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CHAPITRE 7 – Une enquête à travers la réalisation de questionnaires approfondis

7.1 L'enquête réalisée auprès de l'Embrapa

7.1.2 L'analyse des données du questionnaire Embrapa2

7.1.2.3 L'expression du contradictoire : un regard plus attentif sur les acteurs de

Pour finir cette section, avant d'attaquer les données récoltées auprès du CIRAD, nous souhaitons mener des réflexions concernant le deuxième axe thématique de notre travail : la culture par le biais de l'interculturel et du rapport à lautre. Pour cela, nous avons procédé à une analyse individuelle des réponses données, spécifiquement, aux questions 9, 10, 11 et 12 – celles qui parlent du rapport avec les autres dans un cadre professionnel. Nous essayons, ainsi, de saisir, de façon plus

approfondie, les visions individuelles de chacun des participants à cette deuxième enquête.

Nous avons adopté cette démarche pour montrer comment la présence du contradictoire gagne du terrain, de nos jours, même au sein d'un organisme dédié à la science, et qui reste, toujours,

tributaire de la pensée forgée sur le mythe du progrès. Voyons, donc, les résultats de cette l'analyse faite participant par participant.

Les réponses de la personne E2.1 laissent croire qu'il s'agit de quelqu'un qui reconnaît comment chacun des acteurs africains concernés peut collaborer avec l'EMBRAPA quand elle travaille dans leurs pays : les agriculteurs parce qu' ils savent quels sont leurs besoins concernant leur

« développement » et leur « croissance » ; les chercheurs puisqu' ils apportent leur contribution dans divers domaines de la recherche scientifique agronomique et les techniciens car ce sont eux qui possèdent des informations importantes sur la réalité de leur continent et qui sont en mesure d'appuyer le travail de l'entreprise sur le terrain.

Ainsi, le point de vue de cette personne peut être considéré comme un exemple de la vision saisie dès la première étape de notre terrain selon laquelle, officiellement, à l'EMBRAPA, quand on parle de développement et d'activités de transfert de technologie, on accepte la participation de tous les acteurs concernés.

En analysant les réponses de la personne E2.2 nous voyons qu'il s'agit de quelqu'un qui a trouvé, chez les techniciens africains, le lien pour comprendre la réalité locale. Cet enquêté dit que « Les techniciens sont des excellentes sources d'information sur la réalité africaine et parce que le soutien qu'ils apportent aux activités de l'EMBRAPA dans leurs pays est important.390

Mais il s'agit de la même personne qui considère que les chercheurs brésiliens n'ont pas de

disposition pour l'échange de savoirs face aux chercheurs africains à cause d'une grande difficulté pour « vendre » les processus technologiques brésiliens dans la réalité d'une agriculture archaïque tant au niveau de ses moyens que de ses buts.

Et quand il s'agit des agriculteurs africains, cet enquêté qualifie l'attitude des chercheurs brésiliens comme étant fermés au dialogue, car ils ne connaissent pas les modèles socioculturels dominant

390Traduit de la formulation en portugais : «Os técnicos são excelente fonte de informações sobre a realidade africana e porque dão apoio importante para os trabalhos da EMBRAPA em seus países ».

dans la campagne en Afrique, totalement différents du modèle adopté au Brésil. Cette même

personne, quand elle parle de la distinction, au sein de l'EMBRAPA, entre coopération techniqueet coopération scientifique, avance que « L'EMBRAPA est obligée de suivre les paradigmes du modèle de coopération sud/sud, qui sont en conflit avec le système capitaliste de production agronomique dominant au Brésil 391».

L'analyse des deux textes dévoile une pensée qui oppose l'agriculture africaine « archaïque » au système de production agronomique dominant au Brésil, qui est « capitaliste ». Et quand la personne utilise le mot « vendre » entre guillemets, elle veut parler, en effet, de la difficulté de convaincre les chercheurs africains à adopter, dans leurs contextes, les processus techniques proposés par les brésiliens.

Pour nous, cela peut être vu comme un indice selon lequel les similitudes climatologiques et la culture de quelques mêmes produits agricoles ne doivent pas être les seuls éléments que l'EMBRAPA

doit prendre en compte pour travailler sur le terrain en Afrique. Les modèles d'exploitation de la terre sont très liés à la culture d'un pays, aux traditions d'un peuple, à l'organisation et au

fonctionnement des familles, voire à leur vision de monde, surtout dans les régions où l'agriculture reste encore un peu à l'écart des actions coordonnées par l'état et des impositions des modèles extensifs, à large échelle (comme c'est le cas du Brésil).

De plus, leurs réponses illustrent bien les deux phénomènes dont nous parlons dans le chapitre 2 : la distance culturelle, signalée quand l'enquêté parle de modèles socioculturels différents ; et l' invasion culturelle, quand il mentionne les difficultés pour « vendre » aux chercheurs africains les solutions développées par les brésiliens.

La personne E2.3 a donné une seule justification pour expliquer sa réponse par rapport à l'attitude des chercheurs brésiliens face à leurs partenaires africains, en disant que tous les agriculteurs, les techniciens et les chercheurs, qu' ils soient africains ou de n'importe quelle autre origine, ont acquis beaucoup de connaissances importantes pour donner une direction au travail de recherche. Elle semble avoir, ainsi, le même point de vue présenté par la personne E2.1, pouvant être vue comme un fonctionnaire qui, au moins au niveau du discours, a bien compris et adopté la position officielle de l'entreprise.

Une supposée faible estime de soi de la part des deux catégories professionnelles est mise en relief par la personne E2.4 : de la part des agriculteurs, face auxquels les chercheurs brésiliens avaient une attitude ouverte au dialogue et à l'écoute ; et des techniciens, devant qui cette attitude serait une pré-disposition pour l'échange des savoirs – d'ailleurs, c'est la même observation faite par cet enquêté quand il s'agit des chercheurs africains.

Il est intéressant de noter comment sa réponse concernant cette dernière catégorie attribue, d'abord, une pré-disposition pour apprendre et enseigner la science, per si, pour ensuite ajouter que

« l'interaction des savoirs » a été accomplie en raison de la nécessité de compter sur la participation de cette acteur local afin de bien accomplir le travail prévu. En un mot, les échanges de savoirs entre ceux qui font de la science, c'est normal, c'est prévu et ont leur place.

En revanche, cet échange serait plus difficile à établir devant les deux autres professionnels concernés à cause d'une supposée faible estime de soi. Ce sentiment qui, selon cet enquêté, se

391 Traduit de l'original en portugais : « A EMBRAPA obrigatoriamente deve seguir os paradigmas do modelo de cooperação sul/sul, conflitantes com o sistema capitalista de produção agropecuária dominante no Brasil.)

remarque dans les relations établies avec ces deux acteurs locaux, pourrait mettre en péril le dialogue envisagé avec les agriculteurs, plus habitués au monologue dans quelques pays du

continent. Selon cette personne, cette supposée faible estime de soi pourrait expliquer, aussi, le fait que les initiatives vers l'échange de savoirs venaient plus de la part des chercheurs que de la part des techniciens.

L'analyse des réponses de cet enquêté nous a donné deux points spécifiques sur les relations établies entre les chercheurs de l'EMBRAPA et les partenaires locaux, en Afrique, qui seront abordées dans la troisième étape de notre terrain, les entretiens : 1 – des initiatives vers l'échange de savoirs plus

perceptible de la part des chercheurs brésiliens que de celle des techniciens africains et 2 – l'impression selon laquelle l'échange de savoirs prend sa place, effectivement, seulement avec les chercheurs.

Ce dernier point peut être perçu, aussi, quand nous faisons l'analyse des réponses de la personne E2.5 pour qui l'attitude des chercheurs brésiliens est celle de quelqu'un de disponible autant pour apprendre que pour enseigner juste face à leurs homologues africains, car ils sont « très bien formés ». Et, différemment, ils seraient « à l'écoute » face aux agriculteurs et aux techniciens. Le commentaire par rapport à ces derniers – « ils sont très intéressés » – pourrait présenter une impression d'indulgence. Finalement, son affirmation sur les agriculteurs, avec qui, en effet, la plupart des chercheurs brésiliens auraient peu de contact, a été prise comme un élément clé pour les questions posées aux interviewés de la troisième étape de notre investigation sur le terrain.

Pour conclure cette analyse des réponses individuelles des enquêtés par rapport à l'attitude des chercheurs brésiliens face à leurs partenaires africains, nous avons la personne E2.6. Elle croit qu'ils font preuve de pré-disposition aussi bien pour apprendre que pour enseigner devant n'importe laquelle des trois catégories professionnelles concernées.

Sur le trois explications données, nous remarquons que l’accent est mis sur les caractéristiques positives attribuées aux chercheurs brésiliens : ils travaillent en Afrique comme de « vrais

professeurs » ; ils ne pratiquent pas « la réserve de connaissance » et ils « ne font pas de distinctions hiérarchiques » entre leurs partenaires.

Il est intéressant de s'attarder un peu sur les mots et les expressions utilisés pour décrire l'attitude des chercheurs brésiliens, en considérant la justification concernant chacune des trois catégories.

Ainsi, devant les agriculteurs, ils « apprennent et enseignent » et sont ouverts à l'échange

d'expériences « au-delà de la méthode scientifique ». Le mot choisi pour qualifier les chercheurs brésiliens est « professeurs » et pour parler des échanges, le terme est « expérience » (et pas connaissance ou savoir).

Pour parler de l'attitude ouverte des chercheurs brésiliens qui, face à leurs homologues africains, ne gardent pas que pour eux leurs connaissances 392, le verbe utilisé est « transmettre » (des

connaissances, des techniques, des méthodes, des matériaux) ; l'accent est mis sur le respect constant pour« l'opinion des techniciens», et pas pour les connaissances ou les savoirs des scientifiques ou des chercheurs. A leur tour, les techniciens « sont traités comme n'importe quel partenaire, sans différence hiérarchique, avec la même attention dispensée aux agriculteurs et aux chercheurs ».

392Façon d 'expliquer l'expression en portugais « reserva de conhecimento ».

Nous pouvons dénoter un ton un petit peu défensif dans ces réponses, comme si l'enquêté prenait la défense des chercheurs brésiliens. Et, à la fois, nous croyons que le choix de ces mots peut dévoiler une pensée pas tout à fait en syntonie avec la disposition pour l'échange de savoirs, ce qui marque une différence par rapport aux deux autres enquêtés (les personnes E2.1 et E2.3), qui comme celle-ci (E2.6), ont choisi la même affirmation pour qualifier les attitudes des chercheurs face aux trois types de partenaires africains.

Leurs réponses parlent des acteurs concernés en tant que sujets actifs au sein de cette relation, qui apportent des contributions importantes. Un signe de plus de la présence du contradictoire : contrairement à ce que fait la personne E2.6, dans le choix des mots des personnes E2.1 et E2.3 ce sont les caractéristiques de leurs partenaires ('eux', les 'autres'), qui sont mises en avant, et pas celles des chercheurs brésiliens (c'est-à-dire, 'nous' ou ceux qui sont comme moi).

Le contradictoire se présente quand la vision qui met l'accent sur 'les autres', les partenaires – et qui est en accord avec les consignes du 'travail conjoint', prônées au niveau du discours par l'EMBRAPA

– doit faire avec les positionnements qui restent portés sur 'le nous', les chercheurs – en accord avec la logique du diffusionnisme, selon laquelle seulement les savants portent les bonnes réponses.

Passons, maintenant, à l'exposé des analyses des données récoltées auprès du CIRAD pour cette deuxième étape de notre investigation sur le terrain.

7.2 – L'enquête réalisée auprès du CIRAD

Nous voulons débuter cette section en faisant la même considération que nous avons eue au début de la section précédente, à propos de la représentativité des acteurs participant à cette deuxième étape de notre travail sur le terrain : le CIRAD compte cinq délégués chargés de ses cinq

représentations en Afrique393. Ainsi, concernant le centre français, les trois questionnaires remplis et valables qui constituent le corpus 2 de notre terrain représentent plus de 50% de l'univers existant correspondant au profil déterminé pour participer à notre enquête : des cadres occupant ou qui avaient occupés un des postes de chef de délégation du CIRAD en Afrique depuis 2006.

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