• Nenhum resultado encontrado

CHAPITRE 1 – Science, progrès et développement

1.5 Le mythe du progrès en tant que pratique : la collaboration internationale au

1.5.3 L'EMBRAPA et le CIRAD à l'égard de la Contribution internationale au

l'Entreprise brésilienne de recherche agropastorale, qui se trouve au Brésil, un des dits « pays émergents » ; et un deuxième acteur, situé dans le Nord – le CIRAD, le Centre international pour la recherche agronomique et le développement, en France. Nous nous intéressons, spécifiquement, au fait que ces deux institutions publiques de recherche agronomique travaillent dans quelques pays africains.

Ainsi, quand il s'agit du CIRAD, les activités sont encadrées dans le contexte de la Coopération internationale pour le développement du type Nord-Sud (CID-NS) et, quand il s'agit de l'EMBRAPA, les activités sont classifiées comme de la Coopération internationale pour le développement du type Sud-Sud (CID-SS).

Dans un premier temps la CID ne pouvait exister qu'en tant qu'aide des pays développés du Nord vers les pays sous-développés du Sud. Ainsi, on peut distinguer de façon très claire les fonctions et les objectifs du CIRAD en France, et ceux de l'EMBRAPA au Brésil : le Centre français est un exemple parmi d'autres d' initiatives mises en place dans la période de l'après guerre par les gouvernements des pays développés pour aider les pays sous-développés.

Et cette même logique a été la toile de fond pour la création de l'EMBRAPA au Brésil, dans les années 1970 à un moment où, parmi les économistes, on a commencé à croire que l'échec du modèle de développement tenté jusque là était dû au fait qu'on avait mis de côté le rôle de l'agriculture :

Pour que l'industrialisation puisse avoir sa place, elle devrait être rattachée au développement des régions rurales, qui iraient fournir de la nourriture, du travail et du capital au secteur industriel, en plus de servir de marché consommateur pour les produits industrialisés locaux et générer des devises en monnaie étrangère, à travers les exportations, qui iraient servir aux importations nécessaires aux avancées industrielles.88

88Traduit du portugais par l'auteur: « Para que industrialização acontecesse deveria estar atrelada ao desenvolvimento das áreas rurais, que forneceriam alimentos, trabalho e capital para o setor industrial, além de servir de mercado para produtos industriais locais e gerar divisas em moeda externa, por meio de exportações, para as importações necessárias para o avanço industrial. in: LEITE (2012)

La création de l'EMBRAPA, en 1973 a fait partie, donc, d'une stratégie pour pousser le développement du Brésil à travers l'accroissement de la productivité agricole – stratégie partiellement réussie dans la mesure où elle était à l'origine de ce qui a été connu comme la

Révolution verte brésilienne89. Et, en effet, le miracle d'avoir transformé le Cerrado brasileiro en un des plus grandes granges du monde, responsable de records successifs de production de grains depuis des années90 a fait connaître et reconnaître l'expertise de l'EMBRAPA partout dans le monde.

Mais pour être le moteur de ce changement, l'EMBRAPA a compté, depuis sa création, sur l'aide (indirecte au moins), des pays du Nord car, si le financement de ses activités a toujours été à la charge du gouvernement brésilien, les scientifiques de l'entreprise se sont formés à l'étranger, notamment, dans les pays du Nord.91

Étant donné que la formation des connaissances dans les pays du Sud fait partie de la mission du

CIRAD, et que l'EMBRAPA, à son tour, a pour mission de promouvoir le développement de son pays siège, on voit comment les deux instituts étaient complémentaires dans un monde divisé entre ceux qui étaient en mesure de produire le savoir technico-scientifique et ceux qui ne pouvaient que l'apprendre. Dans le monde tel qu'il était jusqu'à hier, le Brésil (et l'EMBRAPA par extension) était un récepteur d'aide au développement là où la France (et le CIRAD) en était un donateur.

Conclusion du Chapitre

Nous nous alignons sur la pensée contraire à celle du positivisme d'Auguste Comte, à laquelle s'est déjà opposé Émile Durkheim, pour qui le progrès de l'humanité, selon la représentation, à son avis, subjective de Comte, n'existait pas. Différemment, « Ce qui existe, ce qui seul est donné à

l'observation, ce sont des sociétés particulières qui naissent, se développent, meurent indépendamment les unes des autres.»92

Nous nous permettons juste de faire une remarque quant à l'utilisation du terme 'indépendamment' dans l'affirmation d'un des pères de la Sociologie car, à notre avis, il y a maintes cas où les

trajectoires des sociétés, ou plutôt, des civilisations humaines s'entrecroisent d'une telle façon qu'il est impossible de dire qu'elles évoluent de façon indépendante les unes par rapport aux autres.

En accord avec une telle pensée contre-positiviste, nous venons d'exposer, tout au long de ce chapitre, nos réflexions sur les liens de fond épistémologique entre Science, Progrès et Développement. Pour ce faire, nous avons essayé de promouvoir un dialogue entre les idées de différents auteurs à propos de ces sujets, notamment, Michel Maffesoli, Edgar Morin, Gilbert Durand et Gilbert Rist.

89La Révolution Verte est un programme qui visait à accroître la production agricole dans le monde grâce à des améliorations génétiques dans les semences, l'utilisation intensive des intrants industriels, la mécanisation et de réduire les coûts de gestion. C'était le projet tourné vers l'agriculture inspiré de la théorie de la Modernisation selon laquelle promouvoir les avancées scientifiques et techniques c'était le moyen pour aider les pays 'sous-développés' à surmonter cette situation indésirable. Pour connaître les considérations plus amples sur le sujet, voir DELCOURT, Laurent Envers et dessous du « miracle » agricole brésilien. Louvain-la-Neuve. Centre tricontinental, 2013.

90 En plus des statistiques et des informations fournis par le IBGE (Instituto Brasileiro de Geografia e Estatistica) sur son site internet <http://seriesestatisticas.ibge.gov.br/lista_tema.aspx?op=0&de=55&no=1> à ce sujet, voir sur la Bibliographie, des articles de presse.

91Seulement en 2008, c'est à dire 35 ans après sa création, l'EMBRAPA a lancé un concours pour embaucher de nouveaux fonctionnaires dans lequel on a exigé, par la première fois dans l' histoire de l'entreprise, un niveau doctoral pour ceux qui voulaient postuler à la carrière de chercheur.

92 DURKHEIM, Émile (1895) op. cit. p. 26.

Si avec la Modernité « Non seulement le monde est passible d'exploration scientifique, mais seule l'exploration scientifique a droit au titre désaffecté de connaissance93 », comme l'a signalé Gilbert Durand, « l' apogée d'une valeur en appelle à son hypogée94», comme nous le rappelle Michel Maffesoli.

La preuve la plus concrète est là : le développement est devenu impossible et ce, selon Edgar Morin95 à cause de la tentative d'unification techno-économique et communicationnelle qu'il a essayer d'entreprendre. Le processus de développement est devenu incontrôlé, y compris le

développement technique et scientifique mais aussi le développement urbain et démographique. La mondialisation résultat d'une idée de développement imposée par l'Occident basée sur

l'individualisme et l'égoïsme a fini par briser la solidarité locale. Un des résultats de

« l'obscurantisme économique qui veut faire croire que plus est nécessairement mieux », conforme Rist96.

Dans un monde en pleine crise, les Sciences humaines et sociales ont essayé de trouver des

nouvelles réponses épistémologiques. Ainsi, dans les dernières décennies du XXe siècle, on a vu le postcolonialisme naître, essentiellement, de la proposition ontologique de voir le monde autrement qu’au travers du regard européen. Les études de ce courant proposaient, de façon alternative, de mieux comprendre la globalité du monde depuis le site des anciennes colonies ou du monde hors Occident.

L'une d'idées dominantes de la production postcolonialiste est celle qui traverse les réflexions que nous avons présentées tout au long des premières sous-sections de ce chapitre : la science

occidentale étant une forme de savoir comme une autre, elle n’est pas intrinsèquement supérieure à toute autre.

De l'idée positiviste qui prônait la science et la technique comme les moteurs du progrès irréfutable de l'humanité vers une condition toujours meilleure, on est arrivé à l'imposition économiste d'une certaine notion de développement comme marche linéaire et irréfrénable vers le bonheur. Une marche qui ne peut avancer que sur la voie indiquée par les valeurs occidentales, prises alors comme universelles.

L’institutionnalisation (à travers la disciplinarisation) des rapports entre les peuples incarnée par le domaine des Relations internationales, est devenue un mécanisme en plus de la promotion de l'Universalisme prôné par l'Occident. C'est en accord avec ce supposé universalisme, héritier de la logique de domination qui prévaut, toujours, au sein des institutions Modernes, que la division du monde entre les donateurs d'aide et les demandeurs d'aide pour le développement s'est imposée.

En partant de la prémisse selon laquelle la construction de la pensée Moderne est centrée sur le primat de la raison, nous sommes revenu sur certains points relatifs au rôle joué par la science et la technique dans la consolidation de cette pensée. La vision du Progrès en tant que mythe (Durand et Maffesoli) nous a amené à une vision critique sur le développement à travers laquelle nous avons récupéré la pensée postcolonialiste qui remet en cause la vision eurocentriste et occidentale du monde.

93DURAND, Gilbert. (1998) op. cit., p.25

94MAFFESOLI, Michel. Matrimonium. (2010c), op. cit., p.9

95Séminaire « Penser Global ». Conférence : « La mondialisation », le 7 février 2014 à Paris, Fondation Maison des sciences de l'homme.

96RIST, Gilbert. (1996). op. cit., p. 479

Enfin, en parlant de la Collaboration nternationale au développement (CID) au sein des Relations internationales, nous avons introduit le sujet choisi pour la réalisation de notre travail sur le terrain.

Ainsi, avec ce premier chapitre, nous venons de présenter les éléments constituant notre

problématique de recherche issue du premier axe thématique de notre travail : celui qui a trait à la science et à la technique, éléments centraux de la vie quotidienne des acteurs que nous allons interroger pendant notre travail sur le terrain, à savoir, des cadres et des chercheurs de l'EMBRAPA et du CIRAD.

Par la suite, en plus de faire appel à d'autres références, nous allons revenir, à la fois, sur les auteurs et quelques idées avancées tout au long de ce chapitre pour exploiter les deux autres axes

thématiques choisis pour l'approche conceptuelle de notre problématique de recherche: l'un qui est lié à la culture (Chapitre 2), l'autre qui a trait à la communication (Chapitre3).

CHAPITRE 2 – Culture, imaginaire et quotidien : entre le social

Documentos relacionados