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CHAPITRE 1 – Science, progrès et développement

1.3 Le développement comme une croyance occidentale

1.3.2 Pensée globale, conséquences locales

Pour reprendre les mots de Rist :

La conversion – puisqu'il faut bien utiliser un langage religieux – ne consiste donc pas à échanger une croyance contre une autre, mais à préférer le savoir au croire, à regarder la réalité en face plutôt que s'accrocher à des illusions, à comprendre le monde tel qu'il est au lieu de l'imaginer tel que nous souhaiterions qu'il soit. 56

L'analogie qu'établit Rist avec la conversion religieuse indique clairement que la notion de développement est une notion relative et n'est pas une notion absolue. En voulant écarter

l'obscurantisme dominant au sein des modes de vie traditionnels, basés sur la croyance aveugle à des explications religieuses, le « scientificisme » et le technicisme propres à la Modernité ont fini par mettre en place un autre type de croyance aveugle : celle basée sur l'économie, le progrès et le développement. On change les dieux mais on reste des fidèles.

La Cepal a beaucoup influencé les théories économiques et les réflexions à propos du

développement en Amérique latine. On peut dire que cette commission a été à l'origine de la formation de la conception structuraliste du développement qui s'est imposée dans le

sous-continent, responsable, d'ailleurs, de donner vie à la politique du « diffusionnisme » et au « modèle linaire-offertiste » pour le transfert de technologie adoptés par l'EMBRAPA.

Depuis sa création, la Cepal s'est occupée 1 – de formuler des concepts et des instruments d'analyse et de mesures économiques adaptés aux conditions du sous-continent et 2 – d'élaborer des modèles qui pouvaient servir comme programmes et comme plans à mettre en place dans la plupart des pays de la région, en leur fournissant également de l'assistance technique dans ce domaine-là.

L'intégration économique de l'Amérique du Sud dans un marché commun a été, par exemple, une idée proposée par cette commission58.

Dans ses travaux et ses recherches sur l'industrie, l'agriculture, l'énergie et les transports, le commerce régional ou extérieur, la C.E.P.A.L s'est efforcé de montrer systématiquement que l'intégration demeure la condition de base de un développement équilibré et durable ; qu'elle est la seule possibilité pour renforcer le pouvoir de négociation et l'autonomie de la région face aux centres de décision extérieurs59.

D'un autre côté, on peut considérer la commission en tant que centre de production intellectuelle à propos du développement du sous-continent tout au long des dernières décennies. Au sein de la Cepal il y a eu une production considérable, et pas seulement de rapports, qui ont permis un regard à la fois économique et sociologique.

Les idées dominantes pendant les années 50 au sein de la commission étaient celles que soutenait son directeur, Raúl Prebisch. L'économiste argentin était opposé au point de vue des États-Unis, toujours basé sur la théorie économique classique selon laquelle le libre fonctionnement du mécanisme économique corrigerait tous les maux, sans qu'il n'y ait besoin d'une politique compensatoire.

Prebish crée, donc, sa théorie du développement économique dont les concepts vont servir de soutien aux actions de la Cepal. Des concepts semblables à ceux qui parlent des mouvements économiques cycliques universels et du système de relations économiques internationales nommé Centre-Périphérie, où, grosso modo, le Centre serait les pays développés, producteurs de biens manufacturés, et la Périphérie serait les pays en voie de développement ou sous-développés, producteurs de biens primaires.

Du côté pragmatique, l'une des mesures proposée par la Cepal visant l'Amérique latine est

l'industrialisation du sous-continent avec la substitution des importations à travers l'élargissement de leurs parcs industriels. On croyait que de cette façon ils pourraient exporter aussi des biens avec une grande valeur ajoutée et pas seulement des produits alimentaires, beaucoup moins chers. Selon le programme de développement proposé par Prebish, l’État ne devait pas jouer le rôle d'initiative privée mais seulement agir là où il était faible.

58IKONICOFF (Moïses). La Commission économique pour l'Amérique latine - CEPAL (1968), p. 532 et suiv.

59Ibid., p. 533

Les efforts de la Cepal allaient dans le sens de découvrir comment les pays sous-développés

pourraient atteindre le niveau de ceux développés. Et comme on peut le vérifier sur son site internet, la commission a toujours utilisé la méthode nommée « historique-structurelle » qui analyse la façon selon laquelle les institutions et la structure productive dont les pays en développement ont hérité, conditionnent leur dynamique économique et donnent vie à des comportements différents de ceux qu'on trouvait dans les nations développées. Selon cette méthode, il n'existe pas des « étapes de développement » uniformes. Le « développement tardif » de nos pays a une dynamique distincte face à celle observée dans les nations qui ont atteint, plus tôt, le développement. Les caractères de nos économies sont mieux saisis par l'expression «hétérogénéité structurale », apparue dans les années 70. 60

Nous voyons donc que, malgré la prise en compte de la spécificité des comportements et des conditions trouvées dans les pays de l'Amérique latine, ils seraient toujours destinés à atteindre le même niveau d' avancement que les pays situés plus haut dans une supposée échelle linéaire. L'idée du Progrès comme voie unique reste, donc, présente.

Il est intéressant de citer, aussi, la réalisation de la Conférence de Bandoeng (Indonésie), en 1955, dix ans après la signature de la Charte des Nations Unies61. Convoquée par les gouvernements de la Birmanie, de Ceylan, de l'Inde, de l'Indonésie et du Pakistan, la conférence a réuni vingt-neuf représentants des pays d'Afrique et d'Asie nouvellement indépendants, pour affirmer leur volonté d'indépendance et leur non-alignement sur les puissances mondiales.

Dans le Communiqué final de la conférence afro-asiatique de Bandoeng, daté du 24 avril 1955 62 – document qui compte sept pages – on retrouve la même idée sur ce que seraient le développement et le rôle des avancées techniques pour le favoriser. Le premier point du premier sous-titre de ce document, Coopération économique est :

1. La Conférence afro-asiatique reconnaît la nécessité urgente d'encourager le développement économique de la zone afro-asiatique. Et le deuxième: 2. Les pays participants décident de s'accorder une assistance technique, dans toute la mesure du possible, sous forme : D'experts, de projets pilotes, de matériel de démonstration, d'échanges de documentation, d'établissement d'instituts de recherche et de formation nationaux et – si possible – régionaux qui prodigueront leurs connaissances techniques et scientifiques en coopération avec les organismes internationaux existants.

60Traduit par l'auteur: ''El método, llamado "histórico-estructural", analiza la forma como las instituciones y la estructura productiva heredadas condicionan la dinámica económica de los países en desarrollo, y generan comportamientos que son diferentes a los de las naciones más desarrolladas. En este método no hay "estadios de desarrollo" uniformes. El "desarrollo tardío" de nuestros países tiene una dinámica diferente al de aquellas naciones que experimentaron un desarrollo más temprano. Las características de nuestras economías son mejor captadas por el término "heterogeneidad estructural", acuñado en los años setenta.'' Disponible en ligne :http://www.cepal.org/cgi-bin/getprod.asp?xml=/noticias/paginas/0/21670/P21670.xml&xsl=/tpl/p18f-st.xsl&base=/tpl/top-bottom.xsl

61La Charte des Nations Unies a été signée en 1945 pour renouveler l'engagement des pays membres pour promouvoir la paix entre les peuples, à proclamer à nouveau leur foi dans les droits fondamentaux de l'homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l'égalité de droits des hommes et des femmes, ainsi que des nations, grandes et petites, à créer les conditions nécessaires au maintien de la justice et du respect des obligations nées des traités et autres sources du droit international, à favoriser le progrès social et instaurer de meilleures conditions de vie dans une liberté plus grande, comme on peut lire dans les préambules du texte.

62Texte disponible en ligne sur le site du Centre virtuel de la connaissance sur l'Europe (CVCE), centre de recherche et de documentation interdisciplinaire sur le processus de la construction européenne: http://migre.me/gYqqU (Nous avons utilisé un site de réduction pour des adresses très longues (migre.me).

On remarque qu'il y avait une vision commune avec celle de la Cepal quant à ce qui serait

nécessaire pour pousser le développement des nations : des avancées dans le champs scientifique et technique.

Comme nous allons aborder des aspects liés au domaine de la culture dans le chapitre suivant, il est intéressant de noter les idées présentées dans le deuxième point du Communiqué final de la

conférence afro-asiatique de Bandoeng: sous-titré Coopération culturelle, ce point du document commence en préconisant ce type de coopération comme un des «moyens les plus puissants d'entente entre les Nations », et finit en condamnant le racisme « en tant que moyen d'oppression culturelle ».

La prédominance de l'aspect économique, par la suite, quand on analyse les rapports mis en place entre les nations, atteste de la distance entre les 'bonnes intentions' toujours à l'ordre du jour au niveau 'officiel' et les actes qui prennent vraiment place dans le monde officieux, pragmatique. En effet, comme l'a déjà signalé Michel Maffesoli « l’État dans ses diverses abstractions

bureaucratiques ne ''représente'' plus rien'' » 63.

Continuons avec notre réflexion sur la logique de l'économie en tant que forme prévalente de compréhension du monde. Pour rappel, cette prévalence peut être vue comme l'un des résultats d'un long processus qui est passé par le réductionnisme du rationalisme scientifique, par la narrative du salut pouvant être obtenu à travers les avancées techniques apportées par le mythe du progrès qui marche de paire avec la croyance aveugle du bonheur apporté par le développement.

Nous parlons toujours de l'époque de le Guerre Froide, quand la division du monde entre les pays capitalistes développés et le bloc socialiste a donné le jour à l'idée de Tiers Monde. C'est le moment où des théories du développement – une vaste production scientifique dans le champ des Sciences humaines et sociales – sont apparues pour essayer d'expliquer l'évolution historique des sociétés humaines et les différents niveaux de développement des nations. La théorie de la dépendance date aussi de cette période là.

Formulée dans les années 1960 selon quelques idées marxistes, cette théorie préconise que les pays sous-développés restent toujours dépendants des pays développés car leurs rapports sont toujours fondés sur la logique exploratoire impérialiste-coloniale.

Les idées de la théorie de la dépendance ont été motivées par les limites à leur développement auxquelles les pays latino-américains faisaient face: ils n’étaient plus des colonies depuis le début du XIXe siècle ; ils ont modernisé leurs industries depuis quelques décennies ; ils ont eu de hauts niveaux de croissance économique et, malgré tout cela ils se battaient encore contre la misère, l’analphabétisme et une distribution des revenus toujours inégale64.

63MAFFESOLI, Michel (2008), op. cit., p. 274. C'est dans l'ouvrage ''La violence totalitaire'', apparue en 1979, que le sociologue commence a faire des considérations à propos de la distance entre le monde officiel (celui des lois, des structures administratives, des contrats, etc.) et le monde officieux (du quotidien vécu par les gens, des ses vrais envies, etc.)

64Quelques auteurs et œuvres représentant la théorie de la dépendance sont : André Gunder Frank (Capitalism and Underdevelopment in Latin America: Historical Studies of Chile and Brazil. Monthly Review Press, 1969 ) ; Ruy Mauro Marini ( Dialéctica de la dependencia. Editora Era, México, 1990, 10a ed. / Ia edição, 1973 ) Celso Furtado ( A Hegemonia dos Estados Unidos e o Subdesenvolvimento da América Latina. Rio de Janeiro: Civilização Brasileira, 1973 ); Fernando Henrique Cardoso (avec FALLETO, Enzo. Dependência e desenvolvimento na América Latina.

Ensaio de Interpretação Sociológica. 7ª ed. Rio de Janeiro, Zahar : 1984 ) ; Raul Prebish (Capitalismo periférico: crisis y trasformación. México: Fondo de Cultura Económica, 1987) ; et Theotônio dos Santos (A Teoria da Dependência. 1.

ed. Rio de Janeiro: Editora Civilização Brasileira, 2000. v. 1. 175p).

Du côté des études sur le développement, à cette période-là, Pauline Bend65 remarque l'existence de deux lignes de pensée qui s'opposaient aux premières idées en rapport avec le processus d'évolution des nations, toutes les deux d'inspiration marxiste : la première a été constituée par l' expansion des idées proposées par la théorie de la dépendance dont nous venons de parler. Dans son texte, Bend explique les points essentiels de cette théorie à partir de l'avis de l'économiste Égyptien, Samir Amin. La seconde ligne serait formée par le courant de l’impérialisme structurel, dont Arghiri Emmanuel est l’un des théoriciens

représentatifs, tout comme Gunder Frank.

Pourtant, Theotônio dos Santos, lui même, autre représentant de la théorie de la dépendance, dans un texte66 visant à la réviser, reprend d'autres points de vue, qui considèrent que cette pensée peut être divisée dans ces deux courants parmi les quatre ou cinq existant. Il existe quelques points de divergences au sein de la théorie ce qui permet d'effectuer plusieurs regroupements.

De façon générale, tandis qu'elle contient différentes lignes de pensée, cette théorie considère le

développement et le sous-développement comme le résultat de l'évolution historique du capitalisme. Le sous-développement serait une sorte de « développement dépendant », marqué par la dépendance des pays périphériques face aux capitaux étrangers et la centralisation du pouvoir économique des pays centraux.

La situation de sous-développement des pays du « Tiers-Monde » (qui restent comme sources de produits peu industrialisés et consommateurs des produits de haute technologie, par exemple) ne serait qu'une condition indispensable pour le développement des pays du « Premier monde » (qui profitent de la potentialité de croissance des pays sous-développés pour utiliser les capitaux accumulés après la fin de la Seconde Guerre Mondiale à travers l'implantation des industries sur leurs territoires, par exemple).

La théorie de la dépendance, avec cet aspect d'ordre, à la fois, économique et sociologique, fait partie des courants de pensée anti-hégémoniques apparus dans le domaine des Sciences humaines et sociales à partir des années 1960/70. La lignée la plus répandue parmi ces courants est celle du postcolonialisme, une vision épistémologique influente aussi pour les réflexions que nous menons tout au long de notre travail.

1.4 Le Postcolonialisme et le Postmodernisme : liens et

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