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CHAPITRE 2 – Culture, imaginaire et quotidien : entre le social rationnel moderne et la

2.3 Un défi : l'invasion culturelle

L'intellectuel refuse, ainsi, le terme extensão car il relève de l’idée de transfert de connaissances. Or, la connaissance de celui qui se croit sachant par rapport à l’autre, supposé non sachant n’est pas

''extensive''. La connaissance, différemment, est constituée dans les rapports homme-monde, des rapports de changement, ce qui fait qu'elle se perfectionne au cours de la problématique de ces rapports147.

Ainsi, le technicien de l’extension rurale ne devrait pas ''étendre'' ses techniques, les livrer, les recommander, en prenant des paysans comme une feuille blanche pour sa propagande. De cette façon, la tâche de l'extensionista rural serait plus proche de celles des communicateurs sociaux : au lieu d'étendre leur connaissance aux paysans, comme le mot extensão suggère [en portugais] la proposition de Freire est d'enrober les actions des professionnels nommés extensionistas d'un caractère communicatif, donc, dialogique.

Stuart Hall a aussi fait appel à cette image d' une page blanche à remplir. Dans son cas, pour

contester le fait que les publics entament des processus d'appropriation, de négociation, de réinscription, de recodage devant la dynamique de la globalisation qui n'est autre que celle du marché.

Un dernier point. Bien sûr, la dynamique de la globalisation n' est autre que celle du marché. Pourtant nous avons tendance à parler du marché comme si celui-ci relevait d'un processus unique. Nous serions ce que des produits nous forcent a être. Nulle mention de ce que nous faisons de ces produits. N'existe-t-il alors nul procès d'appropriation, de négociation, de réinscription, de recodage? Les publics sont-ils de vastes pages blanches sur lesquelles quelqu'un (Sony ou quelqu'un d' autre) se fait fort d'imprimer des contenus ? 148 Cette image d'une page blanche à remplir représente à merveille la logique de la domination dans le champ de la Culture. Elle sert à l'argument de Freire quand il nous parle de l'invasion culturelle, une des caractéristiques propres aux théories des actions humaines basées sur l'anti-dialogicité.

Une invasion, n'importe laquelle, suggère toujours et clairement ''quelqu'un'' qui envahit. Son espace historico-culturel, qui lui donne sa vision du monde, est l'espace d'où il sort pour pénétrer dans un autre espace historico-culturel, en imposant sur les individus de cet espace, son système de valeurs.

L'envahisseur réduit les hommes de l'espace envahi à des simples objets de son action149.

C'est-à-dire, l'envahisseur veut interférer sur la réalité sociale, sur les actes et sur la vie de l'envahi.

Dans le meilleur des cas, il réfléchit s ur lui, jamais avec lui qui n'est qu'un sujet de plus pour sa réflexion, objet de sa pensée.

147Cf. FREIRE, Paulo (1983) op.cit.

148HALL, Stuart. (2000) op.cit. p.101.

149Cf. FREIRE, Paulo (1983) op.cit.

L'invasion culturelle présuppose d'autres actions qui sont associées afin d'atteindre ses objectifs, tels que la conquête, la manipulation ou le messianisme opérés par les envahisseurs. Et toujours d'après Freire, les mythes150 sont parmi les outils auxquels on peut fait appel dans un processus d'invasion culturelle. Et, parallèlement, il est nécessaire de dé-caractériser la culture envahie, briser son profil, en y ajoutant, par exemple, des sous-produits de la culture envahissante.

A la place de la conquête qui, de son origine latine (conquirere) veut dire « rechercher partout quelqu'un»151, Freire propose 'l'être avec...' car il ne s'agit pas de rechercher les hommes partout sinon d'essayer d'être avec les hommes. Sinon pour d'autres motivations, au moins au nom de la certitude que la connaissance est une construction collective. Il dit : « l'homme est un être en constante relation avec le monde, qu'il transforme à travers son travail » par conséquence :

c'est un être qui connaît, bien que cette connaissance se présente à plusieurs niveaux: celui de la doxa, de la magie et du logos, ce dernier, le vrai savoir. Malgré tout cela ou, peut-être, en raison même de tout cela, il n'a pas d'absolutisation de l'ignorance comme il n'y a pas non plus d'absolutisation du savoir. Personne ne sait tout ainsi que personne ignore tout. Le savoir commence avec la conscience d'en savoir peu (pendant que quelqu'un est en train d'agir). L'homme, comme un être historique, inséré dans un mouvement permanent de quête, fait et refait constamment son savoir […] 152

Freire a proposé cette notion d' invasion culturelle pour parler d'un contexte où des techniciens en agronomie et des chercheurs étaient en rapport avec les paysans et les agriculteurs du milieu rural, et ce au Brésil des années 1960/70. C'est-à-dire, dans une situation où on parlait déjà de cultureS , au pluriel, dans le sens où le terme fait référence à un ensemble de valeurs, de pratiques, de coutumes propres à un groupe, plus petit et spécifique soit-il.

La pensée de Freire trouve son écho dans celle de Michel Maffesoli quand le brésilien affirme que

« La culture ne se concretise que pendant qu'elle est en train de se fait construire. Elle pérennise car elle change. Ou, pour mieux le dire: la culture ne peut durer que dans le jeu contradictoire de la permance et du changement.»153

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150Il faut dire que dans la pensée de Paulo Freire, de forte inspiration marxiste, les idées associées à la notion de 'mythe' reviennent au sens restreint du terme comme appartenant à l'univers magique/religieux. Malgré cette remarque, l'utilisation du mythe comme outil dans un processus d'invasion culturelle reste valable même quand on adopte le terme de manière élargie, pour parler du 'mythe Progrès', par exemple. Ainsi, une société progressiste peut essayer d'inculquer, au sein des sociétés non progressistes, des éléments propres au mythe du progrès, dans un processus explicite d'invasion culturelle. Cela peut se reproduire, par exemple, quand on essaie d'imposer des pratiques réglées par la techniques sans la prise en compte des facteurs qui reviennent à la vie vécue (experiencia das mulheres africanas com tecnica de roçado que ignora o perigo das cobras) ; ou d'autres, en accord avec la logique utilitaire mais qui négligent des aspects ritualistes, propre à la logique spirituel (exemplo de Bordenave, de casas populares oferecidas pelo governo nas quais as pessoas se recusavam a morar porque nao tinha realizado, no terreno, um ritual tradicional daquele povo, que benzia a morada).

151Cf. Dictionnaire Gaffiot Latin-Français (1934). Disponible en ligne : http://www.lexilogos.com/latin/gaffiot.php

152FREIRE, Paulo (1983) op.cit. p. 30-31

153Idem. p. 36 (Traduit par l'auteur du portugais : « A cultura só é enquanto está sendo. Só permanece porque muda. Ou, talvez dizendo melhor: a cultura só “dura” no jôgo contraditório da permanência e da mudança ».

A notre avis, si la distance culturelle est une réalité qui doit être affrontée par des institutions publiques de recherche agropastorale, telles que l'EMBRAPA et le CIRAD, qui développent des activités en dehors de leurs pays d'origine, l'invasion culturelle se présente comme un défi pour les acteurs sociaux concernés. Un défi imposé dans leurs vies quotidiennes du fait qu'ils sont chargés de donner corps à ces activités. Car, pour parler d'invasion culturelle il suffit qu'on soit témoin de la rencontre d'acteurs issus de cultures différentes où cette différence peut se présenter à plusieurs niveaux.

Dans le cadre de notre travail, nous faisons référence aux rencontres entre des cultures nationales distinctes (la brésilienne et la française face aux multitudes de cultures africaines); entre la culture organisationnelle (propre au CIRAD et de l'EMBRAPA) et la culture communautaire (propre aux peuples africains encore de nos jours) ; entre la culture scientifique (des institutions de recherche et des chercheurs qui y travaillent) et la culture traditionnelle (des paysans et des petits agriculteurs un peu partout et, peut être, plus prononcée en Afrique).

C'est à partir de ce défi représenté par l'invasion culturelle que nous voulons aborder la notion de coopération qui, dans le cas spécifique de notre travail, est encadrée par des échanges démarrés et gérés par des institutions gouvernementales de recherche agronomique.

2.4 L'interculturalisme comme une modulation pour le 'jeu de

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