• Nenhum resultado encontrado

CHAPITRE 2 – Culture, imaginaire et quotidien : entre le social rationnel moderne et la

2.2 Une prémisse: la distance culturelle

Geert Hofstede a présenté le concept de « distance culturelle » dans le domaine des théories des organisations de façon beaucoup détaillée et totalement détachée de celui de la « distance psychique ».

D'après Hofstede (1983), les valeurs les plus basiques d'une culture nationale – comme le rapport avec l'autorité (the power distance) – sont cultivées, d'abord, au sein de la famille et, ensuite, sont renforcées par l'éducation formelle fournie à l'école. Les comportements des employés dans une organisation sont en accord avec cet apprentissage qui se déroule tout au long de la vie.

Le chercheur hollandais soutenait l'idée d'une théorie universaliste à propos des organisations qui, pour y être, devaient se baser sur des variables explicitement identifiées. Leurs premières études sur ce thème l'ont amené à établir quatre dimensions structurales des cultures nationales : la distance hiérarchique (''power distance''); l'aversion au risque (''uncertainty avoidance''), le degré de masculinité ou de féminité ; (''masculinity versus femininity''') et le degré d'individualisme ou de collectivisme (''individualism versus collectivism'')134. Plus tard, Hofstede a poursuivi ses études et a fini par ajouter une dimension en plus des quatre premières: l'orientation à long terme contre

l'orientation à court terme (''Confucian Dynamism''). 135

Hofstede a saisi les quatre premières dimensions à partir d'une large étude basée sur les analyses des informations réunies dans une grande base de données. Celle-ci a réuni des informations récoltées auprès des employés d'une grande entreprise internationale, l'IBM, dans plus de 50 pays136 : le même questionnaire a été posé , de façon individuelle, deux fois ; la première, aux alentours de 1968 et, à nouveau, vers 1972. Cela a donné 116.000 questionnaires avec 150 questions chacun. Le but de l'étude était de vérifier « fundamental differences in the way people in different countries perceived and interpreted their world. ». 137

Une cinquième dimension des cultures nationales a été ajoutée par Hofstede après la réalisation d'une étude conjointe avec Michael Harris Bond, dans les années 1990. Le chercheur canadien qui vivait et travaillait depuis des années en Extrême-Orient avait organisé, avec ses collègues de l'Université de Hong Kong, une étude qui a consulté des étudiants en psychologie en Chine de dix groupes nationaux ou ethniques distincts.

Malgré le fait que les participants de l'étude menée par Bond en Chine étaient engagés dans une réalité nationale et organisationnelle totalement différente de ceux qui avaient fourni les

informations pour la recherche de Hofstede, cela avait donné, comme résultat, la présence des quatre mêmes dimensions saisies par le chercheur hollandais auparavant.

134L'étude complète a été diffusé à travers l’œuvre HOFSTEDE, Geert. Cultures and Organizations: Software of the Mind. 1st edition, McGraw-Hill USA,1997. En France : HOFSTEDE, Geert. Vivre dans un monde multiculturel:

Comprendre nos programmations mentales. Paris: Les Éditions d'Organisation, 1994.

L'auteur parle aussi des ces quatre dimensions sur l'article publié en 1983 : HOFSTEDE, G. National cultures in four dimensions: a research-based theory of cultural differences among nations, International Studies of Management and Organization, V. XIII, N. 1-2, p. 46-74, 1983.

135La cinquième dimension des cultures nationales est détaillée dans l'article : The Confucius Connection: From Cultural Roots to Economic Growth (HOFSTEDE, Geert; BOND, Michael Harris in Organizational Dynamics; 1988, Vol. 16 Issue 4, p5.

136Il faut éclaircir que dans l'index proposé par Hofstede qui est présenté dans son article de 1983, les pays africains ont été rassemblés par régions : ''East Africa'' et ''West Africa'', ainsi que les pays de langue arabe (''Arab-speaking countries''). Le chercheur explique que le rassemblement a été fait en raison du fait que le nombre de questionnaires individuels valables par chaque pays dans ces trois régions était moins de 50, quantité considérée insuffisante d'après les paramètres établis pour conclure l'étude.

137HOFSTEDE (1983) op.cit., p.48

Surpris par cette coïncidence, les deux chercheurs ont décidé de réaliser de nouvelles investigations.

Ils se sont rendu compte que les questions posées dans les deux études avaient été formulées par des esprits occidentaux.

La cinquième dimension des cultures nationales est ressortie donc, d'une nouvelle étude où les questions ont été formulées par des esprits orientaux. Une fois de plus, l'analyse des données a révélé quatre dimensions. Sauf que, cette fois-ci, la quatrième dimension saisie n'a pas été équivalente à la quatrième dimension saisie à partir des deux études précédentes : l'aversion au risque ou le contrôle de l'incertitude. 138

Cette nouvelle dimension, qui associe des valeurs opposant une orientation vers l'avenir à une orientation vers le passé et le présent, a été nommée par Hofstede d' « orientation à long terme par opposition à orientation à court terme » (or ''Confucian Dynamism''), et elle est devenue la

cinquième dimension universelle de son cadre à propos des cultures nationales. 139

En plus d'avoir identifié les dimensions structurales des cultures nationales au sein des organisations multinationales, Hofstede a créé des score pour encadrer les pays qui ont fait partie de son étude140. Mais, quand on parle de « distance culturelle » on est sensé sortir du domaine des chiffres puisqu'il est propre à l'univers économique des affaires, du business ; alors que la culture est quelque chose d'intangible, d'impalpable, en un mot, de non quantifiable. C'est pour cette raison que nous avons décidé de ne pas prendre la formule de Hofstede pour calculer la « distance culturelle » entre les pays. Nous allons garder à l'esprit, en revanche, les cinq dimensions structurales des cultures nationales qui ont été proposées par le chercheur hollandais:

1 – la distance hiérarchique : cette dimension essaie de saisir la façon dont les relations de pouvoir sont perçues par les employés au sein des organisations. Elle a été caractérisée d'après les questions posées aux employés concernant la façon plus ou moins autoritaire et/ou paternaliste dont les décisions étaient prises.

Quand on parle du Brésil, nous trouvons des références à cette dimension, à la fois, dans les pensées des anthropologues Sérgio Buarque de Hollanda et Roberto da Matta. Hollanda, dans son ouvrage ''Raizes do Brasil'', a créé la notion de «l'homme amical » (''o homem cordial''), à travers laquelle

138Dans l'édition 2010 du livre 'Cultures and Organizations: Software of the Mind', les scores sur les dimensions correspondent à 76 pays, en partie sur la base de répétitions et extensions de l'étude IBM sur différentes populations internationales et par différents spécialistes. Dans cette dernière publication, une sixième dimension, nommée

« Indulgence contre Retenue (IDN) » a été ajoutée aux cinq premières que nous venons de décrire. Il y a peu d'études complémentaires à propos de cette sixième dimension proposée par Hofstede du fait qu'elle est encore très récente.

Cette nouvelle dimension garde une difficulté supplémentaire à comprendre et étudier en raison de la complexité de ce qu'elle souhaite mesurer : le bonheur . Le bonheur est perçu très différemment selon les cultures et il est représenté et discuté tout à fait différemment. Cela pourrait amener à mettre en doute la validité de l'utilisation des données provenant de questions demandant aux répondants de décrire comment ils sont heureux. En plus, les études à partir desquelles cette sixième dimension a été formulée recouvrent un nombre mineur de pays par rapport à celles qui ont rendu possiblie la formulation des cinq premières dimensions.

En France : HOFSTEDE, Geert. Cultures et organisations : Nos programmations mentales. Paris : Pearson Education France, 2010.

139Cet aspect a aussi été remarqué par Maffesoli : « C'est la gestion du temps qui, avant toutes autres choses, caractérise une époque. […] tant il est vrai que le fait de mettre l'accent sur le présent, le passé ou le futur, va déterminer la manière de comporter par rapport à l'environnement naturel et social.» MAFFESOLI, Michel (2002) op.

cit., p.181.

140Il y a des outils permettant de faire une telle comparaison : https://geert-hofstede.com/countries.html

il a expliqué ce qui était, à son avis, l'un des caractères le plus remarquable du brésilien : la gentillesse, à l'origine d' une façon plus résiliente que combative, plus patiente qu'urgente de faire face aux adversités de la vie. « L'homme amical » serait celui qui s’accommode comme il peut à la réalité qui se présente à lui au lieu de se battre pour essayer de la changer.

La seconde référence à la pensée anthropologique brésilienne à laquelle nous pouvons lier la dimension « rapport avec le pouvoir » présentée par Hofstede quand il caractérise la distance culturelle, se trouve dans l’ouvrage Carnavais, malandros e herois, de Roberto da Matta. A travers une analyse phénoménologique des rites typiques au Brésil dans le domaine civique (les défilés militaires), religieux (les défilés dédiés aux saints) et festif (le carnaval), l'auteur dévoile la complexité et les nuances des rapports des brésiliens avec l'autorité et le pouvoir.

Da Matta explicite, par exemple, l'va-et-vient entre le formel et l'informel/ l'officiel et l'officieux pour mettre en relief comment, dans le champs de l'imaginaire, les rôles entre ceux qui ont et ceux qui n'ont pas le pouvoir changent en accord avec le milieu où les gens se trouvent : pendant le Carnaval à Rio de Janeiro, la patronne n'est qu'une simple foliã qui a payé pour le costume qu'elle porte pendant le défilé de l' Escola de Samba dans laquelle la femme de ménage, son employée, est la Porta Bandeira et devient une sorte de reine vers qui toutes les attentions se tournent.141

2 – l'aversion au risque : dimension caractérisée, dans l'étude de Hofstede, par le stress vécu dans l'ambiance du travail, considéré comme source de sentiments d' anxiété. L'envie de garder son travail peut être considéré comme une façon d'éviter, dans une certaine mesure, les incertitudes de l'avenir.

3 – le degré de féminité ou de masculinité : les bénéfices apportés par le travail, tel que la reconnaissance, les avancées des aptitudes et les défis surpassés, aussi bien que l'importance des relations avec les managements, le sens de coopération et la préoccupation de la sécurité ont été les aspects considérés pour qualifier cette dimension. Les premiers aspects sont, traditionnellement, associés aux rôles considérés masculins et, les deuxièmes, aux rôles vus comme féminins.

4 – le degré d'individualisme ou du collectivisme : cette dimension a été étudiée à partir des questions liées aux comportements individuels, toujours sur le lieu du travail, par rapport à l'emploi du temps, la liberté d'action, les défis présentés, etc. Il a trait au niveau d'autonomie des employés au sein de l'entreprise.

141DA MATTA parle aussi de la « madrinha da bateria », la reine de la batterie (en fait, il s'agit de la marraine du groupe de percussionnistes qui jouent la samba pendant le défilé de l'école de samba), rôle traditionnellement joué par une jeune fille du quartier où l'école est née. Il faut dire que depuis quelques années, ces rôles dans le Carnaval à Rio ont soumis des changements : il est plus courant de nos jours de trouver des actrices riches et très célèbres parmi les

« madrinha da bateria » que des jeunes filles qui appartiennent aux communautés pauvres d'où sont issues les écoles. En revanche, le rôle de la « porta-bandeira » (le porte-drapeau) est toujours réservé aux femmes qui gardent une histoire au sein des écoles et qui sont rattachées à leurs communautés, aussi bien que le « mestre-sala » une sorte de maître de cérémonie, le partenaire de la « porta-bandeira » pendant les défilés.

5 - l'orientation à long terme par opposition à l'orientation à court terme : dimension qui caractérise l'horizon temporel des sociétés. Celles tournées vers le court terme ont tendance à avoir une vision circulaire du temps, en gardant une orientation vers le passé et le présent. Alors que les sociétés avec une orientation à court terme ont, normalement, une vision linéaire du temps, en regardant le futur plutôt que le passé et le présent.

Des décennies sont passées depuis que les données sur lesquelles Hofstede a basé la proposition de ces cinq dimensions de la culture nationale ont été récoltées. Nous savons tous que l'univers du marché du travail a totalement changé et qu'il a même été bouleversé dans quelques domaines pour les raisons les plus diverses.

Mais, au delà des conclusions spécifiques datant de plusieurs décennies, ce que nous voulons retenir de la pensée du psychologue hollandais c'est le fait que ces cinq dimensions de la culture nationale explicitent des questions générales avec lesquelles toutes les sociétés humaines font face depuis toujours.

Ainsi, la première dimension (la distance hiérarchique) est liée aux conditions d'inégalités innées aux êtres humains (les caractères biologiques d'abord, ensuite les différentes conditions de richesse et de pouvoir où chacun est né). La deuxième (l'aversion au risque) nous parle du besoin

d'assurance, de sécurité, de se sentir à l'abri des dangers qui peuvent nous toucher tous ainsi que notre famille : la faim, le manque de santé ou d'abris. Dans la société capitaliste d'aujourd'hui, tous ces besoins sont liés à notre capacité d'avoir de l'argent, donc, de garder notre emploi.

Les rapports établis entre l'être humain et leurs pairs, c'est-à-dire, la force ou la faiblesse des liens créés, à la fois, avec leurs successeurs et les groupes plus primaires dont il fait partie est la question posée par la troisième dimension (le degré d'individualisme ou de collectivisme). Et la quatrième (le degré de féminité ou de masculinité) parle de la question sur la division des rôles sociaux en deux sexes et la conséquence la plus importante de l'appropriation que le sexe masculin a fait de cette division : la tendance à faire, du concept qui a été établi pour son propre rôle, le modèle que la société toute entière doit adopter.142

La cinquième dimension traite d'une question qui touche toutes les sociétés depuis l'aurore de l'humanité: la relation avec le temps. De façon subliminaire, le rapport avec le temps qui prédomine dans une communauté influence les comportements des ces groupes humains. Cette dimension-là a trait à la question de la finitude de l'homme, l'impossibilité d'éviter son destin car le futur pour tous les êtres humains, celui qui est inévitable, est la mort. Cette dimension parle de la façon dont les sociétés jouent avec ce destin inéluctable.

Il est intéressant de mentionner un point en rapport avec la thématique du chapitre 1 : l'accent mis sur le futur que Michel Maffesoli a identifié, à la fois, dans la logique du salut propre à la pensée religieuse (le paradis promis après la mort), et dans les expectatives créées par des idéologies politiques, soit capitaliste, soit socialiste, basées sur le progrès (le bonheur offert par de meilleures conditions de vie, qui se trouvent toujours dans l'avenir). C'est-à-dire, les sociétés progressistes de façon générale ont fait le choix de l'orientation à long terme, qui vise le futur, sans se soucier du passé et même du présent.

142Comme l'auteur clarifie, à propos de les quatre premier dimensions qu'il a présenté. HOFSTEDE (1983) op.cit., p. 64.

Or, nous avons tendance à croire que les communautés traditionnelles non-urbaines, à la base, ont fait le choix contraire : l'orientation à court terme qui a une vision circulaire du temps, gardant toujours un regard sur le passé et le présent. Et d'après la pensée de Michel Maffesoli, nous étions en train de faire face à ce qu' il appelle « le présentéisme », c'est-à-dire, la remarque sur le présent.

Mais étant donné que nous vivons un moment de transition entre la Modernité et la Postmodernité, et que le « présentéisme » est un aspect parmi d'autres qui caractérise ce dernier, on peut admettre raisonnablement qu' il peut ne pas être encore dominant au sein des sociétés capitalistes,

progressistes, techniciennes modernes, comme c'est le cas pour la société brésilienne.

Pour reprendre la question de la distance culturelle, nous voyons, dans le cadre suivant, les questions associées aux cinq dimensions de la culture nationale proposées par Hofstede :

Les 5 dimensions des cultures nationales Les questions associées

1. la distance hiérarchique 1. les rapports avec le pouvoir

2. l'aversion au risque 2. le besoin de sécurité

3. le degré de féminité ou de masculinité 3. les rapports avec la division de l'humanité entre hommes et femmes

4. le degré d'individualisme ou du collectivisme 4. les rapports avec les groupes

5.l'orientation à long terme par opposition à orientation à court terme

5. les rapport avec le temps qui coule et la finitude de la vie

A notre avis, ces questions associées aux cinq dimensions des cultures nationales proposées par Hofstede restent essentielles pour un travail, comme le nôtre, qui veut mettre l'accent sur les aspects culturels des activités d'une entreprise mises en place en dehors de leur pays siège. C'est pour cette raison que nous avons choisi de les garder à l'esprit tout au long de nos réflexions.

Alors, après avoir exposé, en détails, la caractérisation que nous avons adoptée pour cette notion dans notre travail, en un mot, nous pouvons définir la distance culturelle comme l'absence de valeurs et de pratiques communes et universelles entre différents pays.

Nous croyons, donc, qu'avant d'élaborer une stratégie de communication, il est nécessaire que l'entreprise se rende compte et prenne en considération l'existence de ce phénomène-là. Nous l'appellerons « parcours de reconnaissance ». De plus, nous pensons, qu'il est important d’être attentif à ce que Paulo Freire a nommé l’invasion culturelle.

Documentos relacionados