la connaissons aujourd’hui. Ces récipients devaient être mis sur la chaussée quinze minutes avant le passage des tombereaux. Eugène Poubelle avait déjà pensé au tri des déchets puisqu’il était obligatoire de posséder trois boites : une pour les matières putrescibles, une pour le papier et les chiffons et une pour le verre, la faïence et les coquillages. Cet arrêté provoqua la colère de la population contrainte à de nouvelles dépenses et à des efforts supplémentaires.

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techniques visant à gérer les déchets en limitant leur contact. Il fallait, à tout prix, faire disparaitre les déchets de la vue, du toucher et de l’odorat.

En 1893, la première usine d’incinération des déchets est construite en France, à Javel, près de Paris. Cette solution couplée à l’industrialisation croissante mit fin, petit à petit, aux métiers des rues c’est-à-dire au travail des récupérateurs : chiffonniers, biffins, crocheteurs, ferrailleurs, brocanteurs, etc.17

De leur côté, si les paysans utilisaient les gadoues comme fertilisant pour leurs terres – on estime qu’en 1830 ils récupéraient ainsi la moitié des ordures de Paris – cette pratique fut rapidement dénoncée par les hygiénistes qui préféraient traiter les ordures. Quoi qu’il en soit, l’évolution du contenu des poubelles a rendu les ordures moins propices à retourner à la terre.

Au lendemain de la Première Guerre mondiale, la collecte des déchets à Paris ne se fait plus grâce à des tombereaux hippomobiles, mais grâce à des camions automobiles électriques.

Vers 1920, les poubelles d’immeubles et les vide-ordures font leur apparition.

Avec la modernisation, le ramassage a commencé à se faire grâce à des camions, en porte-à- porte et de nouvelles techniques ont été expérimentées. En France, en 1926, la taxe d’enlèvement des ordures ménagères est instaurée. On s’accorde alors sur le fait que le ramassage et l’élimination des déchets ont un coût qui doit être supporté collectivement (Barles, 2005).

En 1935 apparurent les bennes étanches avec toit puis, les bennes à compression qui permirent de charger davantage de déchets à chaque voyage.

Dans les années 1950, les municipalités ont incité les habitants à l’utilisation de poubelles en plastique et ont même fourni des récipients standardisés avec couvercle.

Toujours dans le souci de limiter les contacts avec les déchets, certaines villes d’Europe (Prague, Vienne, Düsseldorf) ont expérimenté des collectes hermétiques au moyen de poubelles interchangeables18

17 Selon De Silguy (1996), les métiers de la récupération faisaient vivre 500 000 personnes an France au XIXe siècle.

. Les pays anglo-saxons ont testé des procédés d’expulsion des déchets alimentaires (substances organiques et putrescibles) par l’installation de broyeurs dans des éviers reliés aux égouts.

18 Le but étant de récupérer les récipients, sans avoir à les ouvrir, et de les échanger avec d’autres récipients, vides et propres. Mais les habitants se méfiaient des récipients ayant appartenu à d’autres et contenant « leurs » déchets et « leurs » microbes, de plus le fonctionnement avec deux jeux de récipients était trop onéreux.

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Plus tard, la collecte pneumatique a été expérimentée à Grenoble ou à Barcelone19 Aujourd’hui, la méthode de collecte la plus répandue est la collecte automatique, avec des bacs à roulettes munis de couvercles charnières que les éboueurs, que l’on nomme aujourd’hui « rippers », fixent à l’arrière des bennes. Les bennes sont ainsi levées et basculées de façon mécanique. La collecte suit une organisation très rigoureuse avec des heures et des jours de collecte réguliers et des circuits de collecte optimisés et rationnels.

. Ce procédé est aujourd’hui très répandu en Suède.

Les préoccupations d’hygiène et de salubrité, continuent à imprégner les questions relatives aux déchets, mais se déplacent vers les modes de traitement et contribuent ainsi à l’abandon des décharges « brutes » au profit des décharges « contrôlées ». Quant à l’incinération, elle est encore considérée comme un moyen efficace et hygiénique pour se débarrasser des déchets.

Jusqu’au début des années 1960, l’enlèvement des ordures a relevé du pouvoir de police des maires, qui, à travers leur mission de maintien de l’ordre public, de la sureté, de la tranquillité et de la salubrité publique, peuvent agir dans le domaine des déchets. Les dispositifs réglementaires qui encadrent la collecte et le traitement sont épars et parfois relativement anciens (Rocher, 2006). Mais l’ère industrielle a amplifié et rendu plus complexe le problème des déchets : leur quantité augmente rapidement et leur composition change. À cela s’ajoutent des équipements pas toujours adaptés et des problèmes sanitaires et esthétiques causés par les décharges contrôlées, mais aussi par la multiplication des décharges sauvages.

Il faudra ainsi attendre 1975 pour que le déchet fasse l’objet d’une politique sectorielle bien identifiée en France.

2.L’ERE CONTEMPORAINE DU DECHET : DE LA « MISE EN POLITIQUE » A LINTEGRATION DANS LE DEVELOPPEMENT DURABLE

Nous reprenons ici la chronologie établit par Rocher (2006) qui marque trois grandes étapes dans l’ère contemporaine du déchet : la « mise en politique » de 1970 à 1980, qui commence avec la première loi-cadre sur la gestion des déchets ; la « mise en public » de 1990 à 2000 qui souligne l’entrée de la question des déchets dans l’espace public et enfin, de 2000 à

19 Ce type de collecte consiste à convoyer les déchets avec un courant d’air violent. L’habitant dépose ses déchets dans des bornes ou bouches de collecte où ils seront stockés temporairement dans des rampes verticales fermées par des vannes. Ces bornes qui sont reliées par un réseau de conduites souterraines sont ensuite vidées, à distance, à intervalles réguliers.

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aujourd’hui, qui représente pour Rocher une période d’évaluation et de relance des politiques gouvernementales en matière de gestion des déchets, mais que nous caractérisons essentiellement comme l’inscription de la politique des déchets ménagers dans une perspective de développement durable.