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CHAPITRE 3 – Communication, développement et culture: liens et enjeux

3.1 De la communication en général à la communication pour le développement

3.1.3 Un regard sociologique sur le rôle du professionnel de la communication

Dans le contexte socio-politique latino-américain, contrairement à la situation dominante dans les années 90, l’État se fait plus présent et des préoccupations à propos du bien-être du citoyen sont renforcées. Les réflexions qui nous ont poussée à chercher les liens entre la communication pour soutenir le transfert de technologie et le développement se trouvent dans ce dernier moment, où nous vivons encore.

Nous ne pouvons pas dire que la communication pour le développement est un mouvement ou une école, ni qu'elle présente telle ou telle théorie. La trajectoire tracée par Gustave Cimadevilla, que nous avons résumée ci-dessus, montre qu'il s'agit encore d'une tendance. La production de ses représentants est inspirée par quelques écrits, idées et concepts présentés tout au long des quatre premiers moments de cette trajectoire.

En révisant la fonction de soutien pour le transfert de technologie que les tributaires du

diffusionnisme ont envisagé soixante ans auparavant, les théoriciens de la communication pour le développement essaient, aujourd'hui, d'allier la théorie et la pratique de façon à ce qu'on puisse utiliser des outils techniques pour mettre en place de vrais dialogues, des conversations, des échanges : l'essence primaire de la communication.

Gustavo Cimadevilla termine son article avec quelques questions qu'il faut, à son avis, se poser quand on parle de la communication pour le développement, en s’interrogeant sur quelles sont les expectatives qu'on peut présenter sur la recherche dans ce domaine.

Le chercheur de l'Université Nationale de Rio Cuarto, en Argentine, propose, entre autres, qu'on questionne sur les approches qu'on aurait dû reprendre; sur les connaissances tangibles ou intangibles que la communication pour le développement nous a apportées; sur les naïvetés à dépasser et, finalement, sur les opportunités à saisir.

Les remarques que nous présentons dans ce chapitre répondent à cet appel à de nouveaux

questionnements sur le futur de la communication pour le développement en proposant, comme le suggère l'acteur, la mise en place d'un réalisme critique qui prend en compte le monde où l'on vit. 196

[…] nous voulons penser le développement comme quelque chose de plus ample. [...] le but du

développement est le bonheur de l'homme, de la femme, de l'enfant réels, pas le PIB, les exportations, la technologie et les machines. [...] Nous nous battons dans notre pays pour une approche humaniste et durable. Si auparavant notre idée de développement était liée à la productivité qu'on peut obtenir avec l'innovation technologique, aujourd'hui nous avons besoin de prendre en considération le ''bien vivre'' [...] 197 Le bien vivre implique, donc, une vision meta-économique qui prend en considération l'aspect de la vie. Ensuite, dans le même texte, le chercheur affirme que le vrai professionnel de la

communication pour le développement doit avoir une profonde connaissance à propos des éléments qui influencent les changements mentaux et culturels du public avec qui il travaille car il s’inquiète de la situation vécue par les populations. À son avis, pour réussir à convaincre une communauté de participer à une quelconque action, il faut avoir de nombreuses connaissances de l'anthropologie sociale, de la sociologie, de l'économie et de la linguistique198.

Dans notre travail nous cherchons des éléments qui rendent possible le rapprochement entre les caractères sociaux et anthropologiques de la communication – en tant qu'activité innée de l'être humain – avec sa dimension pragmatique, que nous ne pouvons pas négliger quand nous parlons de la communication pour le TT.

D'après les chercheurs qui s'occupent, en même temps, de reformuler les idées dans le champ théorique de la communication pour le développement et de donner corps aux actions fondées sur ces idées-là, l'élément essentiel pour pousser cette approximation dont nous parlons dans le paragraphe ci-dessus est le professionnel de la communication.

C'est le cas, par exemple, de la chercheuse argentine Sandra Massoni199, qui a une vision de la communication stratégique comme changement social conversationnel. Selon son explication dans un texte disponible sur son site internet, la communication pour le développement serait/

[…] un modèle communicatif d’approche transdisciplinaire nommé la communication stratégique qui a pour but principal l’idée d’action coordonnée pour le développement durable, compris comme l'échange social dialogique. Ce modèle facilite l’incorporation de la communication aux programmes de développement comme un espace stratégique d’intervention dans les dynamiques socioculturelles.200

197BORDENAVE, Juan E. Diaz. (2012) op. cit., p. 13. Traduite par l'auteur : « […] queremos pensar no desenvolvimento como algo mais amplo.[…] a finalidade do desenvolvimento é a felicidade do homem, da mulher, da criança de carne e osso, e não o PIB, as exportações, a tecnologia e as máquinas. […] Estamos defendendo em nosso país uma abordagem humanista e sustentável. Se antes pensávamos no desenvolvimento sobretudo em termos de produtividade que se pode conseguir com inovação tecnológica, hoje necessitamos pensar no ''bem viver [...]»

198Ibid., p. 24-25.

199Sandra Massoni dirige le Master en Communication stratégique à l'Universidad Nacional de Rosario (UNR) et est la Directrice de la Coordination de recherche en communication stratégique du Institut national de recherche agropastorale à l'Argentine (en espagnol, Coordenación de Investigación en Comunicación Estratégica no Instituto Nacional de Investigación Agropecuária L'INTA est, à l'Argentine, un institut équivalent à ce que l'EMBRAPA est au Brésil.

200Traduite par l'auteur : « […] un modelo comunicacional de abordaje transdisciplinario denominado de comunicación estratégica cuyo objetivo central es la idea de acción concertada para el desarrollo sostenible, entendido como cambio social conversacional . Este modelo facilita la incorporación de la comunicación a los programas de desarrollo como espacio estratégico de intervención en las dinámicas socioculturelles. » Disponible en ligne le 28/11/2013 sur:

http://www.tendencias21.net/fluido/Comunicacion-y-desarrollo-Encuentros-en-la-diversidad_a3.html

Et la chercheuse écrit ensuite :

Dans une monde fluide, il n'y a pas un narrateur central, ni des émetteurs bien définis comme des sources, ni des contenus si univoques mais il y a bien des changements permanents dans lesquels tous les gens sont des acteurs multiples. La seule construction des sens qui existe est celle qui est conjointe, ouverte et permanente. Pour réfléchir à ce scénario nous avons dû concevoir quelques nouvelles catégories. Une autre définition de communication, du professionnel de communication, de développement.201

En accord avec la théorie de la complexité du sociologue Edgar Morin, Massoni reconnaît le caractère multidimensionnel des phénomènes qui accepte la possibilité de ne pas avoir une vérité unique. Dans l'idée que la chercheuse présente :

[…] le professionnel de la communication, en plus d'informer, doit créer un consensus et pour cela, il lui faut se mettre à la place de l'autre et l'écouter comme ''quelqu'un d'autre'' et non comme ''quelqu'un d'autre pour''.

Il s'agit d'un communicateur qui sait travailler avec les médiations, planifier des stratégies et qui refuse l'idée d'un composant dans une ligne d'assemblage, comme l'est actuellement la vision du communicateur spécialisé dans le transfert de technologie.202

C'est-à-dire que le professionnel de la communication doit être quelqu'un capable de travailler efficacement avec l’altérité; quelqu'un capable de ne pas instrumentaliser l'autre mais d'avoir, avec lui, une vraie conversation; un professionnel engagé à établir un dialogue où des échanges de savoir-faire se substituent aux injonctions. Il est évident que, selon cette vision, nous avons un paradigme totalement différent de celui proposé par le diffusionnisme.

Mais le paradigme de la communication reste toujours dépendant de celui qu'on adopte pour les actions de transfert de technologie. Par conséquent, nous devons tourner notre regard vers le paradigme qui guide les rapports entre les acteurs sociaux engagés dans des situations d'échanges communicationnels en général, c'est-à-dire, des situations habituelles, qui ont lieu dans le quotidien des personnes.

Et si, comme le propose Bordenave, le professionnel de la communication pour le développement est quelqu'un qui connaît l'anthropologie, la sociologie, etc. il sera, donc, le professionnel le mieux placé pour mettre en place le dialogue interculturel, tout d'abord au sein de l'organisation pour laquelle il travaille. Surtout si on croit, avec Michel Maffesoli « … qu'il est possible d'enrichir la raison de ces paramètres humains que sont l'imaginaire, le ludique ou l'onirique collectif ».203

201Traduite par l'auteur : « En un mundo fluido, no hay un narrador centrado, ni emisores tan definidos como fuentes, ni contenidos tan unívocos, sino transformaciones permanentes en las que todos son actores múltiples. Sólo hay construcción conjunta, abierta y permanente de sentidos. Para pensar este escenario tuvimos que concebir algunas nuevas categorías. Otra definición de comunicación, de comunicador, de desarrollo. » Ibid.,:

http://www.tendencias21.net/fluido/Comunicacion-y-desarrollo-Encuentros-en-la-diversidad_a3.html

202MASSONI, Sandra. EnREDando-nos entre as teorias e a comunicação estratégica. Brasilia , EMBRAPA, 2012.

p.32 . Traduite par l'auteur : « […] o comunicador mais do que informar, deve criar um consenso, para isso é necessário colocar-se no lugar do outro e escutar ''o outro como um outro'' e não como ''um outro para''. É um comunicador que precisa saber trabalhar com mediações, projetar estratégias, fugindo da ideia de um componente ao final de uma linha de montagem, como é a visão do comunicador para transferência. »

203MAFFESOLI, Michel. Après la modernité (2008) op. cit., p. 277.

Comme nous avons essayé de le montrer, la façon dont la communication pour le TT a été prise au sein de l'EMBRAPA, tout comme le « diffusionnisme » et son « modèle linéaire-offertiste », sont totalement tributaires de l'idéologie qui a été construite autour du mythe du progrès. Et le concept de développement est une pièce constitutive de ce mythe-là.

Ainsi, nous croyons que parler de « communication pour le développement » c'est rester lié à la logique de la domination créée par le mythe du progrès204, comme nous l'avons montré avec la critique du concept de développement faite tout au long du chapitre 1 de ce travail. C'est pourquoi nous allons essayer de montrer comment la communication pour le développement peut être dépassée.

C'est pour « regarder la réalité en face » et pour « comprendre le monde tel qu'il est » que nous avons choisi l'approche de la sociologie compréhensive de Michel Maffesoli, un des théoriciens de la postmodernité, pour faire notre travail. Et c'est en accord avec cette approche que nous proposons de ne plus parler ni de la communication pour le TT, ni de la communication pour le

développement, mais de la communication interculturelle : une communication qui engage des personnes issues de réalités culturelles différentes à plusieurs niveaux.

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