• Nenhum resultado encontrado

III.6 Etudes électrochimiques et spectroélectrochimiques *

III.6.4 Electrochimie des matériaux hybrides à base de thiophène

Nous avons préparé plusieurs matériaux hybrides à base d’oligo- ou polythiophène (Th1- 5, P1) et de nanocristaux de CdSe ayant un diamètre de 3,0 nm, dont certaines caractérisations spectroscopiques ont été présentées dans la partie III.4.1, p.100. Dans le présent chapitre, nous voulons brièvement présenter les premiers résultats obtenus en électrochimie pour certains de ces systèmes.

Etude électrochimique de l’acide 4-Thiophèn-3-yl-dithiobenzoique (Th1) et son hybride avec des nanocristaux de CdSe

Dans un premier temps, nous avons analysé l’acide 4-thiophèn-3-yl-dithiobenzoïque (Th1) par voltampérométrie cyclique en solution (2·10-3 M Th1 dans 0,1 M Bu4NBF4 / CH2Cl2).

Les résultats sont représentés en Figure III-83. Le graphe montre six cycles consécutifs effectués à la même vitesse de balayage (100 mV/s). Le premier cycle ne montre pratiquement aucun signal, tandis que les suivants sont caractérisés par un couple redox réversible (Eox = 1,4 V, Ered = 1,0 V), superposé au début du pic d’oxydation, de nature irréversible, qui est associé à la polymérisation. L’augmentation du courant à chaque cycle concorde bien avec la polymérisation de Th1 sur l’électrode, qui est clairement visible au dépôt rouge (à l’état réduit) formé sur celle-ci. Les pics sont décalés vers des potentiels plus élevés que dans le cas des

RESULTATS ET DISCUSSION

142

systèmes de type alkylthiophène ou de type arylthiophène, en raison de l’effet électroaccepteur du groupe carbodithioate qui diminue la densité électronique de la position D du cycle thiophène.

Ceci rend l’extraction d’électron de cette position plus difficile et la polymérisation n’est possible qu’à des potentiels plus élevés.

Figure III-83 Cyclovoltammogramme de Th1 enregistré en solution (2·10-3 M Th1 dans 0,1 M Bu4NBF4 / CH2Cl2) par rapport à l’électrode de référence Ag / 0,1 M Ag+. Le graphe montre six cycles consécutifs effectués à 100 mV/s.

L’hybride CdSe-Th1 est déposé sous forme de film mince sur l’électrode de travail. Le cyclovoltammogramme enregistré pour des potentiels compris entre E = -0,5 V et E = 1,0 V, représenté en Figure III-84, montre un couple redox réversible (Eox = 0,2 V, Ered = -0,25 V) et un pic très étroit (E = -0,06 V) superposé à celui-ci. Les intensités de courant de tous ces pics changent avec la vitesse de balayage, par contre la dépendance n’est pas clairement proportionnelle à cette vitesse ou à sa racine, mais plutôt à v1,2-1,4, selon les pics. Un pic étroit, tel que nous l’avons observé, est souvent présent dans les processus électrochimiques de dépôts métalliques sur une électrode (« stripping peak ») [120,121]. Dans notre cas, celui-ci peut provenir des atomes de cadmium de la surface du nanocristal. En effet, Bae et al. observent des comportements similaires dans des nanocristaux de CdTe, ainsi que dans des complexes métalliques à base de cadmium [122], sans expliquer leur origine. Il est à noter que, ni dans le cas de nanocristaux CdSe-TOPO, ni dans celui des hybrides CdSe-L8 ou CdSe-L8-A14-EB, nous n’avons observé un tel comportement. A ce jour, nous n’avons pas d’explication définitive pour ce pic, mais nous supposons que la surface du nanocristal est peut être recouverte d’une manière moins complète que dans les autres cas, ce qui explique que les atomes surfaciques du nanocristal soient plus exposés vis-à-vis de l’électrode. Sachant qu’il y a un excès d’atomes de cadmium à la surface des nanocristaux, une réaction électrochimique à la surface, classique dans le cas des métaux, semble probable. Des expériences supplémentaires, telles que l’analyse élémentaire ou l’XPS, seront nécessaires pour étudier l’état de surface des nanocristaux dans ce type d’hybride.

Etudes électrochimiques et spectroélectrochimiques

Figure III-84 Cyclovoltammogramme de CdSe-Th1, déposé sur l’électrode de Pt, électrolyte : 0,1 M Bu4NBF4 / CH3CN, par rapport à l’électrode de référence Ag / 0,1 M AgNO3

Le balayage en réduction, jusqu’à E = -1,8 V, révèle les pics correspondants aux LUMO des deux parties de l’hybride : nous observons vers E = -0,9 V un pic provenant du nanocristal et vers E = -1,6 V un pic correspondant au thiophène. En effet, nous avions déjà pu observer ce dernier dans le cyclovoltammogramme du ligand libre. Par contre, si on balaye à de plus grands potentiels en oxydation, nous observons un pic irréversible vers E = 1,5 V, qui ne reste pas stable au cours de plusieurs cycles successifs (Figure III-84, petit graphe inséré). Ce pic peut en principe correspondre à l’oxydation du nanocristal (HOMO) ou à la formation du radical cation du motif thiophène. Toutefois, nous pouvons exclure ce dernier cas, car il n’y a pas de contre- partie en réduction. Aucun signal de polymérisation des ligands à la surface n’est visible. Une orientientation défavorable des molécules les unes par rapport aux autres empêchent probablement cette réaction, car elles sont greffées sur la surface des nanocristaux et l’hybride est déposé sous forme de film sur l’électrode.

Etude électrochimique de poly(3’-(4-bromométhyl-phényl)-3,3’’-dioctyl- [2,2’;5’,2’’]terthiophèn-5,5’’-yl) (Pp1) et d’hybride correspondant CdSe-P1

Le cyclovoltammogramme, enregistré en solution, du polymère pré-fonctionnalisé Pp1 est représenté en Figure III-85. Le polymère s’attache à l’électrode au cours de son oxydation en radical cation (Eox = 0,69 V, Ered = 0,57 V), puis se détache lors de la réduction. Aucun dépôt permanent ne se forme sur l’électrode, ce qui est en accord avec le fait que l’intensité du courant n’augmente pas d’un cycle au suivant. L’intensité du courant varie de manière proportionnelle à la racine de la vitesse de balayage (Figure III-85a), ce qui indique que le processus de diffusion domine lors des réactions à l’électrode. Nous avons déjà observé ce comportement pour les oligothiophènes. Il convient de noter que ce couple redox est moins décalé et plus réversible que celui observé pour Th1 (Figure III-83, p.142), car Pp1 ne possède pas de groupe carbodithioate et parce qu’il se trouve déjà sous forme de polymère. La réaction de polymérisation ne

RESULTATS ET DISCUSSION

144

« perturbe » donc pas le dopage. Si on étudie la réponse électrochimique en oxydation et en réduction (Figure III-85b), nous constatons, outre le couple redox discuté ci-dessus, un pic de suroxydation irréversible (Eox = 1,8 V), ainsi qu’un pic cathodique (Ered = -0,95 V). Les suroxydations sont typiques dans le cas d’oligo-/polythiophènes [123] et elles se situent généralement au voisinage immédiat des pics de dopage, à des potentiels légèrement supérieurs.

Figure III-85 Cyclovoltammogrammes de Pp1, avant post-fonctionnalisation enregistrés en solution (10-3 M dans 0,1 M Bu4NBF4 / CH2Cl2) par rapport à l’électrode de référence Ag / 0,1 M AgNO3 à différentes vitesses de balayages entre 20 et 100 mV/s. Graphes insérés (a) dépendance de l’intensité de courant en fonction de la racine de vitesse de balayage, (b) cyclovoltammogramme enregistré entre E = -1,5 V et E = 2,0 V, à 50 mV/s.

Après avoir effectué la post-fonctionnalisation de Pp1 pour introduire des groupes carbodithioates à la place de bromométhyle (P1), nous avons greffé ce ligand sur les nanocristaux pour obtenir l’hybride CdSe-P1. Comme décrit précédemment (cf. III.4.3) et de manière similaire au cas de CdSe-L8-Th2, nous récupérons plusieurs fractions, solubles dans l’éther, dans le dichlorométhane et dans le chloroforme. En effet, la fraction éther correspond au polymère non-greffé P1, tandis que les fractions CH2Cl2 et CHCl3 contiennent des hybrides CdSe-P1 qui diffèrent dans leur taux de greffage, la longueur de leurs chaînes polymères et donc leur teneur en nanocristaux. Le cyclovoltammogramme correspondant à la fraction éther et celui de la fraction chloroforme, déposées sous forme de film mince sur l’électrode, sont représentés enFigure III-88.

La réponse électrochimique de la fraction éther est effectivement très semblable à celle du polymère Pp1 et nous n’observons pas de signaux de nanocristaux (Figure III-88, gauche).

On remarque en revanche le couple redox correspondant à la formation du radical cation (Eox = 0,92 V, Ered = 0,67 V) dont l’intensité de courant évolue proportionnellement à la racine de la vitesse de balayage. Il convient de noter que le potentiel de ce couple est décalé vers des potentiels plus élevés, en raison de la présence du groupe carbodithioate, comme dans le cas de Th1 (cf. p.141).

Etudes électrochimiques et spectroélectrochimiques

La spectroélectrochimie-Raman (SECh-Raman) confirme le processus de dopage/

dédopage (Figure III-85) du polymère P1 : aucun spectre Raman ne peut être mesuré à des potentiels E < 0,75 V, car le système se trouve dans son état neutre et donc hors résonance.

Comme le montre le cyclovoltammogramme, le dopage du polymère commence à partir d’un potentiel de E = 0,78 V et nous observons le spectre Raman classique d’un oligo-/polythiophène dopé, contenant les raies typiques à 1415 cm-1 (CD-CE élongation symétrique), à 1207 cm-1 (CD- CD intercycle) et à 1104 cm-1 (CE-CE déformation dans des alkylthiophènes) [124].

Figure III-85 Résultats de SECh-Raman de P1 dans 0,1 M Bu4NBF4 / CH3CN. Le potentiel E appliqué est indiqué à chaque courbe. Les spectres sont décalés horizontalement pour une meilleure visibilité.

La fraction CHCl3 de CdSe-P1 possède un cyclovoltammogramme différent : on y trouve également le couple redox correspondant à la formation du radical cation (polaron) dans la chaîne polymère (Eox = 0,83 V, Ered = 0,69 V), mais aussi le pic étroit (« stripping peak ») à E = -0,09 V, ainsi qu’un pic cathodique à E = -0,32 V. Ce dernier pourrait correspondre au niveau LUMO des nanocristaux, modifié par l’interaction avec les ligands conjugués comme nous l’avons déjà observé par exemple pour CdSe-L8 (p.131). L’intensité de courant des pics varie proportionnellement à la racine de la vitesse de balayage, comme dans le polymère libre. De ce point de vue, le greffage des ligands sur la surface des nanocristaux ne modifie pas le comportement électrochimique des constituants. En appliquant des potentiels plus élevés, nous retrouvons le pic de suroxydation (E = 1,35 V), similaire à celui observé pour CdSe-Th1. Le polymère subit une dégradation suite à la suroxydation et le couple redox réversible devient irréversible. De plus, nous observons un petit pic cathodique à E = -0,88 V, correspondant au niveau LUMO « non modifié » des nanocristaux, concordant avec la dégradation des ligands conjugués autour d’eux.

RESULTATS ET DISCUSSION

146

Figure III-88 Cyclovoltammogramme de CdSe-P1, fraction éther (gauche) et fraction chloroforme (droite), à vitesse de balayage variable. Tous les échantillons sont déposés sous forme de film sur l’électrode de travail, l’électrolyte est 0,1 M Bu4NBF4 / CH3CN, et les potentiels sont mesurés par rapport à la référence Ag / 0,1 M AgNO3.

En conclusion, les ligands à base de thiophène montrent des comportements électrochimiques classiques. Les cyclovoltammogrammes des hybrides correspondants illustrent l’influence du greffage. Pour des potentiels relativement faibles (E < 1,0 V), on retrouve les couples redox du thiophène. En réduction, nous avons pu observer des signaux provenant du nanocristal. Nous avons dans certains cas obtenu un pic très étroit, généralement caractéristique d’un cluster métallique sur l’électrode. Par contre, nous avons constaté de manière générale une forte instabilité des systèmes lors d’une oxydation à plus haut potentiel. En effet, les cyclovoltammogrammes sont significativement modifiés d’un cycle au suivant. Des mesures spectroélectrochimiques seront néanmoins nécessaires pour mieux comprendre les mécanismes qui ont lieu au cours de l’oxydation du système ainsi que pour expliquer l’origine de certains couples redox tel que celui à Eox = 0,20 V, Ered = 0,14 V, observé dans le cas de CdSe-P1.